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Piscine Molitor

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Piscine Molitor de Paris
La piscine Molitor en 2015
Présentation
Type
Piscine
Destination initiale
Piscine
Destination actuelle
Piscine et complexe hôtelier
Style
Architecte
Construction
1929
Ouverture
Inauguration
Reconstruction
Démolition
Occupant
Molitor Paris - MGallery (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Propriétaire
Gestionnaire
Patrimonialité
Site web
Localisation
Région
Commune
Arrondissement
Coordonnées
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La piscine Molitor est un complexe nautique jouxtant le bois de Boulogne, entre le stade Roland-Garros et le parc des Princes, dans le 16e arrondissement de Paris. Inaugurée en 1929 par les nageurs médaillés olympiques Aileen Riggin Soule et Johnny Weissmuller, elle est restée célèbre pour sa décoration Art déco et quelques événements comme la première apparition du bikini après 1945. Surnommée « le paquebot blanc », elle a fermé ses portes en 1989.

Inscrite aux monuments historiques le 27 mars 1990[2], elle est toutefois partiellement détruite en 2012, ce qui provoque une vive polémique[3]. Un bâtiment inspiré de la piscine Art déco est reconstruit à sa place et ouvre le 19 mai 2014 après deux ans et demi de travaux[4]. Outre ses bassins d'hiver et d'été (respectivement 33 et 46 mètres), la piscine Molitor compte désormais un hôtel de 124 chambres donnant toutes sur la piscine, un restaurant, un bar et un toit-terrasse[5].

Histoire

Les années 1920 et 1930 voient l'éclosion d'une quinzaine de piscines parisiennes. Les loisirs nautiques prennent de l'importance et la France est encore en retard dans ce domaine, notamment par rapport à l'Allemagne ou la Grande-Bretagne, qui en comptent respectivement 1 360 et 800 en 1922.

Construction

L'architecte Lucien Pollet dessine la piscine Molitor[6],[7], et, en 1929, la société Les belles piscines de France construit les « Piscines Auteuil-Molitor » à la Porte Molitor, dans le 16e arrondissement de Paris[8].

La particularité de la piscine Molitor réside dans l'association d'une piscine couverte, plutôt traditionnelle pour l'époque, et d'un bassin olympique à l'air libre entouré de trois étages de cabines. L'établissement nautique est le seul bâtiment de ce type. Lucien Pollet fait intervenir les meilleurs artisans de l'époque, tel le maître-verrier Louis Barillet pour les vitraux qui ornent l'entrée du bassin d'été et la grande verrière. Comme les constructions de Robert Mallet-Stevens, il est réalisé dans un style caractéristique Art déco, inspiré des paquebots (à cause des fenêtres hublots), très en vogue à l'époque.

Lucien Pollet, la baptise « Les Grands établissements balnéaires d'Auteuil », soulignant ainsi la vocation sportive, de bien-être et de loisirs des lieux. Le bassin d'été en est l'illustration : il était à l'origine bordé de plages de sable[6] et les coursives de ses trois niveaux de cabines bleues étaient elles-mêmes bordées par une « lisse normande » blanche.

Dans un quartier à forte vocation sportive, l'établissement trouve naturellement sa place à côté du Parc des Princes, du stade Jean-Bouin et du complexe Roland-Garros, ainsi que de quatre établissements scolaires.

Inauguration

La piscine est inaugurée avec faste par deux nageurs célèbres, les Américains Aileen Riggin Soule et Johnny Weissmuller[6]. À vingt-cinq ans, et trois ans avant d'incarner le premier Tarzan du cinéma, ce dernier est en effet mondialement connu pour ses cinq titres olympiques en natation. Maître-nageur à ses heures, il officie à la piscine Molitor pendant l'été 1929.

L'endroit accueille par la suite des défilés de mode, des galas nautiques, des représentations théâtrales ainsi que l'entraînement en hiver des champions français de patinage. Dans l'enceinte de Molitor, on trouvait plusieurs commerces qui animaient le quartier, un café-tabac, un restaurant, un magasin de sport et un salon de coiffure[6]. C'est de là qu'est partie la révolution du bikini, le 5 juillet 1946 alors que Louis Réard présente sa création portée par la danseuse du Casino de Paris, Micheline Bernardini[9],[6].

La piscine est composée de deux bassins :

  • un bassin couvert de 33 mètres, entouré de deux galeries de cabines ;
  • un bassin à l'air libre de 50 mètres qui, chaque hiver, se transformait en la plus grande patinoire de Paris ; cela jusqu'à la fin des années 1970. Il est entouré de trois niveaux de cabines.

L'édifice comporte déjà une salle de culture physique.

Abandon et controverses

En 1989, un projet immobilier est proposé à la ville de Paris. Le projet avancé par la ville prévoit la destruction de la piscine d'hiver et la reconstruction de la piscine d'été au sein d'un complexe hôtelier ainsi que la construction d'un parc de stationnement. Le 31 août 1989, la piscine est fermée définitivement. La façade et les principales entrées sont murées le lendemain. Fermée et menacée de destruction durant l'été 1989, les habitués de la piscine et du quartier réagissent en fondant l'association « SOS Molitor ». Ils obtiennent finalement gain de cause : l'ensemble du bâtiment des piscines Molitor est inscrit aux monuments historiques dans sa totalité, par arrêté du 27 mars 1990[2]. Ainsi est définitivement protégé un des plus importants ensembles de l'architecture parisienne des années 1930, du style Steam Liner. Les travaux sont arrêtés.

Exposée aux intempéries, la piscine subit alors de nombreux dégâts. Les murs tombent en ruine, le fond du bassin d'été s'est lézardé, les peintures des cabines et des balustres ont disparu. Plusieurs pillages ont été effectués, sans doute pour ses nombreux objets et décors Art déco. Le 14 avril 2001[10] le collectif Heretik organise dans la piscine une rave party, qui rassemble environ cinq mille personnes[11].

Reconstruction et réouverture

Différents projets immobiliers proposés par la suite ont été arrêtés par le ministère de la Culture, émettant définitivement le 5 août 2000 un avis défavorable au projet de permis de construire émis par la Ville de Paris[12]. La piscine est maintenant fermée depuis près de vingt ans et de nombreux défenseurs ont l'espoir qu'une rénovation à l'identique ait lieu. Succédant en 1994 à l'association SOS-Molitor qui avait obtenu l'inscription du bâtiment, l'association loi de 1901 « Piscines Molitor » se fixe pour but d'obtenir la réhabilitation et la réouverture des piscines Molitor en sauvegardant l'esprit de l'architecte Lucien Pollet. Face à la ville de Paris, elle entame plusieurs actions devant le tribunal administratif de Paris.

Le 20 novembre 2007, trois groupements sont en lice pour la réhabilitation de la piscine : Colony Capital SAS, ICADE / Caisse des dépôts et consignations et GTM Bâtiment ; ils ont déposé le 19 novembre une offre en vue de la rénovation et de l'exploitation de la piscine Molitor. Un appel à candidatures avait été lancé en août 2007 par la mairie de Paris[13].

Le 30 octobre 2008, la mairie de Paris annonce avoir retenu le projet du groupement Colony Capital-Accor-Bouygues pour la rénovation complète du lieu, élaboré par les architectes Alain Derbesse, Alain-Charles Perrot et Jacques Rougerie[14]. Le bail emphytéotique, d'une durée de 54 ans, est établi le 24 novembre 2008[6]. Le projet prévoit initialement, outre les bassins d'hiver et d'été, un hôtel quatre étoiles de quatre-vingt-dix-huit chambres et un centre de santé active (sauna, hammam, musculation, balnéothérapie), un centre médical, des commerces, deux restaurants et un parking de soixante dix places. L'investissement initial est évalué à 64,8 millions d'euros[15]. Les travaux commencent fin 2011 pour une réouverture en mai 2014[6]. En définitive ils coûtent près de 80 millions d'euros[16].

État des travaux en juin 2012.

Malgré son inscription aux monuments historiques depuis 1990, l'ensemble est en grande partie détruit en 2012. Les structures de béton, non entretenues par la municipalité, étaient « trop anciennes » pour être conservées en l'état. À l'exception d'une partie de la façade et de certains éléments de décor il ne reste plus rien du bâtiment de 1929[3]. Les gravats font place à une construction « proche de l'originale » selon la mairie de Paris et le fonds Colony Capital chargé du projet.

La piscine Molitor en 2015.

Les balustrades, peintures et mosaïques ont été restituées « à l'identique », bien qu'aucun document n'atteste le caractère original de la couleur jaune de chrome qui recouvre désormais le bâtiment, auparavant peint en blanc. Le bassin intérieur conserve son emplacement et sa longueur de 33 mètres, inédite, tandis que le bassin extérieur, à l'origine d'une longueur olympique de 50 mètres, est raccourci à 46 mètres. Le complexe, qui comprend un hôtel de luxe cinq étoiles de cent vingt quatre chambres (donnant toutes sur le bassin d'été), un parking et des commerces, ouvre ses portes le 19 mai 2014[4]. Le bâtiment accueille la Rolls-Royce taguée qui avait appartenu à Éric Cantona[17], des fresques de street-art et des vitraux Art déco[18], un des rares vestiges du bâtiment original.

Cependant, les polémiques ont été et continuent à être vives autour de Molitor, l'esprit et l'âme du lieu ont été dénaturés et selon l'historien de l'architecture Jean-François Cabestan, ce programme de reconstruction qui « défigure l'œuvre de Lucien Pollet » est une « imposture patrimoniale »[19].

En dehors de trois demi-journées réservées aux scolaires chaque semaine, la piscine n'est accessible qu'aux clients de l'hôtel et aux membres du Club de Molitor (droit d'entrée à 1 200 euros et adhésion annuelle de 3 300 euros pour l'accès aux spa, bassins, salle de sport, etc.)[20],[4].

Inspiration

Le protagoniste du roman L'Histoire de Pi de Yann Martel et de son adaptation cinématographique L'Odyssée de Pi, porte le prénom de « Piscine Molitor », abrégé en « Pi », en hommage à la piscine.

Notes et références

  1. Coordonnées trouvées sur Géoportail et Google Maps.
  2. a b et c Notice no PA00086713, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Mérimée, ministère français de la Culture.
  3. a et b La piscine Molitor, chef-d’œuvre de l’Art déco, n’existe plus - Didier Rykner, La Tribune de l'art, 12 juin 2012
  4. a b et c La mythique piscine Molitor rouvre... mais pas pour tout le monde - Le Nouvel Observateur/AFP, 19 mai 2014
  5. Le renaissance de la piscine Molitor - Site de la mairie de Paris, 19 mai 2014
  6. a b c d e f et g Caroline Sallé, « Dans quinze jours, les travaux de la piscine Molitor vont enfin débuter », Le Figaro, 21 novembre 2011, p. 17
  7. Il réalise également trois autres complexes nautiques : la piscine Pontoise, la piscine Pailleron, et la piscine de la Jonquière
  8. Architecture et sport en France 1918-1945 : une histoire politique et culturelle : Le cas de Paris et de sa proche banlieue - Marie Vives et Fabienne Chevallier, Docomomo
  9. Fête de l'eau et concours de maillots à la piscine Molitor - Les Actualités françaises, 11 juillet 1946, sur le site de l'Ina [vidéo]
  10. Rave pascale et sauvage à la piscine Molitor - Libération, 16 avril 2011
  11. Y.P., « Electro Heretik, l'histoire des free-party », Midi libre,‎
  12. Avis défavorable au permis de démolir la piscine Molitor - Communiqué du ministère de la Culture, 5 août 2000
  13. Réhabilitation de la piscine Molitor : trois groupements en lice - Milena Chessa, Le Moniteur, 20 novembre 2007
  14. La piscine Molitor - PSS-archi.eu
  15. Paris: projet Colony Capital/Accor/Bouygues retenu pour la piscine Molitor - daily-bourse.fr, 27 octobre 2008 (voir archive)
  16. Piscine Molitor : Jack Lang « choqué » par la mue du lieu - Challenges, 19 mai 2014
  17. La Rolls Royce d'Eric Cantona vendue 125 000 euros pour la Fondation Abbé Pierre - E. Nougué, Youmag.com, 23 janvier 2013
  18. La réouverture de la piscine Molitor suscite passions et polémiques - Jean-Bernard Litzler, Le Figaro, 19 mai 2014
  19. « La vraie-fausse piscine Molitor », Beaux Arts magazine, no 337, juillet 2012, p. 12
  20. Piscine Molitor : pourquoi les tarifs pratiqués sont si prohibitifs, Le Figaro.

Annexes

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Article connexe

Liens externes