Ostréiculture

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L’ostréiculture est l'élevage d’huîtres fertilisées dans des parcs. Pour accéder aux parcs, les ostréiculteurs utilisent des bateaux ostréicoles ou de grands chalands à fond plat en aluminium appelés les « plates ».

Histoire de l'huître

Depuis la Préhistoire, l’homme du littoral se nourrissait d’huîtres sauvages. Les Romains étaient très friands d’huîtres plates. Louis XIV était un grand amateur des plates de l’estuaire de la Seudre.

Utilisation de tuiles (gravure de 1881)

L'élevage des huîtres existe depuis plusieurs siècles, pour faire face à la régression des bancs naturels. En témoigne l'une des planches illustrant l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert présentant les « claires » ou « parcs à verdir les huîtres »[1].

Sous le Second Empire, les huîtres connurent un tel succès sur les tables averties qu'en 1852, donnant suite à un rapport alarmiste du ministère de l'agriculture et du commerce relatif à la chute de la production des gisements naturels d'huîtres, l’administration maritime a dû réglementer la drague qui n'était autorisée que du 1er septembre au 30 avril, du lever au coucher du soleil. Bateau à fond plat "Chalant" Napoléon III fit nommer Victor Coste à la tête d'une émission chargée d'aller voir et de comparer les méthodes utilisées pour capturer et élever les huîtres sur les côtes de France et d'Italie. Victor Coste allait devenir le père fondateur de l'ostréiculture moderne en créant les premiers parcs à huîtres. Nommé inspecteur général des pêches maritimes, poste qui sera supprimé à sa mort, il développe ainsi des expériences d'huîtrières artificielles, notamment à Arcachon en 1859. Il crée également, la même année, la station marine de Concarneau. De nombreuses missions scientifiques à l'étranger et échanges entre savants ont alors lieu à propos de l'ostréiculture [2]. Ainsi, en 1864, le naturaliste Franck Buckland visite les installations de Coste, afin de les transplanter à Herne Bay,suivi, en 1868, d'une mission du Board of Trade britannique [2]. En 1877, le zoologiste Karl Möbius essaiera ensuite d'implanter ces méthodes dans le Schleswig-Holstein [2]. En 1884, le professeur P.C.C. Hoek publie un rapport sur l'ostréiculture dans l'embouchure de l'Escaut, qui comprend des références aux expériences étrangères [2]. Enfin, Rodolfo Allodi est chargé par le gouvernement de Trieste d'une enquête sur l'ostréiculture française [2],[3]. Ces échanges sont favorisés par les revues scientifiques (Revue Maritime et Coloniale, Bulletin of Fish and Fisheries commission, revue de la Société impériale d'acclimatation) ou de vulgarisation (La Nature)[2].

À l'époque, les cabanes en bois des ostréiculteurs servaient à entreposer le matériel et à vendre leur production, en vrac ou en gros.

Le peintre Jacques-Eugène Feyen, lorrain et parisien, qui passa ses étés à Cancale de 1869 à sa mort en 1908, a abondamment présenté le travail des pêcheurs et des glaneuses d'huîtres dans des tableaux toujours recherchés.

Métier

Parcs d'élevage ou « claires », traditionnelles à Étaules
Parcs d'élevage ou « claires », maçonnées sur l'Île d'Oléron
Bateaux ostréicoles à l'amarre sur la rivière de Crac'h (La Trinité-sur-Mer, Morbihan)
Chaland chargé de poches d'huîtres, Chaillevette, Charente-Maritime
Cabanes d'ostréiculteurs
Poches d'huîtres sur une plage de Fouras

Captage

Les ostréiculteurs captent les larves après la ponte à l’aide de collecteurs sur lesquels ils se fixent : tuiles romaines chaulées, chapelets d’ardoises bois, fer, tubes cannelés ou coupelles en plastique (inférieures à 6 mois)

Ces larves ne peuvent nager que verticalement et sont donc dispersées par les courants. Après 3 semaines de vie planctonique, elles vont chercher à se fixer sur un support et devenir des « huîtres vraies » d'un point de vue morphologique. À ce stade, elles sont dénommées « naissain ». Après 18 mois, les ostréiculteurs retirent les jeunes huîtres de ces supports et les transportent dans leurs bateaux à fond plat appelés « plates » jusqu’aux parcs d’élevage.

Élevage

L'ostréiculture actuelle dénombre quatre techniques d'élevage principales selon la nature du sol, le coefficient des marées :

  • en suspension sous tables d'élevage (en Méditerranée)
  • « à plat » : au sol émergent (huîtres semées sur l'estran, puis récoltées par dragage). Technique en déclin en raison du taux de mortalité (prédation par l'étoile de mer, la daurade, le bigorneau-perceur et l'huîtrier-pie[4])
  • en eau profonde (huîtres immergées totalement dans des cages).
  • en surélevé (huîtres installées dans des poches placées sur sur une structure — table, cadre ou tréteau — et élevées dans des parcs de l'estran)

Les jeunes huîtres sont de nos jours le plus souvent réparties dans des poches (sacs constitués de grillage plastique) et disposées sur l'estran sur des tables (structures métalliques) ou parfois encore semées à la volée sur le sol[5]. Ces tables doivent être judicieusement disposées, car elles peuvent modifier le régime hydrosédimentaire[6].
Le travail de l'ostréiculteur consiste à retourner les poches, afin que toutes les huîtres puissent croître dans de bonnes conditions et avec une forme régulière, et à nettoyer ces poches pour que l'eau de mer y circule bien. Après une période plus ou moins longue suivant la richesse de l'eau, les huîtres sont triées par catégorie de poids (calibrage).

Sur le littoral charentais ou vendéen, elles peuvent être affinées en claires, bassins en argile alimentés par un mélange d'eau de mer et d'eau douce, où elles prennent une couleur verte (verdissement).

En Normandie, les huîtres sont affinées sur les parcs situés en haut de l'estran où l'influence des marées est plus importante : ainsi les huîtres prennent leur goût spécifique et s'habituent à être exondées.

L'ostréiculture se pratique d'une manière différente dans les étangs de la Méditerranée (étang de Thau, étang de Leucate). L'élevage est vertical au lieu d'être horizontal. La Méditerranée ne connaissant pas de système de marée, l'immersion est permanente. L'ostréiculture est pratiquée sur tables d'élevage.

  • Les naissains sont suspendus à des cordes à trois torons qui plongent dans l'eau, ce sont les huîtres « détroquées ».
  • Une autre méthode consiste à fixer les petites huîtres sur des cordes de nylon de 3 ou 4 mètres de long avec un peu de ciment. Autrefois on utilisait des barres de bois de palétuvier. Elles seront ainsi plus soignées, plus belles, et se vendront plus cher, ce sont les huîtres « collées ».

Affinage

Les huîtres adultes sont placées dans des bassins d'affinage dits « claires »[7] dans le but de modifier les qualités organoleptiques, la taille ou la couleur de l'huître ou encore la dureté de la coquille. Elles y prennent une couleur verte grâce à une alimentation composée notamment de navicules bleues (Haslea ostrearia), une diatomée (microalgue unicellulaire, composant du phytoplancton) produisant ce pigment bleu-vert appelé marennine.

Le parc d'affinage est situé en mer, sur la côte ou sur l'estran le plus proche de la côte (aber, ria, fond de baie, anciens marais salants, etc).

Les ostréiculteurs mettent les huîtres à dégorger dans des bassins de décantation pour expulser la vase et le sable. Certains ont installé un injecteur d'oxygène pour lutter contre certains plancton et bactéries toxiques ou pathogènes (qui remontent alors en écume, facile à retirer).

Puis les huîtres sont mises en bourriches pour être expédiées, après contrôle sanitaire, aux restaurateurs, aux particuliers sur place, aux marchés ou aux poissonniers.

Marché ostréicole

Les Chinois sont les premiers consommateurs et producteurs d'huîtres avec 3,7 millions de tonnes produites en 2005, soit 80% du marché mondial. Suivent ensuite la Corée du Sud (241 000 tonnes), le Japon (210 000 tonnes), les États-Unis (129 000 tonnes) et la France (105 000 tonnes). L'huître creuse (aussi appelée huître japonaise) Crassostrea gigas représente 93 % du marché ostréicole mondial et 98 % du marché français[8].

Le marché français représente 90 % de la production européenne. L’ostréiculture française constitue 65 % de la production conchylicole. 950 entreprises ostréicoles emploient 17 800 salariés[9]. Longtemps issue du captage naturel, la reproduction des huîtres se fait de plus en plus en écloserie, les huîtres triploïdes constituant 50 % de la production française en 2014 selon le Syndicat conchylicole national[10].

Interactions avec l'environnement

Les huîtres se nourrissent en filtrant l'eau. Elles peuvent donc s'intoxiquer, notamment au stade larvaire, dans une eau polluée (par exemple par le cuivre ou les organoétains toxiques libérés dans l'eau de mer par certains antifoulings[11]. L'acidification des océans dû aux émissions humaines excessives de gaz carbonique dans l'air commence aussi à poser des problèmes aux larves qui dans une eau trop acide ne peuvent plus normalement synthétiser leur coquille larvaire (dite « prodissoconque »).

Elle peuvent aussi modifiant l'écosystème quand elles y sont artificiellement introduites. Comme la conchyliculture en général, et comme l'élevage de moules à grande échelle en particulier[12], les installations d'élevage quand elles sont de taille importante peuvent notamment localement modifier la vitesse des courants et la dynamique sédimentaire[13]. Ces effets sédimentaires et de biodéposition peuvent se faire sentir de manière exacerbée[14] dans les zones faiblement profondes où la sédimentation est active comme dans la Baie du Mont Saint-Michel[15].

Effets économiques positifs et négatifs de l'élevage et de la sélection

Les importations de souches étrangères d'huitres ont été causes d'importations de parasites qui ont décimé les populations françaises naturelles et l'élevage à partir de larves d'huîtres en écloserie, s'il permet des gains de productivité et une standardisation de la production, est également source de perte de diversité génétique, de risque de dérive génétique et d'un déficit de sélection naturelle qui peut à long terme conduire à un affaiblissement des populations[16].

L'ostréiculture en images

Voir aussi

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Articles connexes

Liens externes

Bibliographie

  • Au rythme des marées, l'ostréiculture en Marennes-Oléron : de Guy Kunz-Jacques
  • Simon, C.A. 2011. Polydora and Dipolydora (Polychaeta: Spionidae) associated with molluscs on the south coast of South Africa, with descriptions of two new species. African Invertebrates 52 (1): 39-50.[1]

Notes et références

  1. Voir l'illustration de l'encyclopédie (éditée de 1751 à 1772)
  2. a b c d e et f Olivier Levasseur, docteur en histoire, chercheur associé, Muséum d’histoire naturelle, Les échanges scientifiques, vecteurs du développement des aquacultures marines au XIXe siècle. Résumé de la communication donnée au colloque ESEH d’Amsterdam, juin 2007 in Bulletin d'histoire environnementale n°1 de l'ENS-Lyon
  3. Rodolfo Allodi, L'ostricoltura e mitilicoltura in Francia, Stab. art. tip. G. Caprin, 1890, 67 p. , numérisé en 2008 par Harvard University Press, [lire en ligne]
  4. Claude Faurie, Écologie. Approche scientifique et pratique, Lavoisier, , p. 382
  5. ORTF, « l4élevage des huitres dans le Finistère », L'Ouest en mémoire (INA), (consulté le )
  6. Youen Kervella, Grégory Germain, Benoît Gaurier, Florence Cayocca, Patrick Lesueur Caractérisation numérique et expérimentale des perturbations engendrées par la présence de tables ostréicoles, revue Paralia (pp. 95-104) DOI:10.5150/jngcgc.2010.012-K (Accéder à l'article)
  7. Une claire est un bassin peu profond, creusé dans un sol argileux et alimenté naturellement en eau de mer, dans lequel les huîtres qui ont été retirées des parcs du rivage, verdissent et prennent de la saveur. Par métonymie, le terme est parfois utilisé pour désigner les huîtres de claire elles-mêmes.
  8. « Huîtres : la Chine domine le marché mondial », Cultures MARINES, no 197,‎ , p. 31
  9. Catherine Le Brech, « Requiem pour une huître », sur francetvinfo.fr,
  10. « L’huître naturelle devient une perle rare », sur Rue89,
  11. Anger, J. P. (2001). L'étain et les organoétains dans l'environnement. In Annales de toxicologie analytique (Vol. 13, No. 3, pp. 196-202). EDP Sciences.(résumé)
  12. Plew DR, C.L. Stevens, R.H. Spigel and N.D. Hartstein (2005), Hydrodynamic implications of large offshore mussel farms, IEEE J. Oceanic Eng. 30 (1), pp. 95–108.
  13. Kervella Y. (2010), Impact des installations ostréicoles sur l’hydrodynamique et la dynamique sédimentaire, thèse de l’université de Caen, pp324.
  14. Sornin, 1981. Processus sédimentaires et de biodéposition liés à différents modes de conchyliculture, thèse de l’Institut des Sciences de la Nature de l’Université de Nantes, 188 pp.
  15. SeaMER, 2000. Étude d’impact de la restructuration conchylicole en baie du Mont Saint-Michel, étude courantologique et sédimentologique, rapport SRC Bretagne Nord, 41 pp.
  16. Taris, N., Sauvage, C., Batista, F., Baron, S., Ernande, B., Haffray, P., & Boudry, P. (2006). Conséquences génétiques de la production de larves d'huîtres en écloserie: étude des processus de dérive et de sélection. In 6eme colloque national La Rochelle, 2-4 octobre 2006 Les actes du colloque (archives Ifremer)