Urbain Bouriant

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Urbain Bouriant
Fonction
Directeur
Institut français d'archéologie orientale
-
Biographie
Naissance
Décès
(à 54 ans)
Vannes
Nationalité
française
Formation
Faculté de droit de Paris (à partir de )
Collège de France (à partir de )Voir et modifier les données sur Wikidata
Activités
Autres informations
Distinction

Urbain Bouriant dit Nantin (né le à Nevers, mort le à Vannes), est un collaborateur de Gaston Maspero lorsque ce dernier fonde, en 1880, la Mission archéologique française du Caire, qui deviendra l'Institut français d'archéologie orientale (IFAO).

De 1883 au , il est l'un des conservateurs adjoints du musée de Boulaq, puis de 1886 à 1898, directeur de l'IFAO. De ses fouilles en Haute-Égypte, on retient sa découverte, durant l’hiver 1886-1887, d'un fragment en langue grecque du VIe siècle bien préservé : un témoin de l’Évangile (apocryphe) de Pierre[1].

Années de formation[modifier | modifier le code]

Urbain Bouriant effectue ses études secondaires au collège de Nevers puis s’inscrit à la faculté de droit de Paris, mais il est mobilisé dans l’infanterie de Marine au début de la guerre franco-allemande de 1870. Il prend part aux combats de Mouzon, de Douzy et de Bazeilles, où il est fait prisonnier. À l’issue du traité de Versailles, il est envoyé en Martinique pour parachever son service militaire, mais le gouverneur de la colonie l’emploie comme secrétaire. De retour en France, il se consacre à l’égyptologie et s’impose bientôt comme l’un des meilleurs étudiants de Gaston Maspero[2].

Conservateur de musée[modifier | modifier le code]

En décembre 1880, Maspero est nommé directeur d'une École française du Caire créée sur le modèle des Écoles française d'Athènes et de Rome[3]. Outre Urbain Bouriant et Victor Loret, Maspero y recrute Hippolyte Dulac pour sa connaissance de l'arabe, ainsi que l'architecte Jules Bourgoin pour les dessins. L'équipe rallie Le Caire le 5 janvier 1881, mais Auguste Mariette, déjà très malade, meurt le 18 et Maspero prend sa succession le 8 février au Service des Antiquités d’Egypte (SAE). C'est ainsi qu'Eugène Lefébure prend les fonctions de directeur de l'école de Caire ; il sera suivi par Eugène Grébaut en 1883. En 1886, l’École française du Caire est rebaptisée Mission archéologique du Caire puis en 1898 Institut français d’archéologie orientale du Caire (IFAO).

Bouriant se voit proposer le poste de conservateur du musée de Boulaq : l'établissement avait perdu la plus grande partie de ses collections lors de la crue du Nil de 1878 et des pillages qui s'étaient ensuivis. Le fonds Mariette du musée est alors transféré dans l'aile ouest du palais qu'Ismaïl Pacha a fait bâtir à Gizeh.

Premières fouilles[modifier | modifier le code]

Cartouche donnant le nom complet du pharaon Aÿ.

La commission de l’Académie des Belles Lettres relève dans ses comptes-rendus de 1882 que Bouriant, lors de fouilles à Cheikh Abd el-Gournah, a mis au jour la tombe d'un dignitaire du règne d’Aménophis III, Ramosé. L’étude de ce tombeau permet de mieux cerner le bouleversement religieux de cette époque[4].

Dans une communication parue la même année, Bouriant n'hésite pas à critiquer les conclusions du livre Nile Gleanings d’Henry Villiers-Stuart (1879), découvreur de la tombe TT55. Dans son livre[5], Villiers-Stuart représente les pharaons Aménophis III et Aménophis IV. Bouriant reconnaît l’importance de la découverte de ce tombeau, qui montre en effet la simultanéité de deux pharaons, ou plutôt l’apothéose d’Aménophis IV en Akhénaton et l'instauration d'un culte d'Aton. Par l'analyse des cartouches hiéroglyphiques, il démontre qu'Aménophis IV et Akhénaton ne sont qu'une seule et même personne. La paroi ouest du tombeau comporte l'une des plus anciennes représentations d’Akhénaton priant Aton. Bouriant relève en outre que les fresques de la tombe de Ramosé se démarquent de la pompe des autres tombes d’Amarna, comme en témoigne une esquisse à l'encre où Akhénaton et Néfertiti, rayonnant la lumière, récompensent Ramosé[6]. Villiers-Stuart reprend les fouilles de ce tombeau en 1882 et, dégageant les éboulis, parvient à dégager la moitié méridionale de la salle aux colonnes.

Désormais fasciné par le règne d’Akhénaton, Bouriant se rend quelque temps plus tard à Amarna. En 1883-1884, Urbain Bouriant réalise une copie du grand hymne à Aton, trouvé dans la tombe de Aÿ.

Transcription de textes démotiques et collecte de papyrus[modifier | modifier le code]

Bouriant recopiait et traduisait tous les fragments de manuscrits coptes qu'on versait à son musée. Il dressa une espèce de catalogue des inscriptions sur artefacts « afin qu'on ne les perde pas. » L'une de ses premières éditions fut La Stèle 5376 du Musée de Boulaq et l’Inscription de Rosette. Bouriant était passionné par les écritures antiques et il s'occupa toute sa vie de retranscrire les textes coptes et arabes : c'est dans cet esprit qu'il traduisit en français les écrits d’Ahmad al-Maqrîzî (1364–1442). Al Maqrizi est l'auteur d'une histoire du Caire et de sa région étalée sur 200 rouleaux, dont le plus important s'intitule Mawaiz wa al-'i'tibar bi dhikr al-khitat wa al-'athar (Khitat), et que Bouriant a publié sous le titre « Description topographique et historique de l’Égypte » (vol. I 1895, vol. II 1890). Il n'est pas jusqu'aux chansons des rues du Caire que Bouriant ne recopiât.

Bouriant découvrit la bibliothèque de Déîr Amba Chenouda, le patriarche copte du Caire. Depuis le XIe siècle, ce prélat résidait dans le monastère de Deir el Anba Rueiss[7]. L'archéologue français y retrouva des fragments manuscrits du Roman d'Alexandre. Maspero fit l'acquisition de ces fragments entre 1885 et 1888 au nom de la Bibliothèque nationale. Bouriant fut le premier à en publier des extraits : Fragments d’un roman d’Alexandre en dialecte thébain (1887). Il découvrit par la suite d'autres fragments du même manuscrit : au British Museum, publiés par W. E. Crum (1891), et à Berlin, publiés par O. de Lemm[8] en 1903. Bouriant découvrit en outre un manuscrit contenant 14 chapitres d'une version de Memphis du Livre de la Sagesse, et trois exemplaires des Constitutions apostoliques de Clément de Rome, dont on ne connaissait alors qu'un seul manuscrit trouvé à Memphis.

Le Codex d'Akhmîm[modifier | modifier le code]

Le fragment d'Akhmim, contenant l’Évangile (apocryphe) de Pierre.

Au mois de mars 1884, Maspero et Ernesto Schiaparelli demandèrent au raïs Khaleb d’el-Gournah l'autorisation de fouiller la Nécropole à l'est d'Akhmîm (qu'Hérodote désignait du nom de Khemmis, et Strabon, de celui de Panopolis), car les premiers chrétiens y avaient établi un monastère. Comme ils dégagèrent d'abord des centaines de momies, le raïs y stationna des soldats, qui en trouvèrent bientôt un millier de sorte qu'à son arrivée en 1886, Bouriant fut scandalisé des dégâts commis sur la nécropole copte. Dans la tombe d'un des moines, il retrouva pourtant un cahier de 15,24 × 11,43 cm comportant 33 parchemins, grossièrement protégés par un porte-document de cuir cousu. Ils sont à présents conservés comme le Codex P.Cairo 10759 au Musée égyptien du Caire et remontent au VIe siècle[9].

Bouriant constata qu'il s'agissait de passages d'un évangile inconnu. La découverte fit sensation, car c'était la première fois qu'on découvrait le manuscrit d'un évangile non-canonique, qui plus est préservé miraculeusement par le sable sec. Les neuf premiers folios contenaient le texte de l’Évangile de Pierre qu'on croyait définitivement perdu. Le premier folio portait une croix copte au verso ; suivait une page laissée blanche, puis deux passages de l'Apocalypse (ces deux fragments semblent avoir été écrits de la même main). Puis vient une version grecque du livre d'Hénoch. Comme les folios étaient manuscrits et l'écriture difficile à lire, Bouriant en entreprit d'abord la transcription tout en tentant de dater le manuscrit par la forme de l'écriture (paléographie). De la situation même de la tombe, Bouriant déduisit qu'elle « ne peut être antérieure au VIIIe siècle, ni postérieure au XIIe siècle. » Il lui fallut encore six ans avant qu'il parvienne à en publier le facsimile (1892) : les éditions Leroux de Paris lui avaient procuré les plaques photographiques. Mais dès l'année suivante, les premières traductions dans les grandes langues d'Europe paraissaient, souvent à l'initiative de théologiens, tels les Anglais Armitage Robinson, M.R. James, James Rendel Harris et Henry Barclay Swete, qui achetèrent deux plaques photogravées aux Ets Leroux. En français, ce fut la traduction d'Adolphe Lods (1867–1948) et en allemand, celle de deux éminents théologiens : Adolf Harnack et Theodor Zahn. Oscar von Gebhardt avait cependant publié dès 1893 un phototype à partir des planches photographiques du « Manuscrit de Gizeh[10]. »

D'après le Catalogue général des antiquités égyptiennes du Musée du Caire, édité par B. P. Grenfell et A. S. Hunt en 1903, les 33 folios de parchemin contiennent quelques écrits apocryphes en grec :

  • des paragraphes entiers de l'Evangile de Pierre (qui constituent le « Manuscrit de Gizeh »)
  • l’Apocalypse de Pierre
  • deux fragments (chap. 1-27) du livre 1 d'Hénoch
  • On a retrouvé, cousu dans la chemise, un parchemin contenant des passages du Martyre de Julien.

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Voir les Mémoires publiés par les membres de la Mission archéologique au Caire, t. IX, Paris, 1892, p. 137-142.
  2. Émile Chassinat, « Nécrologie [Urbain Bouriant, 11 avril 1849-19 juin 1903. – André Gombert, † 6 avril 1903] », Bulletin de l'Institut français d'archéologie orientale, no 3,‎ , p. 212-213 (www.persee.fr/doc/bifao_0255-0962_1903_num_3_1_1640).
  3. Guillaume Nicoud, « Maspero et la création de l’Ecole française du Caire. », sur histoire-image.org, (consulté le ).
  4. Albert Dumont, « Rapport au nom de la Commission du Nord de l’Afrique, sur le rapport de M. Maspero concernant les travaux de la mission archéologique du Caire durant l’année 1882. », Comptes rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et de belles Lettres., vol. 26,‎ , p. 287 et suiv. (lire en ligne)
  5. H. W. Villiers-Stuart, Nile Gleanings, concerning the Ethnology, History, and Art of Ancient Egypt., Londres, .
  6. « Le tombeau de Ramès à Cheikh- abd-el-Qournah. », Revue d’archéologique., vol. 43,‎ , p. 278 ff (lire en ligne).
  7. Papst Anba Shenouda III. Der Patriarch von Kairo Auf: kopten-bw.de von 2016 (über archive.org).
  8. Maspéro, Les contes populaires de l’Égypte ancienne, Paris, E. Guilmoto, (lire en ligne), « 6. Quelques pages éparses d’une version copte du roman d’Alexandre. ».
  9. « What's New in Papyrology : Photothèque des papyrus du Musée du Caire », sur papyrology blogspot, (consulté le ).
  10. « The Akhmim Fragment (Cairo Papyrus 10759) 10 pages by O. v. Gebhardt », sur gospels.net (version du sur Internet Archive)

Publications[modifier | modifier le code]

  • Mémoires publiés par les members de la Mission archéologique française au Caire : Fragments grecs du livre d'Énoch, .
  • Guide du visiteur au Musée de Boulaq, Recueil de Travaux, .
  • Fouilles à Tell-el-Amarna. Les Papyrus d'Akhmin, Leroux, .

Liens externes[modifier | modifier le code]