Le Secret de Mayerling

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Le Secret de Mayerling
Description de cette image, également commentée ci-après
Tournage extérieur dans la vallée de Munster (Haut-Rhin).
Titre original Le Secret de Mayerling
Réalisation Jean Delannoy
Scénario Jacques Rémy
Acteurs principaux
Sociétés de production Codo-Cinéma
Productions Claude Dolbert
Pays de production Drapeau de la France France
Genre Drame
Film historique
Durée 117 min
Sortie 1949

Pour plus de détails, voir Fiche technique et Distribution.

Le Secret de Mayerling est un film français consacré au drame de Mayerling, réalisé par Jean Delannoy et sorti en 1949.

Synopsis[modifier | modifier le code]

Jean Delannoy et son scénariste Jacques Rémy présentent la retraite de l’archiduc en janvier 1899 à Mayerling, près de Vienne en Autriche, comme la préparation d’un coup d’État qui aurait échoué. Ils adoptent ensuite la thèse du drame de Mayerling comme un assassinat du couple par les services secrets allemands, qui auraient maquillé cette exécution en suicide. Bien que la thèse officielle soit le suicide, il est vrai qu'on parla aussi d’assassinat politique, notamment en raison du soutien de l'archiduc à la cause du nationalisme hongrois.

Résumé complet[modifier | modifier le code]

en Autriche. Enlèvement nocturne de deux amants, Rodolphe et Marie, morts le matin dans le pavillon royal de chasse, à Mayerling. Tandis que le cercueil avec les armoiries royales contenant la dépouille du prince héritier, l’archiduc Rodolphe, est emporté en convoi pour Vienne, le corps de Marie Vetsera, transporté debout, avec une canne passée sous son manteau empêchant son corps de s’affaisser, pour faire croire qu’elle est encore vivante, est installé dans une calèche. Puis le corps est jeté, en secret, au fond d’une tombe creusée à la hâte. A la Hofburg, le grand palais royal de Vienne, les proches de l’infortuné Rodolphe assistent, des fenêtres du palais, à l’entrée solennelle du cortège funèbre : le père de Rodolphe, l’empereur François-Joseph, désespéré par un tel drame, sa mère très affectée, l’impératrice Élisabeth de Bavière, l’archiduchesse Stéphanie sa jeune veuve, l’archiduc et chef de la police François-Ferdinand, son cousin.

Afin d’éviter un retentissant scandale, l'empereur François-Joseph, allié de l'Allemagne, écartant la version impossible à tenir, celle de la crise cardiaque, décide de faire passer ces décès mystérieux pour des suicides. Les médecins légistes ne peuvent approuver ces faits. Cependant, ils se sentent obligés de signer le procès-verbal que leur impose l’Empereur, avec l’appui du Vatican autorisant les obsèques religieux de Rodolphe, suicidé certes mais sans toutes ses facultés mentales. Les témoins du drame jurent sur la croix de ne rien révéler de ce qu’ils ont vu. Tous les membres de la cour, Stéphanie en tête, malheureuse épouse d’un mari qui la trompa sans réserve, sont d’accord pour rejeter la comtesse Larisch responsable du drame et pour imposer le silence à la mère de Marie Vetsera.

Disgraciée et chassée de la cour par l'impératrice, la comtesse Larisch, ancienne maîtresse de Rodolphe et amie du couple, se remémore alors cette romance qui a fait scandale à la cour austro-hongroise. C'est en sortant de chez elle qu'un jour Rodolphe fit la connaissance d’une jeune femme de 17 ans, très amoureuse de son prince. D’abord considéré comme un caprice passager puis un amour tendre naïf et chaste, une délicieuse idylle, cette relation devient une liaison, une union insupportable pour la famille royale. Convoqué par un conseil extraordinaire des autorités royales et religieuses impériales, Rodolphe qui ne nie pas avoir demandé au Vatican l’annulation de son mariage, refuse totalement de rompre avec Marie.

Mais fait plus grave, Rodolphe était aussi un personnage partagé entre sa passion pour Marie et son engagement politique aux côtés de son cousin et complice, Jean-Salvator, pour faire triompher les idées libérales en Autriche et pour soutenir les idées indépendantistes en Hongrie. La police impériale dirigée par l’archiduc François-Ferdinand décide de le placer sous haute surveillance pour préparer une réaction.

Se sentant menacé, Rodolphe confie à la comtesse Larisch une porte document contenant les noms et adresses des militants de la cause révolutionnaire, document à ne remettre en mains propres qu’à un partisan autorisé. Rodolphe part se réfugier à Mayerling avec Marie, pour organiser le coup d’État de Budapest favorable à la cause du nationalisme hongrois. Mais la police, très organisée, réussit à reprendre le porte document compromettant et par ce biais fait échouer le coup d’État. Cependant, le gouvernement allié de l'Allemagne demande réparation et envoie François-Ferdinand auprès de son cousin Rodolphe pour qu’il signe sa déclaration de renoncement à ses droits à la couronne. Attaqué dans son orgueil, Rodolphe refuse de se plier et laisse repartir son cousin bredouille.

Resté seul, le couple évoque des intentions suicidaires mais Rodolphe se rétracte et décide de partir dès le lendemain en direction de la frontière. Trop tard, car les services secrets allemands avaient décidé de faire assassiner le couple en maquillant cette exécution en suicide, la thèse officielle au drame passionnel de Mayerling. Ce matin-là du , un mystérieux émissaire réussit à pénétrer dans la chambre du couple. Les serviteurs, occupés à préparer le départ pour le voyage prévu, entendent deux coups de feu. Ils tentent d’enfoncer la lourde porte de la chambre, derrière laquelle se trouvent deux corps gisants sur le lit, baignant dans une mare de sang[n 1].

Fiche technique[modifier | modifier le code]

Distribution[modifier | modifier le code]

Choix du scénario[modifier | modifier le code]

Selon Gilles Durieux[modifier | modifier le code]

Dans sa biographie sur Jean Marais, Gilles Durieux écrit : « Dans le film, Le Secret de Mayerling, Jean Marais incarnait, avec favoris et moustache, Rodolphe de Habsbourg, l’héritier du trône d’Autriche-Hongrie. On y raconte avec moult détails la vie et les amours de l’héritier du trône, surtout avec Marie Vetsera incarnée par Dominque Blanchar. Celle-ci, à la ville, n’était autre que la fille de Pierre Blanchar, forte personnalité consacrée, deux années plus tôt , « meilleur acteur » du cinéma français. Dominique, sa fille cadette, débutait, elle, avec ce film de Jean Delannoy après avoir tâté de la scène, notamment avec Louis Jouvet. […] Le projet du film de Delannoy repose, bien entendu, sur la mystérieuse mort du prince héritier dont le corps est retrouvé au cours de l’hiver 1889 aux côtés de celui de sa jeune maîtresse dans un pavillon de chasse, à Mayerling. L’émotion fut considérable dans toute l’Europe. S’agit-il d’un assassinat ? D’un suicide ? Dès cette découverte macabre, en effet, le pouvoir austro-hongrois cherche à brouiller les cartes. Officiellement, on parle d’abord d’une attaque d’apoplexie. Mais l’un des médecins chargés de signer le permis d’inhumer refuse catégoriquement cette explication. On évoque alors la fièvre jaune. Sans plus de succès. On ébauche finalement la thèse de l’assassinat par les sbires de Guillaume II, roi de Prusse et empereur d’Allemagne. L’affaire ne sera pas pour autant éclaircie car nombre de chroniqueurs intéressés par cette histoire vont défendre la cause, la plus romantique, du double suicide, notamment sur la foi d’une lettre que Marie Vetsera aurait envoyé à sa mère : « Je meurs avec Rodolphe. Nous nous aimons trop. Pardonne et adieu. Ta malheureuse Marie. » C’est une lettre qu’évoqua Jacques Rémy, auteur du scénario et promoteur du projet cinématographique : « Je pense finalement – expliqua-t-il – que les deux jeunes gens avaient décidé de se suicider ensemble. Il y a une lettre d’eux trouvée dans leur chambre, formelle à cet égard. Mais Rodolphe ayant au matin changé d’avis, c’est Marie Vetsera qui a tiré sur son amant et s’est tuée ensuite. » Curieusement, le scénariste fut déjugé par le metteur en scène lui-même qui proclama, de son côté, qu’il n’était pas de cet avis et que l’Archiduc ainsi que sa maîtresse furent bel et bien assassinés. Une hypothèse à laquelle se rallient d’ailleurs aujourd’hui la plupart des historiens, sans pour autant avoir levé complètement le voile sur le mystère de cette double disparition. Quoi qu’il en soit, le film de Jean Delannoy s’attache surtout à dénoncer les simagrées de la Cour d’Autriche-Hongrie et les atermoiements de François-Joseph dont l’empire est alors en pleine déliquescence faisant étroitement surveiller son fils Rodolphe qui court les filles et manifeste des idées bien trop libérale à son gré. Le Secret de Mayerling est la seconde vision cinématographique française de ce mystère princier, la première ayant été interprétée par Charles Boyer et Danielle Darrieux sous la houlette du russo-américain Anatole Litvak dans les années trente. Le film de Delannoy, sorti au printemps 1949, bénéficia d’un beau succès, mais celui-ci dut sans doute beaucoup au charme de Marais, superbement sanglé dans son uniforme et portant avec élégance une fine moustache[1]. »

Selon Jean Delannoy[modifier | modifier le code]

« Du point de vue artistique, peu de chose à dire du Secret de Mayerling, sinon qu’il marque l’intérêt que je prends à respecter la vérité historique quand elle dépasse la fiction, une vérité trop souvent transgressée au profit d’historiettes sentimentales éculées. Tous les films sur le drame de Mayerling racontent une idylle romantique sans aucun rapport avec la réalité. Pourtant, cette réalité reste brûlante, elle nous touche de près. Elle n’a que soixante ans [en 1949]. Avec mon ami Philippe Hériat, nous avons eu accès à des documents qui nous ont permis d’établir, de façon irréfutable, la responsabilité de l’Allemagne dans la mort du prince héritier d’Autriche et de Marie Vetsera. […] Le suicide des amants est une invention pure et simple, pour raison diplomatique. En réalité, le couple a été victime d’un assassinat politique organisé par un émissaire de Bismarck, et d’un manichéen drame sentimental. Tous les détails de ce double assassinat m’ont été donnés sur place à la Hofburg de Vienne et au Luxembourg, par des personnages officiels dont j’ai promis de taire les noms. J’ai respecté mon serment mais j’ai fait un film dont tous les détails sont authentiques. Ils sont bouleversants et j’ai décidé de n’en omettre aucun. Je me suis rendu sur place. J’ai vu la petite tombe, creusée à la hâte à Haligenkreuz pour y recevoir le corps de la malheureuse Marie Vetsera, tandis que celui de Rodolphe était transporté, solennellement à la Hofburg, sur ordre de son père, l’empereur d’Autriche, François-Joseph. Il y a une certaine satisfaction à rétablir une vérité historique, surtout quand elle est à ce point bafouée. Je l’ai fait et j’ai pris l’engagement chaque fois que j’en aurai l’occasion d’agir de la même façon (Marie-Antoinette, Jeanne d’Arc, Le coup d’État du , Vénus impériale, Frère Martin). La réalité est toujours plus extraordinaire que les inventions les plus échevelées des scénaristes. Qui aurait été capable d’imaginer cette scène que j’ai reproduite où l’on voit, ce matin du , deux personnages transporter le corps de Marie Vetsera, debout, alors qu’elle est morte et qu’une canne passée sous son manteau empêche son corps de s’affaisser. Toute cette mise en scène pour faire croire qu’elle est encore vivante […]

Jusqu’à ce jour, aucun cinéaste n’avait encore dévoilé le rôle politique joué par Rodolphe dans la lutte du peuple hongrois pour son indépendance, prenant ainsi parti contre la volonté de son père, l’empereur François-Joseph, allié de l’Allemagne. Celui qui était appelé à devenir empereur d’Autriche était ami de Clemenceau et un allié de la France. Il écrivait, sous un pseudonyme, des articles défendant les Droits de l'homme et prophétisait une Europe unie. De telles préoccupations l’entrainaient loin des intrigues d’alcôves, même s’il est vrai que la fraîcheur de Marie Vetsera ait pu l’émouvoir au milieu des « comtesses hygiéniques » choisies par sa mère, l'impératrice Élisabeth d'Autriche. Les services secrets allemands ont profité de cette escapade au rendez-vous de chasse de Mayerling pour faire disparaître l’héritier du trône, si dangereux pour l’hégémonie allemande rêvée par Guillaume II. Par la même occasion, on se débarrassait du témoin gênant qui l’accompagnait en toute innocence : Marie Vetsera. Toutes les précautions prises, la nuit du drame, par François-Joseph pour cacher la vérité, sont une preuve supplémentaire du meurtre, travesti en suicide, y compris la démarche de l’empereur auprès du Saint-Père[n 3] cette même nuit. Cette thèse de l’assassinat du prince héritier a été confirmée par Zita de Bourbon-Parme, la dernière impératrice d’Autriche, à son retour d’exil en 1982, au cours d’une interview accordée à Jean des Cars, jeune historien, envoyé spécial du Figaro Magazine. Rodolphe mort, c’est son cousin, l’archiduc François-Ferdinand, qui devait lui succéder à la tête de l’empire. Il fut assassiné, le , à Sarajevo, et son assassinat déclencha, comme on le sait, la Première Guerre mondiale, préparée de longue date par Guillaume II[2]. »

Production[modifier | modifier le code]

Casting[modifier | modifier le code]

  • « Silvia Monfort devient pour Jean Delannoy l'archiduchesse Stéphanie, épouse infortunée de Rodolphe de Habsbourg. Beauté absolue des premières images : dans la nuit, on emporte les corps des amants foudroyés, Marie Vetsera et Rodolphe, qu'interprète Jean Marais. La dépouille du jeune homme est ramenée à la Hofburg et celle de Marie jetée à la fosse commune. Les dialogues sont signés Philippe Hériat et Marguerite Jamois débute à l'écran dans le rôle de l'impératrice. Dominique Blanchar joue le rôle de Marie Vetsera. Elle deviendra une grande comédienne de théâtre. » - Françoise Piazza[3]
  •  « L’interprétation principale ne m’a posé aucun problème : Jean Marais était un Rodolphe idéal et Dominique Blanchar avait l’innocence et la jeunesse de Marie Vetsera. Quant à Jean Debucourt, le visage orné des favoris impériaux, il était un François-Joseph tout à fait ressemblant. Pour Elisabeth, impératrice d’Autriche, et mère de Rodolphe, c’était beaucoup plus délicat. Elisabeth, à 52 ans, était encore très belle. Trouver une comédienne de talent, qui ait le charme et la séduction de Sissi se révélait impossible. J’ai dû jouer sur la classe du personnage pour m’en sortir. À défaut d’être jolie, Marguerite Jamois avait l’allure, la dignité et l’intelligence du rôle. Mais cette demi-mesure continue à me gêner. Heureusement que le public, à quelques exceptions près, est assez ignorant, surtout que le rôle de l’impératrice est épisodique. Codo-film, la société productrice est dirigée par un personnage assez pittoresque et d’une surprenante vulgarité : Claude Dolbert, producteur habituel de films de seconde catégorie mais commerciaux, qui s’était soudain sublimé en s’attaquant à un sujet aussi ambitieux que Le Secret de Mayerling. Pour me proposer la réalisation du film, il m’avait abordé en ces termes : « Tu comprends, tu es ma tranche de luxe… » - Jean Delannoy[2]

Tournage[modifier | modifier le code]

Accueil[modifier | modifier le code]

La critique est favorable et le film connaît un beau succès avec 2 430 628 spectateurs (cf. box-office France 1949).

Vidéographie[modifier | modifier le code]

  • Le Secret de Mayerling de Jean Delannoy, René Chateau Vidéo, 1 DVD Région 2 [présentation en ligne] : L'éditeur mentionne « Version intégrale » (durée 110 min)
  • Dans le film commercialisé en 1994 en VHS par le même éditeur, la fin a été coupée et il manque sept minutes par rapport à l'original, sans que l'auteur, Jean Delannoy en ait été informé[7]. Le parti pris de l'assassinat en est gommé.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. L'historien Maurice Paléologue aura ces mots : « Dans l’histoire des Hasbourg, la date du est fatidique. C’est ce jour-là que le destin s’est irrévocablement prononcé contre eux. »
  2. Durée annoncée par le CNC.
  3. Pour préserver l'image de la dynastie, l'empereur François-Joseph fera l'impossible pour obtenir du pape Léon XIII que son fils soit inhumé chrétiennement dans la crypte impériale du couvent des Capucins, et non à l'écart comme l'Église l'impose à l'époque à tous les suicidés.

Références[modifier | modifier le code]

  1. Gilles Durieux, Jean Marais : Biographie, Paris, Flammarion, , 287 p. (ISBN 978-2-08068-432-5) page 148.
  2. a et b Jean Delannoy, Aux yeux du souvenir : Bloc-notes 1944/1996, Société d’édition Les Belles Lettres, (ISBN 2-251-44130-1).
  3. Françoise Piazza (préf. Jean-Claude Drouot), Silvia Monfort : Vivre debout, Paris, Didier Carpentier, , 146 p. (ISBN 978-2-84167-719-1, BNF 42429097, lire en ligne), p. 48.
  4. Frédéric Lecomte-Dieu, Marais & Cocteau, L’abécédaire, Éditions Jourdan, collection Les Mythiques, 2013, page 251 (ISBN 978-2-87466-272-0)
  5. Bibliothèque du film, dates de tournage
  6. Anecdote : Jean Marais n'arrêtait pas de dire : « Mais, que c'est beau ici ! ». Voir : L'Alsace
  7. Jean des Cars, Rodolphe et le secret de Mayerling, Paris, Perrin, , 685 p. (ISBN 978-2-26202-654-7, lire en ligne).

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Isabelle Collin, Pauline Dufourcq et Mélanie Lemaire, Les plus grands films de Cape et d’Épée en DVD : Volume 2, Paris, Éditions Atlas, , 204 p. (ISBN 978-2-7312-3089-4 (édité erroné), BNF 40945398), « Le Secret de Mayerling », p. 144-156

Liens externes[modifier | modifier le code]