Spiritualité autochtone au Canada

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Église catholique romaine de Gesgapegiag, une réserve micmaque du Québec, en forme de tipi.

La spiritualité autochtone au Canada est la spiritualité originelle des peuples autochtones vivant dans le territoire qui est aujourd'hui le Canada, et telle qu'elle perdure encore dans certaines régions et chez certains peuples, en la distinguant de la spiritualité chrétienne qu'ils ont pour la plupart adopté après l'arrivée des Européens au XVIe siècle[1],[2],[3],[4],[5],[6] : sur environ un million de personnes identifiées comme Autochtones ou Inuits lors du recensement de 1991, près de 11 000 ont déclaré avoir conservé leurs croyances traditionnelles et intégrer certaines croyances et pratiques cultuelles à leur vie quotidienne[7]. Les peuples autochtones du Canada incluent les Premières Nations (Amérindiens), les Inuits et les Métis[8]. En effet, même si de nos jours, la majorité des Autochtones canadiens sont catholiques ou protestants, beaucoup ont conservé des pratiques et croyances religieuses traditionnelles en parallèle[9],[10], tels que les rituels de purification, par exemple[11]. La question de l'intégration de la spiritualité autochtone dans les mesures gouvernementales a été l'occasion de débats et controverses[12],[13]. À la fin du XXe siècle, du fait d'une certaine « standardisation des pratiques rituelles », l'expression « spiritualité autochtone » est venue remplacer celle de « spiritualité traditionnelle » qui était d'usage et controversée parmi les groupes concernés[14]

Croyances[modifier | modifier le code]

Croyances communes des Premières Nations[modifier | modifier le code]

Parce que les conditions de vie étaient très différentes selon le milieu de vie des Premières Nations, la diversité des peuples s'exprime également dans le domaine des croyances. On distingue ainsi le plus souvent les cultures des Premières Nations en les regroupant en grands ensembles géographiques : Nord-Est, Nord-Ouest (région subarctique, Nord-Ouest), Grandes Plaines, Sud-Est, Sud-Ouest, forêts de l'Est.

On peut néanmoins dégager quelques points communs qu'on retrouve généralement dans les croyances de ces nombreux peuples :

  • Un Dieu créateur et unique appelé « Le Grand Esprit ».
  • Des dieux secondaires ou « Esprits Auxiliaires » (par exemple les esprits du vent, du feu, du tonnerre).
  • Des dieux démoniaques ou créatures maléfiques tel le Wendigo.
  • L'animisme impliquant des offrandes à la terre-mère.
  • Le chamanisme impliquant une lecture des signes au moyen d'enthéogènes ou d'artifices.
  • Le symbolisme : chaque animal et élément sacré doit être représenté sous forme de totem ou de signes (cercle, croix, triangle).

Sud-Est[modifier | modifier le code]

Les mythes de cette région mettent en scène des divinités féminines, telles que la « Première Mère » ou « Femme du Ciel » créatrice Aataentsic (en)[15], dans le mythe de la Grande Tortue[16],[17],[18], dont le corps a donné naissance au maïs et au tabac. Les deux grands héros de la culture divine sont Glouscap et Nanabozo[18]. D'autres récits explorent les relations complexes entre les animaux et les êtres humains. Certains mythes étaient à l'origine récités en vers[18].

Croyances iroquoises[modifier | modifier le code]

Dans la mythologie iroquoise (en), tout existe naturellement, de soi, les choses sont comme elles sont et pour le bien des hommes. C'est-à-dire que les Iroquois ne semblaient pas croire que l’espèce humaine, les animaux et les choses inanimées, aient été la création d'une divinité[19].

« Les Anciens Iroquois reconnaissaient dans le Soleil, source de chaleur, de lumière et de fécondité, le principe de vie des plantes, et le principe ordonnateur du Ciel et de tout ce qui arrive à la surface de la Terre. Ils appelaient le Soleil « Agriskwé » quand ils voulaient parler de leur dieu sans spécification d'acte ou de qualité particulière. Ce terme d’Agriskwé est le même que l’Aireskwi des Hurons, et correspond au Manitou (Grand Esprit) des Algonquins. »[19]

Croyances lenapes[modifier | modifier le code]

Dans la mythologie lenape (en), l'esprit créateur s'appelle Kishelamàkânk (ou Kishelemunkong)[20], ce qui signifie « Celui qui crée avec ses pensées »[21]. Selon les croyances lenapes, il dirige les Manetuwak, les esprits auxiliaires qui habitent et contrôlent les forces de la nature, les plantes et les animaux qu'il a créés[21].

Croyances anichinabés[modifier | modifier le code]

Les Anichinabés partageaient des croyances communes (en) comme les Sept enseignements sacrés : amour, sagesse, vérité, respect, humilité, honnêteté et courage[22],[23].

Croyances chez les Inuits[modifier | modifier le code]

La cosmologie des Inuits du Canada se distingue par l'absence d'esprit créateur, contrairement à celle des autres autochtones et même des Inuits du Groenland (pour qui Anguta est une divinité créatrice suprême). Rachel Qitsualik-Tinsley (en), écrivain canadienne inuite, a écrit : « Le cosmos inuit n'est régi par personne. Il n'y a pas de figures maternelles et paternelles divines. Il n'y a pas de dieux du vent ni de créateurs solaires. Il n'y a pas de punitions éternelles dans l'au-delà, tout comme il n'y a pas de punitions pour les enfants ou les adultes ici et maintenant »[24].

Les récits inuits se réfèrent cependant à des dieux, des déesses, des démons et des esprits (associés aussi bien aux êtres vivants ou morts, humains ou animaux, forces de la nature ou objets)[25], qui peuvent être moralement complexes (pas nécessairement purement bons ou purement mauvais) ou même amoraux[26]. Ils attribuent aux divinités du Soleil (la déesse Malina) et de la Lune (le dieu Igaluk) un genre opposé à la plupart des autres croyances indigènes (dans lesquelles le Soleil est associé au genre masculin et la Lune au féminin), expliquant que si le cycle de la Lune la fait apparaître de différentes tailles dans le ciel, c'est parce qu'Igaluk pourchasse sa soeur Malina dans le ciel parce qu'elle s'y est enfui après qu'il l'ait violée[27].

Les croyances des Inuits du Canada incluent, comme les autres spiritualités autochtones, l'animisme et le chamanisme, dans lesquels les guérisseurs spirituels servent de médiateurs avec les esprits[28].

Les rituels de ces habitants de l'Arctique, dont le régime alimentaire traditionnel est à 95 % d'origine animale et dont la survie dépend donc de la chasse (en particulier des mammifères marins), sont d'ailleurs plus centrés sur leur relation avec les esprits des animaux (avec notamment de nombreux tabous liés à la chasse, comme l'interdiction de mettre en contact des produits animaux obtenus lors de la chasse d'été avec ceux de la chasse d'hiver)[29] qu'avec les esprits de leurs ancêtres, dont le culte a une place moins importante que dans d'autres cultures autochtones[30].

Rites[modifier | modifier le code]

Rites communs des Premières Nations[modifier | modifier le code]

Un pow-wow.

Les Premières Nations partageaient également des rites communs :

Annexes[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Luc Bourgault, L'héritage sacré des peuples amérindiens : la spiritualité autochtone, Canada, Éditions de Mortagne, , 139 p. (ISBN 2-89074-195-8)
  2. Achiel Peelman, L'Esprit est amérindien : Quand la religion amérindienne rencontre le christianisme, Montréal, Médiaspaul, , 157 p. (ISBN 978-2-89420-588-4, lire en ligne), « Dialogue entre la spiritualité chrétienne et la spiritualité autochtone », p. 131
  3. Spiritualité autochtone, document dédié sur le site de Nation Métis Contemporaine
  4. La spiritualité autochtone dans les Amériques sur le site de L'université du Québec à Montréal
  5. Sur Radio Canada La spiritualité autochtone
  6. La spiritualité à la chasse et à la trappe - Tradition: Spiritualité autochtone
  7. Collectif (sous la direction de Jean-Claude Basset, Yves Dutoit, Sabine Girardet, Claude Schwab), Panorama des religions au Québec et au Canada, 2004, Editions Enbiro, p.127 : « Les traditions spirituelles des Autochtones ».
  8. G. Smith, « Religion et spiritualité des Autochtones au Canada », sur thecanadianencyclopedia.ca,
  9. « Cette qualité panindienne implique jusqu’à un certain point une standardisation des pratiques (…) au point de voir se substituer l’appellation indifférenciée de « spiritualité autochtone » à celle de « spiritualité traditionnelle » [1] de Sébastien Desaulniers Turgeon, Département d’anthropologie, Faculté des arts et des sciences Université de Montréal
  10. Anthropologie et sociétés, Volume 30, Dép. d'anthropologie, Université Laval., 2006 « ensemble de pratiques plus ou moins traditionnelles qui impliquent des prières avec le foin d'odeur, la tente à suerie et la plume d'aigle » p. 194
  11. Purification Autochtone Métisse
  12. Louise Grenier, Connaissances indigènes et recherche: un guide à l'intention des chercheurs, IDRC, 1998, p. 53.
  13. Emily Faries, « Rejoindre les étudiants autochtones », site du Ministère de l'Éducation de l'Ontario.
  14. « Depuis la fin des années 1980, on a vu émerger chez les différents groupes amérindiens du Québec une forme de système religieux commun appelé, dans les communautés concernées, "spiritualité traditionnelle". Ce qualificatif de traditionnel est l’objet de controverses au sein même de ces groupes » Bousquet M.-P., 2005 , « La spiritualité amérindienne sur la place publique: à la recherche d'un statut » : 171-196, in Lefebvre, La religion dans la sphère publique. Montréal, Les Presses de l'Université de Montréal p. 171
  15. Heide Goettner-Abendroth, Les Sociétés matriarcales. Recherches sur les cultures autochtones à travers le monde, Éditions des femmes-année=2019 (lire en ligne), « 14. Amérique du Nord : au croisement des cultures du sud et du nord », p. 353-388.
  16. Reuben Gold Thwaites (dir.), The Jesuit Relations and Allied Documents, Travels and Explorations of the Jesuit Missionaries in New France 1610 - 1791, vol. X Hurons : 1636 et vol. XII Quebec : 1637, The Burrows Brothers Company, 1898. Chapitre « What the Hurons Think of their Origin »[réf. obsolète].
  17. Marius Barbeau, Huron and Wyandot mythology, with appendix containing earlier published records : The Origin of the World, 1915, Geological Survey of Canada DOI 10.4095/103488[réf. obsolète].
  18. a b et c Charles Godfrey Leland et John Dyneley Prince, Kulóskap the Master, and other Algonkin Poems, 1902, Funk & Wagnalls Company[réf. obsolète].
  19. a et b Aristide Beaugrand-Champagne, « Croyances des Anciens Iroquois », sur Erudit, (consulté le )
  20. Hìtakonanulaxk, The Grandfathers Speak : Native American Folk Tales of the Lenapé People, Interlink Books, (lire en ligne).
  21. a et b (en) « Lenape Culture in Northwest New Jersey », sur njskylands.com (consulté le ).
  22. https://www.ola.org/sites/default/files/common/pdf/Seven%2520Grandfather%2520Teachings%2520WEB%2520Fr_.pdf
  23. (en) « Seven Grandfather Teachings - NHBP », sur NHBP (consulté le ).
  24. Rachel Attituq Qitsualik-Tinsley, Mr. Holman dreams: Part One of Two, Nunatsiaq Online.
  25. Bahr 2009, p. 95.
  26. Bahr 2009, p. 92.
  27. Bahr 2009, p. 92-93.
  28. « Le chamanisme », sur Espace culturel inuit, (consulté le ).
  29. Bahr 2009, p. 97.
  30. Bahr 2009, p. 96.

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Renée Dupuis, Quel Canada pour les autochtones? : la fin de l'exclusion, Montréal, Boréal, , 174 p. (ISBN 978-2-7646-0115-0)
  • Margot Edmonds et Ella E. Clark, Légendes indiennes, t. 1 : Les voix du vent, Éditions du Rocher, coll. « Nuage rouge », (ISBN 2-268-02636-1)
  • Michael Harner (trad. de l'anglais), Chamane : Les secrets d'un sorcier d'Amérique du Nord, Paris, Albin Michel, coll. « Expérience intérieure », , 231 p. (ISBN 2-226-01465-9)
  • (en) Ann Marie B. Bahr, Indigenous Religions, Knopf Doubleday Publishing Group, , « 5. The Inuit People of the Arctic Areas », p. 86-104.
  • Deirdre Meintel, La pluralité religieuse au Québec, Les Presses de l’Université de Montréal, , 112 p. (ISBN 978-2-7606-4714-5)
  • (en) Angela Robinson, Ta'n Teli-ktlamsitasit (Ways of Believing) : Mi'kmaw Religion in Eskasoni, Nova Scotia, Pearson Canada, , 158 p. (ISBN 978-0-13-177067-6, lire en ligne [html/pdf]).

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Lien externe[modifier | modifier le code]

  • Bibliothèque et Archives Canada [2]