L'Apothéose d'Homère

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L'Apothéose d'Homère
Artiste
Date
1827
Type
Art sacré, peinture d'histoire, allégorie, vue d'architecture (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Technique
Huile sur toile
Dimensions (H × L)
386 × 512 cm
Mouvement
Propriétaire
No d’inventaire
INV 5417
Localisation

L'Apothéose d'Homère, dit aussi Homère déïfié[1], est une grande toile de Jean-Auguste-Dominique Ingres exposée au musée du Louvre et datée de 1827.

Genèse de l’œuvre[modifier | modifier le code]

L’œuvre est une commande de l'État pour la décoration d'un plafond du musée Charles X au Louvre (actuelles salles égyptiennes), elle fait partie du projet de renouveau de la grande commande royale que désire Charles X pour s'inscrire dans la grande tradition des Bourbons au Louvre. On l'y descendit en 1855 et on la remplaça la même année par une copie due aux artistes Paul et Raymond Balze (en collaboration avec Michel Dumas).

Le livret du tableau au catalogue de l'époque décrivait ainsi la toile : « Homère reçoit l'hommage de tous les grands hommes de la Grèce, de Rome et des temps modernes. L'Univers le couronne, Hérodote fait fumer de l'encens. L’Iliade et l’Odyssée sont à ses pieds. » Le personnage portant une épée symbolise l'Iliade, et celui doté d'une rame représente l'Odyssée [2].

Réalisation de l’œuvre[modifier | modifier le code]

Les Études[modifier | modifier le code]

Par cette cette œuvre, Ingres entend rivaliser avec Raphaël et sa fresque l'École d'Athènes[1]. Il y travaille de la façon la plus minutieuse, traçant plus de cent dessins dans lesquels il précise peu à peu l'ordonnance et les détails de son œuvre.

Tableau Titre Date Dimensions Référence Lieu de conservation
Étude de pieds pour L'Apothéose d'Homère 1826-1827 17 × 22 cm Rmn Paris, Musée du Louvre
Études pour l'Apothéose d'Homère (1827, Louvre):
profil et mains de Raphaël, d’Apelle, de Racine et de Poussin
1826-1827 37 × 27 cm Base Atlas Paris, Musée du Louvre
Études pour l'Apothéose d'Homère (1827, Louvre) :
mains de Virgile, Corneille, Euripide et Shakespeare
1826-1827 34 × 31 cm Base Atlas Paris, musée du Louvre
Tête d'Ulysse 1827 25,1 × 19,2 cm Musée Washington, National Gallery of Art
Tête de Boileau 1827 huile sur papier sur toile
26 × 21 cm
Musée Montauban, Musée Ingres
Pindare et Ictinus 1830-1867 huile sur toile sur bois
35 × 28 cm
Musée Londres, National Gallery
Phidias
Étude pour l'Apothéose d'Homère
1827 32,4 × 35,6 cm Musée Musée d'Art de San Diego
Étude pour L'Apothéose d'Homère
femme debout tenant une couronne de lauriers
1827 huile sur papier
marouflée sur toile
26 × 27 cm
Musée Musée Bonnat, Bayonne

La composition[modifier | modifier le code]

La composition en est d'un groupement symétrique et « centrée » à la manière classique. Le dessin y atteint un très haut niveau de précision. Les couleurs, très fraiches et claires, devaient donner une impression de fresque. Selon Sébastien Allard[1], « la tentation archaïsante, la pureté du dessin, devaient rappeler la naissance de la peinture sur les vases grecs exposés en dessous. »

Parmi les figures de l'Antiquité, peintes en pied et situées de part et d'autre d'Homère, Ingres a peint le poète tragique Eschyle avec un rouleau de parchemin mentionnant les titres de trois de ses tragédies (les Perses, les Choéphores, Agamemnon), le peintre Apelle avec ses pinceaux et sa palette, le poète Pindare avec une lyre, ainsi que le sculpteur Phidias avec un maillet. Seuls deux artistes modernes, Raphaël et Dante, sont introduits dans ce groupe[2].

Placés plus bas, coupés à mi-corps, se trouvent des artistes classiques du siècle de Louis XIV, comme les écrivains Racine (celui-ci tient, comme Eschyle, un rouleau où l'on lit les titres de trois de ses plus grandes tragédies : Phèdre, Iphigénie, Andromaque), Boileau, Molière, Corneille, La Fontaine, ou le peintre Nicolas Poussin[2]. Le portrait de ce dernier a été directement copié de son autoportrait conservé au musée du Louvre[2], ce qui illustre le travail de recherche effectué pour la toile.

On lit sous le trône d'Homère la dédicace ἀνδρῶν ἡρώων κοσμήτορι : « à l'ordonnateur d'hommes demi-dieux » (la formule est tirée de l'épitaphe que, selon la Vita Romana, Homère s'était composée). Les deux figures allégoriques assises aux pieds du Poète représentent l'Iliade (en tunique rouge, avec le glaive d'Achille) et l'Odyssée (drapée dans un manteau vert, avec la rame d'Ulysse).

L'inscription ornant le degré médian est une épigramme tirée de l'Anthologie grecque : Εἰ θεός ἐστιν Ὅμηρος, ἐν ἀθανάτοισι σεβέσθω· εἰ δ᾿ αὖ μὴ θεός ἐστι, νομιζέσθω θεὸς εἶναι. « Si Homère est un dieu, qu'il soit honoré parmi les immortels ; s'il n'en est pas un, qu'il soit considéré comme tel. »

Le degré inférieur présente quant à lui deux citations tirées de deux fameux traités anciens de rhétorique :

  • Modeste tamen et circumspecto iudicio de tantis viris pronuntiandum, ne (quod plerisque accidit) damnent quae non intelligunt. Ac si necesse est in alteram errare partem, omnia eorum legentibus placere quam multa displicere maluerim. (Quintilien, Institution Oratoire, X, 1) « Ce n'est toutefois qu'avec réserve et circonspection qu'il faut prononcer sur ces grands hommes, de peur de s'exposer, comme tant de gens, à condamner ce qu'on n'entend pas; et si l'alternative était inévitable, j'aimerais encore mieux un lecteur à qui tout plaît en eux, qu'un autre à qui beaucoup de choses déplaisent. » (Traduction de Charles Nisard, 1875)
  • Ἐνδείκνυται δ᾿ ἡμῖν οὗτος ἁνήρ, εἰ βουλοίμεθα μὴ κατολιγωρεῖν, ὡς καὶ ἄλλη τις παρὰ τὰ εἰρημένα ὁδὸς ἐπὶ τὰ ὑψηλὰ τείνει. ποία δὲ καὶ τίς αὕτη; τῶν ἔμπροσθεν μεγάλων συγγραφέων καὶ ποιητῶν μίμησίς τε καὶ ζήλωσις. καὶ τούτου γε, φίλτατε, ἀπρὶξ ἐχώμεθα τοῦ σκοποῦ. (Pseudo-Longin, Du Sublime, 13) « Au reste ce philosophe (Platon) nous a encore enseigné un autre chemin, si nous ne voulons point le négliger, qui nous peut conduire au sublime. Quel est ce chemin ? c'est l’imitation et l'émulation des poètes et des écrivains illustres qui ont vécu devant nous. Car c'est le but que nous devons toujours nous mettre devant les yeux. » (Traduction de Nicolas Boileau, 1674)

Une œuvre typique du néoclassicisme[modifier | modifier le code]

Cette œuvre aux nombreux personnages constitue une sorte de profession de foi classique, en son genre est très réussie. Cette impression fut renforcée à l'époque par la présentation en pendant de ce tableau, au même Salon, de La Mort de Sardanapale de Delacroix, inscrivant Ingres (considéré à ses débuts comme révolutionnaire) dans la plus pure tradition néoclassique face au renouveau romantique.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a b et c Grande Galerie - Le journal du Louvre, no 13, sept./oct./nov. 2010, page 90.
  2. a b c et d François de Vergnette, « Homère déifié », sur www.louvre.fr (consulté le ).

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]