Antoine de Lorraine
Antoine de Lorraine | |
![]() Portrait d'Antoine le Bon par Hans Holbein le Jeune, 1543, Gemäldegalerie (Berlin). | |
Titre | |
---|---|
Duc de Lorraine et de Bar | |
– (35 ans, 6 mois et 4 jours) |
|
Prédécesseur | René II |
Successeur | François Ier |
Biographie | |
Dynastie | Maison de Lorraine |
Date de naissance | |
Lieu de naissance | Bar-le-Duc |
Date de décès | (à 55 ans) |
Lieu de décès | Bar-le-Duc |
Père | René II de Lorraine |
Mère | Philippe de Gueldre |
Conjoint | Renée de Bourbon-Montpensier |
Enfants | François Ier ![]() Anne Nicolas Jean Antoine Élisabeth |
|
|
![]() |
|
modifier ![]() |
Antoine de Lorraine, dit le Bon, né le à Bar-le-Duc et mort le à Bar-le-Duc, fut duc de Lorraine et de Bar de 1508 à 1544 et duc titulaire de Gueldre de 1538 à 1541. Il était fils de René II, duc de Lorraine et de Bar et de Philippe de Gueldre.
Biographie
[modifier | modifier le code]Il fut envoyé en France et élevé à la cour de Louis XII, roi de France avec ses frères Claude, Jean et François. Antoine s'y était lié d'amitié avec son cousin le duc d'Angoulême, futur roi François Ier. Les princes Claude et François s'illustrèrent au service de la France. Le prince Jean de Lorraine (1498-1550), troisième de la fratrie, embrassa une carrière ecclésiastique. Archétype du prince prélat de la Renaissance, ce dernier cumula dès sa petite enfance les dignités et bénéfices ecclésiastiques et fut avec le connétable de Montmorency l'homme le plus puissant de France.
Le prince Antoine a dix-neuf ans à la mort de son père et sa mère Philippe de Gueldre revendique la régence, mais les États de Lorraine déclarèrent qu'Antoine était en âge compétent et qualifié pour être hors de tutelle. Prince du Saint-Empire romain germanique , Antoine, en tant que duc de Bar, est vassal du roi de France pour les terres sises à l'ouest de la Meuse (Barrois mouvant). Aussi, en 1509, il accompagna Louis XII dans les guerres d'Italie. Il confia ses duchés à sa mère et à l'évêque de Toul Hugues des Hazards. Il prit part à la bataille d'Agnadel le . À partir de cette campagne, son médecin personnel est Symphorien Champier, qu'il fait chevalier à Marignan[1].
Après la mort de Louis XII, il assista au sacre de François Ier à Reims puis l'accompagna derechef en Italie. Il participa à la bataille de Marignan, les 14 et . Mais, pris par des problèmes intérieurs à la Lorraine, il ne prit pas part aux expéditions suivantes et ne participa pas à la bataille de Pavie (1525), où tomba son frère François, comte de Lambesc.
À partir de 1518, depuis la diffusion des écrits de Martin Luther, les idées de la Réforme commençaient à pénétrer le nord de l'espace lorrain. Au tournant des années 1520, elles recueillaient un écho significatif dans la ville libre de Metz, république du Saint-Empire en partie enclavée dans les terres ducales[2] ; mais également dans le Bailliage d'Allemagne, suite entre autres, aux prêches du "moine luthérien" Musculus. Issu d'une famille princière marquée par un catholicisme fervent, le duc publie le un édit interdisant toute prédication visant une réforme de l'Église, et ordonnant la saisie des écrits allant dans ce sens. Au début de l'année 1525, Jean Châtelain, un prédicateur exfiltré de Metz, est conduit au bûcher à Vic-sur-Seille (alors capitale de l'évêché de Metz), pour hérésie. Au printemps de la même année, le duché est impacté par la guerre des Paysans du Saint-Empire (appelée également "révolte des Rustauds"). Cette "révolution de l'homme du commun[3]" triomphe alors dans l'Alsace rurale, dans l'est du Westrich (vallée de la Sarre), ainsi que dans le nord-est de la Franche-Comté. Inspirés par les revendications religieuses et sociales résumés par le manifeste des XII articles, de nombreux sujets d'Antoine rejoignirent l'insurrection cirshénane de 1525[4] qui enflamma l'ouest du Rhin moyen. Ils étaient essentiellement originaires de l'est du bailliage d'Allemagne, mais également d'Alsace, à savoir de la Marche de Marmoutier, de Saint-Hippolyte et du Val-de-Lièpvre[5].

Indigné par les revendications politiques, profondément outré par la nature de la prédication réformatrice, inquiet des affinités de la population du versant ouest des Vosges avec l'insurrection[6], Antoine décida de répliquer avec la dernière sévérité. Afin de rétablir l'ordre seigneurial et princier, et surtout, de sauver le catholicisme sur ses terres, il décréta la mobilisation générale dans les duchés[2]. Cependant, l'armée ducale se révélant trop faible pour réduire le soulèvement, il fit appel à son frère, le comte Claude de Guise, général d'une armée française alors stationnée en Champagne pour prévenir une invasion impériale. Grâce à ce renfort (entre dix mille et douze mille hommes, avec cavalerie et artillerie), il entreprit une campagne implacable dans le Westrich et en Alsace[7]. Ce corps expéditionnaire comptait un certain nombre de gentilshommes et de mercenaires lorrains, mais surtout des soldats issus de France et d'autres provinces du Saint-Empire, ainsi que des fantassins espagnols, italiens, et des cavaliers albanais. Le duc fut également rejoint par ses autres frères, le cardinal Jean de Lorraine et Louis, comte de Vaudémont, et par le comte de Nassau-Sarrebruck[2]. Après avoir mis en fuite les insurgés du Westrich, l'armée d'Antoine pénétra en Alsace, encercla Saverne le et brûla Lupstein le . Le 17 mai, la reddition des insurgés piégés dans Saverne se solda par un massacre. Après le pillage de la ville, le corps expéditionnaire se dirigea vers Marmoutier, puis Molsheim. Au cours d'une bataille entre les villages de Scherwiller et de Châtenois, l'armée ducale battit et massacra une armée d'insurgés locaux, le . Le duc Antoine et sa suite regagnèrent Nancy le [2]. Dès son retour, le duc remercia les troupes de Claude de Guise, puis ordonna une vaste enquête dans ses possessions du bailliage d'Allemagne et d'Alsace, afin d'identifier ses sujets qui avaient pris le parti de l'insurrection[8]. Son secrétaire, Nicolas Volcyr de Serrouville, fit le récit de la campagne, en l'interprétant comme une glorieuse croisade, entreprise pour sauver la chrétienté face à une submersion hérétique[9].
Par héritage et achats, Antoine agrandit le duché. À partir de 1525, il préféra rester neutre dans les guerres qui opposaient le roi de France François Ier à l'empereur Charles Quint. Par le traité de Nuremberg du , il réussit à obtenir de l'empereur Ferdinand Ier un statut de large autonomie du duché de Lorraine, qui passa du statut de vassalité à celui de simple protectorat[10]. Mais il subsistait un problème qui l'inquiétait : après Pavie, François Ier avait renoncé au Milanais et à Naples. L'Italie cessait d'être un champ de bataille entre les deux monarques mais l'empereur étant également prince des Pays-Bas, les conflits risquaient de se porter entre Rhin et Meuse. Les duchés de Lorraine et de Bar se trouvaient pris en étau entre les deux puissances.
Antoine tenta des démarches auprès des deux souverains pour que ses terres soient épargnées mais sans succès. La popularité grandissante des thèses réformatrices se manifestant à nouveau sur ses terres, il promulgua un nouvel édit d'interdiction en 1539. Il mourut de maladie en 1544, peu après avoir atteint l'âge de 55 ans. Son fils, filleul du roi Francois Ier de France, lui succéda sous le nom de François Ier. Fidèle à sa politique de neutralité, le duc Antoine lui avait fait épouser en 1541 Christine de Danemark, nièce de l'Empereur.
Ascendance
[modifier | modifier le code]Mariage et enfants
[modifier | modifier le code]Il avait épousé en 1515 Renée de Bourbon-Montpensier (1494 † 1539), fille de Gilbert de Bourbon, comte de Montpensier, et de Claire Gonzague, et sœur du connétable de Bourbon. Ce mariage lui apportait en dot le comté de Mercœur. Ils avaient eu :
- François Ier (1517 † 1545), duc de Lorraine et de Bar, épouse en 1541 Christine de Danemark (1521-1590) ;
- Anne (1522 † 1568), mariée en 1540 à René de Chalon, prince d'Orange (1519 † 1544), puis en 1548 à Philippe II (1496 † 1549) duc de Croy-Aerschot ;
- Nicolas (1524 † 1577), évêque de Metz puis comte de Vaudémont et duc de Mercœur, trois mariages dont postérité. Corégent (1545/1552) puis régent (1552/1559) des duchés ;
- Jean (1526 † 1532) ;
- Antoine (1528 † jeune) ;
- Élisabeth (1530 † jeune).
Le lit d'Antoine de Lorraine
[modifier | modifier le code]Le lit d'Antoine de Lorraine et de Renée de Bourbon-Montpensier qui pourrait avoir été exécuté pour leur mariage en 1515, est un « exemple unique de lit d'apparat du XVIe siècle parvenu à nos jours[11] ». Le châlit (ou « bois de lit »), monté en « lit à quenouilles » depuis le XIXe siècle[12] et plus récemment garni de courtines, est exposé au musée national de la Renaissance, à Écouen.
-
Lit d'Antoine de Lorraine, bois de lit sculpté, peint et doré, XVIe siècle, Mobilier national, déposé au Musée lorrain, à Nancy. Carte postale du premier tiers du XXe siècle.
-
Lit d'Antoine de Lorraine garni de tentures, au musée de la Renaissance, Écouen (prêt du Musée lorrain).
Sigillographie
[modifier | modifier le code]
De son vivant, Antoine de Lorraine est représenté sur plusieurs sceaux médiévaux. Sur celui-ci, le duc est monté sur un cheval lancé au galop vers la droite, richement armé, le casque cimé d'un alérion, tenant l'épée haute de la main droite et se couvrant de la gauche d'un écu aux armes pleines de Lorraine de six quartiers (coupé, parti en chef de 4, au 1 de Hongrie, au 2 d'Anjou-Sicile, au 3 de Jérusalem, au 4 d'Aragon, parti en pointe d'Anjou et de Bar), l'écusson de Lorraine brochant sur le tout. Ces armes s'observent sur les deux parties du caparaçon : sur la croupe et le poitrail. Le cheval porte en outre quatre plumes d'autruche au frontail. Le sol est caillouteux et fleuri. Au-dessus, le champ est semé de croix de Lorraine[13].
La légende, en latin est la suivante « SIGILLUM ANTHONII DEI GRATIA CALABRIE LOTHORINGIE ET BARRI DUCIS PONTIS MONTIONIS MARQUIONIS PROVINCIE VAUDEMONTIS COMITIS ». Elle signifie, en français « sceau d'Antoine, par la grâce de Dieu duc de Calabre, de Lorraine et de Bar, marquis de Pont-à-Mousson, comte de Provence et de Vaudémont. »[13]
Notes et références
[modifier | modifier le code]- ↑ André Pelletier, Jacques Rossiaud, Françoise Bayard et Pierre Cayez, Histoire de Lyon : des origines à nos jours, Éditions Lyonnaises d'Art et d'Histoire, 2007, Lyon, (ISBN 978-2-84147-190-4), page 326.
- Guy Cabourdin : Histoire de la Lorraine. Les Temps Modernes, 1. 1 : De la Renaissance à la guerre de Trente Ans, Éditions Serpenoise - PUF, Nancy, 1991 (p.40-46).
- ↑ Paul Christophe Abel, La guerre des Paysans en Lorraine, ses suites en Alsace et dans la proche Rhénanie, Metz, Les Paraiges, collection Terre d'entre-deux, , 364 p. (ISBN 978-2-37535-195-6), p. 89-94.
- ↑ Paul Christophe Abel, Paysans en guerre, l'enquête du duc de Lorraine - 1525, Strasbourg, Société Savante d'Alsace, collection "Recherches et documents" n° 92, , 226 p. (ISBN 9782904920547)
- ↑ Paul Christophe Abel, Paysans en guerre, l'enquête du duc de Lorraine - 1525, Strasbourg, Société Savante d'Alsace, collection "Recherches et documents", tome 92, , 226 p. (ISBN 978-2-904920-54-7), p. 53-56.
- ↑ Philippe de Vigneulles, Les chronique de la ville de Metz, Metz, S. Lamort, 10, rue du palais, (lire en ligne), p. 820.
- ↑ Georges Bischoff, La guerre des Paysans. L'Alsace et la révolution du Bundschuh, Strasbourg, La Nuée Bleue, , 502 p. (ISBN 978-2-7165-0755-4), p 181-206.
- ↑ Paul Christophe Abel, Paysans en guerre, l'enquête du duc de Lorraine - 1525, Strasbourg, Société Savante d'Alsace, , 226 p. (ISBN 978-2-904920-54-7), p. 23-31.
- ↑ Denis Crouzet, « Un texte fondateur ? Note sur l’Histoire et recueil de la triumphante et glorieuse victoire... », dans Foi, fidélité, amitié en Europe à la période moderne (Mélanges offerts à Robert Sauzet), tome II, Tours, Presses Universitaires François-Rabelais, (lire en ligne), p. 311-331.
- ↑ Antoine FERSING, Idoines et suffisants. Les officiers d’État et les droits du Prince en Lorraine ducale (Débuts du XVIe siècle – 1633), Strasbourg, thèse de l’Université de Strasbourg, , p. 45-48.
- ↑ Thierry Crépin-Leblond, In : France 1500 : Entre Moyen Age et Renaissance, catalogue de l'exposition du Grand Palais à Paris, 6 octobre 2010-10 janvier 2011, Paris Réunion des Musées nationaux, 2010, p. 307.
- ↑ Edmond Bonnaffé, Le meuble en France au XVIe siècle, Paris, J. Rouam, 1887, pp. 201-203 (en ligne).
- Philippe Jacquet, « Antoine de Lorraine - sceau - Duc de Calabre - 1501/1538 »
, sur https://sigilla.irht.cnrs.fr/, (consulté le )
Voir aussi
[modifier | modifier le code]Bibliographie
[modifier | modifier le code]- Paul Christophe Abel, La guerre des Paysans en Lorraine, ses suites en Alsace et dans la proche Rhénanie, Metz, Éditions Les Paraiges, collection Terre d'entre-deux, 2024.
- Paul Christophe Abel, Paysans en guerre, l'enquête du duc de Lorraine - 1525, Strasbourg, Société Savante d'Alsace, collection "Recherches et documents" n° 92, 2024.
- Henry Bogdan, La Lorraine des ducs, sept siècles d'histoire, Perrin, [détail des éditions] (ISBN 2-262-02113-9)
- Guy Cabourdin, Histoire de la Lorraine. Les Temps Modernes, 1. 1 : De la Renaissance à la guerre de Trente Ans, Éditions Serpenoise - PUF, Nancy, 1991.
- Muriel Barbier et Pierre-Hippolyte Pénet, « Le lit du duc Antoine de Lorraine et de la duchesse Renée de Bourbon : une nouvelle vie grâce au numérique », In Situ [En ligne], 40 | 2019, mis en ligne le 15 septembre 2019, consulté le 29 janvier 2023. URL : http://journals.openedition.org/insitu/24089 ; DOI : https://doi.org/10.4000/insitu.24089
- Portait du Duc de Lorraine Antoine le Bon, par Kévin Goeuriot. Historien de la Lorraine, écrivain et professeur d’histoire-géographie.
Liens externes
[modifier | modifier le code]- Ressource relative à la musique :
- Ressource relative aux beaux-arts :
- Notices dans des dictionnaires ou encyclopédies généralistes :