Prison Montluc

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Ceci est une version archivée de cette page, en date du 5 janvier 2015 à 20:01 et modifiée en dernier par Escarbot (discuter | contributions). Elle peut contenir des erreurs, des inexactitudes ou des contenus vandalisés non présents dans la version actuelle.
Prison Montluc
Entrée de la prison militaire
Présentation
Type
Construction
Fermeture
Patrimonialité
Localisation
Pays
Région
Département
Commune
4, rue Jeanne-Hachette
Lyon
Coordonnées
Localisation sur la carte de Lyon
voir sur la carte de Lyon
Localisation sur la carte de la métropole de Lyon
voir sur la carte de la métropole de Lyon
Localisation sur la carte de France
voir sur la carte de France

La prison Montluc, située 4, rue Jeanne-Hachette dans le 3e arrondissement de Lyon, est une prison militaire construite en 1921 sur les glacis du fort Montluc. Elle est particulièrement célèbre pour son rôle de lieu de détention pendant la Seconde Guerre mondiale. Plus de 9 000 personnes parmi lesquelles Jean Moulin ont transité par ce lieu entre le 17 février 1943 et le 24 août 1944[1].

La prison Montluc fait l’objet d’une inscription au titre des monuments historiques depuis le [2].

1921-1939 : prison militaire

Suite à la Première Guerre mondiale, où la justice militaire fut extrêmement sollicitée, l'armée décide de lancer des chantiers de construction afin de posséder des prisons en nombre suffisant dans le cadre d'une mobilisation générale. La prison et le tribunal militaire de la région de Lyon sont ainsi construits simultanément sur les terrains du fort Montluc.

Inaugurée en octobre 1921, la prison a pourtant servi à interner 104 étudiants chinois au cours du mois de septembre 1921. Ces étudiants, participants au programme « Travail études », avaient manifesté lors de l'inauguration de l'Institut franco-chinois de Lyon (situé dans le fort Saint Irénée) pour y avoir accès. Ce droit leur est refusé et ils sont alors emprisonnés à Montluc dans l'attente de leur expulsion vers la Chine[3].

Peu utilisée, la prison militaire de Montluc est finalement totalement désaffectée en 1932. Elle ne rouvre ses portes qu'en 1939.

Septembre 1939 - juin 1940 : une prison militaire pour la République en guerre

Dès le mois de , la prison Montluc est remise en service. On y trouve alors principalement les habituels justiciables de la justice militaire, mais aussi des militants communistes qui depuis la signature du pacte de non agression germano-soviétique le et l'interdiction du Parti communiste français. Ils sont considérés alors comme portant atteinte à la sûreté intérieure de l’État, et de ce fait conduits devant un tribunal militaire en vertu des dispositions juridiques relatives à l'état d'urgence décrété en juillet 1938[4].

Juin 1940 - novembre 1942 : prison de Vichy

Après l'armistice du 22 juin 1940, le vote des pleins pouvoirs constituants à Philippe Pétain et la loi constitutionnelle du 10 juillet 1940, le régime de Vichy se met en place et Montluc devient une de ses prisons de répression. Placée en zone libre, la prison Montluc demeure militaire, puisqu'une armée d'armistice est maintenue sur cette partie du territoire. Le tribunal militaire de Lyon, près lequel siège une section spéciale jusqu'en , juge et emprisonne à Montluc, en plus des militaires ou des insoumis, ceux qui s'engagèrent en résistance. Grâce aux nouvelles lois liberticides, outre les nombreux communistes, on y retrouve les premiers résistants, notamment gaullistes, ainsi que les membres de groupes de pensée interdits par le régime de Vichy. La prison se remplit peu à peu mais les conditions d'internement restent relativement acceptables.

Février 1943 - août 1944 : prison allemande

Après l’invasion de la zone libre en novembre 1942, les Allemands convoitent rapidement la prison Montluc. Après une première réquisition d'une trentaine de cellules en , la prison est finalement entièrement réquisitionnée le 17 février 1943 et les autorités françaises sont évacuées. La prison devient alors une prison militaire allemande, progressivement gérée directement par Klaus Barbie.

Des milliers d’hommes et de femmes, des otages, des persécutés raciaux et des résistants, sont enfermés là, pour un temps plus ou moins long, dans des conditions de vie inhumaines, en attente de déportation ou de transfert. Composée à l'origine de 122 cellules individuelles, la prison entre progressivement avec l'arrivée des Allemands dans une période de surpopulation carcérale. Les cellules individuelles de 4 m2 contiennent jusqu'à huit détenus et on estime que de février 1943 au 24 août 1944, entre 9 000 et 10 000 détenus ont transité par la prison Montluc.

Jean Moulin et ses compagnons y sont internés après l'arrestation de Caluire-et-Cuire le . Le 25 août 1943, alors qu'il est condamné à mort, André Devigny parvient à s'évader de la prison[5] ; cet exploit rarissime inspira le film Un condamné à mort s'est échappé de Robert Bresson.

Le , les enfants d'Izieu sont emmenés à la prison Montluc avant d'être déportés vers Drancy puis vers les camps d'extermination.

Le lieu est libéré le , notamment sous l'action d'Yves Farge, mais les 109 résistants juifs qui s'y trouvaient en ont été évacués sur ordre de Klaus Barbie. Ils sont exécutés sur l'aérodrome de Bron le .

Entre le 8 avril et le , 669 internés de la prison Montluc sont exécutés dans 33 lieux différents[6], dont 21 à Dagneux dans l'Ain, le [7] et 120 au fort de Côte-Lorette à Saint-Genis-Laval le .

Après la Seconde Guerre mondiale

En 1947, le fort est mis à la disposition de l'administration pénitentiaire et devient le troisième quartier dépendant des « prisons de Lyon ».

En 1955, un décret précise que toutes les exécutions capitales devant avoir lieu à Lyon s'effectueront désormais au fort Montluc. Le quartier de la mort, installé jusqu'alors à la prison Saint-Paul, y est de fait transféré, ainsi que ses deux occupants du moment. La loi n'est appliquée pour la première fois que le 6 août 1958 sur un criminel de droit commun condamné dans l'Ain.

1954-1962 : guerre d'Algérie

Deuxième étage de cellules.

Entre 1959 et 1961, c'est également à Montluc que les Algériens membres du FLN et condamnés par des tribunaux militaires sont incarcérés. Douze d'entre eux, dont la grâce est refusée par Charles de Gaulle, y sont guillotinés entre février 1960 et janvier 1961.

Une prison civile

La cour de la prison Montluc. Les graviers marquent l'emplacement de la « baraque aux Juifs », où les nazis enfermaient les détenus juifs. Elle a été rasée après la guerre.

Le 27 juin 1964, deux criminels — l'auteur d'un braquage aux usines Berliet de Vénissieux qui a mal tourné et un agresseur multirécidiviste, tueur d'un poissonnier — sont exécutés à leur tour.

La dernière mise à mort lyonnaise y a lieu le 22 mars 1966, pour un triple assassin, condamné dans la Loire.

En 1972, le dernier occupant du quartier de la mort est un braqueur de banques, meurtrier d'un gardien de la prison Saint-Paul lors d'une tentative d'évasion.

En 1983, sur ordre du ministre de la Justice Robert Badinter, Klaus Barbie est incarcéré à Montluc après son extradition de Bolivie[8].

Montluc devient une prison pour femmes jusqu'à 2009 avant que le lieu ne serve aux entraînements de la police.

Le mémorial de la prison de Montluc

En 2009, les trois prisons intra-muros de Lyon sont fermées. Suite aux efforts de plusieurs associations dont l'Association des rescapés de Montluc, de la ville de Lyon et du préfet Jacques Gérault, une grande partie de la prison Montluc est inscrite au titre des monuments historiques. La gestion du site est ensuite confiée à l'Office national des anciens combattants afin de devenir un mémorial ouvert au public. La prison peut être visitée gratuitement les après midi du mercredi au samedi.

Notes et références

  1. Une ville dans la guerre, Lyon 1939-1945, Lyon, Éditions Fage, collections du CHRD, 2012.
  2. Notice no PA69000040, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Mérimée, ministère français de la Culture.
  3. Lyon Capitale, 26 janvier 2012
  4. « État d'urgence (voir Art. 10) », sur senat.fr, Sénat.
  5. « Fiche de renseignement de la prison Montluc 1942-1944 », sur archives.rhone.fr (consulté le ).
  6. Pierre Maury, La Résistance communiste en France, 1940-1945 : mémorial aux martyrs communistes, Le Temps des Cerises, (ISBN 2841096238), p. 347.
  7. le70e.fr
  8. Lyon Capitale, 27 janvier 2012

Voir aussi

Sur les autres projets Wikimedia :

Articles connexes

Personnalités détenues à la prison Montluc :

Bibliographie

  • Bruno Permezel (dir.), Montluc, antichambre de l'inconnu : 1942-1944, Lyon, BGA Permezel, 1999, 296 p. (ISBN 2-909929-09-4).
  • Bruno Permezel, Résistants à Lyon, Villeurbanne et aux alentours. 2824 engagements, Lyon, BGA Permezel, 2003, 740 p. (ISBN 2-909929-09-4)
  • Serge Klarsfeld, Mémorial de la Déportation des Juifs de France, nouvelle édition, mise à jour, avec une liste alphabétique des noms, FFDJF (Fils et Filles des Déportés Juifs de France), 2012.
  • Aurélie Dessert et Antoine Grande, « La prison de Montluc, entre répressions et persécutions », Isabelle Rivé (dir.), Une ville dans la guerre, Lyon 1939-1945, Lyon, collections du CHRD, Éditions Fage, 2012.
  • Grande Antoine, « Une Prison militaire isolée au cœur de la cité », Bernard Bolze (dir.), Prisons de Lyon, une Histoire manifeste, Lyon, Éditions Lieux-dits, 2013, Pour afficher « p. 40-47 », veuillez utiliser le modèle {{p.|40-47}}.
  • Serge Klarsfeld, Mémorial de la Déportation des Juifs de France, FFDJF, 2012.

Liens externes