Lakecia Benjamin

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Lakecia Benjamin
une Noire-Américaine avec un saxophone.
Lakecia Benjamin en 2018.
Biographie
Naissance
Nationalité
Formation
Activités
Saxophoniste de jazz, musicienne de jazzVoir et modifier les données sur Wikidata
Autres informations
Instrument
Labels
Motéma Music, Ropeadope Records (en), Whirlwind Recordings (en)Voir et modifier les données sur Wikidata
Genre artistique
Site web

Lakecia Benjamin est une saxophoniste, compositrice et enseignante américaine vivant à New York.

Elle joue aux côtés de Missy Elliott, d'Alicia Keys ou de Stevie Wonder. Ses premiers albums proposent une musique jazz-funk et soul. En 2020, l'album Pursuance: The Coltranes rend hommage à Alice et John Coltrane. Après un grave accident de voiture, elle revient en 2023 avec un album intitulé Phoenix.

Biographie[modifier | modifier le code]

Jeunesse[modifier | modifier le code]

Lakecia Benjamin nait et grandit à New York, dans le quartier dominicain de Washington Heights[1]. Elle grandit dans une grande famille, chaque génération écoutant une musique différente : son arrière-grand-mère écoute du ragtime, sa grand-mère Mahalia Jackson et sa mère Biggie Smalls et Wu-Tang Clan[2]. Le quartier résonne également du son de la salsa et du merengue, musique que Lakecia commence par jouer[3],[4].

Elle joue de la flûte à bec de l'école primaire, et commence à écrire des chansons[1]. Elle est attirée par le saxophone alto avant même de vraiment savoir ce que c'est. Elle obtient son premier instrument à 11 ans en poussant un camarade de classe à passer de la musique à l'art, une transaction qui implique probablement « quelques Oreos »[5],[6].

À l'âge de 14 ans, elle quitte la maison familiale, et trouve sa maigre subsistance grâce à des petits engagements et concerts[4].

Lors de l'audition pour entrer à la Fiorello H. LaGuardia High School of Music & Art and Performing Arts, le directeur musical Bob Stewart indique à Lakecia Benjamin, qui n'a que des influences dominicaines, qu'elle joue « les bonnes notes mais dans le mauvais style »[4]. Après avoir travaillé, sur les conseils de Stewart, le répertoire de Charlie Parker, Duke Ellington ou Charles Mingus, elle parvient à être acceptée dans l'établissement[4].

Elle continue son apprentissage de l'instrument à la New School University, auprès de Billy Harper, Reggie Workman, Buster Williams et Gary Bartz, un mentor qui améliore sa technique tout en l'initiant au jazz[1].

Début de carrière[modifier | modifier le code]

Lakecia Benjamin joue dans les Young Titans of Jazz de Clark Terry, et avec qui elle participe à l'enregistrement de Live at Marians en 2005[1]. Elle joue également dans des formations de Reggie Workman[1].

Dans ses débuts, elle peine à assurer sa subsistance, et prend l'habitude de monter sur scène sans y être invitée pour prendre un solo, afin qu'on la remarque[7],[2]. Un jour, elle se fait héler dans la rue par quelqu'un qui lui propose de jouer avec Missy Elliott. Persuadée qu'il s'agit d'un traquenard, elle se rend quand même à la répétition. Elle joue avec le groupe, Missy Elliott l'entend, et finit par l'engager[7]. Elle joue également avec Lil Wayne, Jay-Z, J. Cole et Alicia Keys, ce qui élargit ses horizons[1],[2].

En 2008, elle joue lors du bal d'investiture de Barack Obama, et enchaine dans la même journée un concert imprévu aux côtés de Stevie Wonder[2]. Trois mois plus tard, ce dernier l'appelle pour lui proposer de l'accompagner pour une tournée[2],[7].

Carrière en leadeuse[modifier | modifier le code]

une Noire-Américaine avec des grosses lunettes joue du saxophone
Lakecia Benjamin à Oslo en 2022.

Inspirée par son expérience auprès des chanteuses comme Missy Elliott et Alicia Keys, le premier album de Lakecia Benjamin comme leader, Retox, paru en 2012, propose des reprises de morceaux soul et funk, ainsi que des compositions originales. On y entend plusieurs chanteurs et rappeurs, et sur certains morceaux on n'entend pas de saxophone : Benjamin explique ne pas vouloir être perçue seulement comme une instrumentiste, mais également comme une cheffe d'orchestre et une arrangeuse[1],[8],[9].

En , sa petite sœur Jenee meurt à l'âge de 22 ans, ce qui pousse Lakecia Benjamin à s'interroger en profondeur sur ses buts et ses choix[10].

Sa réputation de musicienne sérieuse et novatrice grandit dans le milieu, et elle devient une sidewoman et arrangeuse recherchée. Elle participe à une tournée de Rashied Ali, l'ancien batteur de John Coltrane, ainsi qu'avec le big band de David Murray, la chanteuse Vanessa Rubin, le guitariste James Blood Ulmer ou Anita Baker[1].

En 2015, elle participe au groupe all-star, aux côtés de Marcus Miller, Christian McBride, Malcolm-Jamal Warner et Lonnie Plaxico, qui accompagne la chanteuse Charenee Wade (en) sur son album Offering: The Music of Gil Scott-Heron and Brian Jackson (Motéma)[1].

Elle joue aux côtés de Stevie Wonder et DJ Spinna sur le dernier titre de Everything's Beautiful, paru en 2016, album sur lequel Robert Glasper réinvente la musique de Miles Davis[1].

Sur Rise Up (2018), elle s'adonne à des jams jazz-funk rappelant Prince, sur lequel on entend chanteurs et rappeurs[1]. Elle accompagne ensuite Gregory Porter, travaille avec Terri Lyne Carrington, et écrit des arrangements pour l'acteur Craig Robinson[1].

Avec son troisième album Pursuance: The Coltranes, paru en 2020, elle renoue avec le jazz. Elle y réinterprète de façon personnelle des compositions d'Alice et de John Coltrane : une amie lui a d'abord fait écouter la musique d'Alice Coltrane, avant que Benjamin, lisant le nom de John Coltrane dans un livret d'album, se demande si la musicienne avait un frère[11],[12]. Sur Pursuance, Benjamin est notamment accompagnée de Reggie Workman, contrebassiste des deux Coltrane, ainsi que de Marcus Strickland, Greg Osby, Meshell Ndegeocello , The Last Poets ou Regina Carter[13]. Bien qu'il soit sorti en pleine pandémie de Covid-19, l'album reçoit un bon accueil critique et public[1],[7],[3],[12],[14],[15],[16].

En , à l'occasion du Mid-Atlantic Jazz Festival, elle participe à un concert intitulé « The Alto Madness Summit » (« Le Sommet de la folie de l'alto ») aux côtés de Sharel Cassity (en) et Tia Fuller[17].

Accident de voiture[modifier | modifier le code]

À la mi-septembre 2021, alors qu'elle rentre d'un concert à Cleveland en écoutant Kenny Garrett, sa voiture sort de l'autoroute, s'écrase dans un bois et se retrouve à l'envers dans un fossé. Elle subit de nombreuses blessures graves : trois côtes cassées, l'omoplate droite cassée en deux, un tympan perforé et la mâchoire brisée, ce qui aurait pu compromettre sa capacité à jouer du saxophone[7],[2]. Elle a également des séquelles neurologiques, qui l'empêchent de parler pendant quelque temps[7].

Un concert important est prévu une semaine après l'accident au Pittsburgh jazz festival. Elle décide de s'y rendre malgré ses blessures, et réussit à jouer. Après trois semaines de repos, elle part pour une tournée d'un mois et demi en Europe. Elle donne tous ses concerts dans une immense souffrance, et explique que la puissance de la musique des Coltrane, qu'elle joue dans cette tournée, l'a aidée à tenir[7],[5].

Inspiré par cette expérience et son impression d'une renaissance, elle publie en un nouvel album qu'elle intitule Phoenix, en référence à l'oiseau mythologique qui renait de ses cendres[7],[18]. L'album parle également de la résilience face à la pandémie de Covid-19 (quinze membres de sa famille en sont morts[2]), et possède un fond politique, abordant en particulier la question du racisme à travers des mots d'Angela Davis[5]. Lakecia Benjamin joue au sein d'un groupe composé du trompettiste Josh Evans, de Victor Gould aux claviers, d'Orange Rodriguez aux synthés, du batteur Enoch (EJ) Strickland, du percussionniste Nêgah Santos et du bassiste Ivan Taylor[18]. Produit par Terri Lyne Carrington, teinté de jazz, funk, soul, R&B et hip-hop, l'album présente un casting d'invités all-star : Dianne Reeves, Georgia Anne Muldrow, Patrice Rushen, Wayne Shorter ou encore Wallace Roney[1]. L'album continent un hommage à Alice et John Coltrane et un autre à Basquiat[18],[19]. Il est largement salué par la critique[20],[5],[1],[21].

En 2023, elle est la directrice artistique invitée du Burlington Discover Jazz Festival[22]. Elle est également l'artiste en résidence du Monterey Jazz Festival[23].

Enseignement[modifier | modifier le code]

Lakecia Benjamin enseigne au Jazz at Lincoln Center et à Jazz House Kids[1].

Style[modifier | modifier le code]

La musique de Lakecia Benjamin est d'abord nourrie de musique dominicaine[4]. Elle découvre le jazz au lycée, notamment Alice Coltrane puis John Coltrane, qu'elle découvre et travaille de manière chronologique[3],[12]. Sa musique mêle également des éléments de RnB, de hip-hop et de funk[1],[13].

Elle possède un son chaud et résonnant qui est parfois comparé à celui de Johnny Griffin, surnommé le « Petit Géant », à cause de sa petite carrure et de son gros son, caractéristiques que possède également Benjamin[1],[10]. Elle a un « son d'acier qui lui sert à porter des improvisations déchaînées, qui donne l'impression qu'elle cherche à donner beaucoup d'informations cruciales en peu de temps »[10].

Elle a recours au « spoken word » sur plusieurs albums, afin d'exprimer ce que la musique est incapable de dire[13].

Prix[modifier | modifier le code]

Obtenus[modifier | modifier le code]

Nominations[modifier | modifier le code]

Discographie[modifier | modifier le code]

En tant que leadeuse[modifier | modifier le code]

  • 2012 : Retox (Motéma)
  • 2018 : Rise Up (Ropeadope)
  • 2020 : Pursuance: The Coltranes (Ropeadope)
  • 2023 : Phoenix (Whirlwind)

En tant qu'invitée[modifier | modifier le code]

  • 2005 : Clark Terry & The Young Titans Of Jazz, Live at Marians (Chiaroscuro Records)
  • 2008 : Eli Yamin, You Can't Buy Swing (auto-édité)
  • 2012 : Lippie, An Imaginary Truth (Wagram Music)
  • 2015 : Charenee Wade (en), Offering: The Music of Gil Scott-Heron and Brian Jackson (Motéma)
  • 2016 : Miles Davis/Robert Glasper, Everything's Beautiful (Columbia/Blue Note/Legacy)
  • 2016 : Monika Herzig, The Whole World in Her Hands (Whaling City Sound)
  • 2020 : Georgia Anne Muldrow, Mama, You Can Bet! (SomeOthaShip)
  • 2021 : U2, Live at the Apollo for One Night Only (U2 Dot Com)
  • 2022 : Somi, Zenzile: The Reimagination of Miriam Makeba (Salon Africana)
  • 2023 : Nanny Assis, Rovanio (In+Out Records)
  • 2023 : David Helbock, Austrian Syndicate (ACT)

Références[modifier | modifier le code]

  1. a b c d e f g h i j k l m n o p q et r (en) Thom Jurek, « Lakecia Benjamin », sur AllMusic (consulté le ).
  2. a b c d e f et g Morris 2023.
  3. a b et c Dussutour 2022.
  4. a b c d et e (en) « Lakecia Benjamin », sur kennedy-center.org (consulté le ).
  5. a b c et d Moore 2023.
  6. (en) Ayana Contreras, « Lakecia Benjamin’s Boundless Sensibility On Display », sur DownBeat, (consulté le ).
  7. a b c d e f g et h (en) Tom Power, « Saxophonist Lakecia Benjamin is born again on her latest album Phoenix » [audio], Q with Tom Power, sur cbc.ca, (consulté le ).
  8. (en) Cary Goldberg, « "Saxophonist To The Stars" Lakecia Benjamin Steps Into The Spotlight With Debut CD, "Retox" », sur All About Jazz, (consulté le ).
  9. (en) Cary Gorldberg, « Lakecia Benjamin Celebrates The Release Of Her Debut CD, Retox, With June 12 Show At Le Poisson Rouge », sur All About Jazz, (consulté le ).
  10. a b et c (en) John Murph, « Following Tragedy, Lakecia Benjamin Solidifies Her Sound », sur DownBeat, (consulté le ).
  11. Lorge 2020, p. 1.
  12. a b et c Denis Desassis, « Pursuance : The Coltranes », sur Citizen Jazz, (consulté le ).
  13. a b et c Lorge 2020, p. 2.
  14. (en) Josh Jackson, « NPR's 100 Best Songs Of 2020 », sur NPR, (consulté le ).
  15. (en) Ari Shapiro, « Play It Forward: Lakecia Benjamin Sings Through Her Saxophone » [audio], sur NPR, (consulté le ).
  16. (en) Jerome Wilson, « Lakecia Benjamin: Pursuance: The Coltranes », sur All About Jazz, (consulté le ).
  17. (en) John Murph, « Alto Madness Summit Reaches Heights of Sophistication », sur DownBeat, (consulté le ).
  18. a b et c Alex Dutilh, « Lakecia Benjamin, l'altesse de l'alto » [audio], Open Jazz, sur France Musique, (consulté le ).
  19. (en) Ayana Contreras, « Finding Phoenix: Lakecia Benjamin Enters Her Next Phase », sur DownBeat, (consulté le ).
  20. (en) Frank Alkyer, « Phoenix », sur DownBeat, (consulté le ).
  21. (en) Jerome Wilson, « Lakecia Benjamin: Phoenix », sur All About Jazz, (consulté le ).
  22. (en) « 2023 Burlington Discover Jazz Festival », sur flynnvt.org (consulté le ).
  23. en, « Artist in Residence », sur Monterey Jazz Festival (consulté le ).
  24. (en) « Terri Lyne Carrington Tops 2020 DownBeat Critics Poll », sur DownBeat, (consulté le ).
  25. (en) « 2020 JJA Jazz Awards winners! », sur Jazz Journalists Association (en), (consulté le ).
  26. (de + en) « Award Winner 2023: Lakecia Benjamin », sur deutscher-jazzpreis.de (consulté le ).
  27. a b et c (en) Morgan Enos, « 2024 Grammy Nominations: See The Full Nominees List », sur Grammy Awards, (consulté le ).

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • (en) Suzanne Lorge, « Lakecia Benjamin Pursues a Spiritual Quest », DownBeat,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  • (en) Hugh Morris, « ‘I had to do dramatic things to get attention’: sax player Lakecia Benjamin on crashing Prince gigs and charming Stevie Wonder », The Guardian,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  • Laurent Dussutour, « Lakecia Benjamin : une quête essentielle », Citizen Jazz,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  • (en) Marcus J. Moore, « A Car Accident Couldn’t Halt the Saxophonist Lakecia Benjamin’s Rise », The New York Times,‎ (lire en ligne, consulté le ).

Liens externes[modifier | modifier le code]