Jeanne Granier

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Jeanne Granier
Description de cette image, également commentée ci-après
Jeanne Granier - soprano et actrice française en 1902.
Nom de naissance Marie Ernestine Jeanne Granier
Naissance
Batignolles-Monceau (Paris)
Décès (à 86 ans)
Paris 17e
Activité principale chanteuse d'opérette
comédienne
soprano
Maîtres Mme Barthe-Banderali
Ascendants Irma Granier
Distinctions honorifiques chevalier de la Légion d'honneur

Jeanne Granier est une chanteuse et comédienne française, née le à Batignolles-Monceau (aujourd'hui Paris) et morte le à Paris 17e.

Considéré comme l'une des personnalités marquantes de la vie parisienne de la fin du XIXe et du début du XXe siècle, elle a été, pour une période de 20 ans, une des plus grandes vedettes des scènes parisiennes, douée à la fois comme chanteuse et comme actrice. Elle était également très attachée au public londonien, se produisant au cours de sa longue carrière, à de nombreuses reprises dans des opérettes des pièces de théâtre.

« On peut être une excellente artiste et n'être point Jeanne Granier, parce que Jeanne Granier, c'est Jeanne Granier, c'est le sourire et c'est les larmes, c'est la fantaisie et le naturel, c'est une voix de joie et d'émotion, c'est Jeanne Granier enfin ! »

— Rozière, « Le Théâtre », Gil Blas, .

Biographie[modifier | modifier le code]

Enfance et débuts[modifier | modifier le code]

Fille de l'actrice Marie Granier dite Irma Granier, pensionnaire du Vaudeville et du Palais-Royal, et d'un père inconnu, Jeanne Granier naît le dans la commune de Batignolles-Monceau (Seine)[1], [2].

Elle est l'élève de Mme Barthe-Banderali, étudiant à la fois l'opéra-comique et la musique. Elle débute en 1873, au théâtre de la Renaissance, en remplaçant au pied levé Louise Théo dans La Jolie Parfumeuse de Jacques Offenbach.

Elle crée dans la foulée Giroflé-Girofla (1874) de Charles Lecocq, mais c'est le rôle-titre du Petit Duc du même compositeur, créé le au théâtre de la Renaissance, qui lui apporte la consécration, devenant sa « signature ». Elle rependra l’œuvre dans ce même théâtre en 1879, 1881 et 1883. Elle joue dans La Vie de bohème au théâtre de l'Odéon en 1875, interprétant l'air de Musette La Jeunesse et l'Amour (paroles d'Henri Meilhac, musique de Jules Massenet). Massenet lui compose également une chanson pour Notre-Dame de Paris en 1879 pour son apparition. Le , elle apparaît dans un spectacle au bénéfice de Bérengère et Anatole au théâtre de la Renaissance. Toujours à la Renaissance, elle crée La Marjolaine (1878) et Janot (1881) de Charles Lecocq, Belle Lurette (1880) dernière œuvre d'Offenbach, Ninetta de Raoul Pugno (1882), Madame le Diable (1882) et Fanfreluche (1883) de Gaston Serpette et bien d'autres.

Les frères Isola témoignent à son sujet : « À la Renaissance, dans Madame le Diable, un personnage de la pièce arrivait sur la scène avec une valise de petite dimension à la main. Il ouvrait cette valise et Jeanne Granier en sortait costumée en diable. Son extrême minceur lui permettait de réussir cette acrobatie. L'admirable artiste a ainsi conté ses débuts d'amusante façon : “C'est par la Renaissance que je débutais à la scène, sans être passée par le Conservatoire... Au vrai, je me destinais au classique, je travaillais pour le théâtre italien, et nul n'imaginait chez moi que je dusse “tomber” dans l'opérette…” »[3].

Elle crée Mam'zelle Gavroche de Hervé aux Variétés (1885), La Béarnaise d'André Messager aux Bouffes-Parisiens (1885), La Cigale et la Fourmi d'Edmond Audran à la Gaîté (1886) et Les Saturnales de Paul Lacôme aux Nouveautés (1887). Aux côtés de José Dupuis, chanteur-fétiche d'Offenbach, elle participe aux reprises de La Fille de madame Angot de Lecocq et Orphée aux Enfers à l'Eden-Théâtre en 1888 et de La Belle Hélène, Barbe-Bleue et La Grande-duchesse de Gérolstein d'Offenbach aux Variétés en 1890. Le compositeur Emmanuel Chabrier lui dédie sa Ballade des gros dindons (1889).

Cependant, en plein succès, sa voix lui fait défaut. Elle s'oriente alors, sur l'insistance du comédien Lucien Guitry, vers le théâtre où elle réussit à se faire une place. Elle lui donnera ainsi la réplique dans de nombreuses pièces.

En 1897, elle joue dans la pièce de Jules Renard Le Plaisir de rompre et y remporte un vif succès. Dans son Journal, Jules Renard reprend une citation de Jeanne Granier : « Moi, dit-elle, je ne suis pas comédienne. Je joue comme ça[4]. » Elle restera liée à la carrière théâtrale de cet auteur dramatique.

La célèbre « diseuse fin de siècle » Yvette Guilbert dit d'elle dans ses Mémoires : « Jeanne Granier, la grande et spirituelle comédienne, avec son bout de nez amusant. »

Le , le ministère de l'Instruction publique lui décerne la distinction de chevalier de la Légion d'honneur[2].

Elle meurt le , 88 avenue de Wagram à Paris 17e, à l'âge de 86 ans[5]. Un grand nombre de personnalités artistiques, mondaines et littéraires qui avaient connu l'époque brillante dont Jeanne Granier avait été une des vedettes les plus appréciées et les plus fêtées se réunit le en l'église Saint-François de Sales afin de rendre un dernier hommage à l'incomparable artiste. Le deuil est conduit par son fils, André Granier. Elle est inhumée dans le caveau de famille au cimetière de Montmartre (29e division)[6], mais la tombe des Granier est détruite quelques années plus tard et la concession reprise en 2010.

Vie privée[modifier | modifier le code]

Jeanne Granier vers 1900

La frontière entre le demi-monde et les coulisses des théâtres étaient assez floues et nombreuses étaient les actrices qui voyaient dans le commerce de leur charme le prolongement logique de leur carrière artistique. Courtisée par le prince de Galles, futur Édouard VII qui restera toujours parmi ses plus grands admirateurs (elle aurait été l'une de ses maîtresses de jeunesse), Jeanne Granier se forgea néanmoins la réputation de décliner toutes les propositions[réf. nécessaire].

À ce propos, le réalisateur Jean Renoir, en parlant de son père le peintre Auguste Renoir, relate cette anecdote : « L’actrice qu’il préférait était Jeanne Granier. “Un filet de voix, mais si net, si précis, si spirituel.” Le prince de Galles, futur Édouard VII d'Angleterre, ne ratait pas une représentation de Jeanne Granier aux Variétés quand il était à Paris. Le public était convaincu que son admiration pour l’étoile ne se cantonnait pas au domaine artistique. Lorsque, à la fin d’un air, les applaudissements éclataient, ils s’adressaient aussi bien au prince qu’à la chanteuse. Toute la salle se tournait vers lui pour le féliciter de son goût. Et le futur roi d’Angleterre, bon enfant, saluait la foule, nullement gêné par l’allusion, savourant cette intimité qui était parmi bien d'autres choses la marque de Paris. » Un soir, à la sortie d'une représentation au théâtre des Capucines, le prince Édouard offrit à Jeanne la rose qu'il portait à sa boutonnière. Jamais mariée, elle accouche le à Paris 16e à la villa Montmorency, 7 avenue du Square, d'un fils prénommé Xavier-Jean-André de père inconnu[7]. Elle le reconnaît à l'état-civil le [7].

Concernant la paternité d'André Granier, la chanteuse Eugénie Buffet déclare, avec une pointe d'humour: « C'était Laure Hayman (demi-mondaine célèbre) qui, fort gentiment, m'avait mis en garde contre la trop grande fécondité du beau de Merena, lequel avait la réputation justifiée de faire des enfants à toutes les jolies femmes de Paris ! Elle m'amusait beaucoup quand, me prenant par le bras, elle croyait devoir m'avertir : “Ne vous asseyez pas sur cette chaise, de Merena vient de s'y asseoir, vous auriez un enfant !” Et elle me glissait à l'oreille : “Savez-vous que le fils de Jeanne Granier est du Comte de Merena ?” Et elle ajoutait, avec un grand sérieux : “Il y en a comme ça des tas dans Paris !”[8] »

André Granier se marie à deux reprises (dont un divorce) et meurt le à Nice (Alpes-Maritimes)[7].

Répertoire[modifier | modifier le code]

Hommages[modifier | modifier le code]

En 1890, Rodolphe Piguet exécute son portrait gravé intitulé Une française de 1900.

Jeanne Granier est, par ailleurs, mentionnée dans l'œuvre de Marcel Proust À la recherche du temps perdu.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Commune supprimée le pour être intégrée à Paris.
  2. a et b « Acte de naissance », sur Ministère de la culture - Base Léonore (consulté le )
  3. Émile et Vincent Isola, Souvenirs des frères Isola : Cinquante ans de vie parisienne, recueillis par Pierre Andrieu, Flammarion, 1943.
  4. Jules Renard, Journal, ).
  5. « Acte de décès n° 1975 (vue 9/19) » registre des décès du 17e arrondissement pour l'année 1939, Archives en ligne de la Ville de Paris. Elle y est faussement dite « fille de Charles Émile Granier et d'Irma Tisseyre, époux décédés ».
  6. Cimetières de France et d'ailleurs
  7. a b et c « Acte de naissance n°819 avec mentions marginales (vue 17/31) », registre des naissances du 16e arrondissement pour l'année 1877, Archives en ligne de la Ville de Paris.
  8. Eugénie Buffet, Ma vie, mes amours, mes aventures ou Confidences recueillies par Eugène Figuière, éd. Eugène Figuière, 1930 (lire en ligne).
  9. Albert Vanloo, Sur le plateau : Souvenirs d'un librettiste (Paris, 1913).
  10. « Comœdia », sur Gallica, (consulté le )
  11. « Le Ménestrel », sur Gallica, (consulté le )
  12. « La Rampe », sur Gallica, (consulté le )

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • K. Gänzl, « Jeanne Granier », The New Grove Dictionary of Opera, Macmillan, Londres et New York, 1997.
  • J. Martin, Nos artistes des théâtres et des concerts, Paul Ollendorff, Paris, 1895.
  • D. Irvine, Massenet, une chronique de sa vie et l'époque, Amadeus Press, Portland, 1997.
  • R. Delage, Emmanuel Chabrier, Fayard, Paris, 1999.

Liens externes[modifier | modifier le code]

Sur les autres projets Wikimedia :

Image externe
Portraits de Jeanne Granier sur le site de la Bibliothèque nationale de France BnF (lire en ligne sur Gallica)