Jacques Boucher de Perthes

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Jacques Boucher de Perthes
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Jacques Boucher de Perthes
Naissance
à Rethel
Décès (à 79 ans)
à Abbeville
Nationalité Française
Pays de résidence Drapeau de la France France
Profession
directeur des douanes
Activité principale
préhistorien
Distinctions
Chevalier de la Légion d'honneur le 29 avril 1831, promu Officier le 14 août 1863
Biface de Menchecourt-les-Abbeville, exposé à l'Exposition universelle de 1867 - Muséum de Toulouse
Le musée Boucher de Perthes à Abbeville

Jacques Boucher de Perthes, de son vrai nom Jacques Boucher de Crèvecœur, naît à Perthes, près de Rethel (Ardennes), le 10 décembre 1788, et meurt à Abbeville (Somme), le 5 août 1868). Il exerce la profession de Directeur des Douanes mais est surtout connu en tant que préhistorien français : il réussit à faire admettre l'existence de ce qu'il dénomme « l'Homme antédiluvien » et jette les bases de la science préhistorique dont il est considéré comme l'un des fondateurs[1].

Biographie

Origine familiale et jeunesse

Aîné d'une famille de sept enfants de Jules Armand Guillaume Boucher de Crèvecœur (1757-1844) et de Marie de Perthes (1767-1827)[2], il peut mener durant son adolescence une vie de dilettante et de touche-à-tout, préférant les exercices physiques et les sorties en mer aux études[3].

Son père, Jules Armand Guillaume, est issu d'une famille de l'aristocratie rethéloise. En 1791, il est poursuivi comme noble par quelques sans-culottes, et perd sa place de contrôleur général surnuméraire et une partie de sa fortune. Il se retire dans le domaine familial, à Crèvecoeur, entre Amagne et Sausseuil, dans la partie méridionale des Ardennes près de Rethel. Puis il est rappelé à Paris par le gouvernement pour travailler avec Jean-Baptiste Collin de Sussy à l'organisation des douanes. Il accepte ensuite le poste de directeur des douanes d'Abbeville, après avoir refusé celui de Paris. Il refuse dès lors toutes les promotions pour se consacrer à sa passion, la botanique. Il donne plusieurs publications à ce sujet, écrivant notamment en 1803 une Flore d'Abbeville recensant 25 000 plantes, ce qui lui vaut d'être membre correspondant à l'Académie des sciences dès 1800 et membre de la plupart des sociétés savantes d'Europe. Il est l'un des fondateurs de la Société d'émulation de la localité[4].

Carrière dans l'administration et autres activités

En 1802, son père insatisfait de ses études médiocres, le retire du pensionnat et le fait entrer aux douanes où il devient surnuméraire puis en 1804 est nommé officiellement commis dans les bureaux de son père, à Abbeville[4]. Napoléon le nomme lieutenant en avril 1805. Il devient attaché à la Direction des Douanes de Marseille puis à Gênes jusqu'en 1808, vérificateur à Livourne puis sous-inspecteur à Foligno. Ce séjour en Italie lui permet de parfaire son éducation intellectuelle. Il devient un virtuose du violon, et souhaitant devenir un homme de lettres, se met à écrire des poèmes, nouvelles, romans, chansonnettes, pièces de théâtre[5]. Jacques Boucher de Crèvecœur obtient en 1818 par ordonnance royale l’autorisation de reprendre le nom de sa mère « de Perthes », une descendante d’un oncle de Jeanne d’Arc[6]. Parmi ses nombreuses aventures sentimentales, il est notamment l'amant de Pauline Borghèse[7].

Il est nommé inspecteur des Douanes à Boulogne en 1811, sous-chef à la direction générale des douanes à Paris en 1812. À la chute de Napoléon qui est pour beaucoup dans le succès de sa carrière, il est envoyé comme inspecteur six mois à La Ciotat et à Morlaix du à août 1824[4]. Enfin, après de multiples démarches, il obtient en 1825 de reprendre la place de son père à la Direction des Douanes d'Abbeville. Après vingt ans d'absence, il revient dans ce chef-lieu de la Somme, ancienne capitale du Ponthieu. Il publie divers ouvrages : Romances, ballades et légendes en 1829, Opinion de M. Christophe sur les prohibitions et la liberté du commerce en 1830, Nouvelles en 1832, Discours aux ouvriers en 1833, Satires, contes et chansonnettes en 1833, De la probité en 1835, Du courage, de la bravoure, du courage civil en 1836. Il écrit également un petit chef-d'œuvre d'ironie, Petit glossaire de quelques mots financiers, esquisses de mœurs administratives, en 1835[7].

À la recherche des premières traces des hommes

Il devient président de la Société d'émulation d'Abbeville. Il se lie avec le préhistorien Casimir Picard et entreprend l'installation d'un musée local. De 1838 à 1841, il publie les cinq volumes de La Création, exposé philosophique, rencontrant les idées de Georges Cuvier, où l'ancienneté de l'Homme n'est pas en discussion[3].

À cette époque les découvertes d'ossements fossiles se multiplient dans les tourbières et sablières. Boucher de Perthes décèle dès 1828 des anomalies, en particulier des silex avec deux éclats façonnés par la main de l'homme, dans un banc tertiaire (il considère que ce banc est antédiluvien) d'alluvions des bords de la Somme à Abbeville[3]. En 1844, il découvre dans les couches les plus anciennes de la terrasse de Menchecourt-les-Abbeville (alluvions de la Somme) des outils en silex à côté d'ossements de grands mammifères disparus qu'il date du Pléistocène (période comprise entre -2,5 millions et -10 000 années). Il rédige plusieurs ouvrages entre 1846 et 1864, notamment Antiquités celtiques et antédiluviennes, dans lequel il raconte ses découvertes et démontre que deux industries se sont succédé dans le temps comme se superposent les deux strates des terrains qu'il a fouillés. La strate la plus récente se caractérise par des pierres polies et la précédente par des silex taillés contemporains d'ossements de mammouths et de rhinocéros nain. Ainsi l'étude chronologique des couches permet de dater les vestiges retrouvés. Boucher de Perthes démontre qu'à une période très ancienne existe déjà un homme « pré-historique ». Il est jusque-là généralement admis que la création de la Terre et de l'homme remonte à 4 004 ans av. J.-C., et ce, sur la base d'estimations extrapolées du récit biblique par l'archevêque anglican James Ussher (chronologie d'Ussher).

En janvier 1853, il est mis à la retraite des Douanes. Libre, il peut se consacrer désormais entièrement à ses études et aux voyages, parcourant l'Europe à la recherche des traces des hommes. Alors que l'Académie des Sciences considère que les haches qu'il a découvertes ne sont que des cailloux roulés, Boucher de Perthes obtient en 1859 la reconnaissance de son travail[8] grâce aux visites successives à Abbeville et à Amiens des géologues et paléontologues anglais Hugh Falconer, Joseph Prestwich, John Evans, Robert Godwin-Austen, John Wickham Flower, Charles Lyell qui font une communication à la Société Royale de Londres, mais également de scientifiques français comme Albert Gaudry, Armand de Quatrefages et Édouard Lartet. Tous peuvent constater l'association, à des niveaux stratigraphiques profonds et sans remaniement, de restes fossiles de faunes disparues et de vestiges lithiques taillés.

Le spécialiste de l'homme antédiluvien

En 1860, Boucher de Perthes prononce et publie un discours demeuré célèbre : De l'Homme antédiluvien et de ses œuvres, qui conclut que :

  • l'Homme a bien été le contemporain de certains animaux disparus, à une époque antérieure au Déluge ;
  • les climats ont changé puisqu'il y avait des éléphants et des hippopotames dans la vallée de la Somme ;
  • on peut distinguer une période tropicale, une période glaciaire et une période tempérée.

Avec sa théorie de l'existence d'un homme antédiluvien, Boucher de Perthes s'attire les foudres de la communauté scientifique, notamment du géologue Léonce Élie de Beaumont, qui en 1863 affirme encore ne pas croire que mammouths et humains aient été contemporains. Dès 1851, Jean-Baptiste Noulet arrive au même résultat de façon indépendante. En 1863, il obtient une preuve flagrante de sa théorie : lors de fouilles archéologiques, il découvre la « mâchoire de Moulin-Quignon » dans une couche géologique contenant des silex taillés et des ossements d'espèces éteintes. Cette trouvaille suscitant la polémique, il s'ensuit le « procès de la mâchoire », notamment entre savants français et britanniques. Il s'avère que la mâchoire est un faux mais cette fraude, réalisée par des carriers à qui Boucher de Perthes offre 200 francs pour la découverte de vestiges humains, permet la réunion d'une commission franco-britannique de savants déterminante pour la préhistoire en tant que science : cette commission détermine des critères d'authenticité, de méthodes de fouilles et son retentissement médiatique diffuse les idées de la science préhistorique dans le public[9].

En 1864, Édouard Lartet trouve à la Madeleine, dans la Dordogne, un mammouth gravé sur une défense en ivoire par les hommes préhistoriques. En 1866, Henry Testot-Ferry, avec lequel il entretient une longue relation épistolaire, découvre à son tour des ossements d'éléphants dans les gisements de la Roche de Solutré. Les scientifiques commencent alors à se rendre compte de l'importance de l'œuvre de Boucher de Perthes, malheureusement très peu de temps avant son décès.

Anecdotes

Il affiche également son intérêt pour le spiritisme[10].

En 1867 lors de l'Exposition universelle, un biface est exposé dans la « galerie de l'histoire du travail ». Ce spécimen a été, par la suite, offert par Boucher de Perthes à Édouard Lartet.

Hommages

Le 7 juin 1908, sur l'initiative de la Société d’émulation d'Abbeville, est inaugurée une statue érigée en sa mémoire sur une place d'Abbeville[11]. Il donne également son nom au musée local[12], au lycée d'Abbeville et à une école primaire a Lille.

Œuvres

  • Romances, légendes et ballades
  • Chants armoricains ou Souvenirs de Basse-Bretagne
  • Opinions de M Christophe, I. Sur la Liberté du Commerce.
  • Opinions de M Christophe, II. Voyage Commercial et Philosophique.
  • Opinions de M Christophe, III. M. Christophe à la Préfecture.
  • Opinions de M Christophe, IV. Le Dernier Jour d'un Homme.
  • Satires, contes et chansonnettes
  • Petit glossaire, esquisses de mœurs administratives.
  • De La Création, Essai sur L'Origine et la Progression des Êtres
  • Petites Solutions des Grands Mots
  • Antiquités celtiques et antédiluviennes
  • Hommes et choses
  • Sujets dramatiques
  • Emma ou Quelques lettres de femme
  • Voyage à Constantinople.
  • Voyage au Danemark, en Suède, etc.
  • Voyage en Espagne et en Algérie.
  • Voyage en Russie, en Lithuanie, en Pologne.
  • Pour une biographie intellectuelle complète, voir Claudine Cohen et Jean-Jacques Hublin, Boucher de Perthes, les Origines romantiques de la Préhistoire, Paris, Belin, 1989

Autour de Jacques Boucher de Perthes

  • Claudine Cohen et Jean-Jacques Hublin, Boucher de Perthes, les origines romantiques de la préhistoire, Paris, Belin, 1989
  • L'Origine de l'homme / Roman de Christine Montalbetti - P.O.L., 2002, 288 pages (ISBN 2-86744-900-6)
    Jacques Boucher de Perthes est le personnage principal de ce roman.

Liens externes

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Notes et références

  1. Claudine Cohen et Jean-Jacques Hublin, Boucher de Perthes. Les Origines romantiques de la Préhistoire, Paris, éd. Belin, 1989.
  2. Alain Bugnicourt, Généalogie de Jacques Boucher de Perthes, juin 2011.
  3. a b et c Franck Ferrand, « Préhistoire, une notion récente », émission Au cœur de l'histoire sur Europe 1, 22 novembre 2012.
  4. a b et c Marc Groenen, Pour une histoire de la préhistoire : le Paléolithique, Éditions Jérôme Millon, (lire en ligne), p. 52
  5. Jules Carlez, Boucher de Perthes : musicien et auteur dramatique, Caen, H. Delesques, 1906, 31 p.
  6. Ch. Schleicher, « Jacques Boucher de Crèvecœur de Perthes 1788-1868 », Bulletin de la Société préhistorique de France, vol. 29, no 5,‎ , p. 230
  7. a et b Guy Thuillier, Témoins de l'administration. De Saint-Just à Marx, Éditions Berger-Levrault,
  8. Dans l’épaisseur du temps, Archéologues et géologues inventent la préhistoire, Arnaud Hurel & Noël Coye (dir.), Publications scientifiques du Muséum, collection Archives, 442 p.
  9. Nathalie Richard, Inventer la préhistoire. Les Débuts de l'archéologie en France, Vuibert, 2008
  10. « Parmi les adeptes, Boucher de Perthes, le père de la préhistoire, dont la Revue Spirite de 1904 publie quelques lignes forts éloquentes. », Yvonne Castellan, Le spiritisme, coll. Que sais-je ? no 641, Presses universitaires de France, 1995, page 9.
  11. Ch. Schleicher, op. cit., p. 232
  12. Un premier musée, dit d'Abbeville et de Ponthier, réunit en 1830 des collections d'histoire naturelle, puis celles de Boucher de Perthes en 1868. Le nouveau musée occupe à partir de 1954 le beffroi et l'ancienne trésorerie du XVe siècle d'Abbeville. Il abrite une collection de plus de 78 000 œuvres, outils préhistoriques et spécimens de sciences naturelles, mais aussi 5 200 dessins et gravures des XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles, du mobilier, des sculptures, des peintres et objets d’art de l’époque mérovingienne au XIXe siècle. Source : Musée Boucher-de-Perthes