Saint-Just Péquart

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Saint-Just Péquart
Marthe et Saint-Just Péquart à Téviec en 1928.
Muséum de Toulouse
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Saint-Just Victor Péquart né à (Saint-Laurent, - mort à Montpellier, ) est un industriel, archéologue et préhistorien français. Il a partagé ses activités entre la Lorraine et divers chantiers de fouille, principalement en Bretagne et en Ariège. Il a également été un important collectionneur d'art, notamment de l'École de Nancy dont il fréquentait les artistes. À ce titre, il fut mécène de Jules Cayette et Jean Prouvé.

Biographie[modifier | modifier le code]

Saint-Just Péquart est né en 1881 près d'Épinal au sein d'une famille bourgeoise et aisée. Son père, qui portait également le prénom de Saint-Just, était un riche entrepreneur de travaux publics. Après une scolarité effectuée à Verdun chez son oncle Victor, qui sera maire de la ville, Saint-Just Péquart suit des études de droit à Nancy, où il obtient une licence.

Il reprend alors et développe de manière considérable la quincaillerie familiale Richier-Raison, située no 81-83 bis rue Saint-Georges à Nancy. Il investit de manière importante dans les aciéries de Longwy et dans les fers à béton, technique alors nouvelle qui va connaître un grand essor, et lui assurer une fortune importante. La famille Péquart habite dans un premier temps une grande propriété à Champigneulles, La Haute Rive, puis déménage pour Les Charmettes à Laxou. Cette dernière propriété est devenue la mairie.

L'ancienne propriété Péquart à Laxou, devenue l'hôtel de ville de la commune.

Péquart côtoie également différentes personnalités politiques comme Louis Marin. En 1935, il participe à la création d'une section locale de l'Alliance démocratique[1]. Celle-ci devient en la Fédération lorraine de l'Alliance démocratique. Péquart en dirige le comité[2]. Il adhère au Parti populaire français de Jacques Doriot peu avant la Seconde Guerre mondiale[3],[4].

Collectionneur et mécène[modifier | modifier le code]

Certainement par goût personnel, et grâce aux moyens financiers dont il dispose, Saint-Just Péquart soutient de manière importante des artistes de l'École de Nancy.

En 1907, il commande à Jacques Gruber un important ensemble de salon aux orchidées, se composant d'une banquette, d'un ou de plusieurs fauteuils, d'une table à thé, d'une cheminée et d'une somptueuse vitrine aujourd'hui conservée au musée de l'École de Nancy. Vers 1908-1909, il passe commande d'une imposante bibliothèque au Grand-duc (également conservée au musée de l'École de Nancy, au premier étage) dont les vitraux ont été ultérieurement remplacés par des grilles de Jean Prouvé. C'est sans doute par ces commandes que Péquart fait la connaissance d'un jeune artiste né un an après lui : Jules Cayette. En effet, ce dernier travaille chez Gruber comme « collaborateur » à l'atelier d'ébénisterie-sculpture, Gruber n'en ayant pas lui-même les compétences techniques. Une grande amitié va naître entre les deux hommes et Péquart soutient financièrement Cayette lorsque ce dernier s'installe à son compte. Il lui passe de nombreuses commandes tout au long des années 1910 à 1930[5]. Certaines sont prestigieuses, comme un important miroir en argent, or et lapis-lazuli, aujourd'hui non localisé[6]. En 1915, Cayette réalise avec Victor Prouvé un ex-libris artistique pour Péquart[7].

Saint-Just Péquart côtoie également de manière intime la famille Prouvé. Il les héberge plusieurs mois en 1915 dans sa propriété de Champigneulles[8]. Victor Prouvé réalise plusieurs portraits de Saint-Just et Marthe Péquart, dont certains sont tirés en gravure. Péquart soutient financièrement l'installation de Jean Prouvé. Il siègera plusieurs années au conseil d'administration de la société de ce dernier. Les deux hommes se brouilleront ensuite. La tradition veut que Péquart, qui admirait avant tout l'artisanat et le « geste artistique », n'ait pas apprécié le tournant industriel que Jean Prouvé donna à sa production.

Parmi les autres artistes collectionnés par Péquart, il convient de citer les bijoutiers Séverin Ronga[9], et Jules Déon[10], les frères Mougin, Ernest Wittmann, etc. Péquart soutient aussi la broderie lorraine[11], vieille tradition de la région.

Campagnes archéologiques[modifier | modifier le code]

Sépulture de Téviec
Muséum de Toulouse

Parallèlement à ses activités de « marchand de fer », Saint-Just Péquart et son épouse Marthe se passionnent pour l'archéologie préhistorique et les bâtisseurs de mégalithes. Pendant presque vingt ans (1915-1934), à raison d'un à trois mois par an, ils fouillent le littoral sud de la Bretagne, d'abord en assistant l'archéologue breton Zacharie Le Rouzic qui les a formés, puis à partir de 1927 après une brouille avec ce dernier lors de la publication de Corpus des signes gravés des monuments mégalithiques du Morbihan qui entraîne des froissements d'amour-propre, entreprennent et financent leurs propres fouilles, pendant leurs congés[12] :

Le faon aux oiseaux
Musée de préhistoire du Mas-d'Azil

La seconde moitié des années 1930 et la période de la Seconde Guerre mondiale sont consacrées au Mas d'Azil, en AriègeHenri Breuil les encourage à reprendre les travaux d'Édouard Piette à la Grotte du Mas-d'Azil. Ils visitent alors une galerie non encore fouillée où ils découvrent un outillage et des œuvres d'art du Magdalénien.

  • 1935 : déblaiement de la rive gauche.
  • 1936 : rive gauche.
  • 1937 : rive gauche puis galerie rive droite.
  • 1938 à 1940 : rive droite.
  • 1941 à 1944 : achèvement de la rive droite, puis continuation de la rive gauche.

Parmi les principales découvertes réalisées au cours de leurs fouilles, il convient donc de citer la célèbre sépulture A du muséum de Toulouse, du Mésolithique, et le fameux propulseur dit du faon aux oiseaux, de l'époque magdalénienne.

Travaux scientifiques[modifier | modifier le code]

Si l'époque[14] permet aux riches amateurs de mener des campagnes de fouilles archéologiques, les Péquart sont loin de la seule recherche du « bel objet ». Ils opèrent avec méthode et rigueur. L'ensemble des découvertes est consigné puis publié régulièrement. Les fouilles archéologiques qu'ils effectuent dans les amas coquilliers de Téviec et de Hœdic (Morbihan) sont par exemple exposées dans leur Techniques de fouilles préhistoriques où est affirmé le caractère scientifique et novateur de leurs recherches (1928).

Parmi leurs nombreuses publications, citons :

  • Carnac, fouilles faites dans la région, campagne 1922 : tumulus de Crucuny, tertre du Manio, Tertre du Castellic (commune de Carnac). Notes techniques, avec Zacharie Le Rouzic, 1923.
  • Corpus des signes gravés des monuments mégalithiques du Morbihan, avec Z. Le Rouzic et Camille Jullian, 1927.
  • « Techniques de fouilles préhistoriques », Revue des musées et collections archéologiques, III, 1928.
  • Téviec, station-nécropole mésolithique du Morbihan, avec Marcellin Boule, 1937.
  • « Grotte du Mas d’Azil : une nouvelle galerie magdalénienne », Annales de Paléontologie, 1960.

Cet engagement scientifique vaut à Saint-Just Péquart d'être vice-président de la Société préhistorique française en 1934, puis président l'année suivante.

Avec son épouse Marthe, il fonde également l'Association lorraine d'études anthropologiques (ALEA)[15] en 1928, ainsi que les prix de la « France d’Outre-Mer » et « Faidherbe - Galliéni - Lyautey » à l'Institut colonial de l'université de Nancy.

Décès[modifier | modifier le code]

Réformé des obligations militaires pour raison de santé (pied bot), âgé (62 ans), Saint-Just Péquart se laisse cependant convaincre en 1943[réf. nécessaire] de rejoindre la milice. Les raisons et motivations de cet engagement restent mystérieuses. Peut-être par anticommunisme et fidélité au régime de Vichy. Il est peu probable, au vu de son âge et de sa condition physique, qu'il ait participé à des activités de la milice. En revanche, il est possible qu'il fut un soutien financier et « mondain ».

Péquart est arrêté début septembre 1944 puis jugé hâtivement le 8 par la « cour martiale » autoproclamée de Montpellier. Cette dernière ordonne son exécution et, au mépris des ordres de De Gaulle ordonnant la suspension de toutes les exécutions, Péquart est fusillé le [16]. De nombreux éléments laissent croire à un procès expéditif et sommaire[17]. Ce passé collaborationniste jette une ombre sur ses recherches pendant des décennies[4].

La dépouille de Péquart fut inhumée dans le carré militaire de Montpellier[18], ce qui semble paradoxal.

Distinctions et décorations[modifier | modifier le code]

Postérité[modifier | modifier le code]

Le nom des Péquart est gravé sur la plaque des bienfaiteurs du musée de Carnac.

Des expositions ont été consacrées aux Péquart, en tant qu'archéologues :

Des salles sont actuellement consacrées aux Péquart et à leurs fouilles (méthodes, découvertes) au musée de Carnac.

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Document utilisé pour la rédaction de l’article : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

  • H. Delporte, É. Piette : histoire de l'art primitif, 1987, p. 275.
  • Étienne Martin, Saint-Just Péquart (1881-1944), mécène et collectionneur, mémoire de master CIMMEC, mention histoire de l'art, Nancy : Université Nancy 2, 2007, 124 p. Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • Collectif, Marthe et Saint-Just Péquart, archéologues des îles Houat 1923 – Hoedic 1934, Melvan, La Revue des deux îles, 4 (2007). L'entier numéro annuel de cette revue est consacré aux Péquart[19].
  • Ève Gran-Aymerich, Les chercheurs de passé, Éditions du CNRS, 2007, p. 1045. Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • Étienne Martin, « L'Association lorraine d'études anthropologiques (ALEA) (1928-1939) », Le Pays Lorrain, 90 (2009), p. 71-73.
  • Étienne Martin, « Saint-Just Péquart (1881-1944), bibliophile lorrain », Le Pays Lorrain, 91 (2010), p. 251-256.
  • L'étrange destin des Péquart, La Dépêche du Midi du .
  • Emmanuelle Vigier, « Les Péquart, à la mer et sous la terre - Les fouilles de Téviec, d'Hoedic, du Mas-d'Azil et leurs liens avec l'Institut de paléontologie humaine », Cent ans de préhistoire, l'Institut de paléontologie humaine, Paris : CNRS éditions, 2011, p. 173-186.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Anonyme, Fédération lorraine de l'Alliance démocratique, L'Est républicain, 21 décembre 1935, p. 5
  2. Y figurent également deux conseillers généraux : Édouard Fenal, conseiller général républicain de gauche de Badonviller et Charles Jourdain, conseiller général URD de Toul-Nord, et des conseillers municipaux de Nancy : Jean Lionel-Pèlerin, vice-président de la Fédération, adjoint au maire, futur sénateur après la guerre, Delagoutte et Camille Mosser, élus en 1935 (commerçant nancéien, ancien combattant, membre de l'association des officiers de réserve de Nancy, cadre d'associations d'anciens combattants, Croix-de-feu puis membre et militant actif du Parti social français, résistant et futur conseiller municipal après la Seconde Guerre mondiale), ainsi que des notables : le président et le vice-président du Comité du commerce et de l'industrie, Louis Spillmann, doyen de la faculté de médecine, Henri Lalouel, professeur à la Faculté de droit et proche du couple Péquart. Mais son activité est inexistante et la Fédération, malgré quelques velléités, n'a présenté aucun candidat en 1936. Cf. J.-F. Colas, Les droites nationales en Lorraine dans les années 1930 : acteurs, organisations, réseaux, thèse de doctorat, Université de Paris X-Nanterre, 2002.
  3. Yves-Marie Evanno, « Les époux Péquart, des archéologues lorrains dans le Morbihan », sur enenvor.fr (consulté le ). Evanno ne source cependant pas cette information dans ses écrits.
  4. a et b Boris Valentin, « Marthe et Saint-Just Péquart, archéologues des îles. De Houat à Hoedi, 1923-1934 [compte-rendu] », Bulletin de la Société préhistorique française, t. 104, no 4,‎ , p. 836 (lire en ligne).
  5. Étienne Martin, Jules Cayette, 1882-1953, créateur d'art à Nancy, Metz, éditions Serpenoise, 2011, p. 34-37.
  6. Étienne Martin,Bijoux Art Nouveau, Nancy 1890-1920, Strasbourg, éditions du Quotidien, 2015, p. 15.
  7. A. de Mahuet et Ed. des Robert, Complément de l'Essai de Répertoire des Ex-libris et Fers de Reliure des Bibliophiles Lorrains, Saint-Amand, imprimerie A. Clerc, 1933, p. 142. Étienne Martin, Jules Cayette, 1882-1953, créateur d'art à Nancy, Metz, éditions Serpenoise, 2011, p. 49.
  8. M.Prouvé, Victor Prouvé, Nancy, Berger-Levrault, 1958, p. 138.
  9. Étienne Martin,Bijoux Art Nouveau, Nancy 1890-1920, Strasbourg, éditions du Quotidien, 2015, p. 136-137.
  10. Étienne Martin,Bijoux Art Nouveau, Nancy 1890-1920, Strasbourg, éditions du Quotidien, 2015, p. 76-79.
  11. Étienne Martin et Denise Bloch, Zoom sur l'Art Nouveau, un autre regard sur des Trésors méconnus de l'École de Nancy, Nancy : éditions Zoom, 2015, p. 70-73.
  12. Claude Cercamon, « Marthe et Saint-Just Péquart, archéologues des îles du sud de la Bretagne », L'Archéologue, no 98,‎ , p. 44-47
  13. MYSTÈRE. Tué de 2 flèches plantées dans le dos, qui était K6 ? Sur l'île de Téviec, l'énigme demeure
  14. avant la fameuse loi du 27 septembre 1941 (loi Carcopino) portant réglementation des fouilles archéologiques.
  15. Étienne Martin, « Saint-Just Péquart (1881-1944), bibliophile lorrain », Le Pays lorrain, 91 (2010), p. 251-256. L'ALEA édite un bulletin annuel.
  16. Bulletin de la Société Préhistorique française, 10 (1944), rapport de la séance du 26 octobre 1944 - section Nécrologie.
  17. Étienne Martin, Saint-Just Péquart (1881-1944), mécène et collectionneur, mémoire de master CIMMEC, mention histoire de l'art, Nancy : Université Nancy 2, 2007, p. 50-52.
  18. Péquart repose aujourd'hui au cimetière de Saint-Brieuc.
  19. Détail et sommaire de la revue sur le site de l'association Melvan

Liens externes[modifier | modifier le code]