Article 46 de la Constitution de la Cinquième République française
Pays | France |
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Langue(s) officielle(s) | Français |
Type | Article de la Constitution |
Législature | IIIe législature de la Quatrième République française |
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Gouvernement | Charles de Gaulle (3e) |
Promulgation | 4 octobre 1958 |
Publication | 5 octobre 1958 |
Entrée en vigueur | 5 octobre 1958 |
L'article 46 de la Constitution de la Cinquième République française décrit la procédure d'adoption des lois organiques.
Texte de l'article
[modifier | modifier le code]Le texte en vigueur est le suivant :
« Les lois auxquelles la Constitution confère le caractère de lois organiques sont votées et modifiées dans les conditions suivantes :
Le projet ou la proposition ne peut, en première lecture, être soumis à la délibération et au vote des assemblées qu'à l'expiration des délais fixés au troisième alinéa de l'article 42. Toutefois, si la procédure accélérée a été engagée dans les conditions prévues à l'article 45, le projet ou la proposition ne peut être soumis à la délibération de la première assemblée saisie avant l'expiration d'un délai de quinze jours après son dépôt.
La procédure de l'article 45 est applicable. Toutefois, faute d'accord entre les deux assemblées, le texte ne peut être adopté par l'Assemblée nationale en dernière lecture qu'à la majorité absolue de ses membres.
Les lois organiques relatives au Sénat doivent être votées dans les mêmes termes par les deux assemblées.
Les lois organiques ne peuvent être promulguées qu'après déclaration par le Conseil constitutionnel de leur conformité à la Constitution. »
— Article 46 de la Constitution
Historique
[modifier | modifier le code]Alors que l'article n'avait pas été modifié jusqu'alors, la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 a réécrit le deuxième alinéa, qui était précédemment rédigé ainsi :
« Le projet ou la proposition n'est soumis à la délibération et au vote de la première assemblée saisie qu'à l'expiration d'un délai de quinze jours après son dépôt. »
— Article 46 de la Constitution (rédaction d'origine)
La nouvelle rédaction est entrée en vigueur le 1er mars 2009.
Application
[modifier | modifier le code]La Constitution de 1958 crée la catégorie des lois organiques qui, auparavant, était purement descriptive sans avoir d'effets juridiques. Au sein de la Cinquième République, les lois organiques constituent les modalités d'application de la Constitution qui se borne à déterminer les principes fondamentaux[1]. De ce fait, si elles ont une valeur inférieure à la Constitution et ne s'intègrent pas dans le bloc de constitutionnalité, elles ont une valeur supra-législative, ce qui signifie que les lois ordinaires doivent en respecter les dispositions (Conseil constitutionnel, décision 60-8 DC du 11 août 1960 sur la Loi de finances rectificatives pour 1960[2]).
Une loi organique ne peut être prise que si cela est prévu par la Constitution. Ainsi, trente articles renvoient à une loi organique pour en préciser les modalités d'application[3]. Le domaine des lois organiques est donc précisément encadré et une disposition de nature organique ne peut être présente au sein d'une loi ordinaire (décision no 84-177 DC du 30 août 1984 à propos de la loi relative au statut de la Polynésie française[4] et la décision no 87-234 DC du 7 janvier 1988 sur une loi modifiant l'article 34 de la Constitution[5]). Parallèlement, une disposition à valeur de loi ordinaire est automatiquement déclassée par le Conseil constitutionnel si elle est présente dans une loi organique (Conseil constitutionnel, décision n°75-62 DC du 28 janvier 1976 sur la loi organique relative au vote des Français établis hors de France pour l'élection du président de la République[6]).
Le quatrième alinéa prévoit que, dans le cas des lois organiques relatives au Sénat, l'Assemblée nationale ne dispose pas du dernier mot, contrairement à la norme en matière de procédure législative. Ce régime protecteur pour le Sénat a été interprété de façon restrictive par le Conseil constitutionnel puisqu'il interprète la notion de loi organique relative au Sénat comme celles qui concernent directement le Sénat (décision n° 85-195 DC du 10 juillet 1985[7]).
Le Conseil constitutionnel a accepté en 2020 que la « circonstance particulière » que constitue le régime d’état d’urgence sanitaire puisse justifier une dérogation aux règles de délais prévues au deuxième alinéa[8]. Cette décision contredit la position défendue par Jérôme Solal-Céligny, co-rapporteur au Conseil d’État du projet de constitution en 1958, pour qui un délai de réflexion obligatoire aurait permis d’éviter un vote « à la sauvette » sur un sujet grave, et de laisser le temps à l’opinion publique de s’emparer de la question[9],[10]. À ce titre, pendant l’examen du projet de loi constitutionnelle de protection de la Nation en 2015, certains députés du groupe écologiste avaient estimé que fixer les modalités de l’état d’urgence par la loi organique plutôt que par la loi ordinaire aurait permis d’éviter des modifications en urgence de ce régime d’exception[11]. Le professeur de droit public Paul Cassia a ainsi estimé que le Conseil constitutionnel, par cette décision, créait une brèche dans l’État de droit, position contestée par le Conseil constitutionnel[12].
Notes
[modifier | modifier le code]- « Décision n° 85-197 DC du 23 août 1985 », Conseil constitutionnel (consulté le )
- « Décision n° 60-8 DC du 11 août 1960 », Conseil constitutionnel (consulté le )
- Avril, Gicquel et Gicquel 2014, p. 288
- « Décision n° 84-177 DC du 30 août 1984 », Conseil constitutionnel (consulté le )
- Guy Carcassonne et Marc Guillaume, La constitution : 14e édition, Seuil, , « Article 46 »
- « Décision n° 75-62 DC du 28 janvier 1976 », Conseil constitutionnel (consulté le )
- « Décision n° 85-195 DC du 10 juillet 1985 », Conseil constitutionnel (consulté le ). En l'occurrence, il s'agissait d'une loi modifiant le nombre de députés qui avait pour conséquence de modifier la composition du collège élisant le Sénat.
- Décision no 2020-799 DC du , Loi organique d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19. [lire en ligne], dans le contexte de la pandémie de maladie à coronavirus de 2020
- Documents pour servir à l’histoire de l’élaboration de la Constitution du 4 octobre 1958, vol. III, La Documentation française, , p. 142 :
.« Un délai de réflexion obligatoire de quinze jours entre le dépôt et le début de la première discussion […] est destiné à éviter que l’on ne vote une telle loi, en quelque sorte, à la sauvette. Et aussi, éventuellement, pour que l’opinion publique puisse s’emparer de la question et faire connaître aux parlementaires ses inquiétudes, au moins par la voie de la presse »
- Julien Jeanneny, « La non-théorie des « circonstances particulières » : Commentaire de l’arrêt Conseil constitutionnel, 26 mars 2020, Loi organique d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, n° 2020-799 DC », Actualité juridique : Droit administratif, Dalloz, vol. 76, no 15, , p. 843-848
- Voir par exemple l’intervention de Cécile Duflot au cours de la première séance publique du à l’Assemblée nationale. [lire en ligne]
« Nous avons également regretté le refus de la commission des lois de prévoir que la loi qui fixera les modalités de l’état d’urgence, non son déclenchement ou sa prolongation, serait une loi organique et non une loi simple. En novembre, lors de la prolongation de l’état d’urgence, nous avons modifié ce régime en toute hâte – en presque 48 heures –, en l’alourdissant de mesures importantes comme le blocage administratif des sites internet, l’extension des possibilités de dissolution d’associations ou le placement sous surveillance électronique des assignés à résidence – je l’avais relevé lors des débats. Ces ajouts ont été faits dans des délais très brefs, pour que le Parlement ne puisse pas pleinement prendre conscience de l’ampleur des changements votés. »
- Jean-Baptiste Jacquin, « Coronavirus : L’état d’urgence sanitaire ouvre des brèches dans l’État de droit », Le Monde, (lire en ligne, consulté le )
Sources
[modifier | modifier le code]- Pierre Avril, Jean Gicquel et Jean-Éric Gicquel, Droit parlementaire, Issy-les-Moulineaux, LGDJ, Lextenso éditions, coll. « Domat / Droit public », , 398 p. (ISBN 978-2-275-04151-3, BNF 44222558)