André Chénier

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André Chénier
Description de cette image, également commentée ci-après
Portrait peint lors de son emprisonnement par Joseph-Benoît Suvée.
Nom de naissance André Marie de Chénier
Naissance
Constantinople, Empire ottoman
Décès (à 31 ans)
Paris, Drapeau de la France France, Ire République
Activité principale
Auteur
Langue d’écriture français
Mouvement Romantisme (hellénisme)

André Marie de Chénier, dit André Chénier, fils de Louis de Chénier, est un poète né le à Constantinople et mort guillotiné à Paris le 7 Thermidor de l'an II () à 31 ans.

L'œuvre inachevée de ce jeune poète du XVIIIe siècle, publiée progressivement à partir de 1819, a fait de lui une figure majeure de l'hellénisme en France[1].

Il est le frère aîné de Marie-Joseph Chénier.

Biographie

Enfance et adolescence

Né à Galata, quartier de Constantinople (aujourd'hui Istanbul en Turquie), d’une mère grecque (Elisabeth Lhomaca)[2],[3] et d’un négociant français, qui, une fois rentré en France avec les siens en 1765, repartit bientôt, sans eux, pour être consul au Maroc (Louis de Chénier). André fut élevé par des parents à Carcassonne, puis fit de solides études à Paris, comme pensionnaire au Collège de Navarre, où il se passionna pour l'Antiquité et la poésie classique. Il s'y lia avec des fils de grandes familles, grâce auxquels il put ensuite fréquenter les milieux littéraires et aristocratiques.

Activités poétiques

Pour l'arracher à un amour malheureux pour une chanteuse de l'Opéra (sa Lycoris), on lui ménagea un stage d'élève officier à Strasbourg en 1782; mais il se vit fermer la carrière militaire comme roturier. Reportant désormais toute son ambition vers la poésie, quoique sans publier, il conçut de grands projets, avec l'espoir de devenir « l’Homère des modernes »[2]. Cependant, après un voyage en Suisse en 1784, il composa surtout des Élégies et des Bucoliques, où l'imitation des modèles antiques[4] servait l'expression esthétique d'une inspiration orientée par sa passion pour la mondaine Michelle Guesnon de Bonneuil (appelée D'Azan ou Camille), puis par son amitié amoureuse pour la peintre italo-anglaise Maria Cosway née Hadfield, épouse de Richard Cosway, courtisée par l'ambassadeur américain Thomas Jefferson.

À partir de février 1787, au retour d'un rapide et mystérieux voyage en Italie, il s'occupa plus activement de poèmes philosophiques et satiriques qui portent la marque du climat idéologique et politique de l'époque pré-révolutionnaire; mais sa situation précaire l'obligea à contenir sa combativité. Engagé comme ambassadeur privé du Marquis de la Luzerne, ambassadeur de France en Angleterre, il partit le en compagnie de Maria Cosway, qui rentrait à Londres, où il resta en service jusqu'en 1790, tout en disposant chaque été d'un congé à Paris.

Journalisme

Il contribua au Journal de la Société de 1789 qui compta une quinzaine de numéros[2]. À partir de 1791, il collabora, comme Michel Regnaud de Saint-Jean d'Angély et François de Pange, au Journal de Paris, organe du parti constitutionnel, où il condamna les « excès » de la Révolution dans des articles critiques contre Jacques Pierre Brissot, et d'autres plus véhéments contre les Jacobins, notamment Robespierre et Marat[2]. Inquiété pour ses prises de position publiques, il réussit à sortir de Paris, après le 10 août 1792, quittant le quartier du Sentier, où il résidait chez ses parents. Au moment des massacres de Septembre, il se rendit à Rouen, puis au Havre, d'où il aurait pu embarquer. Il refusa néanmoins d'émigrer et revint à Paris, pour participer aux tentatives faites pour arracher Louis XVI à l'échafaud. Il se replia au printemps 1793 à Versailles, d'où il se rendait souvent à Louveciennes où se trouvait la propriété de ses amis Lecouteulx[2]. Discrètement amoureux de Françoise Lecouteulx, il composa pour elle la mélancolique série des Odes à Fanny.

Arrestation et condamnation

André Chénier fut arrêté à Passy le alors qu’il rendait visite à son amie, Mme Pastoret. Venant de Versailles, il était accompagné de Émilie-Lucrèce d’Estat qui, comme lui, avait participé aux achats de votes de conventionnels pendant le procès de Louis XVI. Mlle d’Estat, maîtresse puis épouse de José Ocariz, l’ancien chargé d’affaires ayant rang d’ambassadeur espagnol à Paris avant la déclaration de guerre, qui avait supervisé cette vaste opération de corruption[Note 1], avait conservé des papiers relatifs à cette affaire. Ce dossier très important qu'André Chénier eut entre les mains fut activement recherché par les comités de l’an II.

Sachant que Mlle d’Estat, dont le frère et la sœur venaient d’être guillotinés, était elle-même en grand danger, Chénier se mit courageusement en avant, créant une espèce de confusion à l’occasion de laquelle Mlle d’Estat put s’esquiver tandis qu’on l’emmenait, lui, en prison à Saint-Lazare. Impliqué dans une des fausses conspirations qui permettaient d’exécuter les suspects sans les entendre, il fut condamné à mort par le Tribunal révolutionnaire, pour avoir « recélé les papiers de l'ambassadeur d'Espagne ». Mais il fut surtout accusé comme « ex-adjudant chef et chef-de-brigade » sous les ordres de Charles-François Dumouriez et « d'un mémoire contre des habitants de la commune de Breteuil alors que c'est son frère « Sauveur » Chénier qui en était l'auteur et qui était lui-même emprisonné à Beauvais »[5].

Il fut aussitôt guillotiné le 7 thermidor, avec le poète Jean-Antoine Roucher et Frédéric de Trenck, deux jours avant l’arrestation de Robespierre. La veille de sa mort, il aurait écrit l’ode La Jeune Captive, poème qui parle d'Aimée de Coigny.

Ses dernières paroles[6] prononcées avant de monter sur l’échafaud en s'adressant au poète Jean Antoine Roucher ont été « je n'ai rien fait pour la postérité » et de rajouter (se désignant la tête) : « Pourtant, j’avais quelque chose là ! » ou « C'est dommage, il y avait quelque chose là ! »[Note 2]. Son corps fut jeté avec 1 300 autres victimes de la Terreur et de la guillotine Place de la Nation dans une fosse commune du couvent des chanoinesses devenu le cimetière de Picpus à Paris[7].

Il est, avec Chatterton et Gilbert, l’un des trois auteurs « maudits » présentés par le Docteur Noir dans le Stello d’Alfred de Vigny. Considéré par les romantiques comme leur précurseur, sa destinée a inspiré l’opéra vériste d’Umberto Giordano, Andrea Chénier, dont la première eut lieu à La Scala de Milan, le .

Son vers « Elle a vécu Myrto, la jeune Tarentine » demeure indissolublement lié à son nom.

Il écrivit aussi un poème en l'honneur de Charlotte Corday, intitulé Ode à Marie-Anne-Charlotte Corday. En 1910, Jean-Marie Mestrallet a rédigé un poème dramatique en quatre actes: André Cheniér[8],[9].

Son frère cadet, Marie-Joseph Chénier, était écrivain, dramaturge, et menait de pair une carrière politique. Les royalistes se livrèrent à une violente campagne diffamatoire, l’accusant faussement, pour discréditer les républicains, d’avoir laissé exécuter son frère en le traitant de « Caïn ».

Œuvres

  • Les Bucoliques, publication posthume (1819)
  • À Abel (Élégies)
  • À Charlotte Corday (Hymnes et Odes)
  • À compter nos brebis je remplace ma mère (Poésies Antiques)
  • À de Pange aîné (Épîtres)
  • À de Pange (Élégies)
  • À Fanny (I) (Élégies)
  • À Fanny (II) (Élégies)
  • À Fanny (III) (Élégies)
  • À Fanny malade (Élégies)
  • À l’hirondelle (Poésies Antiques)
  • À la France (Hymnes et Odes)
  • Ah ! je les reconnais, et mon cœur se réveille (Élégies)
  • Ah ! portons dans les bois ma triste inquiétude (Élégies)
  • Ah ! prends un cœur humain, laboureur trop avide (Poésies Antiques)
  • Amymone (Poésies Antiques)
  • Arcas et Palémon (Idylles)
  • Art d’aimer, fragment III (Poèmes)
  • Art d’aimer, fragment II (Poèmes)
  • Art d’aimer, fragment VIII (Poèmes)
  • Art d’aimer, fragment VI (Poèmes)
  • Au chevalier de Pange (Elégies)
  • Aux frères de Pange (Elégies)
  • Bacchus (Poésies Antiques)
  • Bel astre de Vénus… (Poésies Antiques)
  • Chrysé (Poésies Antiques)
  • Comme un dernier rayon, comme un dernier zéphyr (Dernières poésies)
  • Epigramme d'Evenus de Paros (Idylles)
  • Épilogue (Poésies Antiques)
  • Euphrosyne (Poésies Antiques)
  • Fille du vieux pasteur, qui d’une main agile (Poésies Antiques)
  • Hercule (Poésies Antiques)
  • Hylas (Poésies Antiques)
  • Il n’est donc plus d’espoir, et ma plainte perdue (Élégies)
  • Il n’est que d’être roi pour être heureux au monde (Élégies)
  • Innaïs (Idylles)
  • J’étais un faible enfant qu’elle était grande et belle (Poésies Antiques)
  • Je sais, quand le midi leur fait désirer l’ombre (Poésies Antiques)
  • Jeune fille, ton cœur avec nous veut se taire (Élégies)
  • L’Amérique (Poèmes)
  • L’amour endormi (Poésies Antiques)
  • L’amour et le berger (Poésies Antiques)
  • L’amour laboureur (Poésies Antiques)
  • L’art, des transports de l’âme est un faible interprète (Élégies)
  • L'Oaristys (Idylles)
  • La jeune captive (Dernières poésies)
  • La jeune L
  • La jeune Locrienne (Idylles)
  • La jeune Tarentine
  • La liberté (Idylles)
  • L'aveugle (Idylles)
  • Le jeune malade (Idylles)
  • Le mendiant (Idylles)
  • Lydé (Idylles)
  • Mnazile et Chloé (Idylles)
  • Néère (Idylles)
  • Sur un groupe de Jupiter et d'Europe (Idylles)
  • Tout hommes a ses douleurs. Mais aux yeux de ses frères (Élégies)

Œuvres d’art inspirées de ses poèmes et de sa vie

Buste d'André Chénier par le sculpteur David d'Angers (1839).
  • La jeune Tarentine par Alexandre Schoenewerk, sculpture en marbre, 1871, 171 cm x 74 cm x 68 cm. Coll. Musée d’Orsay, Paris (France).
  • Torse de La Jeune Captive par René Iché, sculpture en marbre, 1932, H. 64 cm. Coll. Fonds municipal d’art Contemporain de la Ville de Paris, Paris (France).
  • La Jeune Tarentine par René Iché, sculpture en marbre, 1932-34, L. 85 cm. Coll. privée, New-York (États-Unis).
  • Andrea Chénier, opéra d’Umberto Giordano sur un livret de Luigi Illica (1896).
  • Le Pas du juge (2009), roman de Henri Troyat dont il est le personnage central, avec son frère Marie-Joseph et leurs parents (le père est Louis de Chénier).

Bibliographie

Articles
  1. « André Chénier et la dynamique constituante des affects », dans Jean-Noël Pascal (éd.), Lectures de Chénier : Imitations et préludes poétiques, Art d’aimer, Presses universitaires de Rennes, 2005, p. 31-46
  2. « André Chénier entre l’abeille et la harpe éolienne:enjeux poétiques et politiques de l’imitation inventrice » (Lire en ligne [PDF])
  3. « André Chénier, Poésies, Édition de Louis Becq de Fouquières », Collection Poésie, NRF, Éditions Gallimard, 1994, (ISBN 2-07-032812-0)
  4. « Le dilemme du peintre affligé. André Chénier et la cartographie de l’élégiaque », Cahiers Roucher - André Chénier, no 25 spécial sur l’Élégie, 2006, p. 91-118
  5. « Gémir en silence. Puissance des engagements hétérogènes d’André Chénier », Laurent Loty (éd), Littérature et engagement sous la Révolution française, Presses universitaires de Rennes, 2007, p. 163-191
  6. « La propriété poétique, c’est le vol de l’abeille. Éloge du copillage chez André Chénier », in Martial Poirson, Christian Biet et Yves Citton, Les Frontières littéraires de l’économie XVIIe-XIXe siècles, Desjonqueres, août 2008 (ISBN 2843211085)
  • Joann Élart, « Une adaptation musicale de La Jeune captive par Vernier (1819) », in Catriona Seth, André Chénier. Le miracle du siècle, Paris, PUPS, 2005, p. 307-316.
  • Catriona Seth, « J’écris ton nom », Lectures d’André Chénier. Imitations et préludes poétiques, Art d’aimer, Elégies, sous la direction de J.-N. Pascal, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2005, p. 93-101.
  • Catriona Seth, « Les cheveux épars de la Muse », Europe no 921-922, janvier-février 2006, p. 219-236.
  • Catriona Seth, « André Chénier et Marceline Desbordes-Valmore : l’écho d’une voix fraternelle » in Cahiers Roucher - André Chénier no 9 (1989).
  • Émile Egger, L'hellénisme en France : leçons sur l'influence des études grecques dans le développement de la langue et de la littérature françaises, Librairie académique Didier, Paris, 1869 (deux articles sur A. Chénier, pages 331 à 385) lire en ligne
Livres
  • André Chénier, Œuvres complètes, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1940.
  • André Chénier, Œuvres poétiques, tome 1 : Imitations et préludes - Art d'aimer - Élégies, édition critique par Georges Buisson et Édouard Guitton (Ed. Paradigme, 2005)
  • Andre Chénier, Œuvres poétiques, tome 2 : Bucoliques - Epîtres et Poétique - L'Invention, édition critique par Georges Buisson (Ed. Paradigme, 2010) édition de référence du jury de l'agrégation de Lettres.
  • Catriona Seth, André Chénier. Le Miracle du siècle, Paris, PUPS, 2005.
  • Jean Goulemot, André Chénier : poésie et politique, (avec Jean-Jacques Tatin-Gourier), Paris, Minerve, 2005, vol.I, 219 p.  (ISBN 2-86931-113-3)
  • Catriona Seth et Agnès Steuckardt, étude sur André Chénier. Imitations et préludes poétiques, Art d'aimer et Elégies, Neuilly, Atlande, 2005.
  • Venance Dougados et son temps, André Chénier, Fabre d'Églantine, actes du colloque international tenu à Carcassonne les 5, 6 et 7 mai 1994, (éd.) Sylvie Caucanas et Rémy Cazals, 1995, 222 p.  (ISBN 2-906442-12-7)
  • Henri Troyat, Le pas du juge : ou la vie des frères Chénier, Paris, Fallois, , 202 p. (ISBN 978-2-8770-6682-2)

Notes et références

Notes

  1. Des fonds débloqués par la cour d’Espagne, avaient été transférés de la banque Saint-Charles vers celle, à Paris, des Le Couteulx à Paris qui les mirent à la disposition de Chénier, Richer de Sérisy, Michel Regnaud de Saint-Jean d’Angély, Félix Le Peletier et autres distributeurs d’argent aux Conventionnels. Parmi ces derniers, Tallien.
  2. « Tout le monde connait le mot d'André Chénier sur l'échafaud : « C'est dommage, dit-il en se frappant le front, il y avait quelque chose là ! » ». (Notes de Contre la peine de mort, Méditations Poétiques, Lamartine)

Références

  1. Émile Egger, L'Hellénisme en France, leçons sur l'influence des études grecques dans le développement de la langue et de la littérature françaises, Paris, Didier, , 2 vol. in-8° (BNF 30395567), Tome II, p. 386
    L'hellénisme en France, Tome II sur Google Livres
  2. a b c d et e André Chénier, Georges Buisson (Éditeur scientifique) et Édouard Guitton (Éditeur scientifique), Oeuvres poétiques, Orléans, Paradigme, coll. « Hologrammes », , 21 cm (ISSN 1773-7036, BNF 39982759), Tome I, Chronologie
  3. André Chénier (préf. Henri de Latouche), Poésies de André Chénier, Paris, Charpentier et Cie, , XLVIII-283 p. ; 18 cm (BNF 30232716)
  4. Émile Egger, L'Hellénisme en France, leçons sur l'influence des études grecques dans le développement de la langue et de la littérature françaises, Paris, Didier, , 2 vol. in-8° (BNF 30395567), Tome I, p. 7
    L'hellénisme en France, Tome I sur Google Livres
  5. André Chénier et Paul Lacroix (Éditeur scientifique), Œuvres en prose de André Chénier, augmentées d'un grand nombre de morceaux inédits et précédées d'une notice littéraire par Eugène Hugo et d'une notice historique contenant toutes les pièces relatives à son procès : Seule édition complète publiée sur les manuscrits autographes de l'auteur, Paris, C. Gosselin, , In-18, LVIII-332 p. (BNF 30232746)
  6. André Chénier et Marie-Joseph de Chénier, Oeuvres d'André et de M.-J. Chénier, Bruxelles, Laurent frères, , In-32, XXIV-536 p. (BNF 31938072)
  7. « Fêtes picpuciennes », sur www.ssccpicpus.fr (consulté le )
  8. Jean-Marie Mestrallet (préf. Paul Margueritte), André Chénier, poème dramatique en 4 actes, Paris, E. Sansot, , In-12, 83 p. (BNF 30934331)
  9. Catriona Seth (dir.), André Chénier : le miracle du siècle, Paris, Presses de l'Université de Paris-Sorbonne, coll. « Mémoire de la critique », , 349 p., couv. ill. ; 21 cm (ISBN 2-84050-418-9, ISSN 1269-7621, BNF 40076258), p. 33
    André Chénier: le miracle du siècle sur Google Livres

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