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« Valeurs (psychologie) » : différence entre les versions

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En [[psychologie]], les '''valeurs''' (du latin {{Citation étrangère|langue=la|valor}}, dérivé de {{Citation étrangère|langue=la|valere}} qui signifie « être fort, puissant ») désignent {{Citation|des buts désirables, trans-situationnels, variant en importance, qui servent de principes guidant les vies des gens. L'aspect crucial du contenu qui distingue parmi les valeurs est le type de but motivationnel qu'elles expriment<ref>{{harvsp|Chataigné|2014|p=}}.</ref>}}. Les valeurs sont considérées comme des variables latentes<ref name="Wach&Hammer2003">{{harvsp |Wach |2003 |id=WatchHammer2003}}</ref>, qui ne sont pas directement observables<ref name="Berry">{{harvsp |Berry |2001 |id=Berry2001}}</ref> mais qui se manifestent à partir de nos perceptions, nos attitudes, nos choix, nos comportements, nos jugements et nos actions<ref>{{harvsp|Chataigné|2014|p=91 et 179}}.</ref>. Dans ce sens, elles sont fondamentalement psychologiques <ref name="Berry" /> et permettent de répondre à la question {{citation|pourquoi agissons-nous comme nous agissons?}}<ref name="Wach&Hammer2003"/>.
En [[psychologie]], les '''valeurs''' (du latin <span lang="la">« valor »</span>, dérivé de <span lang="la">« valere »</span> qui signifie « être fort, puissant ») désignent « des [[Motivation|motivations]] trans-situationelles, organisées hierarchiquement, qui guident la vie»<ref name=WM> Wach,M. & Hammer,B. ''La structure des valeurs est-elle universelle ? Genèse et validation du modèle compréhensif de Schwartz'', L’Harmattan, 2003 </ref>. Les valeurs sont considérées comme des variables latentes, qui ne sont pas directement observables mais qui se manifestent à partir de nos [[Perception|perceptions]], nos [[Attitude|attitudes]], nos choix, nos comportements, nos [[Jugement (philosophie)|jugements]] et nos actions<ref name=C> {{Ouvrage |prénom1=Christine|nom1=Chataigné|titre= Psychologie des valeurs |éditeur= De Boeck|année=2014 }} </ref>. Dans ce sens, elles permettent de répondre à la question ''pourquoi agissons-nous comme nous agissons?''. La psychologie des valeurs peut aider à comprendre qu'est-ce qui est le plus important pour un individu (ou pour un groupe) et ceci à travers différents contextes et situations sociales.


D'autres domaines, notamment la [[sociologie]], s'intéressent aussi à l'impact des valeurs surtout du point de vue groupal et sociétal. En outre, l'étude des valeurs en sociologie est souvent uni-modale: soit théorique et normative (des théories philosophiques très élaborées sans confrontation au réel), soit descriptive et positive (accumulation des données empiriques sans recours à une théorie)<ref>{{harvsp |Boudon |1999 |id=Boudon1999}}</ref>. La psychologie, et notamment la psychologie sociale, essaye donc d'établir le lien entre théorie et pratique. De plus, la psychologie sociale s'intéresse aussi bien à une vision sociétale qu' aux valeurs à un niveau individuel, elles servent de {{citation|principes guidant nos vies}}<ref>{{harvsp|Chataigné|2014|p=90}}.</ref>.
D'autres domaines, notamment la [[sociologie]], s'intéressent aussi à l'impact des valeurs surtout du point de vue groupal et sociétal (supra-individuel). En outre, l'étude des valeurs en sociologie est souvent uni-modale: soit théorique et normative (des théories philosophiques très élaborées sans confrontation au réel), soit descriptive et positive (accumulation des données empiriques sans recours à une théorie)<ref name="WM"></ref>. La psychologie, et notamment la [[psychologie sociale]], essaye donc d'établir le lien entre théorie et pratique. De plus, la psychologie sociale s'intéresse aussi bien à une vision supra-individuelle qu’individuelle des valeurs, elles servent de « principes guidant nos vies » <ref> Chataigné, 2014, p. 90 </ref>.

== Notes et références ==
Cet article évoque tout d'abord les premiers modèles de valeurs en psychologie, puis décrit les instruments de mesures principaux comme ceux réalisés par Schwartz (Schwartz Value Survey), Hofstede et Rokeach (Rokeach Value Survey).
{{Références}}

== Introduction ==
Les valeurs sont des "conceptions centrales du désirable dans chaque individu et dans la [[Société (sciences sociales)|société]]"<ref name="RC">Rokeach, 1979 cité dans Chataigné,C. ''Psychologie des valeurs'', De Boeck, 2014, p. 15 </ref>. Elles influencent, en grande partie, les attitudes et les comportements des personnes<ref name="RC">Rokeach, 1979 cité dans Chataigné, 2014, p. 21 </ref>.

Elles ont pour fonctions principales l'orientation de nos choix, la justification de nos comportements et l'adaptation au contexte social<ref>Chataigné, 2014, p. 90 </ref>.

Les valeurs sont étudiées dans plusieurs domaines: [[Sociologie]], [[religion]], [[politique]], [[anthropologie]], [[psychologie]], [[économie]], [[ethnologie]] etc.

Serge et al. (1999), définissent les valeurs comme "des préceptes généraux d'une société entière"<ref name=SegL> Segall et al., 1999; cités par {{Harvsp|Licata & Heine|2012|p=134 }} </ref>. Effectivement, elles sont partagées par de vastes [[Groupe social|groupes sociaux]]. Ils ajoutent, "qu'elles sont des références morales et éthiques qui définissent le bien et le mal dans une société. Elles sont liées aux croyances, aux attitudes et aux comportements des individus"<ref name=SegL/>. Elles sont généralement assez abstraites mais permettent aux individus de pouvoir évaluer des comportements, de définir leurs objectifs à atteindre et ce qui est approprié ou non pour réalisés ces buts<ref name=LH> {{Ouvrage |prénom1=Laurent|nom1=Licata|prénom2=Audrey|nom2=Heine|titre= Introduction à la Psychologie interculturelle |éditeur= De Boeck|année=2012}} </ref>. Les valeurs sont construites également [[Emotion|émotionnellement]] et lorsqu'elles sont transgressées elles suscitent une réaction émotionnelle<ref name=LH/>.

Les valeurs varient d'un individu à l'autre et leur degré d'importance également, néanmoins, il est possible de mettre en évidence un certain nombre de valeurs partagées par un même groupe social<ref name=LH/>. C'est dans ce sens que les valeurs sont aussi culturelles.

Les valeurs peuvent être souvent confondues, avec des buts et des [[Intérêt (psychologie)|intérêts]] mais elles renvoient à un caractère abstrait, général et plus fondamental. C'est ce qui marque leurs différences avec les buts qui sont plutôt concrets et singuliers<ref name= PM> {{Ouvrage|langue = français|auteur1 = Pascal Morchain |titre =Psychologie sociale des valeurs|lieu = France|éditeur = Dunod|année = 2009}}</ref>. De plus, les valeurs se stabilisent plus tard (fin de l'adolescence)<ref name=MH> {{Ouvrage|prénom1= Jean |nom1= Guichard|prénom2= Michel |nom2= Huteau|titre= Psychologie de l'orientation|éditeur=Dunod|année=2006 }} </ref>que les intérêts. La différence avec la [[norme sociale]], est que celle-ci renvoie à une situation spécifique, tandis que les valeurs font référence aux "standards de désirabilité et sont plus ou moins indépendants des situations spécifiques"<ref> Chataigné, 2014, p. 53 </ref>.

Plusieurs auteurs ont réalisés des recherches sur les valeurs à un niveau individuel et culturel, bien qu'ils ne soient pas tous représentés, les principaux seront explicités ci-dessous.

=== Internalisation des valeurs ===

Les valeurs nous informent sur ce qui est important pour une personne. Chaque personne porte en soi un certain nombre de valeurs qui peuvent varier par ordre d'importance<ref name=":1">{{Article|langue = anglais|auteur1 = Anat Bardi|titre = Values and Behavior: Strength and Structure of Relation|périodique = PERSONALITY AND SOCIAL PSYCHOLOGY BULLETIN|numéro = 10|jour = |mois = Octobre|année = 2003|pages = 1207-1220|auteur2 = Shalom H. Schwartz|volume = 29|doi = 10.1177/0146167203254602}}</ref>. Elles se transforment peu pendant l'âge adulte et sont donc des caractéristiques relativement stables<ref> Feather, 1971; Rokeach, 1973; Schwartz, 1997 cités par {{Harvsp|Chataigné|2014|p=20}}</ref>.

Les valeurs se différencient aussi à un niveau [[Relation humaine|interpersonnel]] . Pour certains, des valeurs spécifiques sont plus importantes que pour d'autres<ref name=":1" />. Une personne peut par exemple accorder beaucoup d'importance au [[pouvoir]] tandis que d'autres personnes pas.. Le degré d'importance des valeurs s'explique par le processus de [[socialisation]] pendant lequel les valeurs sont apprises<ref> Piaget, 1932; Rokeach, 1973; Williams, 1979; Feather, 1979; Grusec, 1999; Rohan & Zanna, 1996 cité par {{Harvsp|Chataigné|2014|p=74}}</ref>.

L'internalisation des valeurs se déroule en deux étapes: d'abord, il y a une ''reconnaissance des règles'' données par les agents de la socialisation (parents, école, culture, etc.), ensuite, la deuxième étape, consiste par ''l'acceptation'' de l'enfant des valeurs dans ses attitudes et conduites<ref> Grusex, 1999 cité par {{Harvsp|Chataigné|2014|p=75}}</ref>. Le processus d'internalisation passe d'abord par une soumission aux valeurs portées par les normes, par une identification et puis par une véritable internalisation de ces valeurs.<ref> Chataigné, 2014, p. 75 </ref>

Les valeurs ne sont pas contraintes par les agents de socialisation, mais elles se développent par le contact social et les interactions avec les proches, notamment par le jeu dès l'enfance et "par la multiplicité des expériences personnelles"<ref> Triandis, 1979, p. 210; cités par {{Harvsp| Mochain|2009|p=32 }} </ref>. Elles se développent également par l'observation des personnes de son entourage et l'écoute de récits qui amènent l'enfant à interner des valeurs qui sont elles-mêmes influencées par le contexte (parents, école, médias, pairs, etc.).<ref> Chataigné, 2014, p. 83</ref>

=== Variance des valeurs ===

Certains facteurs sont susceptibles d'influencer les valeurs. L'âge des personnes a une importance sur le poids donné à certaines valeurs, les personnes plus âgées par exemple, accordent davantage d'importance aux valeurs de conservation (tradition, sécurité, conformité), tandis que les jeunes accordent plus d'importance aux valeurs d'ouverture et au changement (autonomie et stimulation)<ref> Chataigné, 2014, p. 98 </ref>

Outre l'âge, d'autres facteurs comme la culture et la nationalité, expliquent en grande partie la différence d'importance accordée aux valeurs aussi bien dans le domaine religieux, le genre (même si cette différence est petite), l'orientation professionnelle, le travail, etc.<ref> Chataigné, 2014, pp. 99-106 </ref>

==== La dissonance cognitive ====

Un comportement peut être en discordance avec des valeurs. On parle dans ce cas de [[dissonance cognitive]], ce qui signifie que les personnes se comportent d'une manière incompatible avec un autre comportement et que l'un des deux est dissonant<ref> Chataigné, 2014, p.81 </ref>. La dissonance cognitive a pour conséquence que les individus vont changer leur comportement pour veiller à réduire cette tension cognitive. M'''a'''is l'individu peut aussi modifier cette incohérence en faisant entrer d'autres ressources cognitives'''<ref>Chataigné, 2014, p.81 </ref>.'''

=== Les valeurs culturelles ===

Les valeurs culturelles "s'expriment à travers des normes"<ref name=B>{{Ouvrage|langue = français||prénom1= Stéphanie |nom1= Baggio|titre = Psychologie sociale|lieu = Bruxelles|éditeur = De Boeck|année = 2006|p=134}}</ref>. Dans ce sens, les valeurs, comme les normes, "dépendent largement de la culture dans laquelle elles s'inscrivent"<ref name=B />.

L’étude des valeurs culturelles ne permet pas seulement d'appréhender des différences entre les cultures, mais permet également de mettre en avant des valeurs qui vont au delà de ces différences et que l'on peut appréhender comme des valeurs universelles permettant ainsi de découvrir des traits humains fondamentaux<ref name= SD> {{Ouvrage|langue = english|prénom1= Marshall H.|nom1= Segall |prénom2= Pierre R.|nom2= Dasen |titre = Human Behavior in Global Perspective. An Introduction to Cross Cultural Psychology|lieu = Needham Heights, MA |éditeur = Allyn & Bacon|année = 1999}} </ref>. Les valeurs culturelles sont des notions relativement abstraites, mais elles peuvent s'exprimer à travers les attitudes, croyances et comportements de la plupart des individus<ref name= SD />.

== Les théories des valeurs ==
=== Thomas et Znaniecki (1918) ===

[[William Isaac Thomas|Thomas]] et [[Florian Znaniecki|Znaniecki]] sont tout les deux des [[Sociologie|sociologues]] et [[Philosophie|philosophes]]. Leur approche des valeurs fût une des premières en [[Psychologie sociale|psychologie sociale]]. Ils ont rédigé {{Lien|The Polish Peasant in Europe and America|lang=en}}( en français: ''Le paysan polonais en Europe et en Amérique: récit de vie d'un migrant'') qui est devenu une oeuvre classique en sociologie. Pour eux, la vie sociale consiste en deux éléments. D'une part, il y a des valeurs sociales qui sont objectives (des objets culturels qui ont une existence durable et qui ont une influence sur toute action sociale de l'être humain) et d'autre part, il y a les [[Attitude|attitudes]] individuelles qui sont subjectives (propriétés des membres du [[Groupe social|groupe social]] qui résultent des biographies individuelles) <ref name="Schlüsselwerke der Migrationsforschung">{{Ouvrage|langue = allemand|auteur1 = Julia Reuter |titre = Schlüsselwerke der Migrationsforschung|lieu = Allemagne|éditeur = Springer|année = 2015|pages totales = 399|isbn = 978-3-658-02115-3}}</ref>. La théorie des valeurs de Thomas et Znaniecki est donc une théorie sociologique et interactionniste. Le „fait social“ est la combinaison d'attitudes personnelles et de valeurs collectives <ref name=C/>.

=== Spranger (1922) ===

La théorie des valeurs d' {{Lien|Eduard Spranger|lang=en}} renvoie à une typologie présentant six dimensions qui ne sont pas indépendantes les unes des autres et qui conduisent à un type de personnalité spécifique. Les valeurs ou bien les types de personnalité peuvent être:

#''théoriques'': recherche de la vérité et du savoir
#''économiques'': l’intérêt porte sur l'utilité pratique
#''esthétiques'': évaluation basée sur la beauté, la symétrie et l'harmonie
#''sociales'': valorisation de la la sympathie, l'intégrité et l'altruisme
#''politiques'': évaluation basée sur le pouvoir personnel
#''religieux'': recherche de la compréhension du cosmos <ref name= PM/>.

Spranger n'admet néanmoins pas que chaque être humain fasse partie de l'une ou l'autre dimension de valeurs. Dans chaque personnalité, on peut retrouver toutes ces valeurs avec des degrés d'importance différents <ref name=C/>.

=== Vernon et Allport (1931) ===
Dans leur travail, Vernon et Allport (1931) se sont basés sur les travaux de Spranger (1922) en reprenant sa typologie des valeurs (v. plus haut). Afin de déterminer l'importance relative de chacune des six valeurs, représentées par Spranger (1922), chez un individu donné, ils ont construit un questionnaire qui comportant 120 questions, dont 20 renvoient à chacune des six valeurs. Ces questions reprennent des situations de la vie quotidienne pertinentes pour chaque valeur en question. Les participants de l'enquête doivent choisir entre différentes alternatives de réponses qui renvoient toujours à un choix d'attitude ou de comportement. Les résultats de leur recherche, montrent qu'il existe un changement dans les profils de valeurs qui varie à travers l'âge, la profession et le genre. Par conséquent, les juristes apparaissent plus ''politiques'', tandis que les ingénieurs sont plutôt ''économiques'' et les psychologues ''théoriques''<ref> Vernon et Allport, 1931 cité par {{Chataigné|p=18}}</ref>. Pour prendre le cas du genre, les femmes semblent être plus "esthétiques, sociales et religieuses“, par rapport aux hommes, qui semblent être plus ''théoriques, économiques et politiques''. Cette échelle a une véritable application pratique dans les domaines de l'orientation scolaire et professionnelle.  

=== Postman, Bruner et McGinnies (1948) ===

Les chercheurs se sont basés sur l’échelle des valeurs d'Allport et Vernon (1931) afin de démontrer que les valeurs personnelles de chaque individu influencent ses [[Perception|perceptions]]. Ils ont réalisé leur travail [[Méthode expérimentale|expérimental]] en présentant à chaque participant 36 mots en lien avec les six valeurs décrites par Spranger (1922) (p.ex. pour le type ''politique'' des mots comme ''gouverner'' et ''rivaliser''). Chacun de ces 36 mots ont été présenté l'un après l'autre et très brièvement (1/10 seconde) aux participants qui devaient simplement reconnaître les mots présentés. Les chercheurs ont mesuré le temps écoulé avant la reconnaissance du mot, ainsi, ils ont évalué le profil de valeurs de chaque participant à l'aide de l'échelle de Vernon et Allport (1931). Ensuite, ils ont comparé le [[Temps de réponse (psychologie)|temps de reconnaissance]] d'un mot avec le profil de valeurs et ils ont remarqué que plus une personne attribuait d'importance à une valeur, plus elle la reconnaissait vite. Par exemple, une personne de type ''politique'' reconnait plus vite des mots comme ''gouverner'' ou ''rivaliser'' qu'une personne de type ''social''. Les chercheurs ont pu montrer à partir de cette expérience, qu'on sélectionne les informations par rapport aux priorités de valeurs, ce qu'ils désignent comme une "sensibilité sélective dans la perception“<ref>{{Harvsp|Chataigné|2014|p=18-19}}</ref><ref>{{Article|langue = anglais|auteur1 = Leo Postman|titre = Personal values as selective factors in perception|périodique = The Journal of Abnormal and Social Psychology|numéro = |jour = |mois = Avril|année = 1948|issn = |lire en ligne = |pages = 142-154|auteur2 = Jerome S. Bruner|auteur3 = Elliott Mc Ginnies|volume = 43(2)|doi = 10.1037/h0059765}}</ref>.

=== Rokeach (1973) ===

Dans son oeuvre ''The nature of human values'', [[Milton Rokeach]] a démontré expérimentalement la structuration des valeurs en système. Il exprime sa conception en cinq [[Postulat|postulats]] fondamentaux:

#le nombre de valeurs d'une personne est relativement petit
#tous les hommes dans le monde ont les mêmes valeurs mais à des degrés différents
#les valeurs sont organisées en systèmes de valeurs
#les origines des valeurs humaines se trouvent dans la culture, la société, les institutions et la personnalité
#les conséquences des valeurs se manifestent pratiquement dans tous les phénomènes que les chercheurs en sciences humaines peuvent étudier<ref> Rokeach, 1973 cité par {{Wach et Hammer|p=16-17}}</ref>

Selon Rokeach, "une valeur est une croyance durables, qui se traduit par le choix d'un mode de conduite ou d'un but de l'existence que l'on préfère, personnellement ou socialement, aux modes de conduites ou aux buts opposés ou contraires“<ref name=RWH > Rokeach, 1973 cité par {{Wach et Hammer|p=18}} </ref>.

Il considère alors que les valeurs représentent des croyances qui peuvent avoir des composantes cognitives, affectives et comportementales:

#La '''composante cognitive''' d'une valeur est une croyance descriptive ou existentielle qui peut être vraie ou fausse (''Je crois que la population mondiale est une grande famille'')
#La '''composante affective''' d'une valeur est une croyance évaluative où l'objet est évalué bon ou mauvais (''L'université est le meilleur endroit pour l'apprentissage'')
#La '''composante comportementale''' d'une valeur est une croyance prescriptive par laquelle une action est jugée désirable ou indésirable (''Il ne faut pas mentir'') <ref name=RWH/> <ref>Rokeach, 1973 cité par {{Chataigné|p=19-20}}</ref>

Les valeurs d'une personne ou d'une société sont durables, donc relativement stables. Elles ont ainsi une certaine continuité, pourtant ces mêmes valeurs sont susceptibles d'évoluer sinon tout changement de l'individu ou de la société serait impossible. Selon Rokeach, cette durabilité des valeurs peut être expliquée à travers de leur mode d'apprentissage. Par l'expérience et par un processus de maturation, l'être humain apprend progressivement à intégrer des valeurs qui nous ont été enseignées dans des contextes divers (famille, école, etc.). Par exemple, à l'école, on apprend à être amical avec les camarades de classe, pourtant à la maison les parents enseignent souvent à se défendre quand on est harcelé. Quand l'enfant est confronté à des situations sociales où ses valeurs sont en compétition, il doit choisir entre elles. Au fur et à mesure, l'enfant apprend à intégrer des valeurs isolées et absolues (comme l'obéissance ou l'indépendance) en un système hiérarchiquement organisé, où chaque valeur est ordonnée selon une importance relative par rapport aux autres.

Une valeur réfère soit à un ''mode de conduite'', soit à un ''but dans l'existence''. Par ce fait, Rokeach spécifie deux principales sortes des valeurs: les '''valeurs instrumentales''' renvoient à un ''mode de conduite'' et peuvent être distinguées en deux types, ''les valeurs morales'' (généralement avec une composante interpersonnelle, p.ex. être honnête) et ''les valeurs de compétences'' (généralement avec une composante intrapersonnelle, p.ex. être logique). Les '''valeurs terminales''' renvoient à ''un but dans l'existence'' et peuvent être personnelles (centrées sur soi, p.ex. l'harmonie de l'esprit) ou sociales (centrées sur la société, p.ex. la paix dans le monde). La hiérarchie qui leur est attribuée est liée à l'importance relative que l'on accorde aux valeurs ''personnelles'' ou ''sociales''. Selon Rokeach, augmenter l'importance d'une valeur sociale amène à augmenter l'importance des autres valeurs sociales et à diminuer celles des valeurs personnelles.

==== L'inventaire des valeurs de Rokeach (RVS-Rokeach Value Survey, 1967) ====
Afin de mesurer les priorités de valeurs de chacun, Rokeach a élaboré un inventaire des valeurs qui se présente sous la forme de deux listes de valeurs. La première liste consiste en 18 valeurs terminales (comme ''l'égalité'' ou ''le bonheur''), qu'il faut classer selon l'importance qu'on lui attribue personnellement. Ensuite, suit une liste avec 18 valeurs instrumentales (comme ''ambitieux'' ou ''obéissant'') qu'il faut classer de la même manière. Par rapport aux autres inventaires qui existait jusqu'à présent, celui de Rokeach est beaucoup plus simple, car il ne propose que 36 valeurs avec une description brève.  

=== Hofstede (1980, 1991) ===

[[Geert Hofstede]] est un psychologue hollandais, qui a eu beaucoup d’influence sur la [[psychologie interculturelle]] comparative depuis les années 70 jusqu'à aujourd’hui <ref name=LH/>. Il a réalisé une étude sur l’effet de l’influence de la culture sur les valeurs et les comportements des individus au travail. Après avoir récolté de nombreuses données, pour lui ce qui différencie les individus à salaire et fonction comparable c'est surtout leur culture. Il a ainsi identifié quatre dimensions <ref name=LH/> :

==== La distance hiérarchique (IDH) ====
Si cet indice est élevé dans un pays, cela signifie que les gens ayant le moins de pouvoir ont plus tendance à accepter cette différence de pouvoir entre eux et leurs supérieurs. On obtient donc cet indice en mesurant ''le'' ''degré d’acceptation'' de ceux qui ont le moins de pouvoir, d’une répartition inégale du pouvoir dans les organisations d’un pays. Ce sont dans les pays qui contiennent un indice hiérarchique élevé que l’on constate le plus d’inégalités de pouvoir et de richesse. On observe ainsi une très grande différences de [[Classe sociale|classes sociales]] entre les plus favorisés et les plus défavorisés. Ces pays sont aussi caractérisés par un faible degré de [[mobilité sociale]], une dépendance soutenue aux supérieurs, bien que celle-ci s’exprime parfois sous forme de révoltes, on remarque également qu’entre les personnes de statuts différents, il y a une forte distance émotionnelle<ref name="LH" />. Tandis que les pays avec un indice de distance hiérarchique faible entretiennent des relations plus égalitaires et cela n’est pas toléré que les personnes au pouvoir s’accaparent toutes les richesses.  On peut observer une certaine interdépendance dans ces sociétés et un besoin réciproque entre patrons et employés. Il y a en effet, plus de proximité entre les différents statuts et les émotions sont davantage présentes voir souhaitées<ref name="LH" />.

Au-delà de la sphère professionnelle, Hofstede remarque également que la distance hiérarchique existe dans les ''familles''. Dans les pays où la distance hiérarchique est plus élevée, la hiérarchie est plus présente entre les parents et les enfants, qui sont censés leur obéir et également au sein de la fratrie (respect de l’aîné). Alors que dans les pays où la distance hiérarchique est plus faible, les parents demandent plus l’avis de leurs enfants et ceux-ci sont considérés de manière égale quel que soit leur âge.<ref name="LH" />

Hofstede démontre aussi l’importance des ''implications politiques'' suivant la position des pays par rapport à leur distance hiérarchique. Là où la distance hiérarchique est la plus élevée, les personnes au pouvoir gouvernent par la force et s’approprient les richesses. Si le peuple se révolte cela aura tendance à aboutir à une dictature dans ces sociétés. Alors que dans les pays à faible distance hiérarchique, les pouvoirs acquièrent leur statut selon leur compétence et sont élus démocratiquement. Les changements politiques se déroulent plus pacifiquement.<ref name="LH" />

Exemples :

*Score les plus élevés d’IDH : [[Malaisie]], [[Guatemala]], [[Philippines]], [[Panama]], [[Equateur]],  [[Venezuela]], [[Mexique]], pays arabophones, [[Indonésie]], [[Inde]], pays d’Afrique de l’Ouest.<ref name=LH/>

*Score les plus faibles d'IDH : [[Israël]], [[Danemark]], [[Nouvelle-Zélande]], [[Irlande]], [[Suède]], [[Finlande]], [[Norvège]], [[Suisse]], [[Allemagne de l’Ouest]], [[Grande-Bretagne]] et [[Costa Rica]].<ref name=LH/>

==== L’individualisme et le collectivisme ====
Cette dimension étudiée par Hofstede a suscité de nombreuses recherches ultérieures.  Pour Hofstede (1994, p.76) : « l’[[individualisme]] caractérise les sociétés dans lesquelles les liens entre les personnes sont lâches ; chacun doit se prendre en charge, ainsi que ses parents les plus proches ». '''(livre licata p.138)''' Tandis qu’il définit à l’opposé le collectivisme tel que « le [[collectivisme]] caractérise les sociétés dans lesquelles les personnes sont intégrées, dès leur naissance, dans des groupes forts et soudés qui continuent de les protéger tout au long de leur vie, en échange d’une loyauté indéfectible ». '''(1994, p.76)''' Selon cet auteur, ces notions font donc références à des rapports sociaux très différents. <ref name=LH/>
Le collectivisme et l’individualisme selon lui, représentent ainsi deux pôles opposés d’une même dimension. Dans son enquête, le pôle individualiste est décrit par des réponses exprimant la volonté d’avoir du temps pour soi, une liberté dans son travail, le goût des challenges alors que le pôle collectiviste est décrit par un souhait de formation, d’amélioration des conditions matérielles de travail, d’avoir l’opportunité d’utiliser pleinement ses compétences. <ref name=LH/>

De nouveau, Hofstede transpose aussi cette dimension dans ''le contexte familial''. Pour lui, dans les sociétés les plus individualistes, la norme se retrouve uniquement au sein de la famille nucléaire (père, mère, fratrie) et les individus ont plus de moments seuls, notamment la nuit, alors que dans les sociétés collectivistes ce n’est pas uniquement la famille nucléaire mais la famille élargie (grands parents, oncles, tantes, cousins,..) qui est la norme, et il y a beaucoup plus de contacts sociaux entre les membres. De plus, il remarque que dans les sociétés individualistes, l’expression émotionnelle et la franchise sont plus utilisées dans le contexte familial que dans les sociétés collectivistes où les membres semblent plus retenir et garder leurs émotions personnelles et leurs opinions pour préserver l’harmonie des relations entre les membres et d’éviter les conflits. <ref name=LH/>

Hofstede, rallie également les pôles individualistes et collectivistes à la [[communication|''communication'']]''.'' Dans les pays individualistes, il décrit la communication comme étant à contexte faible et communication à contexte fort pour les sociétés collectivistes<ref name=LH/>.
Dans les sociétés collectivistes, communication à contexte fort, l’information se retrouve principalement dans l’environnement physique des personnes et dans leurs rapports relationnels, le contenu explicite du message n’est pas l’essentiel. Tandis que dans les sociétés individualistes, communication à contexte faible, l’information est essentiellement dans le message explicite et s’exprime verbalement<ref name=LH/>.

Dans la ''sphère professionnelle'', d’après Hofstede, dans les sociétés individualistes, le salarié est considéré comme une personne à part
entière, ayant ses propres besoins et il entretient une relation contractuelle avec son patron. Si le patron n’est pas satisfait de son employé, il peut mettre fin à son contrat<ref name=LH/>. C’est selon lui un principe universaliste, tout le monde est sur le même pied d’égalité. Contrairement aux sociétés collectivistes où c’est le particularisme, le salarié est considéré comme un individu mais surtout comme une personne faisant parti et appartenant à un groupe. Il doit donc veiller à l’intérêt de son groupe et y être loyal. Le patron recrutera d’abord les personnes de sa famille puis celle de ses employés, il a un certain contrôle sur les individus. La relation
patron-salarié est basée sur les relations familiales, une relation paternaliste qui renforce la différence de statut mais qui est moins facilement mise à terme que dans les sociétés individualistes<ref name=LH/>.

Exemples :

*Pays individualistes : [[Etats-Unis]], [[Australie]], [[Grande-Bretagne]], [[Canada]], [[Pays-Bas]], [[Nouvelle-Zélande]], [[Italie]], [[Belgique]], [[Danemark]], [[Suède]], [[France]]<ref name=LH/>.

*Pays collectivistes : [[Guatemala]], [[Equateur]], [[Panama]], [[Venezuela]], [[Colombie]], [[Indonésie]], [[Pakistan]], [[Costa Rica]], [[Pérou]], [[Taiwan]]<ref name=LH/>.

Hofstede attribue cette répartition des pays selon l’histoire ancienne,  les pays de [[Langues germaniques|langue germanique]] ont donc un faible IDH et sont plus individualistes alors que les pays de [[langues romanes]] ont un IDH plus élevé et sont davantage collectivistes<ref name=LH/>. Il lie également cela à
la [[latitude]], plus un pays s’écarte de l’équateur, plus sa distance hiérarchique est faible et plus il sera individualiste et inversement<ref name=LH/>. Il corrèle aussi ces dimensions avec la population d’un pays, pour lui, plus un pays est peuplé, plus la distance hiérarchique est forte et plus il sera collectiviste<ref name=LH/>.

==== La féminité et la masculinité ====
Dans la ''sphère professionnelle'', Hofstede considère que les pays qui ont un score plus élevé en masculinité, sont des sociétés qui valorisent l’accomplissement, la [[compétition]] et la recherche de succès matériel. Quant aux sociétés plus féminines, elles valorisent plus la modestie, la [[coopération]], la qualité de vie et l’attention pour les personnes les plus faibles. La motivation varie donc entre ces sociétés entre vouloir être le meilleur, pour les plus masculine, ou aimer ce que l’on fait, pour les plus féminines<ref name="LH" />.

Pour Hofstede, cette dimension des genres correspond également à la différenciation des genres au sein d’une société car il existe une forte différenciation de genre par rapport aux rôle traditionnels dans les sociétés masculines, tandis que la différence est plus faible dans les sociétés féminines<ref name="LH" />.

Exemples :

*Pays très féminins : [[Suède]], [[Norvège]], [[Pays-Bas]], [[Danemark]], [[Costa Rica]], [[Yougoslavie]], [[Finlande]], [[Chili]], [[Portugal]], [[Thaïlande]] et [[Guatemala]]<ref name="LH" />.

*Pays très masculins : [[Japon]], [[Autriche]], [[Venezuela]], [[Italie]], [[Suisse]], [[Mexique]], [[Irlande]], [[Jamaïque]], [[Grande-Bretagne]], [[Allemagne de l’Ouest]]<ref name=LH/>.

==== Le contrôle de l’incertitude ====
Le contrôle de l’incertitude correspond au niveau de tolérance par rapport à l’incertitude dans une société. Lorsque il y a un grand contrôle de l’incertitude, cela signifie que ce sont des sociétés qui tentent à contrôler par la mise en place de règlements, lois, interdits, pour rassurer les gens<ref name="LH" />.
Au contraire, un faible contrôle de l’incertitude correspondrait aux sociétés qui imposent moins de règles, tolèrent plus facilement le fait de ne pouvoir tout contrôler et les changements qui se déroulent. Pour Hofstede, ces sociétés ont un plus grand dynamisme économique car elles osent prendre des risques, investissent, innovent et accordent plus de crédit aux idées non-conformistes. L’éducation est plus souple que dans les sociétés à fort contrôle, où l’éducation est plus stricte<ref name="LH" />.

Exemples :

*Pays avec un haut degré de contrôle de l’incertitude : [[Grèce]], [[Portugal]], [[Guatemala]], [[Uruguay]], [[Belgique]], [[Salvador]], [[Japon]], [[Yougoslavie]], [[Pérou]], [[France]]<ref name=LH/>.

*Pays avec un faible degré de contrôle de l’incertitude : [[Singapour]], [[Jamaïque]], [[Danemark]], [[Suède]], [[Hong Kong]], [[Irlande]], [[Grande-Bretagne]], [[Malaisie]], [[Inde]], [[Philippines]] et [[Etats-Unis]]<ref name=LH/>.

==== L’orientation à long et à court terme ====
La dimension de l'orientation à long/à court terme correspond à l'horizon temporel d'une société. Les sociétés qui ont un score bas dans cette dimension (orientation à court terme) donnent de la valeur aux normes et méthodes traditionnelles et considèrent le changement social avec méfiance. Ils perçoivent le temps comme circulaire. Les sociétés avec un score élevé (orientation à long terme) perçoivent le temps comme linéaire et se préparent pour le futur plutôt que conserver les normes et traditions du passé<ref>The Hofstede Centre, 2012; Long Term Orientation versus Short Term Normative Orientation (LTO). En ligne http://geert-hofstede.com/national-culture.html.</ref>
Hofstede, s'intéresse donc à l’influence de la culture sur la psychologie. Pour lui, la culture est une programmation mentale <ref name="LH" />. Il la définit comme « la programmation collective de l’esprit qui distingue les membres d’un groupe ou d’une catégorie de personnes par rapport à l’autre » <ref>Bollinger & Hofstede, 1987; cité dans Licata & Heine, 2012, p.27 </ref>.
Selon Hofstede, les différences culturelles peuvent, suivant le contexte, aboutir à des malentendus et ainsi venir altérer les relations interculturelles<ref name="LH" />.

=== L’individualisme et le collectivisme selon Triandis (1998) ===
L’américain, Harry Triandis est un psychologue interculturel comparatiste, grâce à ses recherches il a pu faire évoluer les représentations de l’individualisme et du collectivisme. Son étude, démarre à la base, d’une critique du modèle d’Hofstede. Il conserve donc la dimension individualisme/collectivisme d’Hofstede tout en la modifiant<ref name="LH" />.

Pour Triandis, l’individualisme et le collectivisme ne sont pas deux pôles opposés d’une même dimension comme le proposait Hofstede. Il insiste donc sur leur indépendance et propose un facteur d’individualisme fort et faible et un facteur de collectivisme fort et faible. Ainsi, en rajoutant cette nuance, Triandis, considère qu’une personne pourrait être collectiviste et individualiste en même temps et valoriser aussi bien l’indépendance individuelle que les liens sociaux<ref name="LH" />.

Triandis ajoute également une autre dimension qui est la relation au pouvoir. Il va la corréler avec l’individualisme et le collectivisme et il aboutit ainsi à une typologie des cultures<ref name="LH" />.

L’axe horizontal correspond à ''l’égalité des statuts'' à l’intérieur des sociétés et le pôle vertical correspond au ''rapport hiérarchique''<ref name="LH" />.

*L’individualisme ''horizontal'' : les individus sont considérés comme uniques et distincts mais sont perçus comme égaux (Exemple : la Suède) <ref name="LH" />.

*L’individualisme ''vertical'' : les individus sont considérés comme uniques et distincts mais ils se différencient de par leur statut. Ce sont des sociétés plus compétitives (Exemple : Les Etats-Unis)<ref name="LH" />.

*Le collectivisme ''horizontal'' : les individus se perçoivent comme étant similaires, ne se dominent pas les uns les autres et ont des objectifs communs mais ils ont peu de liberté (Le communisme illustre bien cette culture)<ref name="LH" />.

*Le collectivisme ''vertical'' : l’individu se perçoit comme faisant partie du groupe d’appartenance mais les autres membres du groupe se différencient par leur statut. On valorise l’intégrité de groupe en sacrifiant ses intérêts personnels pour se soumettre à l’autorité. Ce type de fonctionnement rappelle le régime fasciste et nazi<ref name="LH" />.

Néanmoins, Triandis précise que les pays ne sont pas figés à une typologie puisque les cultures évoluent <ref name=LH/>.

Traindis va également mettre en avant le fait qu’il existe de nombreuses variations individuelles. Ainsi, une personne qui aurait plus tendance à être individualiste sera décrit comme idiocentrique, et si elle a tendance à davantage être collectiviste, comme allocentrique. Il clarifie cependant le fait qu’un individu peut être à la fois idiocentrique et allocentrique suivant le contexte <ref name=LH/>.

=== Schwartz (1992, 1998) ===

==== L’inventaire des valeurs de Shalom Schwartz ====
Schwartz est un psychologue social israélien qui a essayé depuis les années 90 d’identifier les dimensions universelles qui structurent les valeurs humaines par une série d’enquêtes  internationales. Cette recherche, lui a permis d’aboutir à un modèle multidimensionnel des valeurs<ref name="LH" />. En 2006, Schwartz identifie dix puis sept valeurs culturelles en 2009. Selon ce modèle, on peut retrouver dans toutes les cultures ces sept valeurs, mais l’importance que l’on accorde à chacune des valeurs, diffère en fonction de la culture. Selon lui «  les valeurs culturelles sont liées à la manière dont chaque groupe culturel apporte des réponses aux problèmes de base que rencontrent toutes les sociétés humaines»<ref>Schwartz, 2009; cité dans Licata & Heine, 2012, p.145 </ref>.

L’un des premiers problèmes serait de définir les relations entre les individus et le groupe. Pour Schwartz, il y a deux solutions possibles à ce problème :

*L’[[autonomie]] : les personnes peuvent exprimer leurs sentiments, leurs opinions et leurs préférences. L’individu est considéré comme une personne unique, comme un être à part entière qui le distingue des autres et de son groupe. L’autonomie intellectuelle, pousse les individus à réaliser leurs propres projets, à exprimer leurs opinions. Elle contient des valeurs comme la créativité, l’ouverture d’esprit et la curiosité. L’autonomie affective quant à elle, est le fait que l’individu recherche des expériences affectives agréables, une vie faite de plaisir, excitante, diversifiée.

*L’incorporation sociale : les individus font partis de la collectivité, du groupe.  L’individu ne prend sens que par rapport à ses relations avec les autres et l’identification à son groupe d’appartenance. Ce qui le guide avant tout c’est les objectifs collectifs et il recherche le maintien de la stabilité du groupe. Les valeurs de l’incorporation sociale sont le respect des traditions, l’ordre social, l’obéissance, la sécurité et la sagesse.
Dans cette distinction que fait Schwartz, on peut voir le lien avec la dimension individualiste/collectiviste du modèle d’Hofstede.

Le deuxième problème de base que décrit Schwartz, est le contrôle du comportement des individus d’une société pour qu’ils maintiennent le tissu social. Pour lui, il est important que les membres de la collectivité agissent dans l’intérêt de celle-ci au lieu de s’y opposer. Les deux solutions trouvée par cet auteur sont :
 
*L’[[égalitarisme]] :  les individus sont égaux en terme de moralité et partagent des intérêts commun. Ils sont assez socialisés pour coopérer et se soucier du bien-être d’autrui. Les valeurs de l’égalitarisme sont l’égalité, la justice sociale, l’entraide, l’honnêteté et la responsabilité.

*La [[hiérarchie]] :  cette solution assure la participation des membres aux buts de la collectivité. Ce qui implique une répartition inégale du pouvoir, des ressources et des rôles sociaux. La hiérarchie prône donc des valeurs d’autorité, de pouvoir social, d’humilité et de richesse.

Et pour finir, le troisième problème de base serait de réguler l’utilisation des ressources humaines et naturelles. Les solutions trouvées pour y répondre sont :

*L’harmonie : afin de pousser l’individu à s’insérer dans un monde naturel et social, d’essayer d’accepter et de s’adapter à celui-ci au lieu de vouloir le changer. On valorise l’unité avec la nature, la paix, la protection de l’environnement et l’acceptation.

*La maîtrise : vise à maîtriser, transformer, modifier l’environnement naturel et social pour atteindre des buts collectifs ou personnels. Cette solution favorise des valeurs comme l’ambition, la compétence, l’autosuffisance, l’audace et le succès.
Ensuite, après avoir décrit ces sept valeurs, Schwartz s’est intéressé à la relation entre elles, en observant que certaines étaient compatibles et d’autres contraires. En 2009, il a ainsi crée un modèle théorique des relations entre les sept valeurs de base.


[[Fichier:Graphique des 7 valeurs de Schwartz.png|vignette|centré]]



Ce modèle circulaire, montre que les valeurs adjacentes sont considérées comme compatibles et celles qui sont opposées comme incompatibles.

Schwartz, a également réalisé une cartographie des valeurs car il remarque qu’il y a des différences entre les individus selon le degré d’importance que l’on accorde aux valeurs et cela change aussi suivant les cultures. Il a ainsi pu positionner 77 groupes culturels selon ces sept valeurs culturelles. Grace à cela, il a alors pu regrouper les 77 groupes en huit aires culturelles internationales qui diffèrent en fonction des valeurs :

*L’Europe occidentale : égalité, autonomie intellectuelle

*Les pays anglophones : autonomie affective et maîtrise

*L'Amérique latine : combinent différentes valeurs

*L'Europe centrale et les pays baltes : harmonie

*Les pays d’Europe de l’est orthodoxe : combinent plusieurs valeurs

*L'Asie du sud : incorporation sociale

*Les pays influencés par le confucianisme : incorporation sociale, hiérarchie et maîtrise.

*L’Afrique sub-saharienne et le Moyen-Orient : incorporation sociale

Pour Schwartz, en réalisant cette cartographie, il obtient une vision plus fidèle et plus précise qu’Hofstede des différences interculturelles des valeurs. Néanmoins, au-delà des différences, l’égalitarisme est la valeur la plus importante partout, alors que la hiérarchie est la moins valorisée.

Enfin, Schwartz a continué ses recherches en corrélant les valeurs culturelles à des facteurs sociaux et politiques. Il remarque qu’un pays qui valorise l’autonomie, l’égalitarisme et l’harmonie est en lien avec le degré d’égalité hommes-femmes.
Son modèle a donc l’avantage d’être lié à des pratiques concrètes comme le PIB (qui varient en fonction des valeurs également).  Il considère ainsi qu’il y a une influence réciproque entre la structure sociale et la culture.

=== Critique des modèles ===
Hofstede et Schwartz permettent tous les deux, grâce à leurs recherches, de situer culturellement un pays et de faire certaines prédictions sur les caractéristiques psychologiques de ses habitants.

Néanmoins, il est important de savoir que les cultures changent et évoluent , les valeurs sont donc aussi mouvantes et non constantes. De plus, elles ne  sont qu’un facteur parmi d’autres pour comprendre la psychologie des individus.

==== Critiques du modèle d'Hofstede ====
L’une des critiques faites au modèle d’Hofstede est notamment en lien avec sa définition des valeurs qu’il définit comme une « programmation collective » car cela fait référence à une certaine passivité, comme si l’être humain se laissait influencer et programmer par son groupe. <ref name="LH2">{{Ouvrage |prénom1 = Laurent|nom1 = Licata|prénom2 = Audrey|nom2 = Heine|titre = Introduction à la Psychologie interculturelle|éditeur = De Boeck|année = 2012}} </ref> De plus, Hofstede tire de son modèle des conclusions sur d’autres domaines de la vie en société et considère la culture comme seule source et cause du comportement des individus et du fonctionnement des sociétés, il ne prend pas en compte l’éventualité d’une relation de cause à effet entre ces variables. <ref name="LH2" />

Il lui est repproché aussi fréquemment de mettre en avant ses propres jugements de valeur sans veiller à l’objectivité des différences culturelles qu’il décrit. <ref name="LH2" />

Beaucoup de critiques ont été également faites  dans le domaine des sciences humaines par rapport aux faiblesses de sa méthodologie pour mesurer les quatre dimensions. <ref name="LH2" />

Schwartz a été influencé par le modèle d’Hofstede et l’on peut remarquer quelques liens entre les deux modèles, néanmoins, Schwartz pense que l’opposition que fait Hofstede entre l’individualisme et le collectivisme est beaucoup trop inclusive et cache des nuances importantes. <ref name="LH2" />

L’avantage, néanmoins de son modèle est qu’il tient compte de l’importance du facteur culturel dans le comportement et la psychologie des individus. Ces quatre dimensions ont eu une grande influence sur les recherches ultérieures dans la comparaison interculturelle des valeurs. <ref name="LH2" /> De plus, son modèle a eu un franc succès dans le domaine de gestion des ressources humaines. <ref name="LH2" />

==== Critiques du modèles Individualisme-Collectivisme ====
L'usage du paradigme I/C peut être risqué si on lui accorde trop de pouvoir explicatif <ref name=SD/>. Ce paradigme peut être une sorte d'explication des différences culturelles, mais il y a d'autres notions de comparaisons (économiques, politiques, éthiques,etc.) <ref name=SD/>. Le risque du modèle I/C peut également être de faire des stéréotypes, car des concepts comme "l'individualisme" ou le "collectivisme" peuvent être évalués de manière négative. En plus, il y a une incertitude quant aux classement de toutes les sociétés sous une logique de l'I/C <ref name=SD/> .


== Bibliographie ==
== Bibliographie ==
* {{Ouvrage
* {{Ouvrage|langue = anglais|auteur1 = John W. Berry|titre = Cross Cultural Psychology|lieu = New York|éditeur = Cross Cultural Psychology|année = 2001|pages totales = |isbn = |lire en ligne = |passage = |id=Berry2001 }}
|prénom1= Christine |nom1= Chataigné
* {{Ouvrage |langue = français|auteur1 = Raymond Boudon|titre = Le sens des valeurs|lieu = Paris|éditeur = Presse Universitaire de France |collection=Quadrige|année = 1999 |id=Boudon1999}}
|titre= Psychologie des valeurs
* {{Ouvrage|langue = français|prénom1= Christine|nom1= Chataigné|titre = Psychologie des valeurs|lieu = Paris|éditeur = De Boeck|année = 2014|pages totales = 208|isbn = 280418899X |lire en ligne = |passage = }}
|éditeur= De Boeck
* {{Ouvrage|langue = français|auteur1 = Monique Wach|titre = La structure des valeurs est-elle universelle?: genèse et validation du modèle compréhensif de Schwartz|lieu = Paris|éditeur = L'Harmattan|année = 2003|pages totales = |isbn = |lire en ligne = |passage = |auteur2 = Béatrice Hammer|id=WatchHammer2003}}
|année= 2014 }}

* {{Ouvrage
|prénom1= Laurent |nom1= Licata
|prénom2= Audrey |nom2= Heine
|titre= Introduction à la Psychologie interculturelle
|éditeur= De Boeck
|année= 2012 }}

* {{Ouvrage
|prénom1= Monique |nom1= Wach
|prénom2= Béatrice |nom2= Hammer
|titre= La structure des valeurs est-elle universelle ? Genèse et validation du modèle compréhensif de Schwartz
|éditeur= L’Harmattan
|année= 2003 }}

* {{Ouvrage
|prénom1= Stéphanie |nom1= Baggio
|titre= Psychologie sociale
|éditeur= De Boeck
|année= 2006 }}


* {{Ouvrage
|prénom1= Marshall H. |nom1= Segall
|prénom2= Pierre R. |nom2= Dasen
|titre= Human Behavior in Global Perspective. An Introduction to Cross Cultural Psychology
|éditeur= Allyn & Bacon
|année= 1999 }}


* The Hofstede Centre. (2012). ''Long Term Orientation versus Short Term Normative Orientation (LTO)''. En ligne http://geert-hofstede.com/national-culture.html.<!-- Ne rien modifier au dessous de cette ligne -->
{{Portail|psychologie}}


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Version du 3 avril 2015 à 18:40

En psychologie, les valeurs (du latin « valor », dérivé de « valere » qui signifie « être fort, puissant ») désignent « des motivations trans-situationelles, organisées hierarchiquement, qui guident la vie»[1]. Les valeurs sont considérées comme des variables latentes, qui ne sont pas directement observables mais qui se manifestent à partir de nos perceptions, nos attitudes, nos choix, nos comportements, nos jugements et nos actions[2]. Dans ce sens, elles permettent de répondre à la question pourquoi agissons-nous comme nous agissons?. La psychologie des valeurs peut aider à comprendre qu'est-ce qui est le plus important pour un individu (ou pour un groupe) et ceci à travers différents contextes et situations sociales.

D'autres domaines, notamment la sociologie, s'intéressent aussi à l'impact des valeurs surtout du point de vue groupal et sociétal (supra-individuel). En outre, l'étude des valeurs en sociologie est souvent uni-modale: soit théorique et normative (des théories philosophiques très élaborées sans confrontation au réel), soit descriptive et positive (accumulation des données empiriques sans recours à une théorie)[1]. La psychologie, et notamment la psychologie sociale, essaye donc d'établir le lien entre théorie et pratique. De plus, la psychologie sociale s'intéresse aussi bien à une vision supra-individuelle qu’individuelle des valeurs, elles servent de « principes guidant nos vies » [3].

Cet article évoque tout d'abord les premiers modèles de valeurs en psychologie, puis décrit les instruments de mesures principaux comme ceux réalisés par Schwartz (Schwartz Value Survey), Hofstede et Rokeach (Rokeach Value Survey).

Introduction

Les valeurs sont des "conceptions centrales du désirable dans chaque individu et dans la société"[4]. Elles influencent, en grande partie, les attitudes et les comportements des personnes[4].

Elles ont pour fonctions principales l'orientation de nos choix, la justification de nos comportements et l'adaptation au contexte social[5].

Les valeurs sont étudiées dans plusieurs domaines: Sociologie, religion, politique, anthropologie, psychologie, économie, ethnologie etc.

Serge et al. (1999), définissent les valeurs comme "des préceptes généraux d'une société entière"[6]. Effectivement, elles sont partagées par de vastes groupes sociaux. Ils ajoutent, "qu'elles sont des références morales et éthiques qui définissent le bien et le mal dans une société. Elles sont liées aux croyances, aux attitudes et aux comportements des individus"[6]. Elles sont généralement assez abstraites mais permettent aux individus de pouvoir évaluer des comportements, de définir leurs objectifs à atteindre et ce qui est approprié ou non pour réalisés ces buts[7]. Les valeurs sont construites également émotionnellement et lorsqu'elles sont transgressées elles suscitent une réaction émotionnelle[7].

Les valeurs varient d'un individu à l'autre et leur degré d'importance également, néanmoins, il est possible de mettre en évidence un certain nombre de valeurs partagées par un même groupe social[7]. C'est dans ce sens que les valeurs sont aussi culturelles.

Les valeurs peuvent être souvent confondues, avec des buts et des intérêts mais elles renvoient à un caractère abstrait, général et plus fondamental. C'est ce qui marque leurs différences avec les buts qui sont plutôt concrets et singuliers[8]. De plus, les valeurs se stabilisent plus tard (fin de l'adolescence)[9]que les intérêts. La différence avec la norme sociale, est que celle-ci renvoie à une situation spécifique, tandis que les valeurs font référence aux "standards de désirabilité et sont plus ou moins indépendants des situations spécifiques"[10].

Plusieurs auteurs ont réalisés des recherches sur les valeurs à un niveau individuel et culturel, bien qu'ils ne soient pas tous représentés, les principaux seront explicités ci-dessous.

Internalisation des valeurs

Les valeurs nous informent sur ce qui est important pour une personne. Chaque personne porte en soi un certain nombre de valeurs qui peuvent varier par ordre d'importance[11]. Elles se transforment peu pendant l'âge adulte et sont donc des caractéristiques relativement stables[12].

Les valeurs se différencient aussi à un niveau interpersonnel . Pour certains, des valeurs spécifiques sont plus importantes que pour d'autres[11]. Une personne peut par exemple accorder beaucoup d'importance au pouvoir tandis que d'autres personnes pas.. Le degré d'importance des valeurs s'explique par le processus de socialisation pendant lequel les valeurs sont apprises[13].

L'internalisation des valeurs se déroule en deux étapes: d'abord, il y a une reconnaissance des règles données par les agents de la socialisation (parents, école, culture, etc.), ensuite, la deuxième étape, consiste par l'acceptation de l'enfant des valeurs dans ses attitudes et conduites[14]. Le processus d'internalisation passe d'abord par une soumission aux valeurs portées par les normes, par une identification et puis par une véritable internalisation de ces valeurs.[15]

Les valeurs ne sont pas contraintes par les agents de socialisation, mais elles se développent par le contact social et les interactions avec les proches, notamment par le jeu dès l'enfance et "par la multiplicité des expériences personnelles"[16]. Elles se développent également par l'observation des personnes de son entourage et l'écoute de récits qui amènent l'enfant à interner des valeurs qui sont elles-mêmes influencées par le contexte (parents, école, médias, pairs, etc.).[17]

Variance des valeurs

Certains facteurs sont susceptibles d'influencer les valeurs. L'âge des personnes a une importance sur le poids donné à certaines valeurs, les personnes plus âgées par exemple, accordent davantage d'importance aux valeurs de conservation (tradition, sécurité, conformité), tandis que les jeunes accordent plus d'importance aux valeurs d'ouverture et au changement (autonomie et stimulation)[18]

Outre l'âge, d'autres facteurs comme la culture et la nationalité, expliquent en grande partie la différence d'importance accordée aux valeurs aussi bien dans le domaine religieux, le genre (même si cette différence est petite), l'orientation professionnelle, le travail, etc.[19]

La dissonance cognitive

Un comportement peut être en discordance avec des valeurs. On parle dans ce cas de dissonance cognitive, ce qui signifie que les personnes se comportent d'une manière incompatible avec un autre comportement et que l'un des deux est dissonant[20]. La dissonance cognitive a pour conséquence que les individus vont changer leur comportement pour veiller à réduire cette tension cognitive. Mais l'individu peut aussi modifier cette incohérence en faisant entrer d'autres ressources cognitives[21].

Les valeurs culturelles

Les valeurs culturelles "s'expriment à travers des normes"[22]. Dans ce sens, les valeurs, comme les normes, "dépendent largement de la culture dans laquelle elles s'inscrivent"[22].

L’étude des valeurs culturelles ne permet pas seulement d'appréhender des différences entre les cultures, mais permet également de mettre en avant des valeurs qui vont au delà de ces différences et que l'on peut appréhender comme des valeurs universelles permettant ainsi de découvrir des traits humains fondamentaux[23]. Les valeurs culturelles sont des notions relativement abstraites, mais elles peuvent s'exprimer à travers les attitudes, croyances et comportements de la plupart des individus[23].

Les théories des valeurs

Thomas et Znaniecki (1918)

Thomas et Znaniecki sont tout les deux des sociologues et philosophes. Leur approche des valeurs fût une des premières en psychologie sociale. Ils ont rédigé The Polish Peasant in Europe and America (en)( en français: Le paysan polonais en Europe et en Amérique: récit de vie d'un migrant) qui est devenu une oeuvre classique en sociologie. Pour eux, la vie sociale consiste en deux éléments. D'une part, il y a des valeurs sociales qui sont objectives (des objets culturels qui ont une existence durable et qui ont une influence sur toute action sociale de l'être humain) et d'autre part, il y a les attitudes individuelles qui sont subjectives (propriétés des membres du groupe social qui résultent des biographies individuelles) [24]. La théorie des valeurs de Thomas et Znaniecki est donc une théorie sociologique et interactionniste. Le „fait social“ est la combinaison d'attitudes personnelles et de valeurs collectives [2].

Spranger (1922)

La théorie des valeurs d' Eduard Spranger renvoie à une typologie présentant six dimensions qui ne sont pas indépendantes les unes des autres et qui conduisent à un type de personnalité spécifique. Les valeurs ou bien les types de personnalité peuvent être:

  1. théoriques: recherche de la vérité et du savoir
  2. économiques: l’intérêt porte sur l'utilité pratique
  3. esthétiques: évaluation basée sur la beauté, la symétrie et l'harmonie
  4. sociales: valorisation de la la sympathie, l'intégrité et l'altruisme
  5. politiques: évaluation basée sur le pouvoir personnel
  6. religieux: recherche de la compréhension du cosmos [8].

Spranger n'admet néanmoins pas que chaque être humain fasse partie de l'une ou l'autre dimension de valeurs. Dans chaque personnalité, on peut retrouver toutes ces valeurs avec des degrés d'importance différents [2].

Vernon et Allport (1931)

Dans leur travail, Vernon et Allport (1931) se sont basés sur les travaux de Spranger (1922) en reprenant sa typologie des valeurs (v. plus haut). Afin de déterminer l'importance relative de chacune des six valeurs, représentées par Spranger (1922), chez un individu donné, ils ont construit un questionnaire qui comportant 120 questions, dont 20 renvoient à chacune des six valeurs. Ces questions reprennent des situations de la vie quotidienne pertinentes pour chaque valeur en question. Les participants de l'enquête doivent choisir entre différentes alternatives de réponses qui renvoient toujours à un choix d'attitude ou de comportement. Les résultats de leur recherche, montrent qu'il existe un changement dans les profils de valeurs qui varie à travers l'âge, la profession et le genre. Par conséquent, les juristes apparaissent plus politiques, tandis que les ingénieurs sont plutôt économiques et les psychologues théoriques[25]. Pour prendre le cas du genre, les femmes semblent être plus "esthétiques, sociales et religieuses“, par rapport aux hommes, qui semblent être plus théoriques, économiques et politiques. Cette échelle a une véritable application pratique dans les domaines de l'orientation scolaire et professionnelle.  

Postman, Bruner et McGinnies (1948)

Les chercheurs se sont basés sur l’échelle des valeurs d'Allport et Vernon (1931) afin de démontrer que les valeurs personnelles de chaque individu influencent ses perceptions. Ils ont réalisé leur travail expérimental en présentant à chaque participant 36 mots en lien avec les six valeurs décrites par Spranger (1922) (p.ex. pour le type politique des mots comme gouverner et rivaliser). Chacun de ces 36 mots ont été présenté l'un après l'autre et très brièvement (1/10 seconde) aux participants qui devaient simplement reconnaître les mots présentés. Les chercheurs ont mesuré le temps écoulé avant la reconnaissance du mot, ainsi, ils ont évalué le profil de valeurs de chaque participant à l'aide de l'échelle de Vernon et Allport (1931). Ensuite, ils ont comparé le temps de reconnaissance d'un mot avec le profil de valeurs et ils ont remarqué que plus une personne attribuait d'importance à une valeur, plus elle la reconnaissait vite. Par exemple, une personne de type politique reconnait plus vite des mots comme gouverner ou rivaliser qu'une personne de type social. Les chercheurs ont pu montrer à partir de cette expérience, qu'on sélectionne les informations par rapport aux priorités de valeurs, ce qu'ils désignent comme une "sensibilité sélective dans la perception“[26][27].

Rokeach (1973)

Dans son oeuvre The nature of human values, Milton Rokeach a démontré expérimentalement la structuration des valeurs en système. Il exprime sa conception en cinq postulats fondamentaux:

  1. le nombre de valeurs d'une personne est relativement petit
  2. tous les hommes dans le monde ont les mêmes valeurs mais à des degrés différents
  3. les valeurs sont organisées en systèmes de valeurs
  4. les origines des valeurs humaines se trouvent dans la culture, la société, les institutions et la personnalité
  5. les conséquences des valeurs se manifestent pratiquement dans tous les phénomènes que les chercheurs en sciences humaines peuvent étudier[28]

Selon Rokeach, "une valeur est une croyance durables, qui se traduit par le choix d'un mode de conduite ou d'un but de l'existence que l'on préfère, personnellement ou socialement, aux modes de conduites ou aux buts opposés ou contraires“[29].

Il considère alors que les valeurs représentent des croyances qui peuvent avoir des composantes cognitives, affectives et comportementales:

  1. La composante cognitive d'une valeur est une croyance descriptive ou existentielle qui peut être vraie ou fausse (Je crois que la population mondiale est une grande famille)
  2. La composante affective d'une valeur est une croyance évaluative où l'objet est évalué bon ou mauvais (L'université est le meilleur endroit pour l'apprentissage)
  3. La composante comportementale d'une valeur est une croyance prescriptive par laquelle une action est jugée désirable ou indésirable (Il ne faut pas mentir) [29] [30]

Les valeurs d'une personne ou d'une société sont durables, donc relativement stables. Elles ont ainsi une certaine continuité, pourtant ces mêmes valeurs sont susceptibles d'évoluer sinon tout changement de l'individu ou de la société serait impossible. Selon Rokeach, cette durabilité des valeurs peut être expliquée à travers de leur mode d'apprentissage. Par l'expérience et par un processus de maturation, l'être humain apprend progressivement à intégrer des valeurs qui nous ont été enseignées dans des contextes divers (famille, école, etc.). Par exemple, à l'école, on apprend à être amical avec les camarades de classe, pourtant à la maison les parents enseignent souvent à se défendre quand on est harcelé. Quand l'enfant est confronté à des situations sociales où ses valeurs sont en compétition, il doit choisir entre elles. Au fur et à mesure, l'enfant apprend à intégrer des valeurs isolées et absolues (comme l'obéissance ou l'indépendance) en un système hiérarchiquement organisé, où chaque valeur est ordonnée selon une importance relative par rapport aux autres.

Une valeur réfère soit à un mode de conduite, soit à un but dans l'existence. Par ce fait, Rokeach spécifie deux principales sortes des valeurs: les valeurs instrumentales renvoient à un mode de conduite et peuvent être distinguées en deux types, les valeurs morales (généralement avec une composante interpersonnelle, p.ex. être honnête) et les valeurs de compétences (généralement avec une composante intrapersonnelle, p.ex. être logique). Les valeurs terminales renvoient à un but dans l'existence et peuvent être personnelles (centrées sur soi, p.ex. l'harmonie de l'esprit) ou sociales (centrées sur la société, p.ex. la paix dans le monde). La hiérarchie qui leur est attribuée est liée à l'importance relative que l'on accorde aux valeurs personnelles ou sociales. Selon Rokeach, augmenter l'importance d'une valeur sociale amène à augmenter l'importance des autres valeurs sociales et à diminuer celles des valeurs personnelles.

L'inventaire des valeurs de Rokeach (RVS-Rokeach Value Survey, 1967)

Afin de mesurer les priorités de valeurs de chacun, Rokeach a élaboré un inventaire des valeurs qui se présente sous la forme de deux listes de valeurs. La première liste consiste en 18 valeurs terminales (comme l'égalité ou le bonheur), qu'il faut classer selon l'importance qu'on lui attribue personnellement. Ensuite, suit une liste avec 18 valeurs instrumentales (comme ambitieux ou obéissant) qu'il faut classer de la même manière. Par rapport aux autres inventaires qui existait jusqu'à présent, celui de Rokeach est beaucoup plus simple, car il ne propose que 36 valeurs avec une description brève.  

Hofstede (1980, 1991)

Geert Hofstede est un psychologue hollandais, qui a eu beaucoup d’influence sur la psychologie interculturelle comparative depuis les années 70 jusqu'à aujourd’hui [7]. Il a réalisé une étude sur l’effet de l’influence de la culture sur les valeurs et les comportements des individus au travail. Après avoir récolté de nombreuses données, pour lui ce qui différencie les individus à salaire et fonction comparable c'est surtout leur culture. Il a ainsi identifié quatre dimensions [7] :

La distance hiérarchique (IDH)

Si cet indice est élevé dans un pays, cela signifie que les gens ayant le moins de pouvoir ont plus tendance à accepter cette différence de pouvoir entre eux et leurs supérieurs. On obtient donc cet indice en mesurant le degré d’acceptation de ceux qui ont le moins de pouvoir, d’une répartition inégale du pouvoir dans les organisations d’un pays. Ce sont dans les pays qui contiennent un indice hiérarchique élevé que l’on constate le plus d’inégalités de pouvoir et de richesse. On observe ainsi une très grande différences de classes sociales entre les plus favorisés et les plus défavorisés. Ces pays sont aussi caractérisés par un faible degré de mobilité sociale, une dépendance soutenue aux supérieurs, bien que celle-ci s’exprime parfois sous forme de révoltes, on remarque également qu’entre les personnes de statuts différents, il y a une forte distance émotionnelle[7]. Tandis que les pays avec un indice de distance hiérarchique faible entretiennent des relations plus égalitaires et cela n’est pas toléré que les personnes au pouvoir s’accaparent toutes les richesses.  On peut observer une certaine interdépendance dans ces sociétés et un besoin réciproque entre patrons et employés. Il y a en effet, plus de proximité entre les différents statuts et les émotions sont davantage présentes voir souhaitées[7].

Au-delà de la sphère professionnelle, Hofstede remarque également que la distance hiérarchique existe dans les familles. Dans les pays où la distance hiérarchique est plus élevée, la hiérarchie est plus présente entre les parents et les enfants, qui sont censés leur obéir et également au sein de la fratrie (respect de l’aîné). Alors que dans les pays où la distance hiérarchique est plus faible, les parents demandent plus l’avis de leurs enfants et ceux-ci sont considérés de manière égale quel que soit leur âge.[7]

Hofstede démontre aussi l’importance des implications politiques suivant la position des pays par rapport à leur distance hiérarchique. Là où la distance hiérarchique est la plus élevée, les personnes au pouvoir gouvernent par la force et s’approprient les richesses. Si le peuple se révolte cela aura tendance à aboutir à une dictature dans ces sociétés. Alors que dans les pays à faible distance hiérarchique, les pouvoirs acquièrent leur statut selon leur compétence et sont élus démocratiquement. Les changements politiques se déroulent plus pacifiquement.[7]

Exemples :

L’individualisme et le collectivisme

Cette dimension étudiée par Hofstede a suscité de nombreuses recherches ultérieures.  Pour Hofstede (1994, p.76) : « l’individualisme caractérise les sociétés dans lesquelles les liens entre les personnes sont lâches ; chacun doit se prendre en charge, ainsi que ses parents les plus proches ». (livre licata p.138) Tandis qu’il définit à l’opposé le collectivisme tel que « le collectivisme caractérise les sociétés dans lesquelles les personnes sont intégrées, dès leur naissance, dans des groupes forts et soudés qui continuent de les protéger tout au long de leur vie, en échange d’une loyauté indéfectible ». (1994, p.76) Selon cet auteur, ces notions font donc références à des rapports sociaux très différents. [7] Le collectivisme et l’individualisme selon lui, représentent ainsi deux pôles opposés d’une même dimension. Dans son enquête, le pôle individualiste est décrit par des réponses exprimant la volonté d’avoir du temps pour soi, une liberté dans son travail, le goût des challenges alors que le pôle collectiviste est décrit par un souhait de formation, d’amélioration des conditions matérielles de travail, d’avoir l’opportunité d’utiliser pleinement ses compétences. [7]

De nouveau, Hofstede transpose aussi cette dimension dans le contexte familial. Pour lui, dans les sociétés les plus individualistes, la norme se retrouve uniquement au sein de la famille nucléaire (père, mère, fratrie) et les individus ont plus de moments seuls, notamment la nuit, alors que dans les sociétés collectivistes ce n’est pas uniquement la famille nucléaire mais la famille élargie (grands parents, oncles, tantes, cousins,..) qui est la norme, et il y a beaucoup plus de contacts sociaux entre les membres. De plus, il remarque que dans les sociétés individualistes, l’expression émotionnelle et la franchise sont plus utilisées dans le contexte familial que dans les sociétés collectivistes où les membres semblent plus retenir et garder leurs émotions personnelles et leurs opinions pour préserver l’harmonie des relations entre les membres et d’éviter les conflits. [7]

Hofstede, rallie également les pôles individualistes et collectivistes à la communication. Dans les pays individualistes, il décrit la communication comme étant à contexte faible et communication à contexte fort pour les sociétés collectivistes[7]. Dans les sociétés collectivistes, communication à contexte fort, l’information se retrouve principalement dans l’environnement physique des personnes et dans leurs rapports relationnels, le contenu explicite du message n’est pas l’essentiel. Tandis que dans les sociétés individualistes, communication à contexte faible, l’information est essentiellement dans le message explicite et s’exprime verbalement[7].

Dans la sphère professionnelle, d’après Hofstede, dans les sociétés individualistes, le salarié est considéré comme une personne à part entière, ayant ses propres besoins et il entretient une relation contractuelle avec son patron. Si le patron n’est pas satisfait de son employé, il peut mettre fin à son contrat[7]. C’est selon lui un principe universaliste, tout le monde est sur le même pied d’égalité. Contrairement aux sociétés collectivistes où c’est le particularisme, le salarié est considéré comme un individu mais surtout comme une personne faisant parti et appartenant à un groupe. Il doit donc veiller à l’intérêt de son groupe et y être loyal. Le patron recrutera d’abord les personnes de sa famille puis celle de ses employés, il a un certain contrôle sur les individus. La relation patron-salarié est basée sur les relations familiales, une relation paternaliste qui renforce la différence de statut mais qui est moins facilement mise à terme que dans les sociétés individualistes[7].

Exemples :

Hofstede attribue cette répartition des pays selon l’histoire ancienne,  les pays de langue germanique ont donc un faible IDH et sont plus individualistes alors que les pays de langues romanes ont un IDH plus élevé et sont davantage collectivistes[7]. Il lie également cela à la latitude, plus un pays s’écarte de l’équateur, plus sa distance hiérarchique est faible et plus il sera individualiste et inversement[7]. Il corrèle aussi ces dimensions avec la population d’un pays, pour lui, plus un pays est peuplé, plus la distance hiérarchique est forte et plus il sera collectiviste[7].

La féminité et la masculinité

Dans la sphère professionnelle, Hofstede considère que les pays qui ont un score plus élevé en masculinité, sont des sociétés qui valorisent l’accomplissement, la compétition et la recherche de succès matériel. Quant aux sociétés plus féminines, elles valorisent plus la modestie, la coopération, la qualité de vie et l’attention pour les personnes les plus faibles. La motivation varie donc entre ces sociétés entre vouloir être le meilleur, pour les plus masculine, ou aimer ce que l’on fait, pour les plus féminines[7].

Pour Hofstede, cette dimension des genres correspond également à la différenciation des genres au sein d’une société car il existe une forte différenciation de genre par rapport aux rôle traditionnels dans les sociétés masculines, tandis que la différence est plus faible dans les sociétés féminines[7].

Exemples :

Le contrôle de l’incertitude

Le contrôle de l’incertitude correspond au niveau de tolérance par rapport à l’incertitude dans une société. Lorsque il y a un grand contrôle de l’incertitude, cela signifie que ce sont des sociétés qui tentent à contrôler par la mise en place de règlements, lois, interdits, pour rassurer les gens[7]. Au contraire, un faible contrôle de l’incertitude correspondrait aux sociétés qui imposent moins de règles, tolèrent plus facilement le fait de ne pouvoir tout contrôler et les changements qui se déroulent. Pour Hofstede, ces sociétés ont un plus grand dynamisme économique car elles osent prendre des risques, investissent, innovent et accordent plus de crédit aux idées non-conformistes. L’éducation est plus souple que dans les sociétés à fort contrôle, où l’éducation est plus stricte[7].

Exemples :

L’orientation à long et à court terme

La dimension de l'orientation à long/à court terme correspond à l'horizon temporel d'une société. Les sociétés qui ont un score bas dans cette dimension (orientation à court terme) donnent de la valeur aux normes et méthodes traditionnelles et considèrent le changement social avec méfiance. Ils perçoivent le temps comme circulaire. Les sociétés avec un score élevé (orientation à long terme) perçoivent le temps comme linéaire et se préparent pour le futur plutôt que conserver les normes et traditions du passé[31] Hofstede, s'intéresse donc à l’influence de la culture sur la psychologie. Pour lui, la culture est une programmation mentale [7]. Il la définit comme « la programmation collective de l’esprit qui distingue les membres d’un groupe ou d’une catégorie de personnes par rapport à l’autre » [32]. Selon Hofstede, les différences culturelles peuvent, suivant le contexte, aboutir à des malentendus et ainsi venir altérer les relations interculturelles[7].

L’individualisme et le collectivisme selon Triandis (1998)

L’américain, Harry Triandis est un psychologue interculturel comparatiste, grâce à ses recherches il a pu faire évoluer les représentations de l’individualisme et du collectivisme. Son étude, démarre à la base, d’une critique du modèle d’Hofstede. Il conserve donc la dimension individualisme/collectivisme d’Hofstede tout en la modifiant[7].

Pour Triandis, l’individualisme et le collectivisme ne sont pas deux pôles opposés d’une même dimension comme le proposait Hofstede. Il insiste donc sur leur indépendance et propose un facteur d’individualisme fort et faible et un facteur de collectivisme fort et faible. Ainsi, en rajoutant cette nuance, Triandis, considère qu’une personne pourrait être collectiviste et individualiste en même temps et valoriser aussi bien l’indépendance individuelle que les liens sociaux[7].

Triandis ajoute également une autre dimension qui est la relation au pouvoir. Il va la corréler avec l’individualisme et le collectivisme et il aboutit ainsi à une typologie des cultures[7].

L’axe horizontal correspond à l’égalité des statuts à l’intérieur des sociétés et le pôle vertical correspond au rapport hiérarchique[7].

  • L’individualisme horizontal : les individus sont considérés comme uniques et distincts mais sont perçus comme égaux (Exemple : la Suède) [7].
  • L’individualisme vertical : les individus sont considérés comme uniques et distincts mais ils se différencient de par leur statut. Ce sont des sociétés plus compétitives (Exemple : Les Etats-Unis)[7].
  • Le collectivisme horizontal : les individus se perçoivent comme étant similaires, ne se dominent pas les uns les autres et ont des objectifs communs mais ils ont peu de liberté (Le communisme illustre bien cette culture)[7].
  • Le collectivisme vertical : l’individu se perçoit comme faisant partie du groupe d’appartenance mais les autres membres du groupe se différencient par leur statut. On valorise l’intégrité de groupe en sacrifiant ses intérêts personnels pour se soumettre à l’autorité. Ce type de fonctionnement rappelle le régime fasciste et nazi[7].

Néanmoins, Triandis précise que les pays ne sont pas figés à une typologie puisque les cultures évoluent [7].

Traindis va également mettre en avant le fait qu’il existe de nombreuses variations individuelles. Ainsi, une personne qui aurait plus tendance à être individualiste sera décrit comme idiocentrique, et si elle a tendance à davantage être collectiviste, comme allocentrique. Il clarifie cependant le fait qu’un individu peut être à la fois idiocentrique et allocentrique suivant le contexte [7].

Schwartz (1992, 1998)

L’inventaire des valeurs de Shalom Schwartz

Schwartz est un psychologue social israélien qui a essayé depuis les années 90 d’identifier les dimensions universelles qui structurent les valeurs humaines par une série d’enquêtes  internationales. Cette recherche, lui a permis d’aboutir à un modèle multidimensionnel des valeurs[7]. En 2006, Schwartz identifie dix puis sept valeurs culturelles en 2009. Selon ce modèle, on peut retrouver dans toutes les cultures ces sept valeurs, mais l’importance que l’on accorde à chacune des valeurs, diffère en fonction de la culture. Selon lui «  les valeurs culturelles sont liées à la manière dont chaque groupe culturel apporte des réponses aux problèmes de base que rencontrent toutes les sociétés humaines»[33].

L’un des premiers problèmes serait de définir les relations entre les individus et le groupe. Pour Schwartz, il y a deux solutions possibles à ce problème :

  • L’autonomie : les personnes peuvent exprimer leurs sentiments, leurs opinions et leurs préférences. L’individu est considéré comme une personne unique, comme un être à part entière qui le distingue des autres et de son groupe. L’autonomie intellectuelle, pousse les individus à réaliser leurs propres projets, à exprimer leurs opinions. Elle contient des valeurs comme la créativité, l’ouverture d’esprit et la curiosité. L’autonomie affective quant à elle, est le fait que l’individu recherche des expériences affectives agréables, une vie faite de plaisir, excitante, diversifiée.
  • L’incorporation sociale : les individus font partis de la collectivité, du groupe.  L’individu ne prend sens que par rapport à ses relations avec les autres et l’identification à son groupe d’appartenance. Ce qui le guide avant tout c’est les objectifs collectifs et il recherche le maintien de la stabilité du groupe. Les valeurs de l’incorporation sociale sont le respect des traditions, l’ordre social, l’obéissance, la sécurité et la sagesse.

Dans cette distinction que fait Schwartz, on peut voir le lien avec la dimension individualiste/collectiviste du modèle d’Hofstede.

Le deuxième problème de base que décrit Schwartz, est le contrôle du comportement des individus d’une société pour qu’ils maintiennent le tissu social. Pour lui, il est important que les membres de la collectivité agissent dans l’intérêt de celle-ci au lieu de s’y opposer. Les deux solutions trouvée par cet auteur sont :  

  • L’égalitarisme :  les individus sont égaux en terme de moralité et partagent des intérêts commun. Ils sont assez socialisés pour coopérer et se soucier du bien-être d’autrui. Les valeurs de l’égalitarisme sont l’égalité, la justice sociale, l’entraide, l’honnêteté et la responsabilité.
  • La hiérarchie :  cette solution assure la participation des membres aux buts de la collectivité. Ce qui implique une répartition inégale du pouvoir, des ressources et des rôles sociaux. La hiérarchie prône donc des valeurs d’autorité, de pouvoir social, d’humilité et de richesse.

Et pour finir, le troisième problème de base serait de réguler l’utilisation des ressources humaines et naturelles. Les solutions trouvées pour y répondre sont :

  • L’harmonie : afin de pousser l’individu à s’insérer dans un monde naturel et social, d’essayer d’accepter et de s’adapter à celui-ci au lieu de vouloir le changer. On valorise l’unité avec la nature, la paix, la protection de l’environnement et l’acceptation.
  • La maîtrise : vise à maîtriser, transformer, modifier l’environnement naturel et social pour atteindre des buts collectifs ou personnels. Cette solution favorise des valeurs comme l’ambition, la compétence, l’autosuffisance, l’audace et le succès.

Ensuite, après avoir décrit ces sept valeurs, Schwartz s’est intéressé à la relation entre elles, en observant que certaines étaient compatibles et d’autres contraires. En 2009, il a ainsi crée un modèle théorique des relations entre les sept valeurs de base.


Fichier:Graphique des 7 valeurs de Schwartz.png


Ce modèle circulaire, montre que les valeurs adjacentes sont considérées comme compatibles et celles qui sont opposées comme incompatibles.

Schwartz, a également réalisé une cartographie des valeurs car il remarque qu’il y a des différences entre les individus selon le degré d’importance que l’on accorde aux valeurs et cela change aussi suivant les cultures. Il a ainsi pu positionner 77 groupes culturels selon ces sept valeurs culturelles. Grace à cela, il a alors pu regrouper les 77 groupes en huit aires culturelles internationales qui diffèrent en fonction des valeurs :

  • L’Europe occidentale : égalité, autonomie intellectuelle
  • Les pays anglophones : autonomie affective et maîtrise
  • L'Amérique latine : combinent différentes valeurs
  • L'Europe centrale et les pays baltes : harmonie
  • Les pays d’Europe de l’est orthodoxe : combinent plusieurs valeurs
  • L'Asie du sud : incorporation sociale
  • Les pays influencés par le confucianisme : incorporation sociale, hiérarchie et maîtrise.
  • L’Afrique sub-saharienne et le Moyen-Orient : incorporation sociale

Pour Schwartz, en réalisant cette cartographie, il obtient une vision plus fidèle et plus précise qu’Hofstede des différences interculturelles des valeurs. Néanmoins, au-delà des différences, l’égalitarisme est la valeur la plus importante partout, alors que la hiérarchie est la moins valorisée.

Enfin, Schwartz a continué ses recherches en corrélant les valeurs culturelles à des facteurs sociaux et politiques. Il remarque qu’un pays qui valorise l’autonomie, l’égalitarisme et l’harmonie est en lien avec le degré d’égalité hommes-femmes. Son modèle a donc l’avantage d’être lié à des pratiques concrètes comme le PIB (qui varient en fonction des valeurs également).  Il considère ainsi qu’il y a une influence réciproque entre la structure sociale et la culture.

Critique des modèles

Hofstede et Schwartz permettent tous les deux, grâce à leurs recherches, de situer culturellement un pays et de faire certaines prédictions sur les caractéristiques psychologiques de ses habitants.

Néanmoins, il est important de savoir que les cultures changent et évoluent , les valeurs sont donc aussi mouvantes et non constantes. De plus, elles ne  sont qu’un facteur parmi d’autres pour comprendre la psychologie des individus.

Critiques du modèle d'Hofstede

L’une des critiques faites au modèle d’Hofstede est notamment en lien avec sa définition des valeurs qu’il définit comme une « programmation collective » car cela fait référence à une certaine passivité, comme si l’être humain se laissait influencer et programmer par son groupe. [34] De plus, Hofstede tire de son modèle des conclusions sur d’autres domaines de la vie en société et considère la culture comme seule source et cause du comportement des individus et du fonctionnement des sociétés, il ne prend pas en compte l’éventualité d’une relation de cause à effet entre ces variables. [34]

Il lui est repproché aussi fréquemment de mettre en avant ses propres jugements de valeur sans veiller à l’objectivité des différences culturelles qu’il décrit. [34]

Beaucoup de critiques ont été également faites  dans le domaine des sciences humaines par rapport aux faiblesses de sa méthodologie pour mesurer les quatre dimensions. [34]

Schwartz a été influencé par le modèle d’Hofstede et l’on peut remarquer quelques liens entre les deux modèles, néanmoins, Schwartz pense que l’opposition que fait Hofstede entre l’individualisme et le collectivisme est beaucoup trop inclusive et cache des nuances importantes. [34]

L’avantage, néanmoins de son modèle est qu’il tient compte de l’importance du facteur culturel dans le comportement et la psychologie des individus. Ces quatre dimensions ont eu une grande influence sur les recherches ultérieures dans la comparaison interculturelle des valeurs. [34] De plus, son modèle a eu un franc succès dans le domaine de gestion des ressources humaines. [34]

Critiques du modèles Individualisme-Collectivisme

L'usage du paradigme I/C peut être risqué si on lui accorde trop de pouvoir explicatif [23]. Ce paradigme peut être une sorte d'explication des différences culturelles, mais il y a d'autres notions de comparaisons (économiques, politiques, éthiques,etc.) [23]. Le risque du modèle I/C peut également être de faire des stéréotypes, car des concepts comme "l'individualisme" ou le "collectivisme" peuvent être évalués de manière négative. En plus, il y a une incertitude quant aux classement de toutes les sociétés sous une logique de l'I/C [23] .

Bibliographie

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  15. Chataigné, 2014, p. 75
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  18. Chataigné, 2014, p. 98
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