Obusier de 400 mm

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Obusier de 400 mm
Image illustrative de l'article Obusier de 400 mm
Caractéristiques de service
Type artillerie lourde sur voie ferrée
Service 1916-1942
Utilisateurs Drapeau de la France France
Drapeau des États-Unis États-Unis
Drapeau de l'Allemagne nazie Reich allemand
Conflits Première Guerre mondiale
Seconde Guerre mondiale
Production
Année de conception 1915
Constructeur Saint-Chamond
Production 1916-1918
Exemplaires produits 8 modèle 1915
et 4 modèle 1916
Caractéristiques générales
Poids du canon seul 47 500 kg
Poids du canon et de l'affût 137 000 kg
Longueur du canon seul 10,65 m
Longueur en calibre 25
Longueur du canon et de l'affût 19,06 m
Support affût-truck à dix essieux
Calibre 400 mm
Cadence de tir min/coups
Vitesse initiale 465 à 530 m/s
Portée pratique 13 à 14 km[1]
Portée maximale 16 km
Munitions obus explosifs avec gargousses
Durée de vie théoriquement 1 000 coups
Hausse 15 à 65°
Azimut 12°
Pas de rayure 7° à droite (120 rayures)

L'obusier de 400 mm est une pièce d'artillerie lourde sur voie ferrée de l'Armée française utilisée pendant la Première Guerre mondiale pour détruire les positions puissamment fortifiées. Ce fut le plus gros calibre armant l'artillerie française.

Deux modèles de ces obusiers furent produits : d'une part les huit 400 mm modèle 1915 sur affût à berceau qui frappèrent les retranchements allemands sur la Somme, à Verdun et près de Reims en 1916-1917, d'autre part les quatre 400 mm modèle 1916 sur affût à berceau qui furent livrés à l'automne 1918 et donc furent peu employés. Ils furent de nouveau mobilisés en 1940, pour être tous capturés ou livrés. L'Armée allemande les envoya tirer sur le front de l'Est.

Conception[modifier | modifier le code]

Deux mois après le début de la Première Guerre mondiale, le front occidental se fige et les troupes s'enterrent. Dans cette guerre de tranchées s'apparentant à une gigantesque guerre de siège, l'artillerie lourde prend subitement un rôle considérable. En France, après avoir déployé le long du front l'artillerie des places (la « barrière de Bange ») et l'artillerie côtière, on envisage d'utiliser à leur tour les énormes canons de marine pour former l'« artillerie lourde à grande puissance » (ALGP).

Le , à la demande du GQG français, le ministère de la Guerre passe commande de huit pièces d'artillerie au calibre 400 mm : cette arme très puissante est destinée à frapper les points les mieux retranchés du front allemand. Il s'agit d'avoir une sorte d'équivalent français des obusiers de 420 mm allemands (grosse Bertha) qui avaient fait leurs preuves contre les forts belges de Liège et ceux français de Maubeuge et de Manonviller. Pour gagner du temps sur la période d'étude et de mise au point, il fut décidé d'utiliser des gros canons déjà existant pris sur des navires désarmés.

Étant donné la masse considérable du tube, dépassant largement les capacités de transport des attelages hippomobiles et même des gros tracteurs d'artillerie, les concepteurs font le choix de l'affût-truck (c'est-à-dire un wagon spécial). Plutôt qu'utiliser le freinage le long de la voie ferrée pour supporter le recul (tel que sur un « affût à glissement ») et pour permettre un champ de tir jusqu'à 65° en vertical, la méthode de l'« affût en berceau » fut privilégiée, nécessitant la construction pour chaque position de tir d'une plateforme au-dessus d'une fosse[2]. Le résultat est une arme coûteuse (d'autant que les matières premières manquent), dépendante du réseau ferroviaire, difficile à mettre en position (il faut deux jours pour construire la plateforme de tir, plus une heure pour mettre en batterie), avec une cadence de tir lente, d'une portée assez moyenne pour l'époque (vitesse initiale modeste et angle de tir élevé), mais avec une très bonne précision et surtout un énorme pouvoir de destruction des ouvrages fortifiés.

Production[modifier | modifier le code]

Pour répondre à cette commande, la Compagnie des forges et aciéries de la marine et d'Homécourt (plus connue par son principal site de production : Saint-Chamond) réutilise les canons de 340 mm modèle 1887 construit par la fonderie de Ruelle pour le cuirassé Brennus, ainsi que pour les garde-côtes Valmy et Jemmapes, trois unités désarmées car périmées. Six de ces tubes sont raccourcis et réalésés au calibre 400 mm pendant l'année 1915, puis trois autres au début de 1916. Sur ces neuf tubes, huit sont montés chacun sur un affût-truck, c'est-à-dire un wagon-poutre monté sur deux bogies, l'un avec six essieux à l'avant et l'autre avec quatre à l'arrière ; le neuvième tube sert de pièce d'essai sur le polygone de tir de Gâvres[3].

Une seconde commande est passée en pour quatre autres exemplaires et trois tubes de rechange. Saint-Chamond utilise cette fois-ci des canons de 340 mm modèle 1912 qui devaient servir à armer les cuirassés de la classe Normandie, navires jamais terminés[4]. Les deux modèles ont les mêmes caractéristiques et tirent les mêmes projectiles. En cas d'usure importante du tube, un réalésage était prévu au calibre 415 mm, mais ces pièces ne furent pas utilisées de façon intensive[5].

Organisation des batteries[modifier | modifier le code]

Les obusiers de 400 mm armèrent en 1916 quatre puis en 1918 six batteries, chacune armée avec deux pièces. Chacune de ces pièces se déplace sous forme d'un train de 11 wagons et 260 mètres de long, composé d'une locomotive, d'un affût-truck, d'un wagon aux armements, d'un wagon plateforme, d'un wagon à combustibles, de wagons à personnel et de wagons à munitions (à raison de 12 coups chacun).

Chaque batterie est commandée par un capitaine d'artillerie, avec un lieutenant pour adjoint et un effectif total de 125 hommes[6].

Emplois[modifier | modifier le code]

Première Guerre mondiale[modifier | modifier le code]

Pièce en position de tir dans le ravin d'Harbonnières, pendant la bataille de la Somme, le .
Pièce du 53e régiment d'artillerie côtière américain au nord de Mailly-le-Camp le .

Le premier emploi des obusiers de 400 mm fut pendant les derniers jours de la préparation d'artillerie de la bataille de la Somme. À partir du , ils pilonnèrent le ravin de Morcourt et réduisirent en ruines les villages fortifiés d'Herbécourt, Estrées et Belloy-en-Santerre[7]. Deux obusiers (ceux de la 77e batterie du 3e régiment d'artillerie à pied) furent ensuite déployés à Baleycourt dans le cadre de la bataille de Verdun pour participer à la préparation de la contre-offensive française à partir du , frappant le fort de Douaumont puis celui de Vaux. Le 23, sur la cinquantaine d'énormes obus français frappant ce fort, six perforent les mètres de béton, de terre et de maçonnerie : le premier explose dans l'infirmerie ; un autre dans le couloir ; trois autres défoncent chacun une casemate de la caserne ; un dernier atteint un dépôt du génie, déclenchant un incendie. Les explosions et les gaz toxiques obligent la garnison allemande à évacuer le fort, permettant aux Français de le réoccuper le lendemain[8].

En , l'offensive française sur le Chemin des Dames s'accompagne d'attaques au nord de Reims. La préparation d'artillerie frappe notamment les forts de Brimont, de Witry-lès-Reims et de Berru[9], ainsi que les tunnels et abris sous le mont Cornillet et le Mont-sans-nom. Le , un des obus de 400 mm, tirés de Mourmelon-le-Petit, tombe dans une des cheminées d'aération du mont Cornillet et explose dans la galerie : plus de 400 Allemands moururent de l'explosion, d'asphyxie ou lors de la panique.

Quatre obusiers de 400 tirèrent pour préparer l'offensive française d'août 1917 sur la rive gauche du champ de bataille de Verdun, visant les entrées du Kronprinz Tunnel près du Mort-Homme.

Les obusiers sont encore utilisés pour l'attaque de la Malmaison, frappant à partir du les creutes et les galeries souterraines des carrières aménagées en abris par les troupes allemandes.

Le 53e régiment d'artillerie côtière (en) américain reçoit également en 1918 deux des obusiers de 400.

Seconde Guerre mondiale[modifier | modifier le code]

En 1939, les obusiers de 400 mm sont remis en état et réaffectés à des batteries. Les unités de l'ALVF sont déployées comme artillerie d'armée sur des positions aménagées derrière les secteurs les plus puissants de la ligne Maginot (en Lorraine et en Alsace), mais aucun tir n'est effectué[réf. nécessaire], faute d'objectif assez fortifié pour justifier d'être pilonné par les 400 mm. En , plusieurs pièces sont capturées par les troupes allemandes à cause des coupures du réseau ferré ; les autres sont livrées après l'armistice[10].

Les obusiers de 400 mm furent renommés par les Allemands 40 cm Haubitze (Eisenbahn) 752 (f). Deux batteries (no 693 et 696) furent constituées avec trois pièces chacune et engagées lors du siège de Léningrad[11].

D'autres pièces encore plus imposantes furent montées sur voie ferrée. En fut lancée l'étude d'une pièce française encore plus puissante, l'obusier de 520 mm modèle 1916 sur affût à glissement (en), dont le développement était confié à Schneider et dura jusqu'à la fin de la guerre, empêchant son emploi sur le front ; deux de ces obusiers furent construits, le premier explosa le lors d'un essai à Saint-Pierre-Quiberon, le second renommé par les Allemands « 52 cm Haubitze (Eisenbahn) 871 (f) » fit de même le près de Léningrad (ces restes furent capturés par les Soviétiques en ). Pour la Seconde Guerre mondiale, les Britanniques réutilisèrent deux pièces de marine de 18 pouces (soit 457,2 mm) sur voie ferrée, les Allemands le 80 cm Kanone (E) Schwerer Gustav et les Soviétiques des tubes de 406 et 500 mm.

Références[modifier | modifier le code]

  1. Général Guy François, « Obusier de 400 en Champagne 1917 », sur pages14-18.mesdiscussions.net, .
  2. « Le matériel de l’ALVF », sur basart.artillerie.asso.fr.
  3. Général Guy François, Les Canons de la Victoire 1914-1918, t. 2 : L'Artillerie lourde à grande puissance, Paris, Histoire et Collections, coll. « Les matériels de l'armée française » (no 4), (réimpr. 2015), 66 p. (ISBN 978-2-35250-085-8 et 978-2-35250-408-5), p. 52.
  4. François 2008, p. 53.
  5. « Canon de 400mm modèle 1916 à berceau », sur thebebert1er.free.fr.
  6. « obusier de 400mm sur affut truc », sur forest.frenchboard.com.
  7. François 2008, p. 22.
  8. « Le fort de Douaumont », sur www.lesfrancaisaverdun-1916.fr.
  9. « L'obus de 400 mm », sur www.lignemaginot.com.
  10. Stéphane Ferrard, France 1940 : l'armement terrestre, Boulogne, ETAI, , 239 p. (ISBN 2-7268-8380-X), p. 222.
  11. (nl) « Obusier de 400mm modele 1915-1916 sur affut à berceau Saint-Chamont », sur www.forumeerstewereldoorlog.nl.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

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Articles connexes[modifier | modifier le code]