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Jeanne Bardey

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Jeanne Bardey
Portrait de Jeanne Bardey,
photographiée par Pierre Bellingard à Lyon vers 1900.
Naissance
Décès
(à 82 ans)
Lyon 6e (Rhône)
Sépulture
Nom de naissance
Jeanne Bratte
Nationalité
Activités
Autres activités
Maître
Lieu de travail
Influencée par
Conjoint
Distinction

Prix Albert Morancé (1923)

Prix Chenavard (1929)
Archives conservées par
Œuvres principales
Portrait d'Édouard Herriot

Jeanne Bardey, née Jeanne Bratte à Lyon le [3] et morte dans la même ville le , est une sculptrice, graveuse et peintre française.

Auteure d'un œuvre comptant 600 sculptures et plus de 2 000 dessins, gravures et peintures conservés au musée des Arts décoratifs de Lyon, quelques sculptures dans d'autres collections publiques et plusieurs illustrations publiées, elle est connue pour avoir été la dernière élève d'Auguste Rodin[4].

Jeanne Bardey est la fille de Jacques Bratte, marchand de meubles du cours Bourbon à Lyon, et de Marie Baron. Elle et sa sœur aînée Félicie sont les seules à survivre de leurs huit enfants.

Son mari Louis Bardey (1851-1915), peintre décorateur[Note 1] de vingt ans son aîné, qu'elle épouse en 1893, lui donne les premiers conseils. Elle commence à peindre des natures mortes par loisir. En 1894, au 14, rue Robert à Lyon, naît Henriette Bardey[5] (1894-1960).

Elle devient en 1907 l'élève de François Guiguet pour la peinture, qui fera son portrait en 1911, conservé au musée des Arts décoratifs de Lyon. Celui-ci l'encourage à pratiquer la sculpture et la recommande à Auguste Rodin. À partir de 1909, elle devient praticienne pour le compte de Rodin et interprète à sa demande ses sculptures en gravure[6].

Rodin l'accepte comme élève en sculpture en 1909. C'est à cette période que son mari, Louis Bardey, rompt avec la Société lyonnaise des beaux-arts[7]. Pourtant, Jeanne Bardey continue à sculpter et à peindre ; elle expose 67 œuvres au Salon d'automne de Lyon et occupe à elle seule une page entière du catalogue d'exposition[7]. L'auteur Hubert Thiolier dira qu'« on ne peut qu'être convaincu de la volonté de Jeanne Bardey de devenir une élève digne de Rodin. […] Elle était résolue à progresser, réalisant de 20 à 40 dessins par jour[8]. »

En 1910, après avoir participé à un grand banquet réalisé en l'honneur de Rodin, elle s'entretient avec le maire de Lyon Édouard Herriot pour exposer au Salon d'automne les dessins de son maître si admiré, Rodin. Le maire acquiesce et les dessins seront exposés entre le et le au palais Saint-Jean[7], locaux de la nouvelle bibliothèque. Elle réalise des masques de fous, des portraits d'aliénés internés en asile[4]. Elle s'initie à la fresque avec Rodin pour le nouveau musée du Luxembourg à Paris et, en 1911, elle réalise avec son mari la fresque de La Musique pour le théâtre du Conservatoire de Lyon.

Peu à peu, Jeanne Bardey se fait une place parmi les artistes du XXe siècle. Pourtant, l'année 1912 sera une période difficile pour elle : la duchesse de Choiseul, maîtresse de Rodin depuis 1907[4], voit d'un mauvais œil sa place grandissante et l'écarte du projet du Salon d'automne de la même année. Jeanne Bardey n'assiste donc pas au vernissage et retourne à Paris après la mort de son beau-père Henry Bonjour le , quatre jours seulement avant l’événement[9]. Lors de sa rencontre avec Rodin, Jeanne Bardey le voit comme un homme « las, au regard éteint, terriblement changé et surtout indifférent à son égard[9] ». Seulement 65 personnes participent à ce vernissage[9].

Vivant désormais à Paris, elle tente de reconquérir son maître et lui prouver, par ses nouvelles sculptures, qu'elle reste son élève. Elle lui écrit et Rodin vient la visiter à Paris. Il lui raconte, sans trop insister, son échec et sa rupture d'avec la duchesse de Choiseul ; Jeanne Bardey le trouve mieux qu'au moment de l'inauguration de son exposition à Lyon[10]. Les relations semblent désormais rétablies. Pourtant, l'année d'après, Rodin cède aux charmes d'une nouvelle maîtresse et se sépare de Jeanne Bardey. Cette seconde rupture, toutefois, ne l'affecte pas tant[9].

En 1914, elle expose son Nu Debout à l'Exposition internationale de Lyon, autour d'artistes les plus célèbres de l'époque comme Monet, Picasso, Matisse, Renoir et Rodin[11]. Mais cette exposition est mal accueillie par les Lyonnais, qui n’hésitent pas à critiquer négativement les artistes et même les injurier ; tandis que le maire Édouard Herriot continue à soutenir les projets[12]. Bardey continue sa vie à Lyon, mais reste perturbée.

Après la mort de son mari le , Bardey et Rodin renouent une nouvelle fois. Leur relation s'accroît encore lorsque Rodin tombe malade peu de temps après. Ils retournent tous les deux à Paris, où Rodin se sent mieux et met « bon nombre de ses affaires entre les mains de Jeanne Bardey[13] ». Mais les héritiers de Rodin se dressent contre cet héritage et font signer à un Rodin souffrant — et n'ayant plus toutes ses facultés intellectuelles[14] — un testament qui ne mentionne pas Bardey, sur lequel il est écrit qu’il « révoque toutes dispositions antérieures[13] ». Cela ne touche pas outre mesure Jeanne Bardey, qui ne pense qu'à son travail et à son maître lui-même. Elle part voyager à Florence, où elle décrit à Rodin les merveilles qu'elle y voit dans sa lettre du . Rodin, mourant, cherche « sa femme de Paris[15] ».

Après la mort de Rodin, Jeanne Bardey participe à tous les Salons d'automne de Lyon jusqu'en 1920, où elle continue de se faire reconnaître.

La reconnaissance

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Madame Bardey, Rodin et Henriette, 31 rue Campagne-Première, Paris, photographie d'Eugène Druet (vers 1915–1916), New York, Metropolitan Museum of Art.

Jeanne Bardey est rapidement remarquée des critiques Roger Marx et Camille Mauclair qui la comparent à Camille Claudel[4]. Son travail lui vaut une critique de Pierre Marcel dans la Gazette des beaux-arts : « il y a une parenté intellectuelle entre les œuvres de Mme Jeanne Bardey et les esthétiques particulières de nos célèbres sculpteurs, Joseph Bernard, Aristide Maillol et Jeanne Poupelet[16] ».

Après la mort de Louis Bardey en 1915, Rodin lui avait confié l'organisation du futur musée Rodin à l'hôtel Biron à Paris, dont elle établit les bases. Elle s'installe alors à Paris avec sa fille Henriette, le dernier grand modèle de Rodin, elle aussi sculptrice. Elle se réfugie désormais dans le travail. À Lyon, elle reçoit des artistes tels que François Guiguet, Maurice Denis ou le sculpteur lyonnais Georges Salendre.

Sa première exposition personnelle a lieu à Paris en 1921. Elle expose chaque année à Paris au Salon des indépendants et au Salon des femmes artistes modernes, ainsi qu'au Salon d'automne de Lyon.

En 1924, une plaquette de quinze estampes d'après les œuvres de Rodin sont publiées par la maison d'édition Helleu et Sergent.

Attirée par la Grèce et l'Égypte, elle y séjourne souvent, parfois accompagnée de son vieil admirateur et ami Édouard Herriot dont elle illustre Sous l'Olivier.

En 1928, elle réalise des masques dans un style qui rappelle l'art égyptien et grec. Ses masques sont exposés en 1928 à la galerie Druet à Paris[17].

En 1929, ses dessins d'aliénées sont publiés. Elle expose ses dessins de voyage. Politiquement engagée, elle est allée en URSS et en Chine pour y fonder avec sa fille une école de dessin[4]. La même année, elle expose à Lyon où elle reçoit le prix Chenavard[7]. Son Torse de femme est acquis par le musée des Beaux-Arts de Lyon.

Elle est nommée chevalier de la Légion d’honneur en 1934. Elle réalise les portraits de Nicolas de Grèce, de François Guiguet et d'Édouard Herriot. les huit bas-reliefs réalisés avec sa fille Henriette sont inaugurés à Lyon à l'hôtel des Postes qui remplace l'hôpital de la Charité. Sous l'Occupation se tient une exposition de ses œuvres à Lyon, alors qu'elle vit à Mornant avec sa fille.

Après la Seconde Guerre mondiale, elle passe tous les hivers en Égypte avec sa fille, fascinée par le Nil et l'Égypte antique, accompagnant l'égyptologue Alexandre Varille dont elles étaient devenues les assistantes.

Jeanne Bardey meurt le à Lyon.

Postérité

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En 1956, une exposition hommage lui est rendue dans l'ancienne chapelle du Lycée Ampère avec 180 sculptures qui connaît un grand retentissement[18]. Sa fille Henriette continue à enseigner dans l'académie libre dédiée à Rodin. Elle meurt au Caire d'une fièvre le et y est enterrée. Sa dépouille est transférée à Lyon le pour rejoindre celle de sa mère au nouveau cimetière de la Guillotière.

Donné à la Chambre de commerce et d'industrie de Lyon, le legs d'Henriette Bardey contenant des œuvres de sa mère, de son père et d'Auguste Rodin, est déposé dans les réserves du musée des Arts décoratifs de Lyon qui n'a pas pour vocation de les exposer. Une exposition de ses œuvres fut organisée en 1991 à la Maison de Pays de Mornant[Note 2],[4]. Une autre exposition, à la Maison Ravier à Morestel en 2001, présentait ses sculptures et ses dessins. Depuis lors, des expositions rétrospectives eurent lieu, comme « Les Lyonnais rencontrent l'Orient », du au au musée Paul-Dini à Villefranche-sur-Saône, ou encore « Jeanne Bardey, dernière élève de Rodin 1872-1954 » du au à la Maison de Pays de Mornant.

Un timbre a été émis par La Poste le et présenté en avant-première à la grande Poste de Lyon les 2 et de la même année.

Cette liste d'œuvres de Jeanne Bardey est en partie tirée de l'ouvrage d'André Vessot[19].

  • Lyon :
  • Maubeuge, jardin du lycée Pierre Forest : Adolescente, 1929, statue en bronze grandeur nature.
  • Mornant, maison de Jeanne Bardey : fresques, 1917.
  • Paris, musée d'Orsay : Femme, dit aussi Tête de la Chasteté, avant 1914, bronze[20].

Illustrations

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  • « La cigarette », Byblis, printemps 1923.
  • Quinze estampes d'après Auguste Rodin, Mme Jeanne Bardey, éd. Helleu et Sergent, 1924.
  • Déshérités, 48 planches en phototypie, 1 en trichromie, éd. Audin, 1929.
  • Pierre Louÿs, Une volupté nouvelle, illustrations de Jeanne Bardey, Éd. Ferroud, 1929.
  • Jules Lemaitre, Madame Récamier, portraits hors-texte dessinés et gravés sur cuivre par Jeanne Bardey, éd. Helleu et Sergent, 1930.
  • Édouard Herriot, Sous l'olivier, illustrations de Jeanne Bardey, éd. Émile Hazan, 1932.
  • Auguste Rodin, 1909, gravure.

Notes et références

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  1. Professeur à l'École nationale des beaux-arts de Lyon, la décoration de la salle Molière du Palais Bondy à Lyon est son œuvre.
  2. Elle y avait une résidence secondaire.

Références

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  1. « https://archives.yvelines.fr/rechercher/archives-en-ligne/correspondances-du-musee-departemental-maurice-denis/correspondances-du-musee-maurice-denis », sous le nom BARDEY Jeanne (consulté le )
  2. « https://recherches.archives-lyon.fr/ark:/18811/zn4j3vx0dg98 », sous le nom Fonds Varille-Bardey - Famille Bardey (consulté le )
  3. Archives municipales de Lyon, 3e arrondissement, année 1872, acte de naissance no 473, cote 2E916, avec mention marginale de décès
  4. a b c d e et f [doc] Article d'Hubert Thiolier, sur histoire-genealogie.com.
  5. [PDF] Chantal-Jane Buisson, Françoise Chambaud, Jean-Noël Curis et al., Lyon 6e : 1867-2017, 150 ans racontés de A à Z, Lyon, Ville de Lyon, (lire en ligne), p. 52.
  6. « Il m’a confié deux dessins pour que je les mette en gravures et aquateintes [sic] à mon idée. Il voudrait voir ce que cela donnera […] », in Lettre à François Guiguet du [réf. nécessaire].
  7. a b c et d André Vessot, « Jeanne Bardey, dernière élève d'Auguste Rodin », Histoire Généalogie,‎ (www.histoire-genealogie.com/spip.php?article2212).
  8. Hubert Thiolier, Jeanne Bardey et Rodin, Hubert Thiolier, (ISBN 978-2-9504835-3-9), page 39.
  9. a b c et d Hubert Thiolier, Jeanne Bardey et Rodin, Hubert Thiolier, (ISBN 978-2-9504835-3-9).
  10. Hubert Thiolier, Jeanne Bardey et Rodin, Hubert Thiolier, (ISBN 978-2-9504835-3-9), page 112.
  11. Hubert Thiolier, Jeanne Bardey et Rodin, Hubert Thiolier, (ISBN 978-2-9504835-3-9), page 137.
  12. Richard Cantinelli, La Gazette des Beaux-Arts, Gazette des Beaux-Arts, , page 157.
  13. a et b Ruth Butler, Rodin, la solitude du génie, Gallimard, , 350 p. (ISBN 978-2-07-073876-2)
  14. Judith Cladel, Rodin, sa vie glorieuse, sa vie inconnue, Paris, Grasset, 1936. Judith Cladel, témoin des dernières années de la vie de Rodin, y décrit le sordide ballet de capteurs d'héritages gravitant autour du vieux sculpteur diminué, lequel rédigeait alors docilement tous les testaments qu'on lui dictait.
  15. Bruno Monel, « Jeanne Bardey, une élève de Rodin sort de l'ombre », Tout Prévoir,‎
  16. Pierre Marcel, La Gazette des Beaux-Arts, .
  17. L'art et les artistes.
  18. « Jeanne Bardey, dernière élève d'auguste Rodin (10e épisode) - www.histoire-genealogie.com », sur histoire-genealogie.com (consulté le )
  19. Vessot, André,, Jeanne Bardey : dernière élève de Rodin (Lyon 1872-1954), Lyon, Éditions Bellier, 259 p. (ISBN 978-2-84631-324-7 et 2-84631-324-5, OCLC 978970722, lire en ligne)
  20. « Femme », notice sur musee-orsay.fr.

Bibliographie

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  • Camille Mauclair, « Madame Bardey », L'Art et les Artistes, 1913 (en ligne).
  • Roger Marx, « Peintres-graveurs contemporains : Mme Jeanne Bardey », La Gazette des beaux-arts, 1913 (en ligne).
  • Hubert Thiolier, Peintres lyonnais intimistes : Guiguet, Garraud, Degabriel, J. Bardey amie de Rodin, Bron, H. Thiolier, 1987.
  • Hubert Thiolier, Jeanne Bardey et Rodin : une élève passionnée. La bataille du musée Rodin, Bron, H. Thiolier, 1990 (ISBN 2950483534 et 9782950483539).
  • André Vessot, Jeanne Bardey au Musée des Beaux-Arts de Lyon, [album de photographies].
  • André Vessot, Jeanne Bardey, dernière élève de Rodin, Éditions Bellier (ISBN 978-2-84631-324-7).
  • Ruth Butler, Rodin, la solitude du génie, Gallimard, 1998.

Liens externes

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