Émile Steinilber-Oberlin

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Émile Steinilber-Oberlin
Description de cette image, également commentée ci-après
Émile Steinilber-Oberlin, in Revue Franco-Nipponne, n°8, sept. 1928.
Nom de naissance Godfried Louis Émile Steinhilber
Naissance
10e arrondissement de Paris
Décès (à 72 ans)
Beaucaire (Gard)
Activité principale
Auteur
Langue d’écriture Français

Œuvres principales

Les sectes bouddhiques japonaises

Émile Steinhilber, plus connu sous le nom d'Émile Steinilber-Oberlin (Paris, - Beaucaire, [1]) est un politique, philosophe, écrivain, linguiste et traducteur français. Dans une œuvre riche, l'un de ses ouvrages les plus connus est celui consacré au bouddhisme japonais, Les sectes bouddhiques japonaises.

Biographie[modifier | modifier le code]

On ne sait que peu de choses de la vie de Steinilber-Oberlin[2]. Ses dernières publications remontent à 1939, après quoi sa trace s'efface[3]. On peut cependant retrouver certains éléments à travers les journaux de l'époque, datés d'avant 1932. Ces nouvelles laissent apparaître l'intérêt de Steinilber-Oberlin pour l'Asie, le Japon et le bouddhisme.

1878 - 1903 : jeunesse et études[modifier | modifier le code]

Godfried Louis Émile Steinhilber nait le 20 juin 1878, dans le 10e arrondissement de Paris. Il est le fils de Louis Émile Steinhilber et d'Anna Conrath.

Le 5 novembre 1898, alors qu'il étudie le droit, il s'engage comme volontaire, pour trois ans, au sein du 4e régiment d'infanterie. L'année suivante, il est réformé temporairement pour « Amnésie prolongée, faiblesse, crises d'asthme », avant d'être réformé définitivement, le 13 janvier 1900, pour tuberculose pulmonaire.

En 1899, il réside six mois, en Suisse, dans le canton de Soleure[4]. Titulaire d'un doctorat, Émile Steinilber étudie à l’École des hautes études en sciences sociales, à la Sorbonne, ainsi qu'a l’École des langues orientales[5].

Devenu avocat à la cour d'appel, et membre de la section parisienne de l'Union des étudiants républicains de France ; Le 18 janvier 1903, il anime une conférence intitulée « Le Nationalisme et la démocratie »[6],[7],[8], au siège social de l'association, 49 rue de la Harpe[7]. Le 2 juillet, il donne une conférence sur « L'idée de République », pour la Jeunesse républicaine du 4e arrondissement[9]. Le 15 janvier 1904, il tient une conférence sur« L'idée laïque dans la démocratie »[10],[11], aux salons du Grand Orient[11].

En décembre 1903, Émile Steinilber contribua au lancement de la revue Pour la république, organe des Jeunesses républicaines et socialistes. Il en est le rédacteur en chef[12],[13].

Henri Brisson. Émile Steinilber fut chef-adjoint de son cabinet lorsque H. Brisson était président de la chambre des députés.

1904 - 1925 : postes dans la haute fonction publique[modifier | modifier le code]

À la fin du mois de janvier 1904, il devient chef-adjoint du cabinet de la chambre des députés[14], dirigé par Henri Brisson. Un punch d'honneur lui est alors consacré dans une taverne de la rue Rivoli[15],[16]. En avril de la même année, il donne une sur « L'idée laïque devant la jeunesse », au siège social de la toute section des Jeunesse républicaine du 10e arrondissement[17]. Le 24 novembre, nouvelle conférence, intitulée « Démocratie laïque », pour la Ligue des droits de l'homme, au café Persan, 16 boulevard de Sébastopol[18].

En mai 1906, il est désigné candidat unique des républicains du 4e arrondissement[19]. En janvier 1907, il devient commissaire du gouvernement du conseil de Préfecture de la Seine[20]. Il est l'un des deux témoins de l'historien et romancier Octave Aubry, lors de son mariage à Cambrai, le 22 mars 1909[21].

Il se présente aux élections législatives de 1910[22]. Le 1er janvier 1913, il est nommé membre du Comité consultatif des Affaires indigènes, présidé par Lucien Hubert, sénateur des Ardennes[23].

Avant 1926, il occupe les postes de chef de cabinet du ministre de l'instruction publique et du Président de la Chambre des députés. Il est aussi chef bibliothécaire du ministre du travail, du ministre de la justice, et du ministre de ministre de l'instruction publique[5].

À partir de 1926 : liens avec la culture japonaise[modifier | modifier le code]

À ce poste de bibliothécaire, il contribue à la création, en février 1926, de la Revue Franco-Nipponne, aux côtés de Tsugouharu Foujita, Kikou Yamata, Marie-Louise Vignon, Michel Revon, Edmond Jaloux[24], Henri de Regnier et René Maublanc[25],[N 1]. La même revue publiera deux ans plus tard, en avril 1928, Défense de l'Asie et du bouddhisme. Réponse à M. Massis, auteur de « Défense de l'Occident », une réponse de Steinbilder-Oberlin à l'essai d'Henri Massis, Défense de L'Occident, paru en 1927[26],[27].

Oberlin (à droite) avec Kuni Matsuo.

Le 3 avril 1928, il participe au déjeuner de la revue de critique et de bibliographie Vient de paraître[28],[29].

En avril 1930, il devient membre du comité exécutif du « Rapprochement intellectuel franco-nippon (« Nichifutsu bunka kyōkai 日仏文化協会 »)[30] », aux côtés de Sylvain Lévi, Albert Maybon, Kuni MATSUO, René Maublanc et Seiji Ikoumi[31].

Immeuble de la Société théosophique, Paris 7e.

Et deux ans plus tard, le 22 mai 1932, au siège de la Société théosophique (4, square Rapp), il donne une conférence sur le bouddhisme japonais[32]. Enfin, on sait que le 14 septembre 1939, il participe à la cérémonie bouddhiste qui a lieu au musée Guimet à Paris, avec le révérend Gido Ishida, qui était alors une figure importante de l'école Sôtô et du temple Soji-ji[réf. nécessaire].

Une œuvre autour du Japon Asie et du bouddhisme[modifier | modifier le code]

Ces éléments témoignent de la proximité de Steinilber-Oberlin avec le Japon et le bouddhisme, à quoi s'ajoutent plusieurs traductions d'œuvres littéraires du japonais (et aussi du sanskrit) au français, ainsi que des essais.

Il publie encore en 1939 une Anthologie des poètes japonais contemporains, après quoi on perd sa trace. On ignore donc quand il est décédé.

Les sectes bouddhiques japonaises[modifier | modifier le code]

Escaliers du temple Chion-in (Kyoto) dont parle Steinilber-Oberlin dans son livre. Carte postale japonaise de 1900.

L'ouvrage le plus connu de Steinilber-Oberlin est sans doute celui qu'il a publié en 1930 sous le titre Les sectes bouddhiques japonaises. Histoire, doctrines philosophiques, textes, les sanctuaires[N 2]. Selon la base de données bibliographiques WorldCat, le livre (auquel a collaboré Kuni Matsuo) a connu dix-huit éditions en 1930, et sa traduction en anglais, 46 éditions entre 1938 et 2013[33] (cette dernière étant due à la prestigieuse maison Routledge).

Dans l'introduction à son ouvrage, Steinilber-Oberlin explique qu'il s'agit là d'un « enquête philosophique », et que son rôle s'est limité à recueillir des explications, à les organiser et à les reproduire aussi fidèlement que possible[34]. Il a eu l'idée d'écrire ce livre après avoir lu des critiques contre le « bouddhisme philosophique »[35]. L'auteur indique s'être trouvé au Japon en tant que chargé de mission par la Société pour le rapprochement intellectuel franco-japonais, et muni d'une recommandation du Ministère des Affaires étrangères qui faisait savoir à la délégation diplomatique française que Steinilber-Oberlin venait « pour poursuivre des études et des recherches philosophiques et notamment pour étudier les écoles bouddhiques »[36].

Une démarche empathique[modifier | modifier le code]

Il donne alors sa méthode: « (...) fréquenter en toute confiance et (...) en toute simplicité de cœur les pèlerins, les bonzes, les moines et les pèlerins bouddhistes »[36]. Et il ajoute[37] :

« Pour mener cette enquête, j'ai donc vécu, au Japon, la vie bouddhique, étudié en médité avec les bonzes et les moines (...). [J]'ai mené. dans les monastères, la vie des moines bouddhiques, et avec ceux-ci, chers et doux camarades que je n'oublierai jamais, j'ai pratiqué, dans la discipline commune, les exercices spirituels et les méditations prescrites. Sur les routes des sanctuaires où j'allais, pèlerin, j'ai partagé mon bol de riz avec d'autres pèlerins, des gens du peuple. (...) J'ai aimé la paix bouddhique des soirs, dans le calme jardin des temples aux étangs couverts de lotus, et j'ai recueilli des lèvres souriantes des bonzes, au visage pénétré de spiritualité, le secret de leur cœur apaisé. »

Un compte-rendu écrit au moment de la parution relevait déjà cette approche empathique, ainsi que la qualité du projet[3] :

« M. Steinliber-Oberlin a eu l'heureuse idée de présenter les principes de chaque école par le biais de conversations avec des moines. Cela rend la lecture très plaisante, notamment lorsque ces conversations sont tenues dans le cadre de monastères célèbres et que l'environnement admirable renforce la profondeur de l'enseignement. (...) Cet ouvrage est d'une grande valeur pour le lecteur : il présente le meilleur du bouddhisme japonais et l'encourage à approcher ses doctrines et expériences mystiques ave sympathie plutôt que dans un état d'esprit critique. »

Portrait de Shinran, sujet de la pièce Le maître et ses disciples. Période Nanboku-cho (1334-1392). Musée national de Nara.

Pierre Crépon souligne lui aussi que cette sympathie confère toute sa valeur à l'ouvrage, à quoi s'ajoutent la clarté du propos et « l'intelligence intuitive des subtilités bouddhiques », tout en relevant cependant certains manques, au nombre desquels l'éclipsement presque complet de l'école Soto zen[3]. Le japonologue Jérôme Ducor parle, lui, d'un « beau livre » (a lovely book) : il ne s'agit pas, relève-t-il, d'un texte technique mais de la présentation de rencontres avec des enseignants de différentes écoles bouddhiques, dont certains sont des figures éminentes de ces courants[38].

Pièce de théâtre sur Shinran[modifier | modifier le code]

On notera une autre contribution de Steinilber-Oberlin à la connaissance du bouddhisme en France: sa traduction en 1932 de la pièce de Hyakuzô KURATA, Le maître et ses disciples, un texte consacré à Shinran (1173-1262), le fondateur de l'école Jôdo-Shinshû, et librement inspirée du Tannishô, une importante compilation de dits de Shinran. Parue au Japon en 1917, la pièce avait connu un grand succès, et elle a joué un rôle majeur dans la redécouverte de Shinran par les Japonais[39].

Publications[modifier | modifier le code]

Ouvrages et articles[modifier | modifier le code]

  • Essais critiques sur les idées philosophiques contemporaines, Gauthier-Villard, 1912, xiv - 390 p. [lire en ligne (page consultée le 16 juin 2022)]
  • Défense de l'Asie et du bouddhisme. Réponse à M. Massis, auteur de « Défense de l'Occident », Paris, Éd. de la Revue Franco-Nipponne, 1928, 19 p. [lire en ligne (page consultée le 16 juin 2022)]
  • Les Langues sacrées de l'Orient. Comment déchiffrer les hiéroglyphes, Méthode claire et accessible à tous, 1928.
  • Les sectes bouddhiques japonaises. Histoire, doctrines philosophiques, textes, les sanctuaires (avec la collaboration de Kuni Matsuo ainsi que plusieurs prêtres et professeurs bouddhistes), Paris, G. Crès, , xviii - 347
    Réédition Le bouddhisme japonais, Paris, Sully, 2018, ( (ISBN 978-2-354-32315-8)) 266 p. / The Buddhist Sects of Japan, New York - London, Routeledge, 2013, 320 p. (ISBN 978-0-415-85097-1)
  • Au cœur du Hoggar mystérieux. Les Touareg tels que je les ai vus, Paris, Pierre Roger, 1934, 267 p. [lire en ligne (page consultée le 16 juin 2022)]
  • Comment déchiffrer un texte sanscrit. Méthode claire et accessible à tous, Paris, Bibliothèque Chacornac, 1935.
  • Anthologie des poètes japonais contemporains, trad. du japonais Kuni Matsuo, Paris, Mercure de France, 1939, 309 p.

Traductions[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Oberlin écrit régulièrement dans cette revue : voir les numéros 1 à 8, le numéro 12, ainsi que le numéro hors-série, « [1] »).
  2. Le mot secte doit être pris au sens neutre de « école, courant » (voir cnrtl.fr, « secte », déf. 1).

Références[modifier | modifier le code]

  1. Tabel des successions et absences à Beaucaire, n° 1, vue 164/193.
  2. « Émile Steinilber-Oberlin (1878-19..) », sur data.bnf.fr (consulté le )
  3. a b et c Pierre Crépon, « Avant-propos de l'éditeur » à É. Steinilber-Oberlin, Le bouddhisme japonais, Vannes, Sully, 2018, p. 9-10
  4. « Steinhilber, Godfried Louis Émile - Dossier militaire », sur archives.paris.fr (consulté le )
  5. a et b « M. E. Steinilber Oberlin », Revue Franco-Nipponne, no 3,‎ , p. 110 (vue 186) (lire en ligne Accès libre)
  6. « Conférences républicaine », Le Radical,‎ , p. 3 (lire en ligne)
  7. a et b « Fêtes et conférences », La Petite République,‎ , p. 3 (lire en ligne)
  8. « Échos », Le XIXe siècle,‎ , p. 3 (lire en ligne)
  9. « Parti radical-socialiste », Le Rappel,‎ (lire en ligne)
  10. « Groupes et commités politiques », La Lanterne,‎ , p. 4 (lire en ligne)
  11. a et b « Échos », Le Rappel,‎ (lire en ligne)
  12. « Pour la république », La petite république,‎ , p. 3 (lire en ligne)
  13. « Échos et nouvelles », Le Radical,‎ , p. 2 (lire en ligne)
  14. « Informations », Le Journal,‎ , p. 2 (lire en ligne)
  15. « Échos », Le XIXe siècle,‎ , p. 3 (lire en ligne)
  16. « Échos », Le Rappel,‎ (lire en ligne)
  17. « Communications diverses », Le Radical,‎ , p. 4 (lire en ligne)
  18. « Ligue des droits de l'homme », L'Humanité,‎ (lire en ligne)
  19. « Désistements et candidatures », La Gazette,‎ , p. 4 (lire en ligne)
  20. « Émile Steinilber », La Gazette de la Capitale,‎ , p. 5 (lire en ligne)
  21. « Dans le monde », Le Grand écho du Nord de la France,‎ , p. 2 (lire en ligne)
  22. « Échos », La Liberté,‎ , p. 2 (lire en ligne)
  23. France Ministère des colonies Auteur du texte et France Sous-secrétariat des colonies Auteur du texte, « Bulletin officiel du Ministère des colonies », sur Gallica, (consulté le )
  24. « Comœdia », sur retronews.fr, (consulté le ).
  25. « Mercure de France », sur retronews.fr, (consulté le ).
  26. « L'Information financière, économique et politique », sur retronews.fr, (consulté le )
  27. L’Intransigeant, (lire en ligne)
  28. « Comœdia », sur retronews.fr, (consulté le ).
  29. « Paris-soir », sur retronews.fr (Retronews), (consulté le ).
  30. Michel Wasserman, « La fondation de l’Institut franco-japonais du Kansai (1927 », Ebisu, no 51 « Le rapprochement franco-japonais dans l’entre-deux-guerres »,‎ , p. 137-162 (v. p. 148) (lire en ligne)
  31. « L’Œuvre », sur retronews.fr, (consulté le ).
  32. « Un prédicateur bouddhique à Paris », sur retronews.fr, Le Journal, (consulté le ), p. 1-2.
  33. « Steinilber-Oberlin, E. (Emile) 1878- », sur worldcat.org, (consulté le )
  34. Le bouddhisme japonais, 2018, p. 13
  35. Le bouddhisme japonais, 2018, p. 14
  36. a et b Le bouddhisme japonais, 2018, p. 15
  37. Le bouddhisme japonais, 2018, p. 15-16
  38. (en) Jérôme Ducor, « Pure Land Sources in French », The Eastern Buddhist, NEW SERIES, vol. 48, no 1,‎ , p. 137-158 (v. p. 143) (lire en ligne)
  39. Jérôme Ducor, Shinran. Un réformateur bouddhiste dans le Japon médiéval,Gollion (CH), Infolio, 2008 (ISBN 978-2-884-74926-8) p. 182-183; 99.

Liens externes[modifier | modifier le code]