Aspects politiques et diplomatiques de l'affaire Dreyfus

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L'affaire Dreyfus a dépassé totalement sa nature judiciaire en devenant la plus grande crise politique et diplomatique du XIXe siècle. Elle va profondément et durablement couper la France en deux camps irréductibles et irréconciliables. Elle est à l'origine de la composition du paysage politique français du XXe siècle, dont les effets sont encore perceptibles aujourd'hui.

Un dîner en famille de Caran d'Ache dans le Figaro du 14 février 1898.

La France coupée en deux[modifier | modifier le code]

Les dreyfusards, soutenus surtout par des républicains radicaux, dont certains comme Clemenceau sont aussi désireux de faire oublier le scandale de Panama, puis par des socialistes jaurésiens, heureux de pouvoir vitupérer contre le jésuitisme et le militarisme, soutiennent que Dreyfus est innocent. Ou du moins condamné sans preuves et qu'il faut refaire le jugement au risque de désavouer les autorités militaires et le gouvernement républicain modéré.

Les antidreyfusards, soutenus par la majorité des conservateurs, des modérés (mélinistes) et des nationalistes, pensent soit que Dreyfus est réellement coupable, soit que la raison d'État doit l'emporter et qu'une révision du jugement n'est pas opportune dans les conditions morales et militaires de la France de l'époque.

Cependant, si les clivages sont assez nets sur le plan des grandes tendances de l'opinion ou de la presse, gauche « révisionniste » contre droite « anti-révisionniste », le partage est beaucoup moins tranché au niveau des individus. Ainsi, des catholiques (Paul Viollet) ou des conservateurs athées d'extrême droite sont « dreyfusards », car non convaincus de la culpabilité de Dreyfus et une partie importante des radicaux sont « anti-dreyfusards » par jacobinisme ou s'abstiennent prudemment tel Émile Combes ainsi que d'assez nombreux socialistes (essentiellement guesdistes) par désintérêt pour le sort d'un bourgeois militariste ou même par antisémitisme économique. Les anarchistes, tels Sébastien Faure, Séverine ou Mécislas Golberg, qui a priori n'étaient pas attendus sur ce terrain, seront parmi les premiers à se mobiliser et en première ligne.

Opportunisme politique[modifier | modifier le code]

À côté des partisans sincères de la culpabilité ou de l'innocence de Dreyfus apparaissent les dreyfusistes et les anti-dreyfusistes. Pour les uns, c'est un moyen de remettre en cause la politique des modérés d'« apaisement », entre l'Église et la République. Mais aussi de s'attaquer à l'institution militaire jugée réactionnaire (les radicaux) ou même dangereuse par essence (les socialistes). Pour les autres (monarchistes, républicains conservateurs ou cléricaux intransigeants) c'est le moyen de prendre leur revanche sur les modérés, jugés trop proches des milieux juifs, protestants ou maçons et sur leurs nouveaux alliés catholiques « ralliés ».