Rencontres de Saint-Denis

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La Maison d'Éducation de la Légion d'Honneur à Saint-Denis, lieu de réunion choisi.

Les Rencontres de Saint-Denis sont une réunion des chefs des partis d'opposition de l'Assemblée nationale et du président de la République Emmanuel Macron. Cet événement politique a d'abord été organisé le à la Maison d'éducation de la Légion d'honneur à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) sur l'initiative du chef de l'État qui avait annoncé au début de l'été 2023 une « initiative politique de grande ampleur ». Cette réunion transpartisane vise à la négociation de compromis politiques faute de majorité absolue au Parlement. Plusieurs thèmes sont abordés, comme les questions internationales, les migrations, l'éducation nationale, la décentralisation et la réforme des institutions.

Une seconde réunion du même type se tient le .

Première rencontre[modifier | modifier le code]

Contexte[modifier | modifier le code]

Si l'élection présidentielle d'avril 2022 ont permis au président sortant, Emmanuel Macron, d'être réélu face à la candidate d'extrême droite Marine Le Pen avec une courte majorité (58,5 %), son parti, Renaissance, n'arrive qu'en deuxième place aux élections législatives de juin suivant (25,8 %) derrière la coalition de gauche Nouvelle Union populaire écologique et sociale (26,1 %). Aucun parti n'obtient la majorité absolue (289 sièges) et le , lorsque Élisabeth Borne est nommée Première ministre par le président de la République, elle ne dispose que d'une majorité relative de 245 sièges. Dans les mois qui suivent, son gouvernement use à dix reprises de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution sans permettre aux députés de procéder au vote[1]. La réforme portant révision du système de retraites est déclarée adoptée en application du même article le 16 mars 2023 dans un contexte de forte opposition. Le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, avait pourtant assuré trois jours avant que ledit article « n'est pas un outil qu'on est prêt à dégainer » et excluait ce recours. Dans la journée, la présidente du groupe Renaissance, Aurore Bergé, avait fait part de son appréhension : « Toute la journée, on va compter, recompter, comparer, vérifier ce que nous dit l'un, ce que nous dit l'autre du côté des Républicains, comparer les versions pour être sûrs. »[2]. Les oppositions de gauche et de droite échouent à neuf voix près à renverser le gouvernement lors du vote d'une motion de censure déposée par le député de centre-droit Charles de Courson[3]. Néanmoins, l'adoption de la réforme sans vote de l'Assemblée a aliéné au gouvernement une partie de la droite conservatrice, le président du groupe Les Républicains, Olivier Marleix, excluant tout accord de gouvernement. Le président des Républicains, Éric Ciotti, se déclara prêt à déposer une motion de censure lors des examens du budget et de la loi Immigration, Intégration et Asile à l'automne 2023[4].

Face à l'échec de négocier tout accord de gouvernement avec la droite conservatrice, le président Emmanuel Macron souhaite insuffler « 100 jours d'apaisement et d'action » tout en expliquant n'avoir eu d'autre choix que de conduire la réforme des retraites jusqu'au bout : « Au moment où je vous parle, est-ce que vous croyez que ça me fait plaisir de faire cette réforme ? Non. Est-ce que vous croyez que je n'aurais pas pu faire comme tant avant moi, mettre la poussière sous le tapis ? Oui, peut-être. [... ] Cette réforme elle est nécessaire. Je le dis aux Français : ça ne me fait pas plaisir, j'aurais préféré ne pas la faire. C'est l'intérêt général. »[5] Un remaniement a lieu le 20 juillet 2023 à l'initiative du président de la République, conduisant pour l'essentiel au remplacement de François Braun au ministère de la Santé et de la Prévention par Aurélien Rousseau, ancien directeur de cabinet d'Élisabeth Borne ; et de Pap N'Diaye au ministère de l'Éducation Nationale par Gabriel Attal, ancien ministre délégué au Budget et pivot du parti présidentiel. Ce remaniement recentre le gouvernement autour de la personne du chef de l'État. Des personnalités comme la ministre déléguée à la Vie Associative Marlène Schiappa, mise en cause pour détournements de fonds publics, prise illégale d’intérêts et abus de confiance[6], et Jean-François Carenco ministre délégué aux Outre-Mer aux rapports tendus avec son ministre de tutelle Gérald Darmanin, sont remerciés.

Le début de l'été 2023 est marqué par les émeutes à la suite de la mort d'un adolescent de Nanterre, Nahel Merzouk, tué par balle par un policier, ainsi que l'agression d'un jeune homme de 22 ans à Marseille par des policiers de la brigade anticriminalité. En réaction, le gouvernement insiste sur le rétablissement de l'ordre et de la sécurité —« La leçon que j'en tire c'est l'ordre, l'ordre, l'ordre » martelait Emmanuel Macron le 24 juillet 2023 au cours d'un entretien télévisé[7]. Le 17 août 2023, lors des commémorations du débarquement de Provence à Bormes-les-Mimosas, celui-ci rappelle sa volonté de « faire Nation ».

Dans le même temps, le ministre de l'Intérieur et des Outre-Mer Gérald Darmanin organise le 27 août 2023 une réunion politique à Tourcoing dont il fut longtemps l'édile et le député une réunion politique pour aborder le thème de l'« ascenseur social » et l'autorité qui réunit des cadres proche du parti présidentiel comme Renaud Muselier (président de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur) et les ministres Agnès Pannier-Runacher (Industrie) et Olivier Dussopt (Travail et Emploi). Cette réunion, vue comme une tentative de la part du ministre de prendre des initiatives personnelles, fut tempérée par la présence de la Première ministre[8].

Participants[modifier | modifier le code]

Emmanuel Macron a annoncé réunir « toutes les forces politiques représentées » à l'Assemblée nationale et au Sénat. Les dirigeants de onze partis politiques ont ainsi été conviés. Le groupe parlementaire LIOT à l'Assemblée nationale, dont le président Charles de Courson, avait déposé une motion de censure contre le gouvernement au moment de la réforme des retraites, n'a pas été invité parce qu'il ne constitue pas un parti. Dans un communiqué, le groupe a regretté « cet ostracisme qui apparaît comme une mesure de rétorsion à notre opposition à la réforme des retraites et au dépôt d'un motion de censure, en mars dernier. »[9].

Sont également présents la Première ministre, Élisabeth Borne, la présidente de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, le président du Sénat, Gérard Larcher, et le président du Conseil économique, social et environnemental, Thierry Beaudet.

Emmanuel Macron.

Liste des participants[10] :

Chronologie[modifier | modifier le code]

Le , le président de la République convie les représentants des partis politiques de l'Assemblée Nationale à une après-midi de réflexions suivi d'un dîner de travail[11]. Il détaille dans une lettre à leur intention ses objectifs :

« L’ambition sera de convenir de voies d’action qui pourront trouver des traductions concrètes et rapides dans les réalisations du Gouvernement et des textes législatifs bâtis ensemble. Le peuple, par la voix de ses représentants et le cas échéant par référendum, aura le dernier mot. J’ai confiance, comme beaucoup de Français, dans notre capacité à converger sans reniement ni renoncement. »[12]

Les thèmes mis à l'agenda sont les suivants : politique internationale dans le contexte du coup d'État au Niger survenu à Niamey le et du renversement du président du Gabon Ali Bongo par le général Brice Oligui Nguema survenu le 30 août même ; sur les migrations ; le pouvoir d'achat face à une inflation forte ; l'école, dont l'introduction envisagée de l'uniforme à l'école et l'interdiction décrétée de l'abaya et qami dans les enceintes éducatives ; les institutions politiques et la décentralisation[13]. La tenue de référendums ou de préférendums (Emmanuel Macron estimant pendant la réunion qu'il n'avait jamais envisagé de préferendum[10]) est aussi abordée, réclamée tant par la droite (Les Républicains) et l'extrême-droite (Rassemblement national) sur le sujet de l'immigration et que par la gauche qui veut remettre dans le débat l'abrogation de la réforme des retraites[14].

La tenue d'un dîner de travail après la réunion a divisé les responsables politiques invités : les chefs de partis de gauche dont Manuel Bompard (LFI) et Marine Tondelier (EELV) se sont montrés réticents à prolonger les discussions autour d'un dîner estimé superfétatoire. Fabien Roussel (PCF) qui « ne [se] voyai[t] pas manger bras dessus, bras dessous en parlant de nos vacances » n'y est pas opposé[15]. Mais aucun participant ne quitte les Rencontres et chacun participe au repas[16].

Emmanuel Macron n'étant pas entouré de collaborateurs pendant la réunion, il appelle son cabinet pour rendre compte des échanges lors des deux pauses, la première vers 19 h 30 sur les relations internationales, la seconde vers minuit, sur les institutions[10].

La réunion se conclut vers h avec l'annonce d'une « conférence sociale sur les bas salaires »[17] qui est annoncée par la suite devoir se tenir en octobre[18].

Réactions[modifier | modifier le code]

La tenue de cette réunion transpartisane suscite des réactions contrastées voire mitigées. Pour Radio France, « Emmanuel Macron aime les OPNI, les objets politiques non identifiés. Il en a fait une spécialité. En organisant les « rencontres de Saint-Denis », le chef de l'Etat innove. Mais dans quel but ? »[19] Guillaume Daret pour France Info y voit un moyen de placer les oppositions « au pied du mur »[20]. Olivier Faure (PS) y voit une « opération de communication » tandis que Marine Tondelier (EELV) déplore l'absence de l'écologie dans les discussions. La majorité se montre quant à elle perplexe en affirmant que « Macron veut secouer le cocotier, mais les noix de coco ne sont pas mûres. »[21]

À l'issue de l'après-midi de travail, Éric Ciotti (LR) rappelle que « les petites combinaisons ou les plans com ne seraient pas à la hauteur de la situation ». Pour lui, « Les Français veulent plus de sécurité, moins d’impôts et moins d’immigration ».

Seconde rencontre[modifier | modifier le code]

Une autre réunion du même type se tient le [22] ; Olivier Faure, Manuel Bompard et Éric Ciotti, respectivement chefs de file du PS, de LFI et des LR, refusent alors l'invitation. Emmanuel Macron, alors en déplacement pour une visite d'État en Suisse, dénoncera à Berne le , deux jours avant la réunion, une « faute politique majeure de la part de ces dirigeants », jugeant que « l'absence à une réunion de travail sur des réformes constitutionnelles est absolument indigne »[23].

Lors de cette rencontre, Emmanuel Macron renonce à organiser des référendum sur des sujets sociétaux tels que l'immigration. Les responsables de partis présents annonce que le président de la République présenterait au Conseil des ministres du 13 décembre le projet de loi constitutionnel inscrivant l'interruption volontaire de grossesse dans la Constitution, avant une possible réunion du Parlement en Congrès en mars pour entériner son adoption[24].

Références[modifier | modifier le code]

  1. « Qu’est-ce que le « préférendum », nouvel outil démocratique envisagé par le gouvernement ? », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  2. « Le jour où Emmanuel Macron a pris la décision d'activer le 49.3 pour faire passer la réforme des retraites », sur BFMTV (consulté le )
  3. juliebiousselt, « Présentation de notre motion de censure - Charles de Courson », sur Groupe LIOT, (consulté le )
  4. « Budget 2024 : Éric Ciotti (LR) n'exclut pas le dépôt d'une mention de censure contre le gouvernement lors de l'examen à l'automne », sur Franceinfo, (consulté le )
  5. « 13h : l'interview du Président Emmanuel Macron sur TF1 et France 2. », sur elysee.fr, (consulté le )
  6. « Fonds Marianne : les enjeux et les rebondissements de l’affaire qui met en cause Marlène Schiappa », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  7. LIBERATION, « «L’ordre, l’ordre, l’ordre», «un prof devant chaque classe», des «milliards» verts… Ce qu’il faut retenir de l’interview d’Emmanuel Macron », sur Libération (consulté le )
  8. Charles Sapin, « Comment Borne a stoppé l’échappée de Darmanin à Tourcoing », sur Le Point, (consulté le )
  9. Noémie Lair, « Invités, huis-clos, plateau-repas : à quoi va ressembler "l'initiative politique d'ampleur" d'Emmanuel Macron », sur France Inter, (consulté le )
  10. a b et c Maxence Lambrecq, « Plan de table, ambiance... Dans les coulisses des 12 heures de discussions entre Macron et les chefs de partis », sur radiofrance.fr, (consulté le )
  11. « « Initiative politique » de Macron : tout ce qu’il faut savoir sur « les rencontres de Saint-Denis » | L'Humanité », sur www.humanite.fr, (consulté le )
  12. Ouest-France, « Dans une lettre, Emmanuel Macron dévoile les buts de sa réunion de mercredi avec les chefs de partis », sur Ouest-France.fr, (consulté le )
  13. Aurélien Hélias, « Que vont proposer les partis à Emmanuel Macron sur la décentralisation aux « rencontres de Saint-Denis » ? », Le courrier des maires et des élus locaux,‎ (lire en ligne, consulté le )
  14. Marion Ferrere, « Tables rondes, dîner de travail, "préférendum" : Emmanuel Macron réunit les partis politiques à Saint-Denis », sur France Bleu, (consulté le )
  15. Le Monde, « Rencontre des chefs de partis politiques avec Emmanuel Macron, en direct : deux tables rondes et un dîner prévus », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  16. Pauline Théveniaud, « « Rencontres de Saint-Denis » : dans le secret du dîner de préparation à l’Élysée », sur leparisien.fr, (consulté le )
  17. « Une possible "conférence sociale", la gauche "déçue"… Ce qu'il faut retenir des douze heures de rencontre entre Emmanuel Macron et les partis » sur francetvinfo.fr, 31 août 2023.
  18. Agence France-Presse, « Bas salaires : Emmanuel Macron confirme la tenue en octobre d'une « conférence sociale » », sur latribune.fr, (consulté le )
  19. « Rencontres de Saint-Denis : aimez-vous les OPNI ? », sur France Culture, (consulté le )
  20. « Politique : Emmanuel Macron convie les leaders de l'opposition à Saint-Denis », sur Franceinfo, (consulté le )
  21. « "Macron veut secouer le cocotier, mais les noix de coco ne sont pas mûres" : l'"initiative politique d'ampleur" de l'Elysée laisse perplexe, y compris dans la majorité », sur Franceinfo, (consulté le )
  22. « IVG dans la Constitution : un congrès envisagé en mars 2024 », Le Monde, 17 novembre 2023.
  23. Le Monde avec AFP, « Rencontre de Saint-Denis : Emmanuel Macron dénonce l’absence d’opposants, une « faute politique majeure » », lemonde.fr,‎ (lire en ligne Accès libre, consulté le )
  24. Sandrine Cassini et Nathalie Segaunes, « Emmanuel Macron renonce au référendum sur l’immigration faute de « majorité nécessaire » », lemonde.fr,‎ (lire en ligne Accès payant, consulté le )

Liens externes[modifier | modifier le code]