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« Fantasia (cavalerie) » : différence entre les versions

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{{Portail|équidés|histoire militaire|Maghreb|Berbères}}
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Version du 16 juillet 2010 à 08:17

La fantasia désigne différents spectacles équestres traditionnels simulant des assauts militaires, pratiqués essentiellement au Maghreb, où elle est appelée « jeu de la poudre » ou « jeu des chevaux ». Elle prend le plus souvent la forme d’évolutions équestres au cours desquelles des cavaliers, munis de fusils à poudre noire et chevauchant des montures richement harnachées, simulent une charge de cavalerie dont l’apothéose est le tir coordonné d’une salve de leurs armes à feu.

Fantasia exécutée à Bni Drir, Maroc, par un groupe de cavaliers, photographiées au moment du tir de la salve de fusils.
Fantasia à Bni Drar (Maroc, juillet 2010)

Héritière de l’art équestre arabo-turco-berbère, sa pratique est attestée depuis le xvie siècle. Signalée à la fin du xviiie siècle par les témoignages de voyageurs au Maghreb, elle sera formellement connue, et prendra ce nom de fantasia, dès 1832, grâce à Eugène Delacroix et les tableaux qu’il en fait.

La fantasia accompagne le plus souvent les fêtes importantes (mariages, naissances, fêtes religieuses, etc.), même si l’aspect touristique l’emporte largement de nos jours.

Étymologie

Jeune cavalier au fusil ou La fantasia, Étienne Dinet (vers 1900).

Les spectacles désignés au Maghreb sous les vocables de laâb el Baroud ou lab-el-baroud[1],[2] (لعب البارود en arabe, soit « jeu de la poudre »[3]), ou laâb el-kheil[4],[5],[6] (لعب الخيل en arabe, soit « jeu des chevaux »), héritent du nom de fantasia suite à une méprise.

Le terme vient selon une première version du mot grec phantasia (φαντασια), passé par le bas latin et l'italien, désignant un « spectacle imaginaire » et une « faculté de concevoir des images »[7],[8] ou, selon une autre version, du mot d'origine espagnole fantasía signifiant « imagination », mais aussi « vanité, arrogance »[9],[10]. Il entre dans les parlers maghrébins, où il prend le sens de « panache, gloire ». C'est le peintre français Eugène Delacroix qui donne par erreur le sens de « spectacle équestre » à ce terme[11],[10]. André Lanly avance l’hypothèse que « le peintre a pu prendre le qualificatif pour le nom, le noter sur son dessin ou dans sa mémoire et le reprendre par la suite »[11].

Selon une autre version, l’utilisation du mot fantasia viendrait d’une confusion entre deux mots en arabe classique construits sur la même racine verbale trilitérale, khayal (signifiant « imagination ») et khayyal (signifiant « cavaliers »)[12].

Le mot a un temps été écrit phantasia[10],[13] ou fantazia[14].

Histoire

Gravure rupestre du sud orantes représentant un cheval
Gravure préhistorique du sud oranais représentant un cheval, ancêtre du barbe.

L’histoire de la fantasia est celle de la rencontre en terre nord-africaine de l’Homme et du cheval. Les restes osseux d'Equus Caballus algericus datant d’il y a 40 000 ans, aux temps préhistoriques, ou plus récemment, les dessins rupestres de l’Atlas saharien datant de 9 000 ans av. J.-C., attestent de la présence du cheval au Maghreb, un ancêtre de l’actuelle race chevaline indigène, le barbe[15].

Docile, rustique, endurant, mais surtout rapide, ce cheval fera la gloire des cavaliers numides, considérés à l'époque des guerres puniques comme les meilleurs cavaliers du monde[16], grâce notamment à la technique de combat par harcèlement à base de charges et de replis rapides qu’ils ont développée[17]. On retrouve plus tard cette même tactique d’attaque et de fuite (appelée el-kerr ul-ferr[17]) chez les Arabes, dont « les cavaliers se précipitent ventre à terre sur les carrés en poussant des cris, déchargent leurs armes, font demi-tour aussitôt, repartent au galop, rechargent leur fusil et reviennent fondre de nouveau sur les carrés »[18],[19].

Dessin de jan Cornelisz Vermeyen, représentant une arène dans laquelle des cavaliers effectuent des exercices équestres
Une fantasia à Tunis, par Jan Cornelisz Vermeyen, vers 1535.

De là découle la fantasia. Qualifiée tour à tour d’image de la guerre[18], de démonstration rituelle de force et de courage[20] ou même de métaphore de l’affrontement érotique[20], elle représente surtout les vestiges, la version édulcorée moderne, de l’art militaire de l’équitation arabo-turco-berbère d’Afrique du Nord[17],[21].

Les toutes premières représentations d’une fantasia sont les trois dessins du XVIe siècle attribuées au peintre flamand Jan Cornelisz Vermeyen[22] (1500-1559), intitulés a posteriori Une fantasia à Tunis[23] pour le premier et Tournoi militaire à Tunis[24],[25] pour les deux autres, et exécutés lors de la conquête de Tunis en 1535 par l’empereur Charles Quint.

Il faut cependant attendre la fin du XVIIIe siècle pour que soient publiées les premières descriptions de ce qui s’appellera plus tard la fantasia[26] : par Louis de Chénier en 1787[27], par l’abbé Poiret en 1789[28] ou dans l'Encyclopædia Britannica en 1797[29].

Tableau d’Eugène Delacroix, représentant des cavalier exécutant une fantasia
Fantasia ou Jeu de la poudre, devant la porte d'entrée de la ville de Méquinez, par Eugène Delacroix, 1832.

Le 6 mars 1832, Eugène Delacroix, accompagnant le comte Charles-Édgar de Mornay dans son ambassade auprès du sultan marocain, assiste à Garbia, sur la route de Meknès, à ses premiers « jeux de poudre ». Il en verra d’autres à Alcassar-El-Kebir (actuelle Ksar el-Kébir), puis à Méquinez (actuelle Meknès) ; il en note la splendeur dans son journal[30] :

« Notre entrée ici à Méquinez a été d’une beauté extrême, et c’est un plaisir qu’on peut fort bien souhaiter de n’éprouver qu’une fois dans sa vie. Tout c’est qui est arrivé ce jour-là n’était que le complément de ce à quoi nous avait préparé la route. À chaque instant on rencontrait de nouvelles tribus armées qui faisaient une dépense de poudre effroyable, pour fêter notre arrivée. »

De retour en France, Delacroix exécute une aquarelle (actuellement au musée du Louvre), restituant les scènes auxquelles il a assisté, et intitulée Fantasia ou Jeu de la poudre, devant la porte d'entrée de la ville de Méquinez. Il exécute par la suite trois autres « fantasias » : toujours en 1832, Exercices militaires des Marocains ou Fantasia marocaine, actuellement au musée Fabre à Montpellier ; en 1833, Fantasia arabe, actuellement à l’Institut d’art Städel de Francfort ; et enfin, en 1847, Fantasia marocaine, actuellement au musée Oskar Reinhart « Am Römerholz » de Winterthour[31]. C’est ainsi que le mot fantasia devient synonyme de « jeu de la poudre ».

L’époque est alors à la mode de l’orientalisme ; comme le résume Victor Hugo[32] : « Au siècle de Louis XIV on était helléniste, maintenant on est orientaliste ». Nombreux seront les artistes qui composeront d’admirables tableaux de fantasias : Eugène Fromentin[33], Aimé Morot[34], Théo van Rysselberghe[35],[36] entre autres.

Des cavaliers Moundangs en tenue de fantasia
Cavaliers moundang en tenue de fantasia (Tchad, 1907).

Loin d’être limitée au seuls pays du Maghreb, la pratique de la fantasia est au contraire attestée au XIXe siècle dans toute l’Afrique du Nord, s’étendant d’une part de l’Égypte[37],[38] à l’est au Maroc à l’ouest, et d’autre part de la Tunisie au nord au Sénégal[39] ou au Tchad[40] au sud. Mais le plus surprenant est la pratique de la fantasia en Nouvelle-Calédonie ; arrivée avec les déportés kabyles, elle s’y perpétue depuis la fin du XIXe siècle[41],[42].

Une fantasia remarquable est celle organisée en l’honneur de Napoléon III, le , à Maison-Carrée, dans les environs d’Alger, dans laquelle on a pu compter entre six et dix mille cavaliers[43],[44].

Caractéristiques et description

Dénominations vernaculaires

Au Maghreb, la fantasia porte généralement le nom de laâb el-baroud (« jeu de la poudre ») ou laâb el-kheil (soit « jeu des chevaux ») ; des noms plus locaux existent également : tbourida[45] (au Maroc), baroud[46],[47], lbarud[48], etc.

Célébration

Berbères faisant la fantasia en l’honneur de leurs visiteurs — Région de Meknès (Maroc, 1901).

La fantasia est traditionnellement liée à la fête, dont elle constitue le suprême ornement[18],[49]. Elle est célébrée à l’occasion de certaines rites (moussem, zerda, waada ou taam, fêtes annuelles dédiées à un saint pour certaines, au cours desquelles sont sacrifiées des bêtes et organisés de grands festins[50],[51]), ou de certaines fêtes religieuses (l’Aïd el-Fitr[52], marquant la fin du ramadan ou le Mouled[53], qui commémore la naissance du Prophète de l'islam, Mahomet) ; elle accompagne la célébration des mariages (notamment pour escorter la mariée à son nouveau domicile)[54], des naissances ou des pélerinages[55] ; on l’organise en signe de considération à un chef ou un notable que l’on désire honorer[51],[2].

Cependant, de nos jours, la pratique de la fantasia a pris un aspect plus touristique, en tant que démonstration folklorique[56],[57].

Apparat

Cavalier arabe en costume de fantasia (Tunisie, vers 1900).

Synonyme d’apparence extérieure, de parade, d’éclat de la tenue et de luxe du vêtement[58], la fantasia se caractérise d’abord par l’importance de son apparat, de la richesse et de la splendeur de l’habillement du cavalier[59], de son équipement et du harnachement de son cheval. L’équipement du cavalier comprend principalement le moukhala, fusil à poudre noire maghrébin, arme de petit calibre à canon très long, si caractéristique avec ses nombreuses capucines étincelantes et ses incrustations d’os, d’ivoire, de nacre ou de métal, aux gravures colorées[60] ; le cavalier peut s’équiper également d’un yatagan[52],[61]. Le faste du harnachement se traduit, par exemple, par des selles de maroquin rouge, brodées avec art ou damasquinée et poinçonnée d’or ; des housses en soie de Tunis ; des étriers argentés[62],[52],[61].

Déroulement

Fantasia au Maroc, par Gabriel Veyre (début du XIXe siècle).

La fantasia est la répétition théâtralisée des deux mouvements de la cavalerie en guerre : la charge rapide (el kerr) et la retraite subite (el ferr)[63].

Alignés à une extrémité de l’arène — ou de ce qui en tient lieu —, les cavaliers lancent leurs montures ventre à terre et, la bride tenue d’une seule main, font tournoyer leurs fusils au-dessus de leurs têtes ; arrivés à hauteur du gros de la foule de spectateurs, ils se lèvent comme une seul homme, saisissent leurs moukhalas des deux mains, la bride abandonné, arment et tirent de concert, à l’avant ou à l’arrière, en direction de la terre ou encore en l’air, puis font une volte courte et rapide et s’en retournent tout aussi vite qu’ils sont venus à leur point de départ pour recommencer leur course échevelée[59],[64].

Les salves ainsi tirées par les cavaliers portent le nom de baroud[46],[47].

Selon les régions et selon leur adresse ou leur hardiesse, les cavaliers peuvent agrémenter leurs évolutions de postures ou de gestes acrobatiques, lançant en l’air leurs armes pour les rattraper en pleine course[59],[18], se couchant sur les croupes[65] ou se mettant debout sur leurs selles, et certains même se tenant sur leurs têtes, le cheval toujours lancé au galop[66].

Les femmes répondent à ces performances par de stridents youyous d’encouragement et de satisfaction[18],[67].

Variantes

Au-delà des différences cosmétiques qui peuvent exister entre une région et une autre, la pratique de la fantasia peut prendre certaines formes particulières :

Fantasia acrobatique à Djerba (Tunisie, 2007).

La fantasia à pied[64],[54], rencontrée par exemple au Mzab[68], dans laquelle les cavalcades équestres sont remplacées par des danses où les hommes, alignés en rang ou en cercle, effectuent des allers-retours au rythme de la musique.

La fantasia à dromadaire[69],[70], à ne pas confondre avec les méharées, qui utilise le dromadaire à la place du cheval comme monture de joute.

La fantasia féminine, brisant la coutume des fantasias exclusivement masculines[71], est attestée en particulier au XIXe siècle à Constantine, où elle est exécutée à pied[72] ; elle revit au cours des années 2000 au Maroc, d’abord sous la forme de groupes de cavaliers mixtes avant que n'apparaisse à Mohammédia, au Maroc, un groupe exclusivement féminin[71].

Un exercice périlleux

Jouer à la fantasia n’est pas exempt de danger. En dehors des risques inhérents à la pratique de l’équitation, l’usage des armes, la fougue et l’excitation qui font prendre des risques aux jouteurs, les maladresses peuvent être à l’origine d’accidents à l’issue parfois fatale.

Les chroniques relatent ainsi l’histoire d’Ahmed Bey, dernier bey de Constantine qui, participant en 1820 à une fantasia donnée en son honneur, est gravement blessé à la main par une balle perdue[73] ; cette fantasia organisée en 1859, au cours de laquelle « un cheikh fut emporté mort, tombé avec son cheval », « un autre Arabe eut la jambe cassée » et « un troisième une profonde blessure à la tête »[59], ou encore ce mariage en 1862 en Tunisie, qui tourne au drame, avec la mort du marié au cours de la fantasia célébrée en son honneur[74].

Fantasia moderne

Fichier:Berber warriors.JPG
Cavaliers de fantasia à Agadir (Maroc, 2005).

La Fédération mondiale du cheval barbe a établi un règlement classant la fantasia collective en deux catégories, la temerad et la guelba[75]. Dans les deux cas, l’objectif de l’exercice, réalisé sous la conduite d’un chef de groupe, est la réussite d’un baroud[3] coordonné, ne faisant entendre qu’une seule déflagration.

Au cours de la fantasia temerad, les cavaliers, alignés à une extrémité du parcours d’exhibition, doivent partir au galop au cri du chef de groupe, en respectant un alignement en épaule contre épaule, et au commandement de leur chef, se lever comme un seul homme, épauler leurs armes et sitôt l’ordre donné, décharger enfin leurs fusils tous en même temps. Puis vient le retour au calme, et le retour au point de départ[75].

La fantasia guelba se distingue de la fantasia temerad par son départ : les cavaliers doivent se présenter au trot et sans ordre au point de départ, tourner bride et s’élancer chacun dans son galop ; ils doivent durant leur course retrouver un alignement au coude à coude avant de pouvoir tirer leur salve[75].

Situation actuelle

Algérie

Spectacle de fantasia à Mostaganem (Algérie, 2008).

La Fédération équestre algérienne est l’organisme en charge de l’organisation et du développement de la pratique équestre moderne et traditionnelle en Algérie, y compris la fantasia[76]. 140 associations équestres[75], organisées en 9 ligues régionales (Aurès, Hodna, Oasis, Dahra, Titteri, Sersou, Saoura, Tafna et Sahara)[50], y sont affiliées. Le champ de pratique de la fantasia, plus large auparavant, s’est actuellement rétréci, à l’image de la Kabylie où l’exercice de la fantasia a disparu[77].

Maroc

La pratique de la fantasia reste très vivace au Maroc. Son organisation et son développement sont du ressort de la Fédération royale marocaine de sports équestres[78]. Près de 1 000 troupes, dites sorbas[79], comptant près de 15 000 chevaux, sont engagées dans l’exercice de la fantasia[75]. En 2008 est créé le Complexe royal des sports équestres et Tbourida Dar Es-Salam, une structure consacrée à la pratique équestre et comprenant notamment une école de fantasia et des ateliers de confection des habits des cavaliers et de fabrication des harnachements[80].

Ce complexe accueille également, tous les ans, les épreuves du Trophée Hassan II des arts équestres traditionnels (Tbourida), concours national de fantasia, comprenant trois catégories : seniors hommes, seniors femmes et juniors garçons. Le trophée comprend deux épreuves : la harda (le salut), évaluant l’apparat des équipes (habillement des cavaliers, harnachement des chevaux, maniement des armes), et la talqa, évaluant l'alignement des cavaliers et la synchronisation des tirs des fusils[81].

Fantasia dans l’art

Le XIXe siècle connaît la vogue d’un important courant littéraire et artistique en Europe : l’orientalisme. Et la fantasia sera le sujet de prédilection des peintres les plus illustres.

Fantasia arabe, par Eugène Delacroix, 1833.
Exercices militaires des Marocains ou Fantasia marocaine, par Eugène Delacroix, 1832.

Eugène Delacroix est le premier à représenter en peinture la fantasia ; il en fait le sujet de plusieurs de ses tableaux, réalisés d’après les esquisses rapportées de son voyage au Maroc en 1832, en particulier lors des spectacles de Sidi Kacem, de Ksar el-Kébir et de Meknès. La fantasia, traitée par Delacroix en peinture d’histoire et de bataille, sera pour l’artiste un nouveau sujet de représentation en 1833 et en 1847[82]. Dans l'esquisse Fantasia (1832), le mouvement du cheval est l'objet du regard du peintre[83]. Dans le tableau Exercices militaires des Marocains, sous-titré Fantasia, (1832)[84], l’artiste joue sur la composition et le mouvement ; il joue également sur ces couleurs chaudes par lesquelles il restitue l'apparat de la charge.

Dans la continuité de Delacroix, Eugène Fromentin, en disciple-continuateur, réussit à conjuguer l’écriture et la peinture[85], et il déploie dans ces arts une force qui s’épanouit non pas dans la représentation de l’action, mais au contraire dans l’immobile évocation des lieux et des atmosphères[86]. Il sublime d’abord la fantasia dans son ouvrage Une Année dans le Sahel, y invite son lecteur à imaginer « ce qu’il y a de plus impétueux dans le désordre, de plus insaisissable dans la vitesse, de plus rayonnant dans des couleurs crues frappées de soleil » ; il y parle des cris des coureurs, des clameurs des femmes, du tapage de la poudre, du terrible galop des chevaux lancés à toute volée, du tintement, du cliquetis de mille et mille choses sonores. Il invite surtout dans ce même ouvrage, Delacroix, seul homme selon lui à avoir la fantaisie ingénieuse et la puissance, l'audace et le droit de comprendre et traduire ce spectacle, à en faire autant en peinture[87]. Delacroix n’ayant pas donné suite à cette invite, Fromentin s’y attelle lui-même et présente, en 1869, la traduction picturale qu’il en fait dans son tableau Une fantasia : Algérie[88], exposé au musée Sainte-Croix de Poitiers[89].

Fantasia arabe, par Marià Fortuny (1867).

La Fantasia arabe[90] de Marià Fortuny est l’un des tableaux les plus originaux qui soient, représentant non pas une classique charge équestre, mais un groupe de guerriers marocains exécutant leurs spectacle rituel à pied, plongés dans une lumière crue, donnant force et détails aux couleurs et aux contours, dans un dramatique contraste avec l’arrière-plan flou et sombre[91].

L'Allemand Otto von Faber du Faur, considéré comme le peintre des batailles, est fasciné par l'éclat de la lumière d'été en Afrique, le désert et les tribus bédouines, les cavaliers. Il peint sa Fantasia lors de son voyage au Maroc, en 1883. Il peint ensuite sa Fantasia à la rencontre de deux tribus en 1885.

Bien d'autres peintres encore représentent des sujets de fantasia, dès le milieu du XIXe siècle siècle. La colonisation de l'Afrique par la France va donner au genre une place d'importance au sein de la peinture française.

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Notes et références

  1. Félix Marcilhac, La vie et l'œuvre de Jacques Majorelle, Courbevoie, ACR Edition, (ISBN 2867700779, lire en ligne), p. 36.
  2. a et b Auguste Margueritte, Chasses de l'Algérie, et notes sur les arabes du sud, Paris, Furne, Jouvet et Cie, (lire en ligne), p. 276 (note 1).
  3. a et b Du mot arabe « baroud », signifiant « poudre noire » ; on retrouve ce mot dans l'expression « baroud d'honneur ». Erreur de référence : Balise <ref> incorrecte : le nom « baroud » est défini plusieurs fois avec des contenus différents.
  4. « Archives marocaines », Revue du monde musulman, vol. 21,‎ , p. 239 (lire en ligne).
  5. Edmond Doutté, Merrâkech, Paris, Comité du Maroc, (lire en ligne), p. 266.
  6. {{Article}} : paramètre « titre » manquant, Revue africaine, nos 248-255,‎ , p. 59-60.
  7. Jacques Cellard, Les racines grecques du vocabulaire français, De Boeck Université, (ISBN 9782801113547, lire en ligne), p. 63.
  8. Marc-Antoine Jullien, Auguste Jullien et Hippolyte Carnot, Revue encyclopédique : liberté, égalité, association, vol. 40, Paris, Arthus Bertrand, (lire en ligne), p. 384.
  9. « Définition du mot fantasia » sur le site de l’Encyclopédie Larousse.
  10. a b et c « Définition du mot « fantasia » » sur le site du Trésor de la langue française informatisé.
  11. a et b André Lanly, Le français d'Afrique du Nord : étude linguistique, t. 1, PUF, , p. 44-45.
  12. (en) Deborah Anne Kapchan, Gender on the market : Moroccan women and the revoicing of tradition, University of Pennsylvania Press, (ISBN 9780812214260, lire en ligne), p. 205.
  13. Scipion Marin, Evénements et aventures en Égypte en 1839, Grimbert et Dorez, (lire en ligne), p. 163, 165.
  14. Ad. Paulmier, Dictionaire français-arabe (idiome parlé en Algérie), Paris, Hachette et Cie, (lire en ligne), p. 339.
  15. K. Rahal, A. Guedioura et M. Oumouna, « Paramètres morphométriques du cheval barbe de Chaouchaoua, Algérie », Revue de Médecine Vétérinaire, vol. 12, no 160,‎ , p. 586-589 (lire en ligne).
  16. Claude Briand-Ponsart (dir.), Identités et culture dans l'Algérie antique, Universités de Rouen et du Havre (ISBN 9782877753913, lire en ligne), « Spécificité et identité des cavaliers africains », p. 236.
  17. a b et c (es) Jean-Pierre Digard et Mercedes Garcia-Arenal (ed.), Al-Andalus allende el Atlántico, Paris, Ediciones UNESCO, (ISBN 9789233033733), « El caballo y la equitación entre Oriente y América. Difusión y síntesis », p. 234-252.
  18. a b c d et e René-Jules Frisch et David Henri, Guide pratique en pays arabe, Berger-Levrault, (lire en ligne), p. 41, 42, 58, 157.
  19. Frédéric-Auguste-Antoine Goupil Fesquet, Voyage d'Horace Vernet en Orient, t. 2, Bruxelles, Societé Typographique Belge, (lire en ligne), p. 30.
  20. a et b Mourad Yelles-Chaouche, Cultures et métissages en Algérie : la racine et la trace, L'Harmattan, (ISBN 9782747593427), p. 85.
  21. Carlos Pereira, Parler aux chevaux autrement : Approche sémiotique de l'équitation, Éditions Amphora, (ISBN 9782851807755, lire en ligne), p. 16.
  22. Luis del Mármol Carvajal, Histoire des derniers rois de Tunis, Cartaginoiseries, (ISBN 9789973704054, lire en ligne), p. 14.
  23. « Inventaire des arts graphiques — Jan Cornelisz Vermeyen — Une fantasia à Tunis », sur musée du Louvre, .
  24. « Inventaire des arts graphiques — Jan Cornelisz Vermeyen — Tournoi militaire à Tunis », sur musée du Louvre, sur le site du musée du Louvre.
  25. « Inventaire des arts graphiques — Jan Cornelisz Vermeyen — Tournoi militaire à Tunis », sur musée du Louvre, .
  26. Raymond Arveiller, « Notes d’étymologie et de lexique », Revue de linguistique romane, vol. 49, nos 193-196,‎ , p. 119-134 (lire en ligne).
  27. Louis de Chénier, Recherches historiques sur les Maures, et histoire de l'empire de Maroc, vol. 3, Paris, chez l’Auteur, (lire en ligne), p. 203.
  28. Jean-Louis Marie Poiret, Voyage en Barbarie, ou Lettres écrites de l'ancienne Numidie pendant les années 1785 & 1786, Paris, J. B. F. (née de la Rochelle), (lire en ligne), p. 184-185.
  29. (en) Colin Macfarquhar et George Gleig, Encyclopædia britannica, vol. 12, Edinburg, , 3e éd. (lire en ligne), p. 352.
  30. Eugène Delacroix, Journal de Eugène Delacroix, t. 1, Paris, Librairie Plon, 1893-1895 (lire en ligne), p. 159-169.
  31. Michel-A. Faré et Henri Baderou, Les chefs-d’œuvre du musée de Montpellier, Musée de l’Orangerie (lire en ligne), p. 41.
  32. Victor Hugo, Les orientales, Paris, G. Chamerot, (lire en ligne), p. VI.
  33. « Eugène Fromentin — Une fantasia. Algérie — 1869 », sur musée d’Orsay, .
  34. Jules Larcher, « Aimé Morot — 1850-1913 », Bulletin des sociétés artistiques de l'Est, vol. 19, no 10,‎ , p. 110-126 (lire en ligne).
  35. Ronald Feltkamp, Théo van Rysselberghe : Monographie et catalogue raisonné, Lannoo Uitgeverij, (ISBN 9782859173890, lire en ligne), p. 30.
  36. « Théo Van Rysselberghe (1862-1926) : évolution artistique », sur lemusee.be, .
  37. Victor Schoelcher, L'Égypte en 1845, Paris, Pagnerre, (lire en ligne), p. 180.
  38. Paul Merruau et Édouard Charton (dir.), Le tour du Monde, vol. 2, Paris, Hachette, (lire en ligne), « Une excursion au canal de Suez », p. 18.
  39. Eugène Mage, Voyage dans le Soudan occidental (Sénégambie-Niger), Hachette, , p. 78.
  40. Eugène Frussaux, « Notes sur les Moundans », Bulletins et Mémoires de la Société d'anthropologie de Paris, vol. 8, no 8,‎ , p. 273-295 (lire en ligne).
  41. Mélica Ouennoughi, Les Déportés maghrébins en Nouvelle-Calédonie et la culture du palmier : 1864 à nos jours, L'Harmattan, (ISBN 9782747596015), p. 70-71.
  42. « L'histoire des Arabes de Nessadiou dévoilée », sur Nouvelles Calédoniennes, .
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Annexes

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Bibliographie

  • Marie-Pascale Rauzier, Cécile Tréal et Jean-Michel Ruiz, Moussems et fêtes traditionnelles au Maroc, éd. ACR Edition, Courbevoie, 1997 (ISBN 286770104X)
  • Xavier Richer, Azzedine Sedrati, Roger Tavernier et Bernard Wallet, L'Art de la fantasia. Cavaliers et chevaux du Maroc, éd. Plume, Paris, 1998 (ISBN 2841100588)

Articles connexes

Liens externes