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Narratologie

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Vladimir Propp en 1928. Historien soviétique de littérature, professeur d'université, linguiste, écrivain et philologue.

La narratologie (science de la narration) est la discipline qui étudie les techniques et les structures narratives mises en œuvre dans les textes littéraires (ou toutes autres formes de récit). Les premiers travaux en narratologie des études littéraires modernes proviennent du formalisme russe et tout particulièrement des travaux de Victor Chklovski et de Boris Eichenbaum.

L'étude systématique de la morphologie des contes russes par Vladimir Propp connait une bonne diffusion en France, parallèlement aux travaux (en particulier le schéma actantiel) d'Algirdas Julien Greimas. En Allemagne, la narratologie s'est développée sous l'impulsion de Franz Karl Stanzel et de Käte Hamburger.

Comme la sémiologie, la narratologie s'est développée en France à la fin des années 1960, grâce aux acquis du structuralisme. En 1969, Tzvetan Todorov forgeait le terme dans Grammaire du Décaméron et, en 1972, Gérard Genette définissait certains de ses concepts fondamentaux dans Figures III. On constate toutefois, à l'origine, quelques hésitations quant à l'objet de la narratologie : certains travaux mettent l'accent sur la « syntaxe » des histoires, tandis que d'autres privilégient la forme (les « figures » du discours). À ceci s'ajoute la question des récits non verbaux (par exemple le cinéma)[1].

Cependant, ses origines sont presque aussi anciennes que la littérature : la Poétique d'Aristote (IVe siècle avant notre ère) est ainsi considéré comme "le premier traité de narratologie"[2] (bien que restreint aux intrigues des drames, comme les tragédies, et autres récits en vers, comme les épopées homériques).

Les acteurs du récit

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Un récit est composé de plusieurs acteurs, notamment un personnage, c’est-à-dire celui qui participe à l’histoire, le narrateur, celui qui raconte l’histoire et, enfin, un auteur, celui qui l’écrit. Il ne faut donc pas confondre le narrateur et l’auteur, puisque le narrateur n’est, en fait, qu’un rôle joué et inventé par l’auteur. Donc, le narrateur narre l’histoire et l’écrivain l’écrit.

De même, tout comme une œuvre contient un auteur implicite, il existe aussi un lecteur et une personne construite à qui on destine le récit, c’est-à-dire le destinataire : « Le texte, objet de communication, ne se conçoit pas sans destinataire implicite »[4]. Selon Vincent Jouve, à la suite de l’analyse du destinataire, on peut théoriquement mettre au jour les réactions du « lecteur réel », c’est-à-dire le sujet bio-psychologique qui tient le livre entre ses mains lors de sa lecture du texte.

En narratologie, on nomme le destinateur « narrateur », par définition celui qui émet le message, et le destinataire « narrataire », celui à qui s’adresse le discours énoncé. Le narrataire n’a pas plus une existence réelle que le narrateur : ils n’existent que sous la forme textuelle. Le narrataire existe sous trois formes : narrataire intradiégétique (qui a toutes les caractéristiques d'un personnage), narrataire invoqué (qui n'a de caractéristique fictionnelle que l'apostrophe du narrataire intradiégétique[5]), narrataire extradiégétique (qui correspond à une figure de lecteur postulée par le texte lui-même et à laquelle tout lecteur s'identifie en lisant l'histoire)[6].

Les différents modèles d'interprétation des œuvres

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Le modèle sémiotique

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De prime abord, la sémiotique est la science dont l'objet d'étude est l'ensemble des processus de signification. La sémiotique n'a pas d'objet propre, mais constitue une grille d'analyse des phénomènes affectant le vivant et représente donc un lieu où peuvent converger de nombreuses sciences comme la linguistique, l'anthropologie, la sociologie, etc. Peu importe son objet d'étude particulier, elle approche les différents phénomènes qui le constituent en se demandant quel en est le sens.

La sémiotique narrative, voire la sémiotique greimassienne, s'intéresse aux structures de l'histoire qui composent le récit, soit au « contenu ». Sur ce plan, l'histoire peut se définir comme un enchaînement d'actions prises en charge par des acteurs. Par définition, l'acteur est l'instance chargée d'assumer les actions qui font fonctionner le récit. En effet, il ne peut y avoir de récit sans actions.

En ce qui concerne les actants, on se réfère surtout au schéma actantiel tel qu'établi par A.J. Greimas. Selon lui, dans un premier temps, les rôles actantiels (ou actants) sont au nombre de six :

  • le sujet ;
  • l'objet ;
  • l'opposant ;
  • l'adjuvant ;
  • le destinateur ;
  • le destinataire.

Cependant, au moins dès Sémiotique. Dictionnaire raisonné de la théorie du langage (Hachette 1979, avec Joseph Courtés), il apparaît que l'opposant et l'adjuvant ne sont pas des actants, mais des acteurs (voir ci-dessous), que Greimas nomme des « auxiliants », renvoyant au pouvoir-faire (adjuvant) ou au non-pouvoir-faire (opposant) du Sujet. À partir de là, la théorie actantielle de Greimas va fonctionner avec seulement trois actants : le Sujet, « bloqué » avec le destinataire, qui disparaît en pratique de ce schéma-là, l'Objet et le Destinateur : on ne saurait donc affirmer que la réorganisation actantielle de Jean-Claude Coquet (Le discours et son sujet, Klincksieck 1984), en prime actant, second actant et tiers actant, réduit le nombre des actants ; c'est dans la modification de leurs relations et de leur contenu modal (pouvoir, savoir, vouloir) que se trouve l'apport spécifique, ici, de sa sémiotique.

Finalement, le rôle thématique désigne l'acteur qui est porteur de sens, notamment au niveau figuratif. Il renvoie donc à des catégories (psychologiques, sociales) permettant d'identifier le personnage sur le plan du contenu. Selon Vincent Jouve, « si le rôle actantiel assure le fonctionnement du récit, le rôle thématique lui permet de véhiculer du sens et des valeurs. De fait, la signification d'un texte tient en grande partie aux combinaisons entre rôles actantiels et rôles thématiques »[7].

Le modèle sémiologique

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Une approche est qualifiée de sémiologique lorsqu'elle choisit d'étudier un aspect (par exemple le personnage) sur le modèle du signe linguistique. Ainsi, le personnage devient le « signe » du récit et se prête à la même qualification que les signes de la langue. De ce fait, on peut classer les personnages d'un récit en trois catégories :

  • les personnages référentiels : ils reflètent la réalité (personnages historiques, mythologiques, personnages types) ;
  • les personnages embrayeurs : ils dessinent la place de l'auteur ou du lecteur dans la fiction (narrateur-témoin, observateur) ;
  • les personnages anaphores : ils rappellent des données importantes ou préparent la suite du récit (historien, enquêteur, biographe, devin, prophète).

Philippe Hamon retient aussi trois champs d'analyse [8] :

  • l'être (le nom, le portrait physique, la psychologie, etc.) ;
  • le faire (les rôles thématiques et les rôles actantiels) ;
  • l'importance hiérarchique (statut et valeur).

Le modèle sémio-pragmatique

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Dans la lignée des travaux effectués par Umberto Eco dans Lector in fabula (1985), une approche sémio-pragmatique étudie le personnage comme « effet de lecture ». En d'autres termes, la narration (la manière dont le narrateur effectue sa présentation, sa mise en scène) influence l'image que retient le lecteur d'un personnage et les sentiments qu'il lui inspire.

Selon Vincent Jouve, les personnages peuvent induire trois types différents de lecture [9] :

« Un personnage peut se présenter comme un instrument textuel (au service du projet que s’est fixé l’auteur dans un roman particulier), une illusion de personne (suscitant, chez le lecteur, des réactions affectives) ou un prétexte à l’apparition de telle ou telle scène (qui, sollicitant l’inconscient, autorise un investissement fantasmatique). On nomme respectivement ces trois lectures : l’effet personnel, l’effet personne et l’effet prétexte. »

Les actions et l'intrigue

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Selon Paul Larivaille[10], l'intrigue (l'histoire) se résume dans toute œuvre selon un schéma quinaire :

  1. Avant - État initial - Équilibre ;
  2. Provocation - Détonateur - Déclencheur ;
  3. Action ;
  4. Sanction - Conséquence ;
  5. Après - État final - Équilibre.

Bref, selon ce schéma, le récit se définit comme le passage d'un état à un autre par la transformation (étapes 2, 3 et 4) :

« Un récit idéal commence par une situation stable qu'une force quelconque vient perturber. Il en résulte un état de déséquilibre ; par l'action d'une force dirigée en sens inverse, l'équilibre est rétabli ; le second équilibre est bien semblable au premier, mais les deux ne sont jamais identiques. Il y a par conséquent deux types d'épisode dans un récit ; ceux qui décrivent un état (d'équilibre ou de déséquilibre) et ceux qui décrivent le passage d'un état à l'autre. »

(Tzvetan Todorov, Qu'est-ce que le structuralisme?, tome 2, « Poétique », Paris, Éd. du Seuil, 1968, p. 82)

La narratologie post-classique (Baroni 2007) est venue redéfinir les notions de schéma narratif et d'intrigue en insistant sur l'actualisation du récit par un interprète et sur les émotions (suspense, curiosité, surprise) générées par la « mise en intrigue » des événements. La séquence narrative repose dès lors sur l'alternance entre un nœud textuel qui agit comme un inducteur d'incertitude chez l'interprète, un retard qui entretient la tension narrative par une narration réticente et enfin un dénouement textuel qui viendra éventuellement répondre aux questions engendrées par le nœud. Cette conception de la séquence narrative fait ressortir deux modalités alternatives de l'intrigue suivant le type de nœud textuel : l'interrogation peut porter soit sur le développement ultérieur d'un événement sous-déterminé (alors les pronostics de l'interprète accompagnent un sentiment de suspense), soit sur la nature d'un événement mystérieux actuel ou passé (alors les diagnostics de l'interprète accompagnent un sentiment de curiosité) (Baroni 2007: 110-152). Cette approche renouvelée permet de définir l'intrigue non seulement en tant que logique de l'action ou structure immanente de l'histoire, mais également en tant que dispositif textuel et fonctionnel dont dépend en partie l'intérêt anthropologique de la narrativité et ses effets passionnels ou « thymiques » sur un auditoire (cf. catharsis). Il devient en outre possible de tisser des liens entre narratologie thématique (Bremond, Larivaille, etc.) et narratologie modale (Genette) en insistant sur la nécessaire interdépendance entre histoire (fabula) et discours (sujet).

« les éléments textuels qui sont susceptibles de nouer une intrigue - c'est-à-dire les « complications » actionnelles ou les obscurités provisoires du texte - ne peuvent être ressentis et perçus comme des « événements » dans le procès narratif qu'en fonction de leur caractère « tensif », qui est plus ou moins marqué ou diffus. (…) Tension et intrigue se trouvent dès lors indissociablement liés, ce sont deux dimensions du récit qui se définissent réciproquement à partir d'un point de vue thymique et compositionnel[11]. »

L'analyse de Gérard Genette

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Le temps narratif

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Il est important de toujours bien distinguer ce qui relève ou non de la narratologie, c'est-à-dire ici le temps de l'univers représenté et les temps du discours.

La narratologie peut analyser le temps du récit. Il en existe plusieurs : l'ordre, la durée, la fréquence, etc. L'ordre du récit est l'ordre des faits. Il peut y avoir rétrospection ou anticipation, l'ordre peut être linéaire, mais aussi anachronique. La durée quant à elle est le temps que durent les faits, le rythme de la narration. Aussi, la fréquence est le nombre de fois qu'un événement s'est passé.

On peut distinguer :

  1. L'ellipse : certains événements dans la narration sont passés sous silence et à ce moment on utilise une ellipse temporelle pour que le lecteur puisse se situer dans le texte. Exemple : « Le jour J (ellipse temporelle) arriva ». On peut supposer que les jours précédents n'ont pas été narrés ;
  2. Le sommaire : on résume en quelques lignes des événements de longue durée, le récit va plus vite que l'histoire ;
  3. La scène : le temps de l'histoire est égal au temps du récit. On raconte les événements tels qu'ils se sont passés. Exemple : dans un dialogue ;
  4. La pause : le récit avance, mais l'histoire est suspendue, on omet une période de l'histoire. Exemple : lors d'une description.

Les moments de la narration

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On distingue au moins quatre moments différents dans la narration :

  1. Ultérieur : on raconte après ce qui s'est passé (analepse) ;
  2. Antérieur : on raconte ce qui va se passer (prolepse ou amorce) ;
  3. Simultané : on raconte directement ce qui se passe ;
  4. Intercalé : on mélange présent et passé.

Les modes narratifs et les points de vue

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Cette conception, bien que largement controversée[12], distingue trois types de points de vue :

  • focalisation externe :
l’histoire est racontée à travers le regard d’un narrateur extérieur à l’histoire qui n’y participe pas ;
  • focalisation interne :
l’histoire est racontée à travers le regard d’un personnage (ou de plusieurs[13]) ;
  • focalisation zéro (point de vue omniscient) :
le narrateur sait tout et en sait même plus que les personnages (surtout dans le roman, permet de donner des informations en très peu de lignes).

Dans la majorité des romans, les trois points de vue coexistent en alternance et s’inscrivent donc dans une focalisation variable : la focalisation se déplace d’un personnage à un autre ou est indéterminable.

Lorsque le narrateur se confond avec l'un des personnages et raconte l'histoire de son point de vue, il s'agit d'un récit à la première personne. Cette technique est différente de la focalisation interne. En effet, le narrateur peut prendre une distance avec le regard du personnage tout en utilisant la focalisation interne. Il peut pour cela utiliser l'ironie, à la manière de Flaubert.

Il existe plusieurs types de narrateurs (voir Figure III) :

  • le narrateur extradiégétique :
le narrateur n'est pas un personnage de la diégèse (c'est-à-dire l'histoire racontée) ;
  • le narrateur intradiégétique :
le narrateur est un des personnages de la diégèse (cas notamment des récits enchâssés : un personnage raconte une histoire et se fait narrateur) ;
  • le narrateur autodiégétique :
cas particulier de narrateur intradiégétique, le narrateur se confond avec le protagoniste[14], il est le héros de l'histoire qu'il raconte (non un simple observateur ou un personnage secondaire) ;
  • le narrateur hétérodiégétique :
le narrateur n'intervient pas directement dans son récit (pas de prise de parole du narrateur) ;
  • le narrateur homodiégétique :
le narrateur intervient directement dans son récit, à la première personne, dont il est lui-même la figure centrale.

Ces modes de narration ne sont pas exclusifs : outre qu'il est évidemment possible de trouver successivement plusieurs types de narrateurs dans un même récit, un narrateur peut être à la fois extradiégétique et homodiégétique (sans être un personnage de la diégèse, le narrateur peut apostropher le lecteur ou livrer un jugement sur ses personnages, par exemple).

Inversement, un narrateur peut être intradiégétique et hétérodiégétique (tout en étant un personnage, il peut ne pas intervenir en tant que narrateur dans l'histoire qu'il raconte).

On peut enfin penser au cas particulier de l'autobiographie, où le narrateur est autodiégétique et homodiégétique (il y a alors équivalence de trois niveaux différents : personnage principal = narrateur = auteur).

La narratologie dans les jeux vidéo

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L’histoire de la narratologie dans le jeu vidéo

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En 1979, Richard Garriott sort le jeu vidéo Akalabeth: World of Doom en s’inspirant des jeux de rôle sur table, il est alors le premier jeu vidéo de rôle défini comme tel.

Il sortira par la suite une série de Jeux vidéo de rôle sous le nom d’Ultima, qui est considéré comme la franchise la plus ancienne dans cette catégorie.

Son travail donne alors une forme au RPG dans le jeu vidéo qui sera généralement défini par un univers vaste, un scénario complexe et une durée de vie conséquente.

Ultima IV, sortie en 1985, cherche à dépasser les limites du genre.

Il est le premier épisode de la série qui s’écarte de la formule classique centré sur un scénario manichéen et propose au joueurs de faire leurs propres choix moraux et éthiques.

Richard Garriott avait pensé lors de l’écriture du scénario du jeu que des actions immorales, tels que le vol ou le meurtre, étaient importantes pour conclure les précédents épisodes.

L’analyse narrative dans le jeu vidéo

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Espen Aarseth, chercheur en littérature, découvrit les limites de l’analyse littéraire classique lors de l’étude de la fiction dans les jeux d’aventure textuelle (MUD), ainsi que dans les autres jeux vidéo.

Selon lui, les jeux vidéo sont de la littérature ergodique ( Du grec ancien ἔργον, « travail, action », et ὁδός, « chemin » ) où il faut s’activer, fournir un “effort interactif ” afin de faire avancer l’histoire.

Dans son livre de 2005, Half-real: Video games between real rules and fictional worlds, Jesper Juul parle des incohérences inhérentes au jeu et, de par sa nature de double média, les jeux vidéo possèdent des incohérences fondamentales.

Il pose alors la question, pourquoi Mario possède 3 vies ? Un joueur lambda ne se poserait pas la question, mais Juul met le doigt sur une incohérence du jeu vidéo, rien dans la narration n’explique pourquoi Mario peut revenir à la vie.

Pourtant, certains auteurs comme Edward Wesp, considèrent que le jeu vidéo est un médium cohérent avec lui-même.

« Les incohérences entre la narration et le gameplay sont donc perçues de la sorte lorsqu’on les considère de manières distinctes telles deux sphères éloignées l’une de l’autre. »

La narration dans le gameplay

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Triangle sémiotique

Le jeu vidéo possède une structure duale : le Core (la structure interne du jeu) et le Shell (la structure externe du jeu). C’est le postulat de la complexité socioculturelle des jeux proposé par |Mäyrä en 2008.

Lorsqu’on analyse les jeux, il est nécessaire de distinguer au moins deux strates au sein de leur structure ludique : la strate de la performance, dite interne, définie par le gameplay, et la strate des représentations, dite externe, définie par un système de signes.

Les représentations sont alors le moyen par lequel le joueur peut percevoir la narration du jeu au travers de signes : scénario, imagerie, personnages, intriguent, son…

Diagramme core/shell

Le jeu vidéo est alors un générateur de signes.

Selon Peirce, un signe est “quelque chose qui tient lieu pour quelqu'un de quelque chose [d’absent] sous quelque rapport ou à quelque titre”.

Charles S. Peirce - Le triangle sémiotique

Lors des phases de gameplay, les représentations permettent d’enrichir l’expérience du jeu en l’inscrivant dans un contexte plus vaste (psychologie, croyances, système de valeurs, références culturelles, politique…).

La dialectique du Core et du Shell.

Narratologie et intelligence artificielle

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« La génération de récit est apparue comme une tâche privilégiée pour l’Intelligence Artificielle »[15], et en quelques décennies, les modèles narratifs se sont rapprochés des modèles numériques et algorithmiques, permettant de relever le défi de la traduction (ex : traduction automatique) et celui de créer des agents conversationnels dits "intelligents" (ex : ChatGPT), ce qui ouvre à partir des années 2010 sur un large champ de possibles ; pour le meilleur et pour le pire (ex utilisation par la publicité en ligne ; production de fake new, outil d'influence, notamment illustré par le scandale Cambridge Analytica/AggregateIQ de manipulation psychologique de groupes de personnes-clé dans divers processus électoraux dans le monde (qui a débouché sur des élections trompeuses, dans plusieurs dizaines de pays), et au moins dans un référendum (référendum qui a abouti au Brexit).

Avec l'avènement de l'Internet 2.0 et — corrélativement — de réseaux sociaux, les narratifs de la rumeur, du déni, du soupçon, de l'influence, de la propagande et des théories du complot se sont rapidement développés, mettant à mal le droit à l'information, et indirectement le droit à la qualité de l'environnement (initié par la Déclaration de Stockholm, en 1972, et intégré en France dans la Constitution). L'information sur la santé a par exemple été manipulée par l'Industrie du tabac, de l'amiante et celles des énergies fossiles dans un premier temps, puis par d'autres (Industries pharmaceutique, agricole, agroalimentaire...) dans la fabrique du doute et/ou du déni. Dans le même temps le droit à l'information inconditionnelle de tous à propos de l'environnement et du climat (droit théoriquement protégé par la Convention d'Aarhus) est distordu par certains acteurs qui profitent des réseaux sociaux pour propager à grande échelle, de plus en plus via des automates numériques (bots) et des usines à trolls, un puissant narratif de désinformation (certains parlent d'une ère post-vérité où le narratif ; face aux modèles, données et rapports du GIEC qui montrent la réalité et l'accroissement du réchauffement climatique, d'importants lobbys (ex : ExxonMobil) ont développé un stratégie d'influence et de fabrique du déni (« climatodénialisme »). Des narratifs nouveaux sont apparus et ont été sciemment largement diffusés pour, dans un premier temps, au moyen des techniques éprouvées de propagande, faire croire aux décideurs, aux médias et au grand public que le réchauffement n'existe pas ou qu'il n'est pas anthropique ni un problème ; les dénialistes ont nié qu'il y ait une certitude de causalité entre l’utilisation d'énergies fossiles et le réchauffement, puis ont affirmé que des solutions technologique (géoingénierie, pompage du CO2 atmosphérique) et économico-financières (finance verte, Finance carbone...) pourraient stopper ou compenser les émissions de GES. Des chercheurs[16] montrent qu'en dépit des preuves et faisceaux d'indices scientifiques, au début des années 2020, le narratif climatosceptique et la désinformation se sont poursuivis, notamment sur Twitter ; l’activité (en ligne notamment) de groupes dénialistes et climato-sceptiques semble même avoir augmenté (pendant que les émissions de CO2 continuaient à augmenter et que les grandes compagnie pétro-gazières (BP par exemple) engrenaient des bénéfices annuels records. Des statistiques sont analysées en France par les plateformes Climatoscope et Politoscope qui étudient notamment le traitement de l'information et la circulation des fakenews via les tweets selon des méthodologies mises au point au CNRS, au CAMS[17] et à l’Institut des systèmes complexes de Paris, en cherchant à distinguer les messages authentiques de fervents supporters d'une idée, des prosélytismes et de certaines formes de dénialismes viraux propagés en ligne par des bots (compte automatisés) et/ou par des acteurs payés pour le faire[16]. Ces analyses montrent que l'astroturfing (méthode d'influence consistant à fabriquer une foule d'avis factices pour faire croire qu'un grand nombre de personnes, ou une majorité, soutient une idée ou une cause reste très utilisé, dont pour propager le dénialisme climatique[16]. L'Intelligence artificielle est utilisée pour créer de faux messages dénialistes, mais elle peut aussi contribuer à différencier les avis réels de la population d'un « résultat d’une mise à l’agenda inauthentique par certains acteurs »[16]. En attribuant un « score d’inauthenticité » à un compte « en fonction de son profil et de son activité en ligne, qui donnerait en quelque sorte une probabilité pour qu’il soit inauthentique. Une communauté ayant un score moyen d’inauthenticité plus élevé que les autres pointerait vers de possibles opérations d’astroturfing »[16]. On a ainsi pu montrer que le « militantisme dénialiste » a évolué, s'est trouvé de nouveaux fronts et s'est même accru en France en juillet 2022 dans certains réseaux sociaux (Twitter notamment), alors même que le monde vivait des températures record, des événements extrêmes ; et alors que la COP27 était marquée par la présence d'environ 600 délégués des lobbys des industries fossiles, et alors que la guerre russo-ukrainienne montrait la dépendance de l'Europe au gaz[16].

Des chercheurs du CNRS, du CAMS et de l'EHESS comme David Chavalarias (directeur de recherche, spécialiste du prosélytisme et lobbyisme en ligne[18] et des informations trompeuses et données dites toxiques)[19], Paul Bouchaud, VictorChomel (Polytechnicien et auteur d'une thèse (2022) intitulée “Beyond Fake News : une approche structurelle et dynamique de l’analyse de la désinformation en ligne et de la manipulation de l’opinion publique)[20] ou encore Maziyar Panahi (spécialiste de l'IA et du Big Data, Responsable de la plateforme Multivac) ont proposé de nommer « dénialistes climatiques » ceux qui continuent à rejeter les principales conclusions de la science du climat et des rapports du GIEC (reflétant l’état des connaissances issues des sciences du climat et du changement climatique) pour « souligner qu’il ne s’agit pas de dire qu’un fait établi scientifiquement est nécessairement incontestable, mais que les faits les plus légitimes pour prendre les décisions futures sont ceux qui sont rigoureusement établis par les scientifiques sur la base de l’état actuel des connaissances et de la compréhension liées au système terrestre »[16].

Médecine narrative

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« Médecine narrative » est le nom donné à une discipline enseignée dans plusieurs universités françaises[21].

Notes et références

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  1. Michel Mathieu-Colas, « Frontières de la narratologie », Poétique 65, Paris, Le Seuil, 1986, pp. 91-110 [lire en ligne].
  2. https://www.fabula.org/acta/document15350.php
  3. « Conférences et cours universitaires - Études françaises - Catégories du récit Ép 1 - S2 » (consulté le )
  4. Vincent Jouve, L’Effet-personnage dans le roman, Paris, PUF, , 271 p. (ISBN 978-2-13-044270-7).
  5. Frank Wagner, « Analogons (de quelques figures de lecteurs/lectrices dans le texte et de leurs implications pragmatiques) », in Revue d'études culturelles (Lecteurs et lectrices, théories et fictions), Dijon, Association bourguignonne d’Études Linguistiques et Littéraires, no 3, automne 2007, p. 11-33.
  6. Vincent Jouve, La Lecture, Hachette, coll. « Contours littéraires », 1993.
  7. La poétique du roman, Éd. Armand Colin, 1997, p. 53.
  8. Pour un statut sémiologique du personnage, Paris, Seuil, coll. Point, 1977.
  9. L'effet-personnage dans le roman PUF, coll. Écriture, 1992.
  10. L'analyse morpho-logique du récit, in Poétique n°19, 1974.
  11. Raphaël Baroni, La Tension narrative, « Poétique », Paris, Éd. du Seuil, 2007, p. 54.
  12. Sylvie Patron, Le Narrateur. Introduction à la théorie narrative, Paris, Armand Colin, 2009.
  13. Dans Hypnose de Joe Haldeman, à chaque chapitre le narrateur change. Son nom est en titre de chapitre.
  14. « définition du mot protagoniste », sur cnrtl.fr.
  15. Nicolas Szilas, « Modèles narratifs, modèles numériques : vers un rapprochement », Cahiers de Narratologie. Analyse et théorie narratives, no 42,‎ (ISSN 0993-8516, DOI 10.4000/narratologie.14024, lire en ligne, consulté le )
  16. a b c d e f et g David Chavalarias, Paul Bouchaud, Victor Chomel et Maziyar Panahi, « Les nouveaux fronts du dénialisme et du climato-scepticisme », CNRS, Institut des Systèmes Complexes de Paris Île-de-France,‎ (lire en ligne, consulté le )
  17. CAMS = Centre d'analyse et de mathématique sociales [unité mixte EHESS–CNRS (UMR 8557)]
  18. David Chavalarias, Noé Gaumont et Maziyar Panahi, « Hostilité et prosélytisme des communautés politiques », Réseaux, vol. n° 214-215, no 2,‎ , p. 67–107 (ISSN 0751-7971, DOI 10.3917/res.214.0067, lire en ligne, consulté le )
  19. « Toxic data, David Chavalarias, Flammarion, 2022, 300 pages, 19 € », Cerveau & Psycho, vol. N° 143, no 5,‎ , p. 93a–93a (ISSN 1639-6936, DOI 10.3917/cerpsy.143.0093a, lire en ligne, consulté le )
  20. Victor Chomel (2022) “Beyond Fake News : a structural and dynamic approach towards analyzing online misinformation and manipulation of public opinion”. EN. Computational Social Sciences. Paris : Ecole des Hautes Études en Sciences Sociales, oct
  21. Rossi, Silvia. « Médecine narrative », Christine Delory-Momberger éd., Vocabulaire des histoires de vie et de la recherche biographique. Érès, 2019, pp. 236-238.

Bibliographie

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  • Yves Lavandier, La Dramaturgie et Construire un récit, Le Clown et l'Enfant, 2016.
  • André Belleau, « Du dialogisme bakhtinien à la narratologie », Études françaises, volume 23, numéro 3, hiver 1987, p. 9-17 (lire en ligne).
  • Horace Porter Abbott, The Cambridge Introduction to Narrative, Cambridge, Cambridge University Press, 2002.
  • Gerald Prince, Narratology : the form and functioning of narrative, Berlin, New York, Mouton, 1982.
  • Raphaël Baroni, La Tension narrative, Paris, Seuil Poétique, 2007.
  • Umberto Eco, Lector in fabula : Le rôle du lecteur ou la Coopération interprétative dans les textes narratifs, Paris, Grasset biblio essais, 1985.
  • Serge Fuchet, Traité sur les actants et les espaces, Londres, Editions universitaires européennes, 2024.
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Articles connexes

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