Aller au contenu

Robert III d'Artois

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

Robert III d'Artois
Image illustrative de l'article Robert III d'Artois
Statue de Robert d'Artois (vue d'artiste) au château de Versailles.

Titre Comte de Beaumont-le-Roger
(1310 - 1332)
Autre titre Comte de Richmond
(1341 - 1342)
Allégeance Royaume de France
(1302 - 1332)
Royaume d'Angleterre
(1336 - 1342)
Conflits Guerre de Saint-Sardos
Guerre de Cent Ans
Guerre de Succession de Bretagne
Faits d'armes Bataille de Cassel
Siège de Vannes
Biographie
Dynastie Maison capétienne d'Artois
Naissance
Décès octobre ou novembre 1342
Londres
Père Philippe d'Artois
Mère Blanche de Bretagne
Conjoint Jeanne de Valois
Enfants Louis d'Artois
Jean d'Artois
Jeanne d'Artois
Jacques d'Artois
Robert d'Artois
Charles d'Artois

Image illustrative de l’article Robert III d'Artois

Robert III d’Artois[1] (né en 1287 - mort en 1342 à Londres) était seigneur de Conches-en-Ouche, de Domfront, et de Mehun-sur-Yèvre ; en 1310, il reçut en outre en apanage le comté de Beaumont-le-Roger pour le dédommager de la perte du comté d’Artois auquel il prétendait.

Avec la crise de succession de 1328, il est l'un des éléments déclencheurs de la guerre de Cent Ans, par son exil en Angleterre et sa détermination à entraîner le roi d'Angleterre dans un conflit contre le roi de France.

Robert est fils de Philippe d’Artois, seigneur de Conches-en-Ouche, et de Blanche, fille du duc Jean II de Bretagne et de Béatrice d'Angleterre, tous deux descendants des lignées capétiennes.

Robert n'avait que onze ans quand son père mourut le des suites des blessures qu'il avait reçues à la bataille de Furnes le contre les Flamands, et seulement quinze quand c'est son grand-père Robert II d'Artois qui meurt à son tour à la bataille de Courtrai en 1302, posant alors le problème de la succession au titre de comte d'Artois, qui sera la grande affaire de la vie de Robert III.

Dévolution du comté d'Artois

[modifier | modifier le code]

En raison de son jeune âge, Robert III ne put faire prévaloir les droits hérités de son père contre sa tante Mahaut (fille de Robert II et soeur du père de Robert III), et c'est elle qui hérita du titre, tant en vertu du droit selon la coutume du comté d'Artois que pour des considérations politiques[2],[3]. En effet, il était établi que la coutume du comté d'Artois ne considérait pas que le petit-fils puisse représenter le fils héritier naturel mais décédé : le titre devait revenir aux enfants survivants, garçon ou fille. En outre, lorsqu'il avait donné l'Artois en apanage à son fils puîné Robert Ier d'Artois, arrière-grand-père de Robert III, Louis VIII n'avait pas précisé que la succession du comté ne se ferait que par les mâles[4],[3]. Dès lors, le roi et les pairs chargés de statuer considérèrent que le titre devait revenir logiquement à Mahaut. Ils y étaient d'autant plus enclins que cette dernière avait épousé un prince d'Empire, Othon IV de Bourgogne, dont on espérait beaucoup — et obtint — (en l'occurrence, le rattachement du comté de Bourgogne au royaume de France). Ce prince à ménager faisait de Mahaut une femme puissante face à un adolescent de quinze ans dont personne ne se souciait à la cour.

Pour autant, rapidement, Robert se fixa pour objectif de recouvrer ce qu'il considérait comme son héritage légitime. En effet, si son père, Philippe, n'était pas mort prématurément, il aurait, en tant qu'aîné masculin, disposé du comté d'Artois au détriment de Mahaut, et Robert III, naturellement, lui aurait succédé. Certes, le petit comté de Beaumont-le-Roger avait été accordé à ce dernier en dédommagement, mais Robert considérait cela comme insuffisant.

Persuadé d'avoir été floué, Robert bataillera perpétuellement pour évincer sa tante. Deux jugements devant la cour des Pairs, en 1309 et en mai 1318 donnèrent pourtant raison à Mahaut. À l'époque de ce second procès, il épousa Jeanne de Valois, la sœur d'un des plus puissants barons à la cour, Philippe de Valois, le neveu de Philippe le Bel et futur Philippe VI, ce qui lui permit de disposer d'une réelle influence au sein du conseil royal[2]. Certes, Mahaut n'était pas dénuée d'atout de son côté puisque le roi Philippe V était son gendre, mais cela n'empêcha pas le roi de confier de nombreuses missions à Robert[3] : finalement, les capacités d'influence des deux partis s'équilibraient à la cour.

Rapprochement avec Philippe VI de Valois

[modifier | modifier le code]

Lorsque le dernier fils de Philippe le Bel, Charles IV, mourut sans descendance, Robert perçut que cela pouvait l'aider dans sa querelle avec Mahaut. Conscient des avantages que lui procurerait l'accession au trône de son beau-frère Philippe de Valois, Robert fut à la pointe du combat visant à ce que la couronne de France revienne en à Philippe VI contre les prétentions d'Édouard III d'Angleterre. Philippe lui en fut reconnaissant : il le fit pair de France et lui accorda de nombreuses pensions[3]. Comme le souligne Jean Favier, « au Conseil, Robert d'Artois est écouté ; dans l'entourage royal, il passe pour l'homme qui a l'oreille du roi ; pour l'opinion publique, il est l'ami du roi, son compagnon »[5].

Mais Robert ne se contenta pas de cette position confortable, et considéra plutôt qu'elle constituait un atout décisif dans sa quête de l'Artois. D'autant que s'y ajoutèrent des circonstances favorables lorsqu'un an plus tard, en 1329, Mahaut mourut. Robert saisit cette occasion pour réclamer à nouveau ce qu'il considérait comme son dû, en engageant une nouvelle action judiciaire, fort de l'exemple de la succession du comté de Flandre : en effet, le comte de Flandre Robert de Béthune avait choisi en 1322 de laisser son titre à son petit-fils Louis plutôt qu'aux frères de son fils aîné Louis Ier de Nevers, mort deux mois avant lui. Robert d'Artois voulut voir dans ce précédent, si proche dans le temps comme dans l'espace, une inflexion de la coutume et la confirmation de ses droits[5]. Il prit soin de s'assurer des alliés importants : il était soutenu d'une part, en Artois même, par « ceux que l'autoritarisme de Mahaut avait jetés dans une sorte de complot permanent »[5], d'autre part à la Cour par des princes de premier rang, notamment le comte d'Alençon, frère du roi, et le duc de Bretagne[5].

L'affaire semblait bien engagée. À la mort de Mahaut, en , le roi prit le comté d'Artois sous sa garde et nomma, en attendant de statuer, un gouverneur provisoire de l'Artois en la personne de Ferri de Picquigny. Le choix de ce dernier semble délibérément favoriser Robert, dans la mesure où Ferri était réputé hostile à la vieille comtesse. Tout laissait donc à penser que la sentence de la Cour assemblée sous la direction royale serait favorable à Robert[6]. C'est d'autant plus vrai que l'héritière de Mahaut, Jeanne II de Bourgogne, était la veuve de Philippe V le Long impliquée jadis dans l'affaire de l'adultère des brus de Philippe le Bel : si elle ne semble pas avoir trompé son mari, elle s'est faite complice, par son silence, de ses deux belles-sœurs et en était encore en 1329 durablement affaiblie. Du reste, après avoir été autorisée à prêter un hommage provisoire au roi, elle suivit rapidement sa mère dans la tombe le [7].

En fait, si la mort de la fille de Mahaut semble favoriser les desseins de Robert, il n'en est rien : elle ne fait que rendre d'autant plus intéressé à la question le duc de Bourgogne, Eudes IV. En effet, sa femme Jeanne de France est la fille de Philippe V et de Jeanne de Bourgogne : c'est elle qui devrait donc hériter du comté d'Artois si le verdict du procès se révélait défavorable à Robert. Eudes, par ailleurs beau-frère de Louis X et de Philippe VI, était déjà le principal adversaire de Robert à la Cour des pairs : l'opposition des deux hommes ne fit donc que se renforcer[7].

Le procès de Robert III d'Artois (reconnaissable en bas à droite à son blason), en 1332.

Pour justifier le réexamen de sa demande, Robert exhiba de nouveaux documents qui semblaient justifier ses prétentions au comté d'Artois. En effet, le moyen le plus sûr d'obtenir gain de cause consistait à démontrer que son grand-père avait explicitement marqué sa volonté de privilégier la descendance de son fils Philippe plutôt que celle de sa fille Mahaut[5]. Associés à son entregent auprès du roi, ils devaient lui permettre d'atteindre enfin l'objectif de toute une vie, mais le roi Philippe VI de Valois ne le soutint pas : en dépit de leurs liens (Robert avait épousé Jeanne la demi-sœur du roi en 1318), ce dernier chercha plutôt, sans succès, à résoudre le conflit en s'appropriant le comté d'Artois, et de désintéresser les parties par un dédommagement. Le refus opposé par les États d'Artois à financer un arrangement auquel ils n'avaient rien à gagner mit fin au projet royal[7].

Les documents produits par Robert d'Artois sont alors examinés par les juristes du parlement de Paris, qui démontrèrent le que les documents exhibés par Robert étaient des faux grossiers[7], œuvre de Jeanne de Divion, « une ancienne amie du puissant conseiller de Mahaut Thierry d'Hirson »[5]. La supercherie découverte[8], tous les soutiens de Robert l'abandonnèrent. Immédiatement, le jugement au civil fut rendu et Robert débouté pour la troisième fois quant à ses droits sur l'Artois. Cependant, non seulement Robert perdit tout espoir de recouvrer l'héritage de son grand-père, mais il fut également condamné au criminel, définitivement dépossédé de tous ses biens et banni du royaume en [9],[10]. Le verdict était prévisible puisque le crime peut être considéré de lèse-majesté, car il mettait à mal la crédibilité de l'administration royale, comme le souligne Jean Favier : « le roi ne peut transiger avec ceux qui ruinent l'un des moyens essentiels d'expression de sa puissance souveraine, la juridiction, qui se traduit par le scellement d'actes authentiques »[7].

Édouard III d'Angleterre et Robert III d'Artois.

Robert commença son exil en Flandre, puis chez le duc de Brabant avant d'aller à Avignon. Mais c'est l'Angleterre qu'il rejoignit finalement en 1334[11]. Admis à la cour anglaise, il incita, « par esprit de vengeance et dans l'espoir de reprendre d'une main ce qu'il avait perdu de l'autre »[2], Édouard III[12] à engager une guerre pour reconquérir l'héritage de France. Il fournit au roi anglais de nombreux renseignements sur la cour française et participa activement à la guerre, ce qui lui valut d'être déclaré ennemi du royaume en 1336[2].

Ainsi, il est chargé par exemple en 1340 d'assiéger Saint-Omer, Édouard III comptant sur les soutiens dont il était supposé disposer dans sa région d'origine. Cet espoir est vite déçu et Robert, « vieux, brouillon et militairement incompétent »[13], subit une cuisante défaite devant la ville, 8 000 de ses hommes restant sur le champ de bataille. C'est toujours en combattant au service du roi d'Angleterre qu'il fut gravement blessé en octobre 1342 aux pieds des remparts de Vannes, dans le cadre de la guerre de succession de Bretagne. Afin de se faire soigner, il retourna en Angleterre et mourut de dysenterie[14] à Londres[15] peu après. C'est là qu'il est inhumé, dans l'ancienne cathédrale Saint-Paul.

De son mariage avec Jeanne de Valois, fille de Charles de Valois et de Catherine de Courtenay, il eut six enfants[1] :

  • Louis (1320-1329), sans postérité ;
  • Jean (1321-1387), comte d’Eu, et postérité ;
  • Jeanne (1323-1324), sans postérité ;
  • Jacques (1325-ap. 1347[16]), enfermé à Nemours (1342), puis avec sa mère et son frère Robert au Château Gaillard ;
  • Robert (1326-ap. 1347[17]), enfermé à Nemours (1342), avec sa mère et son frère Jacques au Château Gaillard ;
  • Charles (1328-1385), comte de Longueville et de Pézenas.

Dans la fiction

[modifier | modifier le code]

Le personnage de Robert III est un personnage-clé de la suite de romans historiques Les Rois maudits de Maurice Druon.

Le personnage de Robert III est incarné par Jean Piat en 1972 qui brille dans l'adaptation du cycle romanesque réalisée par Claude Barma, puis par Philippe Torreton en 2005 dans celle dirigée de Josée Dayan.

L'influence de ces romans sur la conception de la saga fantasy A Song of Ice and Fire est connue, ainsi Robert III a probablement inspiré le personnage de Robert Baratheon, dont ils partagent, au-delà du nom, de nombreux traits physiques et de caractère.[réf. nécessaire]

Robert III est un personnage de la web-série Paris 1328 réalisée par le vidéaste AlterHis[18].

Notes et références

[modifier | modifier le code]
  1. a et b Robert d'Artois sur le site Foundation for Medieval Genealogy
  2. a b c et d Boris Bove, Le temps de la guerre de cent ans, Belin, 2009, p. 63
  3. a b c et d Jean Favier, La Guerre de Cent Ans, Fayard, 1980, p. 42.
  4. Cet usage, la clause de masculinité, n'est évoqué pour aucun apanage avant 1314, en l'occurrence pour le Poitou. Jean Favier, La Guerre de Cent Ans, Fayard, 1980, p. 29-30
  5. a b c d e et f Jean Favier, La Guerre de Cent Ans, Fayard, 1980, p. 43.
  6. Jean Favier, La guerre de Cent Ans, Fayard, 1980, p. 43-46.
  7. a b c d et e Jean Favier, La guerre de Cent Ans, Fayard, 1980, p. 46.
  8. La faussaire Jeanne de Divion fut condamnée au bûcher et exécutée le .
  9. Georges Minois, La Guerre de Cent Ans, Perrin, 2008, p. 48.
  10. Jeanne de Valois fut emprisonnée à Château-Gaillard avec leurs trois fils après le bannissement de Robert.
  11. Jean Favier, La Guerre de Cent Ans, Fayard, 1980, p.  47.
  12. dont la femme Philippa descendait également de Charles de Valois
  13. Georges Minois, La Guerre de Cent Ans, Perrin, 2008, p. 71.
  14. Georges Minois, La Guerre de Cent Ans, Perrin, 2008, p. 81.
  15. Jacques Vivent, La Guerre de Cent Ans, 1954, p. 73
  16. Il figure, ainsi que son puîné Robert, aux comptes des dépenses faites pour son entretien pour les années 1346 et 1347. Il est sans doute victime de la Grande Peste.
  17. Il figure, ainsi que son aîné Jacques, aux comptes des dépenses faites pour son entretien pour les années 1346 et 1347. Il est sans doute victime de la Grande Peste.
  18. « ENTRETIEN. Alterhis raconte l'histoire sur Youtube en la modifiant : bienvenue en uchronie », sur France 3 Grand Est (consulté le )

Bibliographie

[modifier | modifier le code]
  • (en) Dana L. Sample, « Philip VI's Mortal Enemy : Robert of Artois and the Beginning of the Hundred Years War », dans L. J. Andrew Villalon et Donald J. Kagay (dir.), The Hundred Years War (Part II). Different Vistas, Leyde / Boston, Brill, coll. « History of Warfare » (no 51), , XXXII-477 p. (ISBN 978-90-04-16821-3), p. 261–284.

Liens externes

[modifier | modifier le code]