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Fond géochimique

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Le fond géochimique est la composition chimique d'un sol et des roches du sous-sol dont il est la décomposition. Il détermine en partie la qualité du sol, de l'eau et la vie de la flore et de la faune.

On distingue généralement le « fond géochimique naturel » (qui résulte exclusivement de l'évolution de la roche-mère et d'apports naturels), et le « fond d'origine anthropique » qui exprime la part des éléments exclusivement introduits dans le milieu par les activités humaines ou à la suite de ces activités.

L'étude du fond géochimique renseigne sur l'histoire du site (y compris concernant son « paléoenvironnement ») et sur d'éventuels risques sanitaires.
Elle permet d'évaluer un niveau relatif de pollution des sols (par rapport à ce qui serait "normal" en l'absence d'activités anthropiques). En France il sert par exemple de référence au Réseau de mesure de la qualité des sols (RMQS)

Éléments de définition et spécificité du concept

L'expression « fond géochimique » désigne la composition chimique moyenne, naturelle et initiale d'un substrat géologique (sol et roche-mère naturel en place[1] (minéraux, élément-traces tels que les métaux lourds et les métalloïdes, radionucléides).

Il présente des valeurs moyennes, médianes et la gamme des variations (plus ou moins localement observées) selon la profondeur ou dans l'espace[1].

Selon la profondeur, l'échelle et le contexte géologique étudié, on parlera de « fond lithogéochimique »), de bassin versant, de solum, ou d'horizon pédologique[1].

Lorsqu'il s'agit d'un sol, on parlera de "fond pédogéochimique"[1]. Le fond pédogéochimique naturel est la gamme des teneurs naturelles d'un élément majeur ou trace dans un sol, résultant de l’héritage du matériau parental (incluant les roches ainsi que les formations superficielles telles qu'alluvions, colluvions, formations de versants, limons éoliens, argiles résiduelles, etc.), de processus pédogénétiques (altération physico-chimique des roches et des minéraux, migration des produits de l’altération, etc.) et de retombées atmosphériques naturelles (volcans, etc.), en dehors de tout apport d'origine humaine.

Usages

La notion de « fond géochimique » est utilisée dans le domaine de l'évaluation environnementale, de l'étude de la pollution des sols et de la gestion restauratoire des sites et sols pollués[2] et pour ceux qui établissent une étude d'impact ou état initial de l'environnement.

L'analyse des éléments traces d'un sol apporte aussi des informations sur son histoire environnementale et paléoenvironnementale, et permet d'évaluer et/ou expliquer certains risques sanitaires (par exemple au Bangladesh, un sous-sol riche en une forme mobile[3] et biodisponible de l'arsenic contamine les puits qui fournissent l'eau de boisson, de cuisson ou d'irrigation[4],[5], en causant selon l'OMS et de nombreux médecins et ONG un grave problème de santé publique, à large échelle[6], notamment via le riz contaminé lors de sa croissance dans l'eau des rizières[7]).

Profils typiques de fonds géochimiques

Le fond géochimique d'un sol varie fortement selon le contexte géologique et agropédologique. Ainsi :

  • Dans les roches cristallines (plutoniques, volcaniques ou métamorphiques), certains minéraux peuvent être fortement chargés en éléments traces (chromite, olivine ou garniérite par exemple) ;
  • Les gisements métallifères ou leur environnement proche peuvent contenir des teneurs parfois significatives d'éléments traces éventuellement indésirables ou toxiques ;
  • les roches profondes qu'on exploite aujourd’hui (jusqu'à plus de 5 ou 6 km de profondeur via des forages dites « HT-HP » (haute-température - Haute-pression) pour en retirer du gaz naturel, des condensats et/ou du pétrole dits « non conventionnels » contiennent des quantités parfois importantes de soufre, de plomb, d'arsenic, de mercure ou d'autres produits toxiques et/ou susceptible de produire des phénomènes de corrosion et/ou d'entartrements dans les tuyaux, pipe-line ou vannes ;
  • les roches sédimentaires ainsi que les alluvions, selon leur histoire et leur origine contiennent des teneurs très variables en éléments-traces, radionucléides ou autres éléments indésirables ou souhaités par ceux qui les exploitent;
  • certaines roches présentent des teneurs naturellement élevées en eutrophisants (phosphates, nitrates) susceptibles de poser des problèmes environnementaux (dystrophisation et écotoxicité au-delà de certains seuils, qui peuvent être bas pour certains organismes ou leur larves) ;
  • dans les sols agricoles, toujours perturbé par le labour souvent lié à la mise en culture et en raison d'apports exogènes induits par l'irrigation, l'utilisation d'engrais et de pesticides, voire par des retombées sèches ou humides de polluants aéroportés ayant une origine plus ou moins lointaine.
    S'ajoutent les phénomènes de bioturbation et d'éventuelle circulation horizontale ou verticale de polluants solubles dans l'eau, ainsi que l'exportation de divers composés minéraux ou organominéraux via l'érosion des sols et le drainage agricole (quand il existe) et/ou via l'export de biomasse (produits agricoles végétaux, fongiques ou animaux).
    Dans ce contexte on parle donc plutôt de « teneurs agricoles habituelles » (TAH)[1]
  • les sols superficiels urbains, déchets miniers (souvent dits "stériles") ou de friches industrielles, sont aussi susceptibles d'avoir été directement ou indirectement pollués.

Localement, les compositions initiales des matériaux géologiques et la biodisponibilité de tout ou partie de leurs composants indésirables peuvent être fortement modifiées sous l'influence de phénomènes de minéralisations ou acidification des sols (ex : drainage minier acide, exposition à des pluies acides) lors d'épisodes post-formation ou post-sédimentation (anciens ou en cours). Baize rappelle que « ces minéralisations peuvent donner lieu à des gisements miniers plus ou moins facilement exploitables »[1].

Les apports anthropiques

La part des apports anthropiques et leur effet sur le fond géochimique sont d'une importance très variable, et les modalités très variées. Dans certaines circonstances, le fond géochimique originel est si bouleversé, souvent si durablement, que le fond modifié relègue le premier au second plan tant dans les faits que dans leur étude.

Dans tous ces cas, c'est la composition chimique finale des roches (à leur stade actuel d'évolution, c'est-à-dire en général après des millions ou milliards d'années d'histoire géologique), qui définit le fond géochimique.
La différence avec les mesures réelles correspond a priori aux apports dus aux activités humaines, qui peuvent parfois faire l'objet d'un traçage isotopique ou au moyen de divers indices physicochimiques, historiques (histoire environnementale notamment), archéologiques (archéologie industrielle comprise) ou paysagers. On parle alors de fond anthropique[8].

Exemples de sources anthropiques et de circonstances d'apport

Exemple

Ordres de grandeurs des concentrations (en mg/kg) mesurées dans les sols selon son contexte d'usage (en France, selon Baize, 2009[1]) ;

Métal Sols «naturels»
(Référence : sol forestier supposé peu contaminé
(hors zone de séquelles de guerre ou industrielles[9])
Horizons de surface labourés
Sols agricoles «ordinaires»
Après épandages massifs de
boues très chargées en ETM
(années 1970)
Vignobles
arboriculture
Cd < 0,12 0,20 à 0,45 1,4 à 3,5 -
Cu 10 à 15 12 à 18 20 à 40 50 à 600
Hg < 0,05 0,03 à 0,05 0,10 à 1,4
(Idem en zones péri-urbaines
et péri-industrielles
)
-

Notes et références

  1. a b c d e f et g Baize D (2009) Éléments traces dans les sols Fonds géochimiques, fonds pédogéochimiques naturels et « teneurs agricoles habituelles : définitions et utilités, Courrier de l’environnement de l’INRA n° 57, juillet 2009, PDF, 10pp
  2. MEDAD (2007) ; voir Note ministérielle. Sites et sols pollués. Modalités de gestion et de réaménagement des sites pollués. Lettre aux préfets du 8 février 2007 et 3 annexes (Sites et sols pollués
  3. Harvey, C. F., Swartz, C. H., Badruzzaman, A. B. M., Keon-Blute, N., Yu, W., Ali, M. A., ... & Ahmed, M. F. (2002). Arsenic mobility and groundwater extraction in Bangladesh. Science, 298(5598), 1602-1606 (résumé).
  4. Nickson, R., McArthur, J., Burgess, W., Ahmed, K. M., Ravenscroft, P., & Rahmanñ, M. (1998). Arsenic poisoning of Bangladesh groundwater. Nature, 395(6700), 338-338.
  5. Lepkowski, W. (1998). Arsenic crisis in Bangladesh. Chemical & engineering news, 76(46), 27-29.
  6. Smith, A. H., Lingas, E. O., & Rahman, M. (2000). of drinking-water by arsenic in Bangladesh: a public health emergency. Bulletin of the World Health Organization, 78(9), 1093-1103.
  7. Meharg, A. A., & Rahman, M. M. (2003). Arsenic contamination of Bangladesh paddy field soils: implications for rice contribution to arsenic consumption. Environmental Science & Technology, 37(2), 229-234.
  8. Ministère français de l'environnement (2007), Guide d’échantillonnage de plantes potagères dans le cadre de diagnostics environnementaux (2007), voir par ex. p. 11 à 47
  9. La radioécotoxicologie a montré que la forêt stocke et accumule très bien de nombreux polluants, ce qui a été notamment démontré avec les radionucléides issus des retombées de Tchernobyl et avec divers métaux lourds ou métalloïdes dans les régions industrielles. Ces éléments indésirables sont en ville en partie lessivés vers les égouts et dans les champs en partie emporté par l'érosion et le drainage, ainsi que par l'exportation des produits cultivés ou via la viande des animaux qui les ont absorbés.

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • Laëtitia Citeau (2008), Gestion durable des sols ; Éditions Quae, 320 pp (extraits, avec Livre numérique Google)
  • Baize D. (1997) Teneurs totales en éléments traces métalliques dans les sols (France). Références et stratégies d’interprétation. INRA Éditions, Paris, 410 p.
  • Baize D. (2000) Teneurs totales en « métaux lourds » dans les sols français. Résultats généraux du programme Aspitet. Le Courrier de l’environnement de l’INRA, 39, 39-54.
  • Baize D. (2001) Évaluer les contaminations diffuses en éléments traces dans les sols. Vèmes Journées GEMAS-COMIFER, Blois, , p. 281-295.
  • Baize D, Deslais W., Bourennane H., L Estel L. (2001) Cartographie du mercure dans l’horizon de surface des sols agricoles dans le centre du Bassin parisien. Détection, localisation et origine des contaminations. Étude et gestion des sols, 3, p. 167-180
  • Baize D, Roddiers (2002), Cartographie au 1/50 000e. Approche typologique d’une cartographie pédogé-ochimique. Exemple de l’Avallonnais, p. 123-134.In : D. Baize, M. Tercé (coord.), Les Éléments trace smétalliques dans les sols – Approches fonctionnelles et spatiales.INRA Éditions, Paris. 570 p.
  • Baize D, Saby N, Deslais W, Bispo A, Feix I(2006) Analyses totales et pseudo-totales d'élémentsen traces dans les sols – Principaux résultats et enseignements d’une collecte nationale. Étude et gestion des sols, 3 : 181-200 http://www.gissol.fr/programme/bdetm/bdetm.php
  • Baize D, Courbe C, Suco, Schwartz C, Tercé M, Bispo A., Stercekman T, Ciesielski H (2006) Épandages de boues d’épurations urbaines sur des terres agricoles : impacts sur la composition en éléments en traces des sols et des grains de blé tendre ; Le Courrier de l’environnement de l’INRA, n°53,35-61, http://www.inra.fr/dpenv/pdf/BaizeC53.pdf
  • Jolivet C., Arrouay SD, Boulonne L., Rattié C., Saby N (2006) Le réseau de mesures de la qualité des sols de France (RMQS). État d’avancement et premiers résultats. Étude et gestion des sols, 13, 3 : 149-164.
  • Mathieu A, Baize D, Raoul C, Daniau C (2008) Proposition de référentiels régionaux en éléments traces métalliques dans les sols. Leur utilisation dans les évaluations des risques sanitaires. Environnement, risques et santé, 7, 2, 112-122.
  • Sterckeman T., Douay F., Fourrier H, Proix N. (2002) Référentiel pédo-géochimique du Nord-Pas-de-Calais. Rapportfinal (130 p.) etannexes (306 p). INRA Arras, ISA Lille.
  • Sterckeman T., Douay F., baize D., Fourrier H, Proix N., Schvartz C (2007). Référentiel pédo-géochimiquedu Nord-Pas-de-Calais. Méthode et principaux résultats. Étude et gestion des sols, 14, 2, p. 153-168