Première cohabitation

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Première cohabitation
Fichier:Jacques Chirac 1990 (cropped).jpg
François Mitterrand
Président de la République
Jacques Chirac
Premier ministre
Parti Socialiste RPR
Deuxième cohabitation
Troisième cohabitation

La première cohabitation en France a lieu de mars 1986 à mai 1988 : alors que François Mitterrand est président de la République depuis 1981, les élections législatives de mars 1986 portent à l'Assemblée nationale une majorité de droite.

François Mitterrand nomme Jacques Chirac (le président du RPR) Premier ministre. C'est la première fois sous la Ve République que doivent coexister un président de la République et un Premier ministre de tendances politiques divergentes. Cette cohabitation, alors inédite dans l'histoire de la Vème république est considérée comme "réussie" mais parfois "crispée"[1]. Cette cohabitation marque une double évolution : de la figure présidentielle, repliée dans un rôle arbitral et symbolique, et de la figure du Premier ministre devenant, de fait, le chef de l'exécutif.

Coopération(s)

Le président Mitterrand avait pourtant d'autres choix qu'il tient des pouvoirs dispensés de contreseing qui sont les siens et de son rôle d'arbitre : soit celui d'user de la liberté que lui donne l'article 8 alinéa 1 de la constitution pour nommer un Premier ministre de son bord, voire un centriste de compromis, « acceptable » par une partie de la nouvelle majorité parlementaire et d'attendre un éventuel renversement du gouvernement pour aviser ; soit celui de décider immédiatement une dissolution pour mettre les électeurs devant leur choix contradictoire et espérer ainsi une majorité parlementaire favorable, ce qui dans le cas contraire l'aurait immanquablement conduit cette fois à se soumettre en désignant un Premier ministre conforme aux vœux des électeurs.

Le président Mitterrand refusa, dès les premières semaines, cette attitude de confrontation en nommant directement le chef de la nouvelle majorité parlementaire. Le 8 avril 1986, Le président délivre un message au Parlement par la voix de Jacques Chaban-Delmas, par lequel il adopte la position du "repli arbitral". C'est le fameux discours surnommé "La constitution, rien que la constitution, toute la constitution"[2]. Peut-être faut-il voir là le mauvais souvenir laissé par la crise du 16 mai 1877 provoquée par Patrice de Mac Mahon dans les débuts de la Troisième République, qui symbolise la résistance vaine à une majorité parlementaire du bord politique opposé[3]. Sans doute le président avait-il le désir d'inscrire la gouvernance de gauche dans la tradition républicaine, tout en « usant » son principal adversaire politique.

Crispation(s)

Durant cette période de cohabitation, il y a parfois des moments de tension entre les deux têtes de l'exécutif, notamment en matière de politique extérieure et sur certains dossiers de politique intérieure. Dès la formation du gouvernement, François Mitterrand s'oppose à la nomination de certains ministres, parmi lesquels Jean Lecanuet[4] (pour le porte-feuille des Affaires étrangères), François Léotard, (pour la Défense Nationale) et Étienne Dailly (pour la Justice). En effet, la Constitution de la Vème République donne des pouvoirs constitutionnels propres au Président en ces matières (en vertu des articles 13, 14 et 15)[5]. A l'inverse, dans les autres domaines relevant du Premier Ministre, François Mitterrand nomme les 42 personnalités proposées par Jacques Chirac[1]. De même, il s'abstient de critiquer le gouvernement à l'automne 1986, quand celui-ci fait face à une période politique difficile marquée par l'attentat de la rue de Rennes à Paris et les mouvements sociaux contre la loi Devaquet.

Le président refuse par la suite de signer des ordonnances (celles sur les privatisations, sur le découpage électoral ou sur l'aménagement du temps de travail), déclenchant ainsi une controverse constitutionnelle à ce propos. Cependant, un certain équilibre institutionnel est trouvé, et la première cohabitation établit des règles non écrites qui seront respectées lors des cohabitations suivantes, permettant aux institutions de fonctionner et à la France de continuer de parler d'une seule voix sur la scène internationale. L'exemple le plus frappant des compromis qui sont trouvés concerne les conférences de presse à la suite des sommets internationaux, où François Mitterrand prétend d'abord parler seul au nom de la France ; après les protestations de Jacques Chirac, il est convenu que les conférences de presse se feraient en commun et que le président de la République et le Premier ministre répondraient à tour de rôle aux questions des journalistes.

Notes et références

  1. a et b Gilles Champagne, L'essentiel du droit constitutionnel (T. 2 Les institutions de la Vème République)., Paris, Éditions Gualino, août 2016 (16ème édition)., 192 p. (ISBN 978-2-297-05418-8), p. 65
  2. INA, « Message de François Mitterrand, lu par Jacques Chaban-Delmas. », sur Ina.fr, (consulté le )
  3. Jean-Marie Mayeur, La vie politique sous la Troisième République (1870-1940), Paris, Éditions du Point, , 447 p. (ISBN 978-2-02-006777-5), p. 60/61
  4. (en) « Mitterrand Vetoes 4 Choices by Chirac for New French Cabinet », Los Angeles Times, 20 mars 1986.
  5. Constitution Française du 4 octobre 1958, Paris, Les éditions du Journal Officiel., , 70 p. (ISBN 978-2-11-010318-5), p. 12/13

Bibliographie

  • Georges Saunier (dir.), Mitterrand, les années d'alternance. 1984-1986 et 1986-1988, Nouveau Monde, 2019.
  • Gilles Champagne, L'essentiel du droit constitutionnel, (T.2 Les institutions de la Vème République), Paris, Éditions Gualino, 16ème éditions. Septembre 2016.

Voir aussi

Articles connexes