Génie (personne)

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Leonard de Vinci est largement reconnu comme ayant été un génie et un polymathe.

Un génie est une personne qui se démarque de façon exceptionnelle de ses contemporains par des aptitudes et / ou une force intellectuelle hors du commun. Le terme s'applique particulièrement à l'artiste ou à l'inventeur, doté de cette force créatrice extraordinaire.

Étymologie et définition[modifier | modifier le code]

Le mot dérive du mot latin « genius ». La même origine latine a donné le sens d'« inventeur »[1]. En 1532, au sens qu'il aurait chez Rabelais dans Pantagruel, le génie signifie « caractère, tendance naturelle de l'esprit »[1].

Le premier sens de « génie » est celui d'une divinité, d'un être surnaturel ou allégorique[2]. Au sens II, il s'agit d'« aptitude, [de] faculté supérieures de l'esprit portées au-delà du niveau commun (se manifestant dans des entreprises, des inventions, des créations jugées exceptionnelles ou extraordinaires »)[2]. C'est par métonymie que le mot s'applique à une « personne qui a du génie »[2].

Le concept de génie[modifier | modifier le code]

Chez Aristote[modifier | modifier le code]

Le terme de génie n'existe pas tel quel dans la langue grecque. Ainsi, pour désigner une personne supérieure à la moyenne, Aristote utilise l'expression de peritoi andres, traduite « hommes d'exception » par Jackie Pigeaud. Peritoi signifie « extraordinaire », « excessif », « qui dépasse la moyenne ».

De l'Antiquité jusqu'au XVIe siècle[modifier | modifier le code]

De l'Antiquité jusqu'au XVIe siècle l'éloge du génie est vu comme une passion divine, une fureur démoniaque, une folie sublimée ou encore un souffle surhumain, pour passer vers le XVIIe siècle, au sens contemporain : une représentation analytique et positive du genius. Boileau en donna les premiers traits en traduisant l'ouvrage Peri upsous en 1674. C'est ainsi qu'une nouvelle vision de cette notion commence à émerger. Génie renferme le sublime dans l'esthétique de l'abbé Dubos, qui essaya en 1719 d'extraire « la première tentative de physiologie de celui-ci », le conçoit en tant qu'une « facilité » naturelle de la personne pour assimiler le savoir et créer. Une « facilité » qui se comprend comme une source coulant à jamais.

XVIIIe siècle en Europe[modifier | modifier le code]

Chez Saint-Lambert[modifier | modifier le code]

Mais, c'est au XVIIIe siècle l'apparition de l'article Génie, dont l'auteur est vraisemblablement Jean-François de Saint-Lambert, en 1757 dans l'Encyclopédie[3] qui instaure d'une façon prompte une différence entre l'homme génial (dont on cherche à étudier la physiologie et la psychologie) et la production littéraire ou picturale géniale qui provoque chez nous le besoin de l'étudier. Au-delà des visées traditionnelles de l'artiste ou de l'homme de lettres (recherches des sensations, la neutralité des souvenirs), l'homme de génie épuise ses motivations dans une autre logique que les autres, sa démarche se révèle intemporelle car elle amplifie sa subjectivité et l'irradie à travers une lecture du monde.

Chez Diderot[modifier | modifier le code]

Après avoir soutenu la définition de Saint-Lambert, Diderot change d'opinion dans le Paradoxe sur le comédien, où il met en scène un élément qui affaiblit l'homme de génie. La sensibilité apparaît comme un défaut qui influence la construction de son ouvrage parce qu'il relève plus d'affect que du jugement (rationnel). Diderot va confirmer et théoriser ses conceptions dans Le Neveu de Rameau, composé dès 1762[4]. De même, en 1772, la recherche du sublime, de la fantaisie, de l'angle de l'exposition apparaissent aussi comme éléments producteurs de défauts. Néanmoins, il s'efforce à identifier et à décortiquer cette « je ne sais quelle qualité d'âme particulière » qui est le propre du génie même si le substantif qui peut décrire cela lui manque.

Chez Voltaire[modifier | modifier le code]

Voltaire, dans l'article « Génie » des Questions sur l'Encyclopédie (1770-1772), donne de réels fondements théoriques à la notion, préfigurant la conception qui prévaudra au XIXe siècle[5].

Le génie dans l'art à l'époque du Sturm und Drang (Allemagne)[modifier | modifier le code]

Selon le germaniste Pierre Grappin, le mouvement même du Sturm und Drang est né d'« une discussion sur les règles et le génie dans l'art » qui aura commencé au début du siècle et aboutit alors à la « conclusion provisoire » suivante : il faut s'en tenir à la nature et « la seule règle est d'écouter son cœur, d'être sincère et aussi d'être fort ». Il faut « être vrai » et original[6]. Les grands noms sont : Herder, Goethe avec Les Souffrances du jeune Werther et Schiller avec Les Brigands[6]. Grappin écrit[6] :

« Le mot, qui est apparu en allemand au milieu du siècle, a fait fortune : en 1775, chacun, en Allemagne, était à la recherche de son génie, chacun ambitionnait d'exprimer quelque chose qui lui fût propre. »

— Pierre Grappin

Chez Kant[modifier | modifier le code]

Emmanuel Kant popularise le terme en philosophie dans sa Critique de la faculté de juger. Dans le cadre de sa philosophie de l'art (voir Esthétique), Kant soutient que le génie est celui qui, original, produit de l'exemplaire, c'est-à-dire ce qui doit être utilisé comme exemple par les autres. Le génie ne se conforme pas aux canons traditionnels car il crée des canons de manière naturelle. Le génie est donc « l'originalité exemplaire des dons naturels d'un sujet dans le libre usage de ses pouvoirs de connaître ». Le génie même est une « disposition innée de l'esprit par l'intermédiaire de laquelle la nature donne ses règles à l'art »[7]. Le génie existe dans le domaine des arts, mais pas des sciences, car le génie crée, là où le scientifique découvre ce qui est[pas clair][8],[9].

Dix-neuvième siècle en France[modifier | modifier le code]

Chez Victor Hugo[modifier | modifier le code]

Au XIXe siècle, Victor Hugo donnera à la figure du génie des traits définitifs en une vaste synthèse conceptuelle développée dans les pages de son ouvrage William Shakespeare[10].

Psychologie[modifier | modifier le code]

Des génies peuvent avoir souffert de troubles mentaux tels que Vincent van Gogh[11], Le Tasse[12], Jonathan Swift[13], John Forbes Nash[14], Ernest Hemingway[15], Brian Wilson[16], Alexandre Grothendieck[17], Isaac Newton[18] ainsi que Bernhard Riemann qui a souffert de plusieurs dépressions.

Il a été suggéré qu'il existe un lien entre la maladie mentale, en particulier la schizophrénie et le trouble bipolaire, et le génie. Les personnes atteintes de trouble bipolaire et de trouble de la personnalité schizotypique, ces derniers étant plus courants chez les parents de schizophrènes, ont tendance à faire preuve d'une créativité élevée.

Dans une étude de 2010[19]réalisée au Karolinska Institutet, il a été observé que les individus très créatifs et les schizophrènes ont une densité plus faible de récepteurs thalamiques de la dopamine D2. L'un des enquêteurs a expliqué que « moins de récepteurs D2 dans le thalamus signifient probablement un degré de filtrage du signal plus faible, et donc un flux d'informations plus élevé du thalamus ». Cela pourrait être un mécanisme possible derrière la capacité de personnes très créatives à voir de nombreuses connexions inhabituelles dans une situation de résolution de problèmes et les associations bizarres trouvées chez les schizophrènes.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a et b « Génie : Étymologie de Génie », sur www.cnrtl.fr (consulté le )
  2. a b et c « Génie : Définition de Génie », sur www.cnrtl.fr (consulté le )
  3. Diderot, Saint-Lambert et alii, L'Encyclopédie, ou dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, Paris, 1751-1780
  4. Denis Diderot, Le Neveu de Rameau, Paris, première parution en 1823
  5. Voltaire, Questions sur l'Encyclopédie, article « Génie ».
  6. a b et c Pierre Grappin, « Sturm und Drang : l'esthétique des “génies” », sur www.universalis.fr (consulté le )
  7. Immanuel Kant, Critique de la faculté de juger, Vrin, , 484 p. (ISBN 978-2-7116-1160-7, lire en ligne)
  8. Jean-Pierre Zarader et Bernard Bourgeois, Le vocabulaire des philosophes. [3], La philosophie moderne, XIXe siècle, Paris, Ellipses, , 702 p. (ISBN 978-2-340-00983-7 et 2-340-00983-9, OCLC 946827117, lire en ligne)
  9. Jean-Louis Vieillard-Baron, Hegel et l'idéalisme allemand, Vrin, , 388 p. (ISBN 978-2-7116-1367-0, lire en ligne)
  10. Victor Hugo, William Shakespeare, Paris, 1864
  11. « Santé mentale et physique de Van Gogh » sur vangoghgallery.com
  12. « Le Tasse (1544-1595) - Biographie, Réception critique » sur encyclopédie.jrank.org
  13. « Jonathan Swift » sur thefamouspeople.com
  14. « John F. Nash - Biographie » sur Nobelprize.org
  15. « Ernest Hemingway » sur biblio.com
  16. « Brian Wilson : biographie, actualités, photo et vidéos », sur Nostalgie.fr (consulté le )
  17. (en-US) « The Mad Genius Mystery », sur Psychology Today (consulté le )
  18. (en) Joseph Polimeni, Shamans Among Us: Schizophrenia, Shamanism and the Evolutionary Origins of Religion, Lulu.com, , 288 p. (ISBN 978-1-300-43091-9, lire en ligne)
  19. Örjan de Manzano, Simon Cervenka, Anke Karabanov et Lars Farde, « Thinking Outside a Less Intact Box: Thalamic Dopamine D2 Receptor Densities Are Negatively Related to Psychometric Creativity in Healthy Individuals », PLoS ONE, vol. 5, no 5,‎ (ISSN 1932-6203, PMID 20498850, PMCID 2871784, DOI 10.1371/journal.pone.0010670, lire en ligne, consulté le )

Articles connexes[modifier | modifier le code]