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Hypnos

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Hypnos
Mythologie grecque et romaine
Copie romaine du IVe siècle av. J.-C. d'une tête d'Hypnos en bronze, découverte à :Civitella d'Arna (en) et conservée au British Museum.
Copie romaine du IVe siècle av. J.-C. d'une tête d'Hypnos en bronze, découverte à Civitella d'Arna (en) et conservée au British Museum.
Caractéristiques
Nom grec ancien Ὕπνος (Húpnos)
Fonction principale Personnification du Sommeil
Lieu d'origine Grèce antique
Période d'origine Antiquité grecque
Associé(s) Nyx, Thanatos, ses fils les Oneiroi
Famille
Mère Nyx
Fratrie Thanatos, Géras, Némésis, Moros, Momos, Charon
Conjoint Pasithée
• Enfant(s) Oneiroi (mille dieux des songes dont Morphée, Icélos ou Phobétor, Phantasos)
Symboles
Attribut(s) Couronne de pavots
Végétal Pavots

Dans la mythologie grecque, Hypnos (en grec ancien Ὕπνος / Húpnos) est le dieu du sommeil, l'équivalent de Somnus chez les Romains. Il est le fils de Nyx et le frère jumeau de Thanatos, la personnification de la Mort. Il est aussi le père de Morphée, dieu des rêves et des Songes. Ses attributs sont le pavot et la corne[1].

Étymologie

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En grec ancien, Hypnos se nomme Ὕπνος / Húpnos, soit littéralement le « sommeil » (ὕπνος / úpnos) personnifié[2]. Ce nom trouve son origine dans la racine proto-indo-européenne *sup-no-, qui signifie « sommeil »[3]. Il est ainsi lié à d'autres termes anciens désignant le sommeil, comme le latin somnus ou le sanskrit svapna[3].

Mythe antique

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Fils de Nyx, la Nuit, il est aussi selon l’Iliade le frère jumeau de Thanatos, la Mort[4].

Selon Hésiode, il vit dans les terres inconnues de l'Ouest[5] et « Il voltige tranquillement, plein de douceur pour les mortels ».

Chez Homère, il habite Lemnos[6], et peut se métamorphoser en oiseau de nuit[1]. Les scholiastes d'Homère se sont interrogés à ce sujet. Selon certains, les Lemniens appréciaient beaucoup le vin, ils accueillaient donc Hypnos avec plaisir. Selon d'autres, Hypnos était amoureux de Pasithée, l'une des Charites, qui habitait cette cité. Peut-être enfin Hypnos était-il honoré à Lemnos.

Il peut endormir aussi bien les hommes que les dieux. Hypnos endort les hommes et les dieux en éventant ses ailes ou en les touchant de sa baguette magique[1]. Ainsi, au chant XIV de l’Iliade, Héra lui demande d'endormir Zeus en personne, afin que Poséidon puisse aider les Grecs malgré l'interdiction du maître de l'Olympe. Elle l'appelle « maître des hommes et des dieux ». Hypnos admet qu'il peut endormir tous les dieux, même Océan. Il rappelle aussi qu'il a déjà endormi Zeus, déjà à la demande d'Héra, afin que celle-ci puisse faire périr Héraclès. Rageur, Zeus avait tenté de le jeter du haut de l'Olympe, et Hypnos n'avait dû son salut qu'à sa mère Nyx. Sur la promesse d'Héra de lui donner la main de Pasithée, Hypnos se laisse fléchir. Il se change en oiseau et, encore une fois, endort Zeus.

Hypnos, sur les tombeaux, désigne l'éternel Sommeil.

Hypnos est parfois représenté sur les sarcophages, sous l'aspect d'un jeune garçon endormi ayant son bras appuyé sur une lampe renversée[1].

Hypnos est également considéré comme le gardien de la nuit, qui reste éveillé quand le monde est endormi.

Hypnos (gauche) et Thanatos (droite) portent le corps de Sarpédon sous le regard d'Hermès, cratère d'Euphronios, daté de environ[7]

Homère fait mention de Hypnos dans l’Iliade, pendant l'épisode de la mort de Sarpédon.

« Purifie Sarpédon, hors de la mêlée, du sang noir qui le souille. Lave-le dans les eaux du fleuve, et, l'ayant oint d'ambroisie, couvre-le de vêtements immortels. Puis, remets-le aux jumeaux rapides, Hypnos et Thanatos, pour qu'ils le portent chez le riche peuple de la grande Lycie. »

Dans sa Théogonie, Hésiode en parle ainsi :

« Là demeurent les enfants de la Nuit obscure, le Sommeil et la Mort, divinités terribles que le soleil resplendissant n'éclaire jamais de ses régions, soit qu'il monte vers le ciel, soit qu'il en redescende. Le Sommeil parcourt la terre et le vaste dos de la mer en se montrant toujours paisible et doux pour les humains[8]. »

Représentations

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Hypnos et Thanatos portant Sarpédon, lécythe attique à fond blanc, v. , British Museum (Vase D 56).

Hypnos apparaît dans de nombreuses œuvres d'art, dont la plupart sont des vases. Il apparait dans des scènes illustrant ses propres mythes mais également dans les illustrations de scènes où un personnage est endormi, même quand les textes ne précisent pas sa présence, en tant que personnification du sommeil.

Un exemple de vase sur lequel figure Hypnos est intitulé Ariane abandonnée par Thésée, qui fait partie de la collection du musée des Beaux-Arts de Boston. Sur ce vase, Hypnos est représenté comme un dieu ailé versant de l'eau léthéenne sur la tête d'Ariane pendant qu'elle dort[9]. Ce thème d'Hypnos auprès d'Ariane endormie apparait également sur une fresque retrouvée à Pompéi.

On ne connaît que trois statues en bronze représentant Hypnos dans le monde romain. La première a été découverte au milieu du XIXe siècle à Civitella d'Arna (en) (Italie) et est conservée au British Museum de Londres depuis 1868. Cette tête en bronze présente des ailes surgissant de ses tempes, et ses cheveux sont richement arrangés, certains noués et d'autres tombant librement sur sa tête[10]. La deuxième, un torse, a été découverte à Jumilla (Espagne) en 1893 et est aujourd’hui exposée dans la collection d’antiquités de Berlin. La découverte la plus récente a eu lieu en 1988 à Almedinilla (également en Espagne), où une statue en bronze presque intacte de Hypnos a été trouvée dans une villa romaine datant du IIe siècle après J.-C. Elle est conservée au musée local d’Histoire et d’Archéologie. Le Musée national romain de la capitale italienne conserve une tête en marbre de Hypnos découverte dans la Villa d’Hadrien, construite vers l’an 120 après J.-C. par l’empereur Hadrien à Tivoli, comme lieu de retraite non loin de Rome.

Postérité après l'Antiquité

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L'incarnation du sommeil

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Hypnos est un thème réccurent dans la peinture occidentale de la période moderne, figure puissante voir seigneur apportant le sommeil sur le monde, sur les puissants ou les modestes. Souvent accompagné de sa mère la Nuit, il peut apparaitre comme un homme jeune ou plus rarement comme une figure plus âgée. Représenté souvent avec des ailes sur le dos ou sur la tête, il peut tenir des coquelicots dans les bras, quand il n'est pas couronné de ceux-ci.

Hypnos et Thanatos

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Hypnos et son frère Thanatos représentés ensemble est un sujet réccurent depuis l'antiquité. Il est interprété de plusieurs façons par les artistes. Parfois, comme chez Füssli ou Lévy, les peintures peuvent illustrer le passage de l'Illiade ou les deux frères portent Sarpédon, thème artistique hérité de l'antiquité. D'autres fois, les peintures mettent en exergue le lien entre les frères, la ressemblance entre le sommeil et la mort et leur lien avec l'obscurité/la nuit, leur mère, qui peut être la nuit du sommeil ou la nuit éternelle de la mort. Un des exemples les plus connus est la peinture de John William Waterhouse, peinte après la mort de ses frères cadets de la tuberculose[11]. Malgré leurs poses similaires, le personnage au premier plan, le Sommeil, est baigné de lumière, tandis que son frère la Mort est plongé dans l'obscurité[12]. La personnification du Sommeil serre des coquelicots, symboles de narcose et d'états oniriques[13].

Littérature

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Le poète et résistant français René Char, dont le pseudonyme de guerre est le Capitaine Alexandre, écrit le Carnet d'Hypnos entre 1943 et 1944, lorsqu'il est résistant à Céreste pendant la Seconde Guerre mondiale. Il publie après la guerre, en 1946, son recueil Les Feuillets d'Hypnos, qui est constitué de notes du Carnet d'Hypnos et de réécritures. Dans les années 1943-1944, René Char, alors à la tête du Service Action Parachutage de la zone Durance, se surnommait « Hypnos » considérait comme celui qui veillait sur son peuple dans la nuit de la Seconde Guerre mondiale ainsi que la Résistance en sommeil mais prompte à s’éveiller à tout moment[réf. souhaitée].

Hypnos est également le titre d'une nouvelle d'Howard Phillips Lovecraft[14].

Mots dérivés

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Le mot français « hypnose », comme son homologue anglais « hypnosis », est dérivé de son nom, faisant référence au fait que lorsqu'elle est hypnotisée, une personne est mise dans un état de sommeil (hypnose « sommeil » + -osis « condition »)[15]. La classe de médicaments connus sous le nom d'« hypnotiques » qui induisent le sommeil tire également son nom d'Hypnos.

L'astéroïde (14827) Hypnos porte son nom. La lune transneptunienne Somnus, satellite de Mors, a été baptisée selon le nom romain de cette divinité.

Notes et références

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  1. a b c et d Joël Schmidt, Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine, Paris, Larousse, , 366 p. (ISBN 9-782035-936318), p. 179.
  2. Gérard Gréco et al., « ὕπνος », sur Bailly,‎ (consulté le ).
  3. a et b (en) Robert Beekes (en) et Lucien van Beek, Etymological dictionary of Greek, Leyde et Boston, Brill, , 1808 p. (ISBN 978-90-04-32186-1, lire en ligne), « ὕπνος », p. 1535.
  4. Homère, Iliade [détail des éditions] [lire en ligne] (XVI, 671).
  5. Hésiode, Théogonie [détail des éditions] [lire en ligne] (759).
  6. Iliade, XIV, 230–231.
  7. LIMC, p. 697; Digital LIMC 9752 (Sarpedon 4).
  8. « HÉSIODE : LA THÉOGONIE (traduction) », sur remacle.org (consulté le ).
  9. "Ancient Greek Art: Ariadne Abandoned by Theseus." Ancient Greek Art: Ariadne Abandoned by Theseus. N.p., n.d. Web. 15 Oct. 2013.
  10. (en) « statue », sur britishmuseum.org, British Museum (consulté le ).
  11. « Sleep and his Half-brother Death » [archive du ], johnwilliamwaterhouse.com (consulté le )
  12. Meir H. Kryger, Atlas of Clinical Sleep Medicine: Expert Consult - Online, Elsevier Health Sciences, (ISBN 978-0-323-28917-7, lire en ligne), p. 61
  13. Lois E. Krahn, Michael H. Silber et Timothy I. Morgenthaler, Atlas of Sleep Medicine, CRC Press, (ISBN 978-1-84184-763-4, lire en ligne), p. 5
  14. (en) Steven J. Mariconda, H. P. Lovecraft : Art, Artifact, and Reality, New York, Hippocampus Press, , 308 p. (ISBN 978-1-61498-064-3, présentation en ligne), « "Hypnos" : Art, Philosophy, and Insanity », p. 162-167.
  15. « Hypnosis | Define Hypnosis at Dictionary.com », Dictionary.reference.com (consulté le )

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Bibliographie

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Dictionnaires et encyclopédies

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  • Joël Schmidt, Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine, Paris, Larousse, , 366 p. (ISBN 9-782035-936318), p. 179.
  • Clémence Ramnoux, La Nuit et les enfants de la Nuit dans la tradition grecque, Paris, Flammarion, .
  • (de) Georg Wöhrle, Hypnos, des Allbezwinger. Eine Studie zum literarischen Bild des Schlafes in der griechischen Antike, Stuttgart, Steiner, coll. « Palingenesia » (no 53), .

Liens externes

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