Gaumais

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Gaumais
Pays Drapeau de la Belgique Belgique
Drapeau de la France France
Région Gaume
Nombre de locuteurs L1: 5000 (estimation)
Typologie SVO
Classification par famille
Statut officiel
Langue officielle langue régionale endogène de Belgique
Type Langue régionale

Le gaumais est une langue d'oïl, proche du lorrain, langue régionale de la Gaume, dans le sud de la province de Luxembourg en Belgique ainsi que des régions frontalières de l'ancien canton de Carignan[1], de la Communauté de communes du Pays de Montmédy[2] et de la Communauté de communes du Pays de Stenay. Il est également parlé dans quelques villages frontaliers comme Ville-Houdlémont et Gorcy[3].

Histoire

Le lorrain dérive du latin vulgaire parlé par les populations romanisées. Certains mots celtes subsistent, mais c'est bien le vocabulaire latin qui structure ce dialecte.

Le gaumais a subi l'influence germanique et y a retiré quelques particularités comme l'article défini la (la Djeanne) et le (le Djean) mais également des mots comme la crombîre (Grundbirne = pomme de terre) ou encore la waffe (Waffle = gaufre).

Il a progressivement intégré des mots d'autres origines comme casavèk (katsavejka = blouse féminine)[4], présent également en wallon[5].

L'évolution du dialecte sera marquée par une francisation progressive du gaumais, le français étant déjà au XVIIe siècle la langue officielle de l'état civil religieux[6].

En 1794, alors que la Gaume est rattachée à la France, l'abbé Grégoire présente son rapport à la Convention Nationale. D'origine lorraine, il préconise "d'anéantir les patois et d'universaliser l'usage de la langue française". Les langues régionales seront systématiquement stigmatisées comme des langues sans valeur.

1815 verra la création des Provinces-Unies et marquera de manière définitive les frontières de la Gaume. Le dialecte va alors évoluer de manière très différente de chaque côté de la frontière. L'école obligatoire et laïque en France permet à la langue française de supplanter très rapidement le gaumais dès la fin du XIXe siècle en tant que langue maternelle. Il en va de même en Belgique après la Première Guerre Mondiale.

Le gaumais est ainsi interdit dans les écoles belges au profit du français et son usage entraîne une répression. Le changement est rapide mais plus tardif qu'en France. C'est cet enseignement obligatoire et francophone qui aura comme effet l'absence de transmission du patois envers la nouvelle génération. Au contact avec les plus âgés, certains gaumais vont tout de même en conserver une connaissance importante et deviendront des auteurs patoisants reconnus : Albert Yande, Roger Moreau, Hélène Hanse-Boquel ou Fernand Bonneau. Ce contexte nous permet d'expliquer les importantes différences quant au nombre d'ouvrages entre la Gaume et la Lorraine française.

Le Cercle royal gaumais de Bruxelles est fondé en 1917. L'Académie des patois gaumais est créé au début des années 2000.

Il est reconnu par un décret de la Communauté française de Belgique comme langue endogène en date du .

Il n'existe pas, aujourd'hui, de gaumais ou lorrain uniforme comme pour la langue basque, bretonne ou wallonne.

Géographie

Le gaumais n'est pas un dialecte uniforme. Comme beaucoup de langues régionales, des différences locales existent suivant un continuum dialectal. Le gaumais était également totalement intelligible dans les régions frontalières allant de Rodange à Stenay en passant par Longuyon. On considère néanmoins l'existence d'un gaumais méridional (axe Virton - Halanzy) et un gaumais septentrional (axe Semois Muno - Habay) même si chaque village possède une particularité. Au nord-est, l'influence champenoise se fait sentir jusqu'à Izel.

De manière générale, le vocabulaire gaumais est très proche de celui utilisé dans les autres patois de Lorraine romane.

Vitalité

En 2009, après 29 années de travail, l'Académie du patois gaumais, regroupement de passionnés, publie Le dictionnaire encyclopédique des patois de Gaume[7].

Le patois bénéficie d'un certain engouement ces dernières années en Belgique alors que la langue est sérieusement en danger. En témoigne la publication de la traduction du Petit Prince en gaumais[8] ou encore les spectacles organisés par différentes troupes de théâtre[9]. Une messe annuelle est organisée en gaumais à Tintigny[10].

Le nombre de locuteurs, difficilement chiffrable faute d'enquête linguistique en Belgique ou en France, est en constante diminution. Très rare sont ceux qui parlent le gaumais comme première langue. Par contre, il existe de nombreux locuteurs, souvent âgés, ayant appris le dialecte comme seconde langue et pouvant s'y exprimer.

Une série de mots gaumais et règles grammaticales sont passées dans le français local. Ainsi, les habitants de la Gaume peuvent souvent comprendre une phrase en patois sans pour autant savoir s'exprimer.

Littérature

Les plus anciens ouvrages ne sont bien souvent pas datés. Au début du XVIIIe siècle, l'officier de l'état civil de Virton note dans ses registres de population quelques mots du parler local[11]. C'est aussi à ce moment que l'écriture se généralise en Gaume ce qui permet aux classes sociales les moins favorisées de mettre sur papier la tradition orale dans leur langue maternelle.

Poésie

La littérature gaumaise a fait de la poésie son support de prédilection. Des auteurs comme Albert Yande ou Léon Gillet ont produit de nombreux textes exprimant des coutumes, mœurs, habitudes, récits ou encore des fables. Le dernier album en date est Au travé des couteurs du Piwitch' à Djilbépan de Jacky Clausse.

Romans et contes

En 2013, Jean-Luc Geoffroy publie L'Oscar èt l'Alfred à l'icole, premier romain écrit en Gaumais[12]. En 2015, il publie en version bilingue El Paul à Nawé, un conte de Noël. Il participe également la même année à l'ouvrage Le voyage en Oïlie en traduisant le chapitre lorrain[13]. De même, il publie cette année là El pètit prince, traduction du célèbre roman. En 2019, il publie un conte appelé La Blandine èt l'Corentin.

D'autres auteurs se sont attardés sur des ouvrages plus court ou plus diversifiés. C'est le cas de Georges Themelin qui publie une série de contes, fables et monologues dans A l'ombe don vî tillu sorti en 2004 et son second tome en 2008. Il est aussi l'auteur des Cinq Saisons, publié en 2019.

Dictionnaires

Le linguiste Edouard Liegeois édite en 1897 le tout premier dictionnaire sous le nom de Lexique du patois gaumet. Il est suivi en 1907 par Lucien Roger et son Lexique du patois gaumais de Prouvy-Jamoigne.

L'Atlas linguistique de la Wallonie s'intéresse dès le début au gaumais par soucis de couvrir l'ensemble de la Wallonie politique. 30 localités gaumaises font l'objet d'une enquête[14]. L'Atlas linguistique et ethnographique de la Lorraine romane de Jean Lanher a également enquêté à Saint-Mard.

En 1962, le linguiste Jules Massonnet fait un relevé du patois de son village natal, Chassepierre.

Le premier vrai dictionnaire paraît en 1978. Le Cercle Culturel de Saint-Léger, très actif dans la préservation de sa langue locale publie un imposant glossaire de l'ensemble des mots locaux relevés.

Georges Themelin publie en 1999 le tout premier dictionnaire français-lorrain/gaumais dans sa variante de Dampicourt, un ouvrage encore inédit à ce jour car c'est le seul à partir du français vers le gaumais. C'est également le plus important avec 20.000 mots[15].

Les publications se succèdent avec le dictionnaire du parler de Chiny de Alex Michel en 2008. En 2009, c'est au tour de l'Académie des Patois Gaumais de publier son Dictionnaire encyclopédique des patois de la Gaume. Cet ouvrage remarquable a le mérite de présenter et rassembler un maximum de mots (16.000 au total[16]) et variantes issus de toute la Gaume. En 2018, Jean-Luc Geoffroy sort le Glossaire gaumais-français de Willancourt sur base des travaux et textes de l'auteur Nestor Marchal.

Théâtre

Le théâtre en gaumais est très ancien. Sa mise par écrit est quant à elle beaucoup plus récente. De nombreux auteurs ont écrit ou adapté des pièces et spectacles. C'est notamment le cas de Georges Themelin ou Christian Lambinet qui publie en 2018 Les utils aterloyis, une pièce avec des nouveaux mots pour désigner la modernité.

Le rideau gaumais de Saint-Léger a été très actif jusqu'à la fin du XXe siècle.

En 2019, les troupes les plus actives sont l'atelier de l'Académie des Patois Gaumais et Ceux d'Valansart.

Chanson

La maîtresse de Dampicourt est la plus vieille chanson conservée à ce jour[17].

Jean-Claude Watrin est indéniablement le plus connu. Une partie de son répertoire a été écrite en gaumais. Cécile Liégeois sort un album avec Jean-Marie Liégeois en 2008 ainsi qu'un second en 2018.

Linguistique

Famille

Le gaumais est une langue d'oïl, variante du lorrain tel qu'il est parlé dans la Lorraine romane.

Orthographe

Langue orale à l'origine, le gaumais n'a pas de vrai système d’orthographe adapté. Les auteurs dialectaux contemporains utilisent néanmoins deux systèmes:

  • Le Système Feller, créé à l'origine pour le wallon et promu par les associations de promotion des langues régionales ;
  • La concordance avec le français, qui vise à utiliser un maximum l'orthographe et la graphie française afin de faciliter sa compréhension.

Les deux systèmes ont leurs avantages, mais le premier recueille bien souvent les critiques des auteurs locaux qui le trouvent inadapté à certaines règles du gaumais[18]

Notes et références

  1. Désiré Huart, Les Patois de l'Est Sedanais, en particulier des cantons de Mouzon Carignan, Charleville-Mézières, Insitut Charles Bruneau, , 203 p.
  2. Jean Lanher, Le parler de Montmédy (55), Montmédy, Syndicat d'Initiatives de Meuse,
  3. Chanoine Jacques, Le parler de Braumont, Gorcy
  4. Nicole Jacques, Le vocabulaire de la vie familiale à Gérouville, Louvain, Université Catholique de Louvain,
  5. (wa) « cazawek — Wiccionaire », sur wa.wiktionary.org (consulté le )
  6. « Registres paroissiaux. Province du Luxembourg. Arrondissements Arlon et Neufchâteau. (digital) », sur search.arch.be (consulté le )
  7. Les Gaumais ont leur dictionnaire
  8. TV Lux, « Le Petit Prince en gaumais », sur TV LUX (consulté le )
  9. « Le patrimoine linguistique de l’Europe est en danger », sur EURACTIV.fr (consulté le )
  10. Pierre SAUTÉ, « «Lu Seigneûr Ressuscité i–lè toula» », Lavenir.net,‎ (lire en ligne, consulté le )
  11. « Archives de l'État », sur search.arch.be (consulté le )
  12. Dominique ZACHARY, « Le premier roman en patois gaumais », Lavenir.net,‎ (lire en ligne, consulté le )
  13. « Jean-Luc Geoffroy (Virton – Gaumais) - Voyage en Oïlie | Un voyage dans les régions de langue d'oïl », Voyage en Oïlie | Un voyage dans les régions de langue d'oïl,‎ (lire en ligne, consulté le )
  14. « Liste des points d’enquête | Atlas Linguistique de la Wallonie | ALW », sur alw.philo.ulg.ac.be (consulté le )
  15. « Une somme de plus de 20.000 mots, pour sauver un patrimoine en voie de perdition Le gaumais du sud a son dictionnaire », sur Le Soir (consulté le )
  16. « Gaume « Plus passionnant que la Bible » : Un dico des patois gaumais », sur Le Soir (consulté le )
  17. Enquêtes du Musée de la vie wallonne. Bulletin-questionnaire. N°185-188., Liège, Musée de la Vie Wallonne,
  18. Jean-Luc Geoffroy, « Le gaumais sans Feller, le gaumais pur », sur frego-et-folio.be (consulté le )

Voir aussi

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Articles connexes

Liens externes