Flavius Josèphe

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Ce buste romain serait celui de Flavius Josèphe[1].

Joseph fils de Matthias le Prêtre (hébreu : יוסף בן מתתיהו הכהן, « Yossef ben Matityahou HaCohen »), plus connu sous son nom latin de Flavius Josèphe[2] (latin : Titus Flavius Iosephus ; grec ancien Ἰώσηπος, « Iốsêpos »), né à Jérusalem vers 37 et mort à Rome vers 100, est un historiographe judéen d'origine juive et de langue grecque du Ier siècle, considéré comme l'un des plus importants de l'Antiquité gréco-romaine.

Son œuvre est l'une des sources principales sur l'histoire des Judées du Ier siècle et concernant les événements et conflits de son temps entre Rome et Jérusalem, même si elle n'est pas sans poser de problèmes aux historiens actuels[3].

Biographie

« Joseph ben Mattathias, dit Flavius Josèphe, est considéré comme le plus grand historiographe judéen et comme l'un des plus grands historiographes de l'Antiquité gréco-romaine[4]. » Il appartient à une famille sacerdotale de la classe Yehoyarib à qui les hasmonéens avaient attribué la première place, car Mattathias en faisait théoriquement partie[5]. Il est lié à la monarchie des hasmonéens du côté de sa mère. En 63-64, il est envoyé à Rome et négocie avec succès auprès de Poppée, l'épouse de l'empereur Néron, la libération de prêtres mis en accusation et emprisonnés par le procurateur de Judée Antonius Felix[6].

En 66, nommé commandant militaire de Galilée par le Sanhédrin, il prend une part active à la Première guerre judéo-romaine au cours de laquelle son commandement a du mal à s'imposer, en concurrence avec d'autres responsables régionaux de la révolte tels Jean de Gischala et Juste de Tibériade[7]. Ceux-ci, ainsi que Jésus fils de Sapphias, le soupçonnent de jouer double-jeu et l'accusent de trahison. Ils parviennent à obtenir sa destitution, mais Josèphe en faisant jouer d'autres influences à Jérusalem, se maintient quand même à son poste.

Il se rend aux Romains dès le début de la campagne de Vespasien en Galilée (printemps 67). D'après ses récits, lors de la prise de la garnison juive de la forteresse de Jotapata, actuelle Yodfat, où des centaines de soldats sont tués et où la plupart des autres se suicident, il est piégé en juillet dans une grotte avec quarante de ses compagnons. Ceux-ci refusent de se rendre aux Romains et se livrent à un suicide collectif, dont seuls Josèphe et un compagnon réchappent pour finalement se livrer au général en chef des troupes romaines Vespasien et son fils Titus[7]. Selon ses dires, au premier, Josèphe promet l'empire, dans un oracle inspiré des prophéties messianiques contenues dans les livres saints judaïques[8].

Cette prédiction, qui participe de la propagande flavienne en recherche de légitimation d'essence divine[8], lui vaut son élargissement en 69 avec statut d'affranchi, peu après la nomination de Vespasien comme empereur. Il rejoint ce dernier à Alexandrie[7]. Dès lors, il se place au service des Romains comme intermédiaire, interprète et négociateur entre ces derniers et les Juifs lors du siège de Jérusalem conduit par Titus en 70[7], ce qui lui vaut une réputation de traître dans le monde juif.

Après la fin de la grande révolte judéenne, en 71, il s'établit auprès de son protecteur à Rome où il obtient la citoyenneté romaine. Il prend alors le prénom de Titus et le nom de Flavius en l'honneur de ses protecteurs[9] et bénéficie d'une pension permanente de la dynastie régnante auprès de laquelle il vit en courtisan lettré[7]. C'est à cette période, qu'il rédige tous ses écrits historiques connus, principale source non chrétienne sur la période du second temple de Jérusalem. Il rapporte notamment le siège et la prise de Massada en 74.

La question s'est posée de savoir quel rôle Josèphe avait joué dans l'affaire de la liaison de Bérénice avec Titus, que son père l'empereur Vespasien ne voyait sans doute pas d'un bon œil. Titus finit par renvoyer Bérénice. Josèphe, proche de Titus, devait être au courant de tous les détails mais ne souffle pas un mot de l'idylle impériale et des intrigues qui l'accompagnèrent[10]. Tout au plus peut-on supposer qu'une phrase de son Autobiographie pourrait y faire allusion : « Dieu me délivra encore de plusieurs autres fausses accusations de mes ennemis. »

Flavius Josèphe se marie au moins trois fois. Il répudie une première épouse originaire de Césarée. Vers 70, il divorce de sa seconde femme, une Judéenne d'Alexandrie avec laquelle il a un fils, Flavius Hyrcanus (en), et se marie à nouveau, en 75, avec une Judéenne de Crète dont il a deux garçons : Justus, et Simonidès surnommé Arippa. L'histoire n'a pas gardé le souvenir de cette descendance[7].

On ignore la date exacte de sa mort, qui se situe à l'extrême fin du Ier ou au début du IIe siècle[8]. Dans son Histoire ecclésiastique[11], Eusèbe de Césarée rapporte qu'une statue de Flavius Josèphe a été érigée à Rome.

Œuvres principales de Flavius Josèphe

C'est à la tradition chrétienne que l'on doit la conservation et la transmission de l’œuvre de Flavius Josèphe[4]. « S'il n'avait tenu qu'à la tradition juive, il est probable que son œuvre ne serait jamais parvenue à la postérité. (…) L'oeuvre de Josèphe, avant d'être "récupérée" par les chrétiens, a sans doute été portée par des Judéens ne relevant nullement du mouvement rabbinique, mais plutôt du judaïsme synagogal de culture et de langue grecques[4]. »

Jüdische Chronic, traduction hâtive de 1552, en allemand, de Bellum Judaicum « Guerre des Juifs », de Flavius Josèphe. Page de couverture avec illustration fantaisiste.
  • La Guerre des Juifs contre les Romains (75-79) : récit en sept livres du dernier soulèvement de la Judée (66) et de la prise de Jérusalem par Titus (en 70). Originellement écrit en araméen, puis traduit en grec avant parution en 75-79. Traduction André Pelletier, Les Belles Lettres, 1975, 3 t., rééd. 2003. Traduction Pierre Savinel, Éditions de Minuit, 1977, en un volume.

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  • Autobiographie (en grec Ἰωσήπου βίος / Iôsephou Bios) : un complément de La Guerre des Juifs, où il justifie son choix d'avoir suivi les Romains. Traduction André Pelletier, Les Belles Lettres, 1959, 5e éd. 2003, XXI-155 p.

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  • Les Antiquités judaïques (93) : récit de vingt livres, inspiré par les Antiquités romaines de Denys d'Halicarnasse, adaptant l'histoire du peuple juif à la mentalité romaine. Si la première partie n'est qu'une adaptation de la Bible, les dix derniers livres constituent un document historique de tout premier ordre. Traduction Étienne Nodet, livres I à XI, Éditions du Cerf, 1992-2010.

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  • Contre Apion (95 ?) : défense des traditions juives et une réponse aux questions qu'a pu lever la publication des Antiquités juives contre les judéophobes grecs et romains, dont les arguments sont totalement différents de ceux exposés au Ier siècle. Traduction Théodore Reinach, Les Belles Lettres, 1930, XXXIX-243 p., 3e éd. 2003.

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Mise en cause de sa crédibilité

La crédibilité de Flavius Josèphe comme historien a souvent été mise en cause : ses travaux sont souvent considérés comme de la propagande romaine ou déconsidérés comme une apologie de ses propres actions visant à réhabiliter sa réputation[12]. Selon Marcel Simon, « son récit abonde en contradictions, en ambiguïtés, voire, dans la mesure où nous sommes en mesure de l'établir, en erreurs »[13].

Transmission

Longtemps ignorée ou rejetée par les Juifs, l'œuvre de Flavius Josèphe a été essentiellement transmise par les chrétiens, intéressés par des récits en rapport avec l'origine de leur religion. Le IVe Livre des Macchabées a été longtemps attribué à Josèphe, et dans une version de la Peshitta (la Bible syriaque) conservée dans la Bibliothèque ambrosienne de Milan le livre VI de la Guerre des Juifs est intégré au canon biblique comme Ve Livre des Macchabées. Au VIIIe siècle, dans ses Sacra parallela (florilège de citations de la Bible et des Pères de l'Église groupées par matière et par ordre alphabétique), Jean Damascène fait figurer des extraits des Antiquités judaïques et de la Guerre des Juifs.

Au IVe siècle, un chrétien produisit une libre adaptation en latin de la Guerre des Juifs, en cinq livres (les trois derniers livres sur sept étant réduit en un, et des passages des Antiquités judaïques et quelques éléments d'autres auteurs étant intégrés) ; des remarques hostiles ou revanchardes à l'égard des Juifs sont ajoutées ; très diffusé au Moyen Âge (douze manuscrits rien qu'à la Bibliothèque nationale de France), ce texte a été longtemps attribué à Ambroise de Milan, puis placé sous le nom d'« Hégésippe », sûrement inventé tardivement (à l'époque carolingienne). Cet Hégésippe ne doit pas être confondu avec la vraie traduction ancienne de la Guerre des Juifs en latin, datant également de la fin du IVe ou du début du Ve siècle : elle a été attribuée, soit à saint Jérôme (à cause d'une allusion dans sa lettre 71, où il dément justement une rumeur selon laquelle il aurait réalisé cette traduction), soit plus souvent à Rufin d'Aquilée (mais dans sa traduction de l' Histoire ecclésiastique d'Eusèbe de Césarée les citations de Josèphe sont rendues différemment). Les traductions latines conservées des Antiquités judaïques et du Contre Apion sont un peu plus tardives : elles ont été effectuées sous l'égide de Cassiodore vers le milieu du VIe siècle (Inst. div. litt., § 17, où il ne donne pas le nom du traducteur). Ces traductions furent très répandues au Moyen Âge (Franz Blatt, qui a entamé une édition du « Josèphe latin », recense pour les Antiquités 171 manuscrits). La réintroduction de Josèphe dans la tradition juive date du milieu du Xe siècle, avec le texte hébreu appelé le Yossipon : réalisé en Italie du sud, il s'agit d'une libre adaptation des textes latins de plusieurs livres des Antiquités, puis de l'Hégésippe. Ce Yossipon a été lui-même traduit en arabe par un Juif du Yémen au XIe siècle, et en éthiopien à partir de l'arabe vers 1300 (livre reconnu canonique par l'Église orthodoxe éthiopienne).

S'agissant des langues vernaculaires européennes du Moyen Âge, les catalogues de bibliothèques monastiques montrent qu'il a existé des traductions de Flavius Josèphe dès les IXe et Xe siècles, d'abord en irlandais, puis en vieil anglais, en vieux français et en divers dialectes germaniques. La version en vieux slave de l'Hégésippe (conservée) date du XIIe ou du XIIIe siècle. Les plus anciennes traductions en vieux français qui nous soient parvenues datent du règne de Charles V (1364-1380), qui fit traduire un grand nombre d'œuvres de l'Antiquité (c'est une date relativement tardive, car on possède des versions d'autres textes antiques en vieux français qui datent des XIIe et XIIIe siècle). Pour le XVe siècle, on possède de nombreux manuscrits, enluminés ou non, des versions latine et française, à l'exclusion (apparemment) des autres langues (la version française se retrouve dans des manuscrits un peu partout en Europe, le plus célèbre étant sans doute le manuscrit des Antiquités illustré par Jean Fouquet). La deuxième traduction française conservée est due à Guillaume Coquillard (dans les années 1460/70). Dès 1470 paraissait à Augsbourg la première édition imprimée des textes latins des Antiquités et de la Guerre des Juifs, réalisée par l'imprimeur Johann Schussler. Il y eut ensuite celle d'Albertinus Vercellensis (Venise, 1499, puis 1510), puis celle de Johann Froben (Bâle, 1524), qui a servi de référence depuis. Une version française imprimée et illustrée de la Guerre des Juifs fut réalisée entre 1493 et 1498 par Antoine Vérard et offerte au roi Charles VIII (avec une traduction faite spécialement par un anonyme, qui indique dans une dédicace au roi qu'il a terminé son travail le 7 décembre 1492). En 1516, l'imprimeur Jehan Longis mettait sous presse une nouvelle traduction française de la Guerre (celle de Nicolas de Herberay, seigneur des Essarts). Une édition en langue allemande fut imprimée à Strasbourg en 1531. Le Yossipon hébreu avait été imprimé à Mantoue en 1477/79.

Quant aux textes originaux grecs, conservés par les Byzantins (dans la Bibliothèque de Photius, la Guerre des Juifs fait l'objet du codex 47, les Antiquités judaïques des codex 76 et 238), ils sont connus par plus de cent trente manuscrits s'échelonnant du Xe au XVIe siècle (dont trente-trois du Xe au XIIIe siècle ; une vingtaine en tout à la Bibliothèque nationale de France). L’édition princeps, due également à Johann Froben, fut réalisée à Bâle en 1544. Après cette redécouverte du texte original, les vieilles traductions latines continuèrent d'être utilisées dans des éditions bilingues (par exemple l'édition partielle des Antiquités judaïques préparée par Edward Bernard et publiée à Oxford en 1700). En 1958, une édition du « Josèphe latin » fut commencée par Franz Blatt aux presses de l'Université d'Aarhus (cinq premiers livres des Antiquités), mais l'entreprise ne fut pas menée jusqu'au bout.

Josèphe dans l'art

  • Guy N. Deutsch, Iconographie de L'Illustration de Flavius Josèphe au temps de Jean Fouquet, Leyde, E. J. Brill, 1986.
  • Christian Tümpel, La Réception des "Antiquités judaïques" des Flavius Josèphe dans la peinture d’histoire hollandaise aux XVIe et XVIIe siècles, Rembrandt et la Nouvelle Jérusalem. Juifs et chrétiens à Amsterdam au siècle d’or, Paris 2007, p. 37-54.
  • Lion Feuchtwanger a écrit un roman "La guerre de Judée" (1932) - " Les fils " - "Le jour viendra". Fayard, 1996-2000.

Notes et références

  1. Plagnieux, P. 'Les sculptures Romanes' Dossiers d'Archéologie (January 2001) pg 15
  2. Ou, anciennement – jusqu'au milieu du XIXe siècle – Joseph. Cfr. Œuvres de Flavius Joseph (trad. Arnauld d'Andilly, textes adaptés en français moderne par J.A.C. Buchon), Paris, Auguste Desrez, 1840.
  3. Simon Claude Mimouni, Le Judaïsme ancien du VIe siècle avant notre ère au IIIe siècle de notre ère : Des prêtres aux rabbins, Paris, P.U.F., coll. « Nouvelle Clio », 2012, p. 131.
  4. a b et c Simon Claude Mimouni, Le judaïsme ancien du VIe siècle avant notre ère au IIIe siècle de notre ère, Paris, 2012, éd. PUF, p. 131.
  5. Christophe Batsch, La guerre et les rites de guerre dans le judaïsme du deuxième Temple, éd. Brill, 1993, p. 131.
  6. Simon Claude Mimouni, Le Judaïsme ancien du VIe siècle avant notre ère au IIIe siècle de notre ère : Des prêtres aux rabbins, Paris, P.U.F., coll. « Nouvelle Clio », 2012, p. 133.
  7. a b c d e et f Simon Claude Mimouni, Le Judaïsme ancien du VIe siècle avant notre ère au IIIe siècle de notre ère : Des prêtres aux rabbins, Paris, P.U.F., coll. « Nouvelle Clio », 2012, p. 133.
  8. a b et c Simon Claude Mimouni, Le Judaïsme ancien du VIe siècle avant notre ère au IIIe siècle de notre ère : Des prêtres aux rabbins, Paris, P.U.F., coll. « Nouvelle Clio », 2012, p. 134.
  9. Attesté par le théologien Origène au troisième siècle (Commentaires Matt. 10.17)
  10. Mireille Hadas-Lebel, Flavius Josèphe. Le Juif de Rome, Fayard, 1989, p. 229
  11. Eusèbe de Césarée, Histoire ecclésiastique, 3, 9, 2.
  12. voir notamment Étienne Nodet, Flavius Josèphe : Création et histoire, in Revus Biblique no 100 , 1993, p. 5-40.
  13. Marcel Simon, « Qui était Flavius Josèphe ? », dans Aux origines du Christianisme,  éd. Gallimard/Le Monde de la Bible, 2000, p. 31

Voir aussi

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Articles connexes

Liens externes

Bibliographie

  • Franz Blatt, The Latin Josephus I, Introduction and Text : The Antiquities, Books I-V, Acta Jutlandica XXX. I., Aarhus, Universitetsforlaget (Copenhagen, Munksgaard), 1958.
  • H. St. J. Thackeray, Flavius Josèphe : l'homme et l'historien (1929), trad. fr. de E. Nodet, avec annotation et appendice sur la version slavone de la Guerre, éd. Cerf, 2000.
  • Monette Bohrmann, Flavius Josèphe, les Zélotes et Yavné, Berne, Peter Lang, 1989.
  • Mireille Hadas-Lebel, Flavius Josèphe. Le Juif de Rome, Fayard, Paris, 1989.
  • Lucien Poznanski, La Chute du Temple de Jérusalem, Complexe, coll. « Historiques », no 108, Bruxelles, 1997.
  • Denis Lamour, Flavius Josèphe, Les Belles Lettres, coll. « Figures du Savoir », no 21, Paris, 2000.
  • Patrick Banon, Flavius Josèphe, Éditions de la Renaissance - Paris, 2007, (ISBN 978-2750903237)
  • Mireille Hadas-Lebel, Jérusalem contre Rome, Éditeur : CNRS ; Collection : Biblis , 2012, (ISBN 978-2271073037)
  • André Pelletier, Flavius Josèphe, Autobiographie (édition bilingue français/grec), Éditeur : Belles Lettres ; Édition revue et corrigée (1984), (ISBN 978-2251001777)