Joseph Rosati

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Joseph Rosati
Image illustrative de l’article Joseph Rosati
Mgr Joseph Rosati.
Biographie
Naissance
à Sora Drapeau du Royaume de Naples Royaume de Naples
Ordre religieux Lazaristes
Ordination sacerdotale
Décès (à 54 ans)
Rome  États pontificaux
Évêque de l'Église catholique
Ordination épiscopale par Mgr Guillaume-Valentin Dubourg, évêque de Louisiane et des Deux Florides
Dernier titre ou fonction Évêque de Saint-Louis
Délégué apostolique à Haïti
Évêque de Saint-Louis
Administrateur apostolique du diocèse de Saint-Louis
Administrateur apostolique du diocèse de La Nouvelle-Orléans
Évêque coadjuteur de Louisiane et des Deux Florides
Évêque titulaire de Tanagra (de)

(en) Notice sur www.catholic-hierarchy.org

Joseph Rosati, né le à Sora (Italie) et mort le à Rome, est un missionnaire catholique d'origine italienne, membre de la Congrégation de la Mission. Il fut le premier évêque du diocèse de Saint Louis aux États-Unis après sa création en 1826. Jusqu'à sa mort, il joue un rôle de première importance dans le développement de l'Église catholique dans le pays et dans l'implantation de sa congrégation en Amérique du Nord.

À la fin de sa vie, il remplit de nombreuses missions diplomatiques pour le Saint Siège. Envoyé à Haïti en 1843 en tant que délégué apostolique, il participe à la rédaction d'un premier projet de concordat entre les autorités haïtiennes et l'Église catholique.

Biographie[modifier | modifier le code]

Jeunesse et formation[modifier | modifier le code]

Jeunesse à Sora[modifier | modifier le code]

Pietro Luigi Giusepe Raffaele Rosati est né le dans la ville de Sora en Campanie, région qui était alors sous la domination du Royaume de Naples, dans une famille pieuse[1],[2]. Il est le fils de Giovanni et de Maria Vienna Senese[3].

Il commence ses études en vue de devenir prêtre à l'âge de 9 ans[4]. Il reçoit la tonsure à l'âge étonnant pour l'époque de 12 ans puis se lance dans les études de philosophie. Une retraite prêchée dans sa ville natale par un Vincentien lui inspire l'idée de se présenter comme candidat à la Congrégation de la Mission, également connue sous le nom des « frères lazaristes »[1].

Études à Rome[modifier | modifier le code]

Joseph Rosati commence son noviciat à Rome en 1807. Quelques mois après son arrivée, le , la ville est occupée par l'armée française de l'empereur Napoléon, dont la politique à l'égard du Saint Siège a pris un tournant hostile depuis 1806.

C'est dans ce climat de tension que Joseph Rosati prononce ses vœux huit mois après son arrivée le à l'âge de 19 ans. Pour ce faire, le religieux bénéficie d'une dispense spéciale du pape Pie VII, considérant la difficulté de poursuivre son noviciat du fait de l'occupation française[1],[5].

Après un voyage à Sora pour rendre visite à son père, dont la santé était déficiente, Joseph Rosati revient à Rome à l'automne pour entreprendre ses études de théologie. Il suit notamment les cours de Félix De Andreis à la maison de Montecitorio, siège de la Congrégation. De Andreis deviendra par la suite son supérieur lors de la fondation de la mission américaine. Celui-ci l'encourage à apprendre l'anglais plutôt que l'hébreu en vue de sa future vie de missionnaire[2].

Rosati est ordonné prêtre dans la chapelle de Montecitorio le à l'âge de 22 ans, grâce à une nouvelle dispense papale[1],[6].

Missionnaire en Amérique[modifier | modifier le code]

L'appel de l'Amérique[modifier | modifier le code]

Pendant les trois premières années de son sacerdoce, Joseph Rosati prêche à Naples puis dans d'autres missions de la campagne napolitaine[1]. En 1814, il repart à Rome et est envoyé en mission dans les petites villes du sud du Latium[3].

En , alors qu'il prêche une mission à La Scarpa, Joseph Rosati reçoit une lettre de son ancien professeur De Andreis, qu'il avait accompagné dans plusieurs missions et visites de charité après son ordination[2]. Ce dernier l'invite à se porter candidat à la mission de Louisiane en Amérique du Nord, pour y établir un nouveau séminaire[7].

Le nouvel ordinaire du diocèse de la Louisiane et des Deux-Florides, Guillaume-Valentin Dubourg, prêtre français de la Société de Saint-Sulpice, avait accepté cette même année la charge d'administrateur apostolique. Il subordonnait son ordination en tant qu'évêque à la venue de missionnaires européens de diverses congrégations[8].

Dépourvu d'évêque depuis 1803, le diocèse de la Louisiane et des Deux Florides, vaste comme l'Europe de l'Ouest, s'étendait du golfe du Mexique aux Grands Lacs canadiens sur les deux rives du Mississippi. Il venait tout juste d'être le lieu d'affrontements violents entre les Britanniques et les États-Unis lors de la guerre de 1812. De surcroît, celui-ci se trouvait désormais sous la tutelle d'un État sans religion officielle après le retrait de la France d'Ancien Régime et de l'Empire espagnol. Dans ce contexte défavorable, l'Église catholique devait désormais faire face à la concurrence d'autres Églises protestantes et à l'arrivée d'immigrants européens non catholiques, parfois inspirés par les idées de la Révolution française et hostiles à l'Église[9],[7].

De passage à Rome en 1815 pour se faire sacrer évêque avant de partir pour l'Amérique, Mgr Dubourg avait été captivé par le style des prédications et la réputation de De Andreis, et lui avait proposé de l'accompagner en Amérique en tant que supérieur d'un groupe de missionnaires vincentiens[1],[2].

Voyage vers les États-Unis[modifier | modifier le code]

Joseph Rosati accepte la proposition de son ancien professeur. Âgé de 26 ans, celui-ci rejoint le groupe de cinq missionnaires rassemblé par Félix De Andreis. Après avoir gagné Rome puis Gênes, Rosati se rend à Bordeaux pour terminer ses ultimes préparatifs durant six mois avant de traverser l'Atlantique[10].

Parti de France le à bord d'un navire américain, The Ranger, Joseph Rosati et les autres missionnaires vincentiens qu'il accompagnait débarquèrent à Baltimore le [2]. Après un mois de repos au séminaire St. Mary, ils partirent ensemble le pour Pittsburgh, puis descendirent l'Ohio jusqu'à Louisville et Bardstown dans le Kentucky. Cette dernière ville, la seconde plus ancienne de l'État, disposait de son propre siège épiscopal. Ils y furent reçus par l'évêque de la ville, Mgr Benoît-Joseph Flaget, qui les hébergea au séminaire St. Thomas[2].

Joseph Rosati profita de cette période pour poursuivre sa formation de missionnaire, le diocèse ne disposant pas encore d'institutions capables de les accueillir à cet effet dans le Missouri[7],[11]. C'est aux États-Unis et en particulier durant son séjour à Bardstown qu'il commence à se faire connaître sous le nom de « Joseph Rosati ». Il s'y perfectionna dans la maîtrise de la langue anglaise, dans laquelle il effectua de rapide progrès selon son supérieur Félix De Andreis et s'initia à son nouveau ministère auprès des immigrants et des Amérindiens[1],[7]. En 1817, il se rendit à Vincennes dans l'Indiana pour prêcher la première mission vincentienne aux États-Unis avant que la construction du séminaire des Barrens n'occupe entièrement les missionnaires[12].

Vue du séminaire Saint Mary's of the Barrens à Perryville, Missouri (avant 1900)

La création du séminaire St. Mary aux Barrens[modifier | modifier le code]

À l'automne 1818, Rosati quitte Bardstown en compagnie de Mgr Flaget, de Félix De Andreis et de Frère Blanka, par bateau, sur l'Ohio jusqu'au Mississippi, puis à dos de cheval jusqu'à Saint-Louis[13],[2]. Le , Rosati pénétra pour la première fois dans son futur diocèse[1]. Il rejoignit le le campement alors dit des Barrens à environ 130 kilomètres de Saint-Louis, qui deviendra plus tard la ville de Perryville, afin d'y poursuivre la construction du Séminaire St Mary, la maison-mère de la Congrégation de la Mission en Amérique du Nord[1],[14].

Selon la correspondance de Joseph Rosati de cette époque, la vie du missionnaire italien se partage alors entre l'enseignement, la construction du séminaire, la prédication et son ministère sacerdotal auprès de ses paroissiens. La mort de son supérieur Félix De Andreis le est un grand choc pour lui. Il écrit à son frère Nicola : « Tu ne peux pas t’imaginer combien cet évènement affreux nous affligea tous. Ce n'était pas tellement pour lui, puisque c’était un saint, qui vécut et mourut comme un saint. La durée de sa vie apostolique fut brève, spécialement dans ces terres, mais néanmoins pleine de bénédictions. L’évêque, le diocèse, et notre Congrégation ont perdu un grand soutien »[15].

Évêque coadjuteur de Louisiane et des Deux-Florides[modifier | modifier le code]

Portrait de Mgr Guillaume-Valentin Dubourg en 1833

Collaborateur de Mgr Dubourg[modifier | modifier le code]

Après la mort de De Andreis, Joseph Rosati devint le supérieur de la mission vincentienne américaine, qui dépendait alors toujours de la Province romaine. Dans le même temps, Rosati continua à enseigner la logique et la théologie au séminaire des Barrens, qui accueillit à partir de 1823 des étudiants[2].

Son évêque, Mgr Dubourg, en vint à s'appuyer de plus en plus sur lui. Il lui demanda de délaisser l'enseignement pour se concentrer davantage sur l'activité missionnaire auprès de la population locale et des immigrants, mais Rosati poursuivit toutefois son activité de formation des séminaristes[3].

Après que Joseph Rosati ait refusé en août 1822 de devenir vicaire apostolique au Mississippi et en Alabama en raison du manque de moyens disponibles pour cette tâche et de la nécessité de poursuivre sa tâche au séminaire, Mgr Dubourg le proposa sans l'en avertir à l'épiscopat pour devenir son coadjuteur et prendre en charge le nord du diocèse[1],[16],[2].

Ordination épiscopale[modifier | modifier le code]

Le , Pie VII nomma Joseph Rosati évêque titulaire de Tanagra (de) et coadjuteur du diocèse de Louisiane et des Deux-Florides. Afin de prévenir un nouveau refus de sa part, la bulle du Saint-Siège était accompagnée d'une lettre lui enjoignant l'obéissance[2]. Rosati fut ordonné évêque le par Mgr Dubourg dans l'église de Donaldsonville en Louisiane, à mi-chemin entre les deux centres de population, La Nouvelle Orléans au sud et Saint Louis au nord[17],[18].

Après son ordination, Rosati visita les paroisses et les communautés de la basse Louisiane avant de retourner aux Barrens, où il reprit ses classes comme avant, en s'appuyant sur deux confrères futurs évêques, Léon-Raymond de Neckère et Jean-Marie Odin, pour faire face à l'accroissement de ses responsabilités[1],[4].

L'augmentation rapide de la population entraînait en effet de nouveaux problèmes pour le diocèse, en raison du faible nombre relatif de prêtres et de religieux pour répondre aux besoins des fidèles, et des distances énormes difficiles à parcourir, tout particulièrement en certaines saisons. Cette dernière situation restreignait les nouvelles implantations à proximité du Mississippi et de ses affluents et nécessitait des voyages fréquents de la part du coadjuteur en l'absence de Mgr Dubourg[1].

Évêque de Saint Louis[modifier | modifier le code]

Un évêque pour le nouveau diocèse de Saint Louis[modifier | modifier le code]

À la surprise de Rosati, Mgr Dubourg profita d'une visite à Rome en pour présenter sa démission, ce qui fit de Rosati l'ordinaire du diocèse. Le pape Léon XII ordonna la partition du diocèse le et le nomma évêque de La Nouvelle Orléans au lieu de l'être de Saint-Louis. Joseph Rosati contesta cette décision en arguant que ce changement le séparerait de la Congrégation de la Mission. Le Saint Siège se rangea à ses arguments et changea son affectation[1].

Par un bref pontifical de Léon XII le , Mgr Rosati fut ainsi nommé évêque de Saint-Louis, diocèse aux frontières incertaines qui comprenait à l'époque l'État du Missouri, l'Arkansas, les deux-tiers de l'Illinois et les territoires s'étendant au-delà des sources du Mississippi et à l'Ouest de la rivière Missouri. À l'exception de quelques villages de colons français et espagnols, qui ne recevaient que rarement la visite d'un prêtre catholique, le diocèse de Saint-Louis était un vaste territoire, principalement peuplé par les tribus amérindiennes[2]. Le diocèse était toutefois stratégique comme base de départ pour les missions vers le Mexique et vers le Canada, alors sous domination britannique[3].

Le diocèse s’avéra difficile à administrer, et Rosati se désespéra de recruter suffisamment de personnel religieux pour répondre aux besoins des fidèles[19]. Dans une lettre à l'abbé Perreau, vicaire général de Mgr le Grand-Aumônier, en date du , il écrit[9] :

« Malgré tous les efforts qu’on a faits pour former des prêtres dans le pays et pour en avoir de l’Europe, je n’ai pas encore le bonheur de voir toutes les paroisses, déjà établies dans la Louisiane, fournies de pasteurs. Il y en a dix-neuf. Dans ce moment il y en a deux de vacantes ; les autres ont chacune un prêtre ; mais il y en a qui en demandent deux, et quelques-unes encore trois. La paroisse de La Nouvelle-Orléans a un curé et trois vicaires ; l’église de l’évêché a un prêtre ; il en faudroit un autre. Les Ursulines ont un aumônier qui exerce le ministère et prêche pour les gens du quartier où est le couvent »

L'essor du diocèse[modifier | modifier le code]

Cathédrale Saint-Louis-Roi-de-France de Saint Louis, édifiée par Joseph Rosati

Bien qu'il ait préféré sa résidence des Barrens, Rosati se rendit après sa nomination à Saint-Louis pour y fixer sa résidence[2]. Celui-ci se mit dès lors en quête de nouveaux fonds pour assurer son développement. Le nouvel évêque entreprit de construire une nouvelle église paroissiale, sous le patronage de Notre-Dame de l'Assomption, qui fut bâtie sur le modèle de la chapelle de la maison de Montecitorio où il avait été ordonné prêtre, ainsi qu'une nouvelle cathédrale pour remplacer l'ancien bâtiment qui en tenait lieu. Celle-ci fut consacrée le sous le nom de cathédrale Saint-Louis-Roi-de-France[4],[7]. Rosati établit de nombreuses autres paroisses dans son diocèse. En 1833, il envoie un prêtre fonder la première paroisse catholique de Chicago[20],[21].

Rosati invite de nombreuses congrégations dans son diocèse à l'instar des Jésuites, des sœurs de Saint Joseph de Carondelet, originaires de Lyon et qui établissent à Saint-Louis leur première installation en Amérique du Nord, des sœurs du Sacré Cœur et des sœurs de la charité de Sainte-Élisabeth, qui jetèrent les bases du premier hôpital catholique dans l'Ouest catholique à Saint-Louis[22]. L'évêque chercha par ce moyen à développer l'éducation catholique dans son diocèse, qui disposait depuis 1818 de sa propre université. En 1833, il invita les Sœurs de la Visitation à venir de Baltimore pour fournir une éducation pour les filles. Les Jésuites disposaient également de leur collège dans la ville épiscopale. En 1842, les Frères de Saint-François-Xavier s'établirent à leur tour dans le diocèse[1],[7].

De plus en plus occupé par sa charge épiscopale, Rosati délaissa son rôle de supérieur des Pères Vincentiens, entraînant un certain malaise de la part des membres de la communauté. L'évêque de Saint-Louis fut remplacé à cette tâche par John Baptist Tornatore. Cette nomination permit à l'évêque de Saint-Louis de se consacrer davantage à son diocèse[1].

Un des bâtisseurs de l'Église américaine[modifier | modifier le code]

Rosati suggéra de nombreux noms à l'épiscopat pour les nouveaux diocèses américains. Au cours de sa carrière, il fut le principal consécrateur de six d'entre eux : Michael Portier en 1826, le futur premier évêque de Mobile, Léon-Raymond de Neckère en 1830, évêque de La Nouvelle Orléans, Frederick Rese en 1833, premier évêque de Détroit, Antoine Blanc en 1835, premier archevêque de La Nouvelle Orléans, Richard Pius Miles en 1838, premier évêque de Nashville, et Peter Richard Kenrick en 1841, son coadjuteur[6].

Le , Joseph Rosati participe au 1er Concile provincial de Baltimore, premier siège épiscopal américain[4],[23]. Du fait de son don pour les langues, Mgr Rosati fut choisi pour écrire la lettre officielle au pape Pie VIII, résumant les activités de tous les évêques américains, y compris lui-même[1] :

« Six séminaires ecclésiastiques, l’espoir de nos Églises, ont déjà été fondés, et son dirigés dans la sainte discipline par des prêtres pieux et instruits ; neuf collèges sous contrôle ecclésiastique, la gloire du nom de Catholique, ont été érigés dans différents États où l’on forme les garçons et les jeunes gens é la piété, aux arts et aux branches les plus élevées de la science ; trois d’entre eux ont été admis au rang d’universités par la législature ; 33 monastères et couvents de religieuses... des maisons de religieux de l’Ordre des Frères Prêcheurs et de la Société de Jésus, de prêtres séculiers de la Congrégation de la Mission, et de Saint Sulpice, qui servent de centres, d’où les prêtres sont envoyés aux missions »

Joseph Rosati participe également en 1833 au deuxième Concile provincial dans la même ville, au cours duquel il fut chargé avec l'évêque de Boston, Mgr Fenwick de la préparation d'une édition complète du Rituale à l'usage des États-Unis.

Un évêque diplomate[modifier | modifier le code]

Portrait de Joseph Rosati par Louis Schultze (1887)

Retour en Europe[modifier | modifier le code]

Rosati participe au troisième Concile provincial, puis au quatrième Concile en 1840 à Baltimore. Après ce dernier, il se rend en Europe pour la première fois depuis son départ pour l'Amérique en 1816, afin de lever des fonds et recruter de nouveaux prêtres et religieux pour son diocèse.

Après un passage à Paris dans la nouvelle maison-mère de la Congrégation de la Mission où il rencontre le Supérieur général Jean-Baptiste Nozo, Rosati se rend à Lyon, puis en Italie et à Rome où il est reçu avec chaleur par le pape Grégoire XVI[1].

Délégué apostolique à Haïti[modifier | modifier le code]

Mission du Saint Siège[modifier | modifier le code]

Grégoire XVI nomme l'évêque de Saint Louis délégué apostolique à Haïti, afin de négocier avec le gouvernement local la mise en place d'un concordat et le rétablissement d'une organisation hiérarchique de l'Église locale, que l'État avait pris en charge jusqu'ici. Cette nomination faisait suite à de premiers échanges infructueux entre Mgr England, évêque de Charleston, et le président de la république Jean-Pierre Boyer, qui demandait au Saint-Siège de poursuivre les discussions afin de parvenir à un accord[1],[24],[25].

Cette mission s'avérait délicate d'un point de vue diplomatique et nécessitait que la France, ancienne puissance coloniale dans l'île, en soit informée. À cette fin, Mgr Rosati se rend à Paris en afin de rencontrer le ministre des Affaires étrangères François Guizot. Il repart ensuite pour l'Amérique pour pourvoir à l'administration de son diocèse en son absence[3].

Mgr Rosati débarqua à Boston le puis se rend à Philadelphie pour ordonner à l'épiscopat le son coadjuteur Peter Richard Kenrick, avec, comme coconsécrateurs, Mgr Francis Patrick Kenrick, et Mgr Paul Lefevere[2],[26].

Arrivée à Port-au-Prince[modifier | modifier le code]

L'évêque de Saint Louis part ensuite de New York pour Port-au-Prince, qu'il gagne après trois semaines de traversée le . Après avoir débarqué discrètement et gagné le presbytère de la ville, par défiance à l'égard des autorités, Rosati est accueilli chaleureusement par la foule après que la nouvelle de son arrivée se soit répandue[27].

Le lendemain de son arrivée, le représentant du Saint Siège écrit une lettre au président pour annoncer sa présence et préciser le but de sa mission. Il la fait parvenir par l'entremise du consul général de France, Auguste Levasseur, qui y voyait de son côté une occasion de se rapprocher de la présidence haïtienne[27]. Joseph Rosati est reçu deux jours plus tard avec les honneurs par Jean-Pierre Boyer au palais de la présidence. L'évêque lui remit à cette occasion le bref adressé par le pape Grégoire XVI, qui insiste sur la nécessité de la stabilité du culte catholique pour assurer celle de l'État haïtien[27].

La négociation du projet de concordat[modifier | modifier le code]
Jean-Pierre Boyer, Président de la République haïtienne

Le chef d'État s'estime satisfait de trouver en Mgr Rosati un interlocuteur plus conciliant que son prédécesseur, favorisée dans la mesure où l'évêque américain prit l'initiative de proposer la conclusion d'un concordat. La réussite des négociations importait d'autant plus pour lui que la mission diplomatique de Mgr Rosati coïncidait avec la tenue d'élections dans l'île, marquées par une progression de l'opposition. De surcroît, l'opinion publique se montrait en faveur d'un changement de politique religieuse. Aussi Jean-Pierre Boyer se montra-t-il empressé à ménager l'envoyé du pape et à parvenir à un accord[27].

La mission de Mgr Rosati se déroula sans heurts et aboutit rapidement. Le légat participa à trois réunions en présence d'une commission réunie par Jean-Pierre Boyer jusqu'à la signature d'un projet de concordat le . Cet accord, comprenant 16 articles prévoyait une protection spécifique par le gouvernement de la religion catholique (celle-ci étant « professée par la majorité des Haïtiens »), l'établissement d'un archidiocèse unique dans l'île dont le siège serait fixé à Port-au-Prince ainsi que la nomination par le président d'Haïti des archevêques et des évêques dans le pays, ceux-ci devant prêter serment d'obéissance et de fidélité au gouvernement avant leur entrée en fonction[28].

Le concordat prévoyait en outre le financement par l'État de la religion catholique dans le pays, la récitation de prières pour le président de la république à la fin des messes, ainsi que l'accord préalable des autorités concernant toute réorganisation du culte dans l'île. Dans le même temps, le concordat prévoyait en outre qu'aucune atteinte ne soit portée à la correspondance entre le Saint Siège et les religieux catholiques à Haïti sur les matières de religion[28].

Les autorités d'Haïti furent très satisfaites de l'accord et promirent d'envoyer à Rome des représentants afin de signer un concordat définitif[28]. Avant de repartir à Rome via la France sur la corvette Le Berceau, Mgr Rosati consacre de l'huile sainte pour les paroisses de la ville et donne le sacrement de la confirmation à 448 adultes[2].

Une réception mitigée[modifier | modifier le code]

Si le document de l'accord réglait les points en litige, celui-ci suscita cependant des critiques. Le consul de France Levasseur estima après la signature de l'accord que le président Boyer avait leurré l'envoyé du pape[27].

À Rome, le concordat fut l'objet de telles discussions que le Saint-Siège décida d'envoyer Rosati de nouveau à Haïti pour prolonger les négociations. Celles-ci sont entravées par la révolution haïtienne de 1843 et l'abdication de Jean-Pierre Boyer qui mirent fin aux efforts de l'évêque pour parvenir à un accord[1].

En 1860, le texte de l'accord est revisité par le cardinal Giacomo Antonelli et Pierre Faubert jusqu'à la signature d'un concordat définitif[27].

Délégué du Saint-Siège auprès de la Congrégation pour la Mission[modifier | modifier le code]

Au début de l'année 1843, le Saint-Siège délégue Joseph Rosati pour régler les dissensions internes de la Congrégation pour la Mission entre les religieux français et italiens, les deux nationalités les plus représentées en son sein. Les Italiens reprochaient notamment aux Français de dominer le gouvernement de la Congrégation et plaidaient pour une meilleure représentation des différentes nationalités la composant dans ses instances dirigeantes. Après avoir rencontré le Supérieur général à Rome, puis avoir présidé une réunion entre Vincentiens français et italiens, une solution est trouvée et approuvée par une commission de cardinaux[1].

Au terme de ces discussions, Rosati se prépare à quitter l'Europe pour retourner à Haïti, en prévoyant une étape à Baltimore à l'occasion du cinquième Concile provincial et se rend jusqu'à Paris au début d'.

Maladie et décès[modifier | modifier le code]

Durant son voyage qui devait le ramener en Amérique du Nord, la santé de Joseph Rosati se dégrade en raison d'une maladie pulmonaire, qui pouvait être une tuberculose. Après un moment de repos, il repart pour Rome et meurt le à 54 ans à la maison de Montecitorio des suites d'une maladie sans avoir pu revenir dans son diocèse de Saint Louis[4],[18]. Ses obsèques sont célébrées avec une grande solennité et il est enseveli à Montecitorio.

En 1954, lorsque la Congrégation de la Mission déménage au Collegio Leoniano, ses restes sont ramenés à la cathédrale qu'il avait construite à Saint Louis[1],.

Héritage[modifier | modifier le code]

Postérité[modifier | modifier le code]

Si Rosati se présentait comme le moins brillant des compagnons de Félix De Andreis, celui-ci eut cependant un héritage plus important que lui, en raison entre autres de la plus longue durée de son ministère en Amérique du Nord. Joseph Rosati favorisa l'implantation et le développement de la Congrégation de la mission aux États-Unis et au Canada, grâce au séminaire de Perryville. Les instituts d'éducation catholique qu'il fonda formèrent de nombreux ecclésiastiques promis à de brillantes carrières comme Jean-Marie Odin et John Timon[3].

Hommage par le pape Jean-Paul II[modifier | modifier le code]

Le pape Jean-Paul II mentionne Joseph Rosati dans l'homélie qu'il prononça le au stade Trans World Dome durant son voyage à Saint-Louis et au Mexique[29] :

« En fidélité au commandement d'évangélisation du Christ, le premier Pasteur de cette Église locale, l'Évêque Joseph Rosati, qui venait de la ville de Sora, tout près de Rome, a promu une activité missionnaire exceptionnelle dès le début. En effet, aujourd'hui, l'on dénombre quarante-six diocèses différents dans la région que l'Évêque Rosati servit. »

Notes et références[modifier | modifier le code]

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  2. a b c d e f g h i j k l m et n (en) Richard Henry Clarke, Lives of the Deceased Bishops of the Catholic Church in the United States Volume 1, Hardpress Publishing, , 560 p. (ISBN 978-1290477796, lire en ligne), p. 352-371
  3. a b c d e et f (it) Matteo Sanfilippo, Dizionario Biografico degli Italiani, vol. 88, (ISBN 978-88-12-00032-6, lire en ligne), « ROSATI, Giuseppe »
  4. a b c d et e (en) Thomas F. Meehan, The Catholic Encyclopedia. An International Work of Reference, New York, Robert Appleton Company, (lire en ligne), Joseph Rosati
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  6. a et b « Bishop Joseph Rosati, C.M. † », sur Catholic-hierarchy.org (consulté le )
  7. a b c d e et f (en) John E. Rybolt C.M., Ph.D., « Three Pioneer Vincentians », Vincentian Heritage Journal,‎ , p. 158 à 161 (lire en ligne)
  8. John Rybolt C.M., « La Congrégation de la Mission aux Etats Unis Vue d’ensemble historique », Vincentiana, vol. 45, no 3,‎ (lire en ligne)
  9. a et b Geneviève Piché, Du baptême à la tombe : Afro-catholicisme et réseaux familiaux dans les communautés esclaves Louisianaises (1803-1845), Rennes, Presses universitaires de Rennes, (ISBN 9782753578623, lire en ligne), « Le monde religieux de la Louisiane »
  10. (en) John E. Rybolt, C.M., Frontier Missionary. Felix De Andreis, C.M., 1778-1820, Chicago, Vincentian Studies Institute, , 477 p. (lire en ligne)
  11. Tangi Villerbu, « La réorganisation de l’Eglise catholique entre Appalaches et Mississippi dans les années 1810 », sur Université de Brest (consulté le )
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  13. John Rybolt C.M., « La Congrégation de la Mission aux Etats Unis: Vue d’ensemble historique », Vincentiana, vol. 45, no 3,‎ (lire en ligne)
  14. (en) Bill Eddleman, « Missouri Bicentennial Minutes: The Death of Father de Andreis », KRCU,‎ (lire en ligne)
  15. Lettre de Joseph Rosati à Nicola Rosati, des Barrens, le  ; l’original se trouve dans les Archives du Procureur Général, Rome. Tapuscrit à DRMA. Citée dans Rybolt, John C.M. (2004) "Joseph Rosati, C.M. (1789-1843): Évêque et pionnier américain," Vincentiana: Vol. 48 : No. 6 , Article 23.
  16. (en) Tannrath, J., St. Louis (Missouri), In The Catholic Encyclopedia, New York, Robert Appleton Company, (lire en ligne)
  17. (en) « Joseph Rosati », sur Vincentian Encyclopedia (consulté le )
  18. a et b (en) « Bishop Joseph Rosati, C.M., Papers 1774-1990 », sur Archdiocese of Saint Louis Archives and Records (consulté le )
  19. Geneviève Piché, « À la rencontre de deux mondes : les esclaves de Louisiane et l’Église catholique, 1803-1845. », sur HAL, (consulté le )
  20. (en) Michelle Martin, « 175th anniversary: Old St. Mary’s, the archdiocese’s first parish », Chicago Catholic,‎ (lire en ligne)
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  23. Adolphe-Charles Peltier, Dictionnaire universel et complet des conciles tant généraux que particuliers. Tome 1: , des principaux synodes diocésains et des autres assemblées ecclésiastiques les plus remarquables, Paris, Ateliers catholiques du Petit-Montrouge, (ISBN 978-2012833012, lire en ligne), p. 297
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  26. (en) « Archbishop Peter Richard Kenrick † », sur Catholic-hierarchy.org (consulté le )
  27. a b c d e et f Adolphe Cabon, Notes sur l'histoire religieuse d'Haïti de la révolution au concordat (1789-1860), Port-au-Prince, Petit séminaire collège Saint-Martial, , 520 p. (lire en ligne), chap. XX (« Mgr Rosati à Port-au-Prince »)
  28. a b et c Beaubrun Ardouin, Étude sur l’histoire d’Haïti, vol. 11, Paris, Dezobry et E. Magdeleine, Lib.-éditeurs, (lire en ligne), p. 160-206
  29. « Voyage à Saint-Louis (Etats-Unis d'Amérique). Homélie du pape Jean Paul II au stade "Trans Wolrd Dome". Mercredi 27 janvier 1999 », sur Le Saint-Siège (consulté le )

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Document utilisé pour la rédaction de l’article : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

  • (en) Thomas F. Meehan, The Catholic Encyclopedia. An International Work of Reference, New York, Robert Appleton Company, (lire en ligne), Joseph Rosati. Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • (en) Richard Henry Clarke, Lives of the Deceased Bishops of the Catholic Church in the United States Volume 1, Hardpress Publishing, , 560 p. (ISBN 978-1290477796, lire en ligne). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • Geneviève Piché, Du baptême à la tombe : Afro-catholicisme et réseaux familiaux dans les communautés esclaves Louisianaises (1803-1845), Rennes, Presses universitaires de Rennes, (ISBN 9782753578623, lire en ligne), « Le monde religieux de la Louisiane ». Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • Adolphe Cabon, Notes sur l'histoire religieuse d'Haïti de la révolution au concordat (1789-1860), Port-au-Prince, Petit séminaire collège Saint-Martial, , 520 p. (lire en ligne), chap. XX (« Mgr Rosati à Port-au-Prince »). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • (en) Frederick John Easterly, The life of Rt. Rev. Joseph R., C.M., first bishop of St. Louis, 1789-1843, Washington,
  • (en) John Ernest Rothensteiner, History of the archdiocese of St. Louis : in its various stages of development from A.D. 1673 to A.D. 1928, St. Louis, Blackwell Wielandy, , 904 p. (lire en ligne)

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Articles connexes[modifier | modifier le code]