Charles-Henri Sanson

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Charles-Henri Sanson
Portrait imaginaire de Sanson par Eugène Lampsonius dans Un épisode sous la Terreur de Balzac.
Biographie
Naissance
Décès
Sépulture
Nationalité
Activités
Famille
Père
Charles-Jean-Baptiste Sanson (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Enfant
Henri Sanson (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Vue de la sépulture.

Charles-Henri Sanson, né le à Paris et mort le dans la même ville, est un bourreau français, officiellement exécuteur des hautes œuvres de Paris, sous les règnes des rois Louis XV et Louis XVI, puis sous la Première République française. Il est surtout connu pour avoir décapité le roi Louis XVI, différents révolutionnaires comme Danton, Camille Desmoulins ou Robespierre et des criminels comme Damiens. Issu d'une famille de bourreaux, il a administré la peine capitale durant plus de quarante années et a exécuté de sa propre main près de 3 000 personnes.

Famille[modifier | modifier le code]

Charles-Henri Sanson est le quatrième bourreau issu d'une dynastie d'exécuteurs officiels. Son arrière-grand-père, Charles Sanson (1658-1695), soldat dans l'armée française, fut nommé en 1684 en tant qu'exécuteur des hautes œuvres par le roi Louis XIV[1]. Il passa la main à son fils Charles (1681-1726) peu avant sa mort. Lorsque ce dernier mourut, une régence fut instaurée jusqu'à ce que son jeune fils, Charles-Jean-Baptiste Sanson (1719-1778), puisse le remplacer[2]. Charles Henri, l'aîné des dix enfants de Charles-Jean-Baptiste, apprit à son tour le métier et travailla avec son père durant une vingtaine d'années, puis prêta serment lors de la mort de ce dernier. Il acheta le presbytère de Vert-le-Petit et y vécut.

Biographie[modifier | modifier le code]

Jeunesse[modifier | modifier le code]

Charles-Henri Sanson naquit à Paris de Charles-Jean-Baptiste Sanson et de sa première femme Madeleine Tronson. Il fut élevé dans un premier temps dans un couvent à Rouen jusqu'en 1753, quand le père d'un autre élève se rendit compte qu'il était fils de bourreau, ce qui le contraignit à quitter l'école pour ne pas entacher sa réputation. Charles-Henri reçut ensuite une éducation privée, puis intégra l'université de Leyde dans le but de devenir physicien. Durant tout ce temps, il montra une aversion marquée envers la profession familiale.

Carrière de bourreau[modifier | modifier le code]

Exécution de Louis XVI le 21 janvier 1793.

Du fait de la paralysie de son père, il dut abandonner ses études pour le remplacer malgré le dégoût qu'il éprouvait pour cette profession, car il devait assurer la subsistance de sa famille. Il se fit dès lors connaître en tant que « Monsieur de Paris ». Le , il épousa sa seconde femme, Marie-Anne Jugier, avec laquelle il eut deux fils : Henri (1767-1830), qui lui succéda, et Gabriel (1769-1792), qui travailla également avec lui, mais mourut dans un accident.

En 1757, Sanson assista son oncle Nicolas-Charles-Gabriel Sanson, exécuteur de Reims (1721-1795), lors de l'exécution particulièrement épouvantable de Robert-François Damiens[3]. Ce dernier fut écartelé à la suite d'une tentative de régicide sur Louis XV et il fallut lui couper les nerfs et les jointures après des dizaines de tentatives des chevaux pour faire cesser le supplice du condamné. Son oncle décida d'interrompre son activité à la suite de cet incident. Le , il exécuta le chevalier de La Barre, accusé de blasphème, qui devait avoir la langue coupée (peine non exécutée), le cou tranché et dont les restes furent brûlés. Il fut également le bourreau de l’empoisonneur Antoine-François Desrues qui périt sur le bûcher en 1777. En 1766, il rata totalement la décapitation de Thomas Arthur de Lally-Tollendal. Son père, qui se devait d’assister à chaque exécution en tant que chef bourreau, dut lui-même trancher le cou de la victime d’un coup supplémentaire.

En 1778, Charles-Henri reçut de son père Charles-Jean-Baptiste, à la suite de la démission de ce dernier, le manteau rouge sang, symbole de son passage en tant que maître exécuteur. Il garda ce titre durant 38 ans, jusqu'à ce que son fils Henri lui succède. Il fut le premier bourreau à utiliser la guillotine, exécutant ainsi Nicolas Jacques Pelletier pour vol et agression le [4]. Il acquit le titre de citoyen en 1789 après s'être véhémentement insurgé contre l'opprobre dont étaient victimes les exécuteurs des hautes œuvres publiques[5]. Lors de sa carrière, il eut jusqu'à six assistants pour accomplir sa tâche.

Au total, Charles-Henri exécuta 2918 condamnés entre le et le (y compris Louis XVI)[6]. Bien qu'il ne fût jamais un sympathisant de la monarchie, il hésita avant d'exécuter le roi, étant même persuadé jusqu'au dernier instant que des partisans de la royauté tenteraient de libérer le souverain déchu. La reine Marie-Antoinette, quant à elle, fut décapitée par son fils Henri.[réf. nécessaire] Il fit signe à son fils d'exécuter la tâche qui lui était normalement dévolue, étant encore au bas de l'échafaud. Par la suite, il mena à la guillotine des vagues successives de révolutionnaires, dont Danton, Robespierre, Saint-Just, Hébert, et Desmoulins.

Partisan de la guillotine[modifier | modifier le code]

Assiette avec décor révolutionnaire : « Exécution de Louis Capet le 21 janvier 1793 » Musée d'Amiens.

Lors de la convocation des États généraux de 1789, la question du mode d'exécution fut longuement abordée ; on décida finalement d'adopter le mode de décollation présenté dans le discours de Joseph Ignace Guillotin. Ce dernier avait proposé une machine capable d'éviter la souffrance des suppliciés. Sanson milita alors en faveur de l'adoption de la guillotine en tant que méthode d'exécution officielle. Il délivra un memorandum éclairé et perspicace à l'Assemblée nationale législative[7]. Sanson, qui achetait et entretenait lui-même ses outils de travail, avança en effet que les multiples exécutions de la peine capitale, dorénavant devenues la norme, étaient trop exigeantes pour les méthodes conventionnelles et que ses outils, qui n'étaient pas adaptés initialement à cette utilisation intensive, s'usaient prématurément, ce qui lui imposait des dépenses prohibitives (et donc des charges injustes pour le bourreau). D'autre part, les efforts physiques consentis pouvaient résulter en des accidents et les victimes elles-mêmes étaient susceptibles de recourir à des actes désespérés et imprévisibles pendant les longues procédures[8].

Quand le prototype de guillotine fut essayé pour la première fois, le à l'hôpital de Bicêtre à Paris, Sanson l'inspecta lui-même. Des essais tentés sur des ballots de paille, puis sur des moutons vivants et enfin sur des cadavres humains montrèrent la rapidité et l'efficacité de la technique. Sanson et les inspecteurs furent pleinement satisfaits des résultats[9]. La semaine même, l'Assemblée approuva leurs conclusions et, le , Sanson inaugura l'ère de la guillotine lors de l'exécution du voleur Nicolas Jacques Pelletier sur la place de Grève[10].

Personnalité[modifier | modifier le code]

Beaucoup considéreraient Charles Henri Sanson comme un homme sadique, mais en réalité, il ne jouissait pas de son travail. Il s'opposait parfois à ce qu'il faisait. Sa position était considérée comme honorable, mais il luttait intérieurement face à son devoir.[Interprétation personnelle ?] Pour rompre encore plus le stéréotype selon lequel tous les bourreaux étaient des sadiques, on peut regarder son journal et voir qu'il « semble avoir été un homme humain, faisant tout ce qui était en son pouvoir pour épargner à ses victimes des souffrances inutiles »[11]. Il avait le sentiment que le public ne comprenait pas vraiment les exécutions. Il estimait que si les gens pouvaient vraiment voir et éprouver la peur des victimes, les exécutions et leur popularité seraient moindre[12].

Héritage[modifier | modifier le code]

Gabriel (1769-1792), le plus jeune fils de Sanson, fut son assistant et héritier à partir de 1790. Cependant, il mourut des suites d'une chute de l'échafaud en voulant présenter une tête à la foule[13]. Avec cette mort, la tâche héréditaire incomba à son fils aîné, Henri (1767-1840), soldat durant la Révolution (sergent, puis capitaine de la garde nationale de Paris), qui se maria à Marie-Louise Damidot. Henri accepta ce rôle en . Il resta à son tour l'exécuteur officiel de Paris durant 47 ans. On lui attribue parfois faussement l'exécution de Marie-Antoinette et de Fouquier-Tinville alors qu'il n'était à cette période que l'assistant de son père (1795)[réf. nécessaire]. Une anecdote rapporte qu'il rencontra Napoléon sur le chantier de la Madeleine et lui assura que, si des insurgés venaient à renverser son trône, il exécuterait son office comme son père l'avait fait avec Louis XVI.

Le petit-fils de Charles-Henri, Henry-Clément Sanson qui œuvra jusqu'en 1847, fut le sixième et dernier d'une dynastie de bourreaux.

Charles-Henri Sanson mourut le , et fut enterré au cimetière de Montmartre à Paris. En 1829, l’éditeur Auguste Sautelet commença à publier des Mémoires apocryphes de Sanson qui ne furent jamais achevés, la mort de l'éditeur, et plus tard la Révolution de 1830, ayant fait suspendre cette publication dénoncée par son petit-fils Henri-Clément[14].

Dans la fiction[modifier | modifier le code]

Cinéma[modifier | modifier le code]

Télévision[modifier | modifier le code]

  • Dans la série Nicolas Le Floch (2008), qui se déroule sous le règne de Louis XV, Charles-Henri Sanson, interprété par Michaël Abiteboul, joue un rôle d'investigation scientifique (il pratique les autopsies) en soutien de la police, en accord avec les livres desquels est tirée la série. Ce rôle semble avoir été inventé par l'auteur, qui ne cite pas de sources documentaires à ce sujet.

Romans[modifier | modifier le code]

  • Lui et sa famille sont brièvement évoqués dans la quatrième partie de Splendeurs et misères des courtisanes intitulée La dernière incarnation de Vautrin d’Honoré de Balzac (1847)[15]
  • Il apparaît dans un autre roman de La Comédie Humaine de Balzac, Un épisode sous la Terreur[16]
  • Sa vie est lourdement et incorrectement romancée dans le roman Der Kavalier von Paris du romancier allemand Hans Mahner-Mons (1954).
  • C'est un personnage secondaire mais important dans le roman d'Hilary Mantel A Place of Greater Safety (1992).
  • C'est un personnage secondaire redondant dans la série policière Les enquêtes de Nicolas Le Floch (premier volume paru en 2000).
  • Sans Farine, une nouvelle de Jim Shepard tirée de sa collection Like You'd Understand, Anyway (2007), présente une autobiographie romancée de Charles-Henri.
  • Il tient aussi le rôle du Moissonneur, capturant les âmes des criminels, dans la série Le Manoir d'Évelyne Brisou-Pellen (premier volume paru en 2013);
  • Charles-Henri Sanson apparait comme un personnage secondaire mais important dans la série Aristide Ravel de Susanne Alleyn.
  • Il est également le protagoniste principal du roman historique The Executioner's Heir de Susanne Alleyn (2013).
  • Paris Samson, antagoniste de la série de Livres « Le jour où tout devint noir » d’Adryen Debon, voit son nom directement inspiré de Charles-Henri Sanson, Sieur de Paris.
  • Il est nommé à plusieurs reprises dans le livre "Temps glaciaires", une enquête du commissaire Adamsberg, de Fred Vargas (2016).

Bande dessinée[modifier | modifier le code]

  • Charles-Henri Sanson apparaît comme un des personnages principaux dans la bande dessinée Il boia di Parigi (Le Bourreau de Paris), de Paola Barbato.
  • Les mangas Innocent et Innocent Rouge de Shin'ichi Sakamoto, édités chez Delcourt, sont librement inspirés de la vie de Charles-Henri Sanson.

Jeux vidéo[modifier | modifier le code]

  • Charles-Henri Sanson apparaît comme un Servant invocable de classe Assassin par le joueur ou la joueuse dans le jeu mobile de type RPG en ligne Fate/Grand Order.
  • Charles-Henri Sanson apparait réincarné en vampire dans le jeu mobile Ikemen vampire.
  • Charles-Henri Sanson, comme d'autres personnages de la Révolution française, apparaît dans le jeu Steelrising.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Sargent, Lucius Manlius (1855); Dealings with the Dead, Vol. II, Dutton & Wentworth, MA, USA; p. 635.
  2. Croker, John Wilson (1857); Essays on the early period of the French Revolution, John Murray, London; p. 570 ff. with enumerated list of all six generations of Sansons.
  3. « 2700 têtes sont tombées place de la Révolution », sur www.paris.fr (consulté le )
  4. (en) Daniel Arasse, The Guilloine and the Terror, Londres, Penguin, , 26 p.
  5. (en) Daniel Arasse, The Guilloine and the Terror, Londres, Penguin, , 120-21 p.
  6. La Révolution française vue par son bourreau, édité et préfacé par Monique Lebailly, Le Cherche midi, coll. « Documents », 2007.
  7. Croker (1857); p.534 ff. Croker inclut le discours complet de Sanson, son Memorandum et Observations sur l'Exécution des Criminels par Décapitation.
  8. Gerould, Daniel (1992); Guillotine: Its Legend and Lore; Blast, NY; (ISBN 0-922233-02-0). Voir p. 14. |"Mars, 1792... Il [Sanson] expliqua la nécessité pour un nouvel instrument. Son épée s'émoussait après chaque décapitation, (etc.)". Voir aussi Croker (1857), p.534: « Il faut également considérer [écrivit Sanson] que quand il se trouve plusieurs criminels à exécuter au même moment, la terreur d'une telle exécution présente... [serait] un obstacle insurmontable... »
  9. Gerould (1992). Voir p. 23-24 : « La guillotine fut testée la première fis le 17 avril 1792, au célèbre hôpital Bicêtre... Accompagné de ses deux frères et de son fils, Sanson supervisa les évènements »
  10. National Museum of Crime and Punishment, Washington, DC. : « En 1792, Nicholas-Jacques Pelletier devint la première personne à mourir sous la guillotine. »
  11. (en) Katherine Roche, « Hereditary Hangmen », The Irish Monthly, vol. 9,‎ , p. 28 (lire en ligne)
  12. (en) Katherine Roche, « Hereditary Hangmen », The Irish Monthly, vol. 9,‎ , p. 29 (lire en ligne)
  13. Croker (1857). Voir p. 556: "It was in exhibiting one of these heads to the people that the younger Sanson [Gabriel] fell off the scaffold and was killed." See also p. 570: "He [Charles-Henri] had two sons, but one of these was killed on August 27, 1792, by falling from the scaffold...."
  14. Henri-Clément Sanson, Mémoires des Sanson, t. 2, Paris, Dupray de La Mahérie, , 447 p., 6 vol. in-8° (OCLC 887384386, lire en ligne), p. 327.
  15. Balzac y prétend que les Sanson étaient bourreaux à Rouen depuis le XIIIe siècle, ce qui est faux puisque le premier Sanson, Charles-Louis, ne devient aide-bourreau de son beau-père en ce lieu qu'en 1663.
  16. Un épisode sous la Terreur sur Wikisource

Annexes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]