La difesa della razza

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La difesa della razza
Pays Drapeau de l'Italie Italie
Langue Italien
Périodicité 1938 - 1943
Genre Politique, scientifique, racisme, antisémitisme, fascisme, Ultranationalisme, impérialisme
Prix au numéro 5 lires
Date de fondation 5 août 1938
Date du dernier numéro 5 juin 1943
Éditeur Tumminelli
Ville d’édition Rome

Directeur de la rédaction Telesio Interlandi
Rédacteur en chef Giorgio Almirante

« La Difesa della razza » (La défense de la race) est l'un des journaux racistes et antisémites publiés pendant la période du fascisme italien.

Il paraît d' à et développe son idéologie en s'appuyant sur la participation de cautions scientifiques que l'histoire n'oublie pas.

Origines[modifier | modifier le code]

Après la légalisation en 1938 des lois raciales et discriminatoires contre les citoyens juifs, le fascisme italien autorise la création de journaux racistes et antisémites.

Auparavant, le fascisme italien marquait une profonde hostilité au sionisme ; pour le fasciste de la première heure Roberto Farinacci, les Juifs italiens devaient choisir entre le fascisme en Italie et le sionisme en Palestine. Ettore Ovazza, juif et fasciste italien était également hostile au projet sioniste. Pourtant, l'antisémitisme n'était pas la marque de fabrique du fascisme car ce dernier - à la différence du nazisme - n'était ni raciste, ni antisémite à l'origine[1] mais voulait une assimilation totale des Juifs à l'Italie. En 1929, Mussolini explique :

« Les Juifs sont à Rome depuis l’époque des Rois... Ils étaient cinquante mille sous Auguste et ils demandèrent à pleurer sur la dépouille de Jules César. Nous les laisserons en paix »[2].

En 1848, le prince Carlo Alberto de Savoie avait garanti des droits égaux à tous les Italiens[3].

Néanmoins, le fascisme italien devint officiellement antisémite après les rencontres d'Hitler et de Mussolini en et , qui rapprochèrent politiquement des deux pays et aboutirent aux signatures des lois raciales (commandées par Mussolini et contresignées par le roi Vittorio Emanuele III désavouant son ancêtre)[4] en Italie en automne 1938, à celles du Pacte d'acier (Patto d'Acciaio) en [5] puis à celles du pacte tripartite de l'Axe en . Pour autant, l'Allemagne nazie ne demanda pas aux fascistes italiens de s'opposer aux Juifs[6].

Naissance et composition[modifier | modifier le code]

Dans ce contexte politique, le magazine « La Difesa della razza » naît le [7],[8]sous la direction de Telesio Interlandi[9],[5], et est publié toutes les deux semaines[4] par les éditions (it) Tumminelli à Rome.

Le comité de rédaction est composé de personnalités scientifiques de l'époque : le professeur d'anthropologie Guido Landra, l'ethnologue (it) Lidio Cipriani, le professeur de pédiatrie Leone Franzi, le professeur de zoologie Marcello Ricci, le professeur de pathologie Lino Businco. Le journaliste et politicien Giorgo Almirante fut secrétaire de rédaction[10] de la Difesa jusqu'en 1942.

Le journal est composé de plusieurs dizaines de pages et divisé en quatre rubriques principales : Science (racisme, antisémitisme, préjugés, stéréotypes), Documentation (statistiques, démographie, économie), Controverse (articles d'opinion sur les différentes conspirations des Juifs, francs-maçons...), Questionnaire (questions et réponses aux lecteurs sur ces sujets).

Plusieurs enseignes encore actives de nos jours présentent leurs produits (automobiles, réfrigérateurs, banques...) sur les pages publicitaires du journal : Fiat, Alfa Romeo, Banca Commerciale Italiana....

Soutien aux lois raciales[modifier | modifier le code]

Avant la guerre[modifier | modifier le code]

Après sa naissance en , La Difesa della razza s'est vu promoteur et vulgarisateur des lois raciales fascistes de son pays. Il s'agit d'instruire le pays au racisme[11]. A la même époque, outre Il Tevere de Telesio Interlandi, paraissaient aussi Il regime fascista de Roberto Farinacci, La vita italiana de Giovanni Preziosi ou le journal Il Giornale d’Italia, partiellement ou totalement de même acabit[4],[5].

Le magazine « La difensa » détiendra son record de vente en 1938 avec 150 000 exemplaires vendus pour son premier numéro[11].

Manifesto della razza[modifier | modifier le code]

La campagne raciste et antisémite en Italie se fit d'abord à travers la publication du « Manifesto della razza » (Manifeste sur la race) dans le journal Il Giornale d’Italia, le [5] puis en page 2 du premier numéro de la Difesa della razza du , dans lequel s'illustraient en 10 points, l'importance du racisme particulièrement à l'égard des Juifs et des Tziganes[12], et la supériorité de la race italienne devenue « pure race d'origine aryenne incontestable », à l'aide de représentations graphiques claires qui permettaient une compréhension simplifiée des lois raciales fascistes et qui voulait donner au peuple un sentiment national de fierté raciale par son appartenance à une « race pure italienne »[13],[14],[11].

C'est Mussolini qui avait chargé l'anthropologue Guido Landra de rédiger ce document, le , lequel professore figure aussi parmi les membres du comité de rédaction de « La difesa della razza », comme les dix autres[15] scientifiques de premier plan signataires du manifeste, représentant la caution du monde universitaire italien[16],[17],[18], ainsi que le secrétaire Almirante. En tout, 330 personnalités italiennes ont signé ce document[19].

Idéologie[modifier | modifier le code]

En , des lois racistes promulguées en Italie[20] se poursuivirent sur plusieurs mois, menant à l'exclusion des Juifs de la société italienne. Ainsi, le magazine donna libre cours à ses théories et délires fascistes et racistes. La couverture du n° 19 n'hésite pas à montrer des juifs aspirant le sang d'un enfant chrétien (voir Galerie ci-dessous) - allégation antisémite courante depuis le Moyen-âge en Europe (et plus tard en Orient) et qui causa d'innombrables victimes juives à travers les siècles.

« Les Juifs ne peuvent pas ... », autocollant, 11 mars 1938.

La revue aborda principalement le thème racial mais aussi celui de la démographie et la natalité en Italie, qu'il fallait favoriser[5].

Pour diffuser l'idéologie des fascistes italiens se voulant héritiers de la Rome impériale et de la « race romaine », le magazine s'appuie notamment sur la « science » à travers la caution scientifique que représentent ses intervenants, sur le faux antisémite Les Protocoles des Sages de Sion mais aussi sur les Anciens de la Rome antique. A cet effet, il interprète les auteurs latins ou grecs de l'Antiquité tels que Caton, Sénèque, Cicéron, Catulle, Tacite, Horace, Virgile ou Tite-Live en faisant de leurs propos « une lecture tronquée »[5] au service du régime.

Sur la « couverture du n° 1 du de la revue, un glaive romain sépare un buste romain d’une figurine sémitique du IIIe siècle av. J.-C.[21] et d’une tête de jeune noire »[5] (Voir Infobox). Le Dictionnaire de l'Italie fasciste indique que cette couverture « donne le ton de l'ensemble de la ligne éditoriale... : la civilisation contre la barbarie »[22]

La revue « La Difesa della razza amène son lectorat à comprendre que les Juifs qui auraient été si souvent les adversaires de Rome, le sont désormais de l’Italie fasciste »[5] et vise à justifier la séparation entre le fier Romain et les populations « barbares », particulièrement celle des Juifs plus commune sur le territoire que celle des Noirs visés aussi par la publication.

Fin de vie[modifier | modifier le code]

Dans la défaite italienne, les recettes publicitaires sont allées en s'amenuisant ; le dernier numéro de la revue paraît le et le de la même année, 1 259 juifs romains sont arrêtés dans l’ancien ghetto de Rome pour être déportés au camp d'Auschwitz.

Publication[modifier | modifier le code]

Citations[modifier | modifier le code]

« Il est temps que les Italiens se proclament franchement racistes. Toute l'œuvre qui jusqu'à présent a fait le régime en Italie est au fond le racisme. Dans les discours du Chef, la référence aux concepts de la race a toujours été très fréquente. La question du racisme en Italie doit être traitée d'un point de vue purement biologique sans intentions philosophiques ou religieuses. »

— De « La diffesa della razza » (La défense de la race), dirigée par Telesio Interlandi, année I, numéro 1, , page 2.

Titres et auteurs d'articles[modifier | modifier le code]

Nombre d'articles antisémites et racistes axés principalement sur la différence des races sont systématiquement publiés dont notamment[13],[23],[24] :

Réactions contemporaines[modifier | modifier le code]

Les frères Finzi expulsés du lycée Giulio Cesare à Rome à cause des lois raciales de 1938, déportés à Auschwitz sans retour.

À propos des signataires du Manifesto della razza de 1938 paru dans La difesa, l'écrivain Franco Cuomo écrit en 2005[15],[14],[18],[25] :

« Personne ne les oublie. Personne ne leur pardonnera jamais ce qu'ils ont incarné dans l'histoire du racisme italien : Lino Businco, Lidio Cipriani, Arturo Donaggio, Leo Franzi, Guido Landra, Nicola Pende, Marcello Ricci, Franco Savorgnan, Sabato Visco et Edoardo Zavattari. Ils ont légitimé la déportation en Allemagne de huit mille personnes dont sept cents enfants. Ils voulaient démontrer qu'il y a des êtres inférieurs. Et ils y ont réussi, à la première personne... Parce qu'ils l'étaient eux-mêmes. »

Le , quatre-vingts ans après le manifeste, la RAI rappelle que les dix premiers scientifiques signataires du Manifesto dont certains avaient rencontré Hitler ou Himmler et avaient visité les camps d'extermination pour leurs travaux, n'ont jamais été inquiétés après la guerre, qu'ils ont été réintégrés dans leurs privilèges, ont poursuivi leur carrière d'enseignants à l'université, et ont même été célébrés pour leurs mérites à travers des rues, des établissements ou de prix scientifiques à leurs noms[25],[15].

Giorgio Almirante, le secrétaire de rédaction, a poursuivi une carrière politique en devenant plus tard le chef du MSI (Mouvement social italien) de la droite nationaliste.

Galerie[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Patria Indipendente sur la « Difesa della razza »

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. « Le Duce condamna le racisme en 1932, lors de ses entretiens avec le journaliste allemand Emil Ludwig :  « Il n’existe plus une race pure » affirme Mussolini..., et reçut le grand rabbin de Rome au palais de Venise en 1934 », E. Ludwig, Colloqui con Mussolini, Milan, Mondadori, 1950, p. 87, cité par P. Foro, op. cit.
  2. Benito Mussolini, Opera omnia, tome 24, discours à la Chambre des députés à propos des accords du Latran le 13 mai 1929.
  3. (it) « www.memoriainscena.it/processo-80-anni-dalla-firma-delle-leggi-la-difesa-della-razza/?br=ro - Traducteur : Présentation de la conférence du 18 janvier 2018 », sur www.microsofttranslator.com (consulté le )
  4. a b et c (it) « Le racisme : c'est ce qu'Almirante a écrit », Corriere della sera,‎ (lire en ligne)
  5. a b c d e f g et h Philippe Foro, « Racisme fasciste et antiquité. L'exemple de la revue La Difesa della Razza (1938-1943) », Vingtième Siècle. Revue d'histoire, 2003/2 (no  78), pp. 121-131. DOI : 10.3917/ving.078.0121. Lire en ligne.
  6. « L’Italie fasciste et la persécution des Juifs - France Culture », sur France Culture (consulté le )
  7. (it) « 5 agosto 1938, nasce la rivista “La difesa della razza”) », sur adnkronos.com
  8. (it) « Bibris (archivio pubblicazioni "La difesa della razza") », sur digiteca.bsmc.it
  9. T. Interlandi déjà directeur du « Il Tevere ».
  10. Il deviendra ensuite député en 1948 et le restera jusqu'à sa mort en 1988.
  11. a b et c (it) Edoardo Frittoli, « Le leggi razziali e la loro voce : "La Difesa della Razza" (1938-1943) » [« Les lois raciales et leur voix : « La défense de la race » (1938-1943) »], sur Panorama (magazine italien), (consulté le )
  12. Catherine Coquio, Jean-Luc Poueyto, Roms, Tsiganes, Nomades : Un malentendu européen, Karthala Éditions, 2014, pp. 193–194. (ISBN 2-8111-1123-9)
  13. a et b (it) « Perché pubblichiamo il primo numero della rivista “La difesa della razza” - Eccolo l’antisemitismo fascista », sur ANPI (Patria indipendente),
  14. a et b (it) « Leone Franzi | Tre Passi Avanti », sur trepassiavanti.wordpress.com (consulté le )
  15. a b et c Franco Cuomo, I Dieci, Chi erano gli scienziati italiani che firmarono il "Manifesto della razza" (Les Dix, Qui étaient les Italiens scientifiques qui ont signé le « Manifeste de la race »), éd. Baldini Castoldi Dalai, Série I Saggi, 288 p., 2005. Présentation en ligne.
  16. (it) Gianluca Neri, « Fascismo – Le leggi razziali /8 – fine », Macchianera,‎ (lire en ligne, consulté le )
  17. (it) Bruno Vespa, Marcello Pezzetti (sous la direction de), 1938 Leggi razziali. Una tragedia italiana, Gangemi Editore, 2008, p. 100. (ISBN 88-492-6585-9)
  18. a et b (it) ePrezzo.net, « Franco Cuomo », sur www.francocuomo.it (consulté le )
  19. (it) « La notte dei cristalli : 9 novembre 1938, 75 anni fa », sur Brogi.info (consulté le )
  20. Mussolini : « Les discriminations ne comptent pas... Maintenant, l’antisémitisme est inoculé dans le sang des Italiens. Il continuera de lui-même à circuler et à se développer. Ce soir, s’ils sont conciliants, je serai très dur dans la préparation des lois ». In Galeazzo Ciano, Diario (1937-1943), a cura di Renzo De Felice, Rizzoli, Milan, 1980, p. 193. Cité in P. Foro, op. cit.
  21. Rheinishes Landesmuseum de Trèves, en Allemagne.
  22. Philippe Foro, Dictionnaire de l'Italie fasciste, Vendémiaire, , 384 p. (ISBN 978-2-36358-166-2, lire en ligne), « La thèse de la " décadence de l'Afrique " »
  23. (en) Joshua Arthurs, Excavating Modernity : The Roman Past in Fascist Italy, Cornell University Press, , 232 p. (ISBN 978-0-8014-6884-1, lire en ligne)
  24. (it) Edoardo Frittoli, « Le leggi razziali e la loro voce: "La Difesa della Razza" (1938-1943) » [« Les lois raciales et leur voix : « La défense de la race » (1938-1943) »], sur Panorama.it, (consulté le )
  25. a et b (it) « 80 anni fa il Manifesto della razza: ecco i 10 scienziati che lo firmarono », Rai News,‎ (lire en ligne, consulté le )