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Procès des activistes de Lausanne action climat

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Le procès de Lausanne action climat est une affaire judiciaire suisse opposant la banque Crédit suisse à des militants pour le climat. Les douze militants étaient poursuivis pour avoir joué au tennis dans une succursale de la banque à Lausanne, en novembre 2018, dans le but de dénoncer ses investissements dans les énergies fossiles (en faisant appel à Roger Federer, sponsorisé par la banque). En janvier 2020, le Tribunal de police de Lausanne a reconnu l'état de nécessité et les a acquittés.

Ce procès est historique, car il constitue le premier procès climatique du genre en Suisse[1] et car il représente une reconnaissance inédite de l'état de nécessité par un tribunal du pays[2],[3]. Le jugement reconnaît que la gravité du dérèglement climatique peut justifier des actes de désobéissance civile non-violente d'ampleur raisonnable[3].

Faits

L'action a eu lieu dans l'agence Crédit Suisse de la rue du Lion d'Or.
Crédit Suisse investi dans les énergies fossiles, dont le charbon.
Les centrales à charbon produisent de l'électricité en émettant des gaz à effet de serre.
Les militants se sont déguisés en joueurs de tennis pour faire appel à Roger Federer, qui a répondu en exprimant son « admiration pour le mouvement des jeunes pour le climat ».

En novembre 2018, des militants pour le climat du collectif « Lausanne action climat » ont joué au tennis dans les agences du Crédit Suisse de Lausanne (alors que d'autres groupes faisait de même à Genève et Bâle simultanément) pour protester contre les investissements de la banque dans les énergies fossiles. Le thème du tennis a été choisi pour inciter Roger Federer à rompre son lien avec ce sponsor qui alimente la crise climatique (notamment en multipliant par 16 ses financements pour le charbon de 2016 à 2017)[4],[5],[6]. Après une heure et demie[7], les militants ont étés évacués par la police et leur identité a été relevée[1].

Procès

Suite à une plainte du Crédit Suisse, les douze militants lausannois ont étés inculpées (de violation de domicile et d’infractions à la loi vaudoise sur les contraventions[8]) et condamnés par ordonnance pénale à 21 600 francs d'amende (total des amendes, frais et jours-amendes avec sursis des douze personnes)[1],[6],[9].

Les doute militants ayant fait opposition à leur condamnation par ordonnance pénale, leur procès a eu lieu du 7 au 13 janvier 2020, au Tribunal de police de Lausanne, qui a siégé à Renens[6].

Les douze militants étaient défendus par treize avocats travaillant de manière bénévole (pro bono)[6],[10], dont deux anciens bâtonniers[1]. En revanche, Crédit Suisse et le procureur du Ministère public ne se sont pas déplacés pour l'audience (l'affaire n'étant pas jugée d'une grande gravité au sens du droit)[1].

Prévenus

« En janvier ce n’est pas une violation de domicile qui sera jugée. Ce sera le jugement de la jeunesse qui lutte pour sa survie. »

Pour des raisons de respect de leur vie privée, les prévenu.e.s ne désirent pas être cités.

Témoins

Le président du tribunal (et juge unique) a accepté trois témoins[6] :

Les prévenus et leurs avocats avaient proposés douze témoins au tribunal, les autres étaient[11] :

Tous ont fait le déplacement à Lausanne sinon Marie Toussaint retenue par une commission au Parlement Européen.

Avocats

  • Me Irène Wettstein
  • Me Marie-Pomme Moinat
  • Me Antonella Cereghetti, ancienne Bâtonnière
  • Me Christian Bettex, ancien Bâtonnier
  • Me Laïla Batou
  • Me Aline Bonard
  • Me Olivier Boschetti
  • Me Mireille Loroch
  • Me Raphaël Mahaim
  • Me Charles Munoz
  • Me David Raedler
  • Me Annie Schnitzler
  • Me Youri Widmer

Table ronde

Une table ronde a été organisée le soir du 7 janvier au Théâtre de Vidy - Lausanne avec tous les témoins (sinon Marie Toussaint et Myret Zaki).

La soirée a été animée par Jacques Mirenowicz des Artisans de la Transition.

Jugement

Le verdit d’acquittement a été rendu le 13 janvier 2020 devant une salle comble[7] et a été accueilli avec émotion par une salve d'applaudissements[3],[9]. Le président du tribunal (et juge unique) a reconnu la violation de domicile (article 186 du Code pénal), mais a retenu l'« état de nécessité licite » (article 17 du Code pénal) dans lequel ont agi les militants[2].

Le tribunal a indiqué avoir été convaincu par les rapports du GIEC et le témoignage de la professeure de climatologie Sonia Seneviratne (co-auteure du Rapport spécial du GIEC sur les conséquences d'un réchauffement planétaire de 1,5 °C)[7]. Dans son jugement, il reconnaît que le danger du dérèglement climatique invoqué par les activistes est existant et que son imminence est établie[7] :

« Les témoignages des experts montrent que le réchauffement climatique actuel est causé par les émissions humaines, qui ont pour conséquence la montée des océans et pourrait susciter le déplacement de millions de personnes. L’existence d’un danger doit donc être retenue. Madame Sonia Seneviratne a en outre attesté que chaque demi-degré engendre des conséquences majeures pour la planète. Or, les pays signataires ne s’acheminent pas vers les objectifs pris lors des Accords de Paris et la Suisse connaît déjà un réchauffement de 2 degrés. Je considère donc que le danger est imminent[3]. »

Le tribunal considère que l'action était nécessaire pour se faire entendre[13] et que les intérêts lésés (subir une manifestation) étaient moins importants que les intérêts à protéger (la sauvegarde du climat) :

« Quant aux moyens utilisés, réunir 20 individus sur le trottoir, même devant Credit Suisse, n’aurait pas eu l’impact déclenché par ce procès. La façon de procéder était donc la seule susceptible d’obtenir ce retentissement. J’ajoute que les manifestants ont préalablement écrit à la banque, sans obtenir de réponse. Quant à des moyens politiques, les parlementaires eux-mêmes n’arrivent pas à se faire entendre, imaginons ces jeunes. Enfin, concernant un intérêt prépondérant, le climat touche à la santé et à la vie alors que le lésé n’a été empêché que d’user comme il l’entend de son domicile. La pesée d’intérêts va en faveur des prévenus. J’en conclus que l’acte incriminé était nécessaire et proportionné[3]. »

Le juge a estimé que l'action des militants était « nécessaire et proportionnée » au vu de l'urgence climatique. Il précise que la reconnaissance qu'ils ont agi « de manière licite » est lié au caractère non-violent, à la durée limitée et au faible risque de débordement de la manifestation[9].

Me Wettstein a déclaré après le jugement : « La justice a reconnu le droit à la vie comme étant supérieur aux intérêts financiers. C'est la décision la plus importante de toute ma carrière »[7].

Précédents

En Suisse, un premier procès climatique a eu lieu en 2018, celui des Ainées pour la protection du climat contre l'inaction du gouvernement[14].

En France, en 2019, la Cour correctionnelle de Lyon a acquitté les décrocheurs du portrait du président Macron invoquant l'état de nécessité[2].

Influences

Crédit Suisse

Concernant ses investissements, le Crédit Suisse a rejeté le désinvestissement complet des combustibles fossiles mais a déclaré en janvier 2020 qu'il « cherche à aligner ses portefeuilles de prêts sur les objectifs de l'Accord de Paris » et « n'investira plus dans de nouvelles centrales à charbon »[1],[5],[15].

Roger Federer

Suite à une campagne d'interpellation sur les réseaux sociaux (en particulier Twitter), Roger Federer (dont Crédit Suisse est l'un des sponsors depuis 2009) a répondu aux militants[16]. Le 11 janvier 2020, Roger Federer a publié une déclaration disant « [...] J'ai beaucoup de respect et d'admiration pour le mouvement des jeunes pour le climat, et je suis reconnaissant aux jeunes militants pour le climat de nous pousser tous à examiner nos comportements et à agir [...] J'apprécie les rappels à ma responsabilité [...] et je m'engage à utiliser cette position privilégiée pour dialoguer sur des questions importantes avec mes sponsors »[17],[18].

International

Selon le 24 heures, « jamais une simple infraction au règlement de police de Lausanne n’a rencontré l’écho médiatique auquel ont eu droit « les joueurs de tennis » du climat »[7]. Les pressions sur Roger Federer ont été reprises notamment par 350.org et Greta Thunberg[3],[18]. Le procès a été relayé par divers médias internationaux dont The New York Times[15], The Guardian[18] et la BBC[19].

Notes et références

  1. a b c d e et f Emmanuel Borloz, « Les premiers activistes du climat face à la justice », 24 heures,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  2. a b et c Fati Mansour, « Jugement sur l'occupation de Credit Suisse : l’urgence climatique repousse les contours de l’état de nécessité », Le Temps,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  3. a b c d e et f Boris Busslinger, « Les manifestants pour le climat mettent Credit Suisse à terre », Le Temps,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  4. Miguel Martinez, « Écologistes menacés d’amende », Le Courrier,‎ (lire en ligne, consulté le ). Voir photographies en ligne : Lausanne Action Climat.
  5. a et b Dominique Choffat et Agence télégraphique suisse, « Le « procès climatique » hors norme de douze activistes romands a débuté », RTS Info,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  6. a b c d et e Boris Busslinger, « Le procès des militants climatiques devient celui des banques », Le Temps,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  7. a b c d e et f Emmanuel Borloz, « La justice reconnaît l'urgence climatique », 24 heures,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  8. Infractions à la loi sur les contraventions : refus de se conformer aux ordres d’un agent de police et défaut d’autorisation de manifester.
  9. a b et c Pauline Turuban et Frédéric Boillat, « Les 12 activistes du climat ont été acquittés lors du procès à Renens », RTS Info,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  10. Emmanuel Borloz, « « L'avenir de l'humanité mérite que la loi soit dépassée » », 24 heures,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  11. Lausanne action climat, site du collectif dédié au « Premier procès climatique contre la place financière helvétique » (page consultée le 13 janvier 2020).
  12. « Les investissements de la BNS dans l’industrie fossile aux États-Unis : une catastrophe financière et pour le climat » (2016) et « Les investissements de la BNS dans l’industrie des énergies fossiles sont contraires aux intérêts de la Suisse » (2018).
  13. Boris Busslinger, « Éditorial : La justice légitime la désobéissance civile », Le Temps,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  14. Sarah Clément, « L'action en justice des Aînées pour le climat est rejetée par le TAF », RTS Info,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  15. a et b (en) Associated Press, « 12 climate activists on trial for stunt at Swiss bank office », The New York Times,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  16. Laurent Favre, « Comment Roger Federer est sorti de son silence », Le Temps,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  17. « Épinglé, Roger Federer dit prendre au sérieux le changement climatique », RTS Info,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  18. a b et c (en) « Roger Federer responds to climate crisis criticism from Greta Thunberg », The Guardian,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  19. (en) « Federer responds to climate change critics over Credit Suisse links », BBC News,‎ (lire en ligne, consulté le ).

Voir aussi

Articles connexes

Lien externe