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J'accuse… !

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L'un des titres les plus célèbres de la presse française

« J’Accuse…! » est le titre d'un article rédigé par Émile Zola lors de l'affaire Dreyfus. Il est publié dans le journal L'Aurore du sous la forme d'une lettre ouverte au Président de la République Félix Faure. Au travers d'un véritable pamphlet accusateur, la contestation d'une décision de justice au nom de valeurs universelles, l'écrivain décide de s'exposer publiquement, afin de comparaître aux Assises pour qu'un nouveau procès, plus indépendant puisse se dérouler. C'est cet article qui relance l'affaire Dreyfus, au moment où, le véritable coupable (le commandant Esterházy) étant acquitté, tout pouvait sembler perdu pour le camp dreyfusard. Cet article représente le symbole de l'éloquence oratoire et du pouvoir de la presse mis au service d'une cause juste et généreuse.

Émile Zola en 1898

Émile Zola en pleine gloire s'engage dans l'affaire Dreyfus.

En 1898, Émile Zola est un écrivain au sommet de la gloire, non élu de l'Académie française, mais tout de même décoré de la Légion d'honneur et président de la Société des gens de lettres. Ayant achevé l'important cycle romanesque des Rougon-Macquart en vingt volumes, il termine à ce moment-là un triptyque, Les Trois Villes et s'apprête à en commencer un autre : Les Quatre Évangiles. Il est à l'abri du besoin, même à la tête d'une petite fortune, après des décennies de vache maigre. Il n'a plus rien à prouver ni à gagner dans un engagement comme celui qu'il s'apprête à prendre.

Reconnu avant tout comme romancier, Zola a débuté sa carrière d'homme de lettres dans la presse, dont il a compris le pouvoir croissant. Journaliste passé par toutes les rubriques de nombreux journaux, y compris les faits divers, il y a acquis la maîtrise d'une écriture sage mais percutante. Surtout, son éloquence tranquille en fait l'un des éditorialistes à la fois les plus respectés et les plus craints de la presse parisienne. Il s'est aussi fait longtemps connaître comme critique d'art, épinglant ou louant les nouveaux mouvements picturaux, comme les anciens. Son passage au Figaro a été particulièrement remarqué, quotidien qu'il quitte officiellement le 22 septembre 1881 dans un article à la Une : Adieux pour se consacrer entièrement aux Rougon-Macquart.

Avant ses premiers contacts à l'occasion de l'affaire Dreyfus, Zola n'a jamais fait de politique, hormis un bref intermède à la chute du Second Empire, afin d'obtenir un poste de sous-préfet, sans succès. Observateur attentif de cette fin de régime et de la naissance de la Troisième République, il s'est tenu à l'écart de tout engagement. Mieux, son observation du monde politique le rend sceptique, et il gardera toujours une once de mépris et d'incrédulité face à un personnel politique, beaucoup trop compromis à son goût. Il reste, cela dit, convaincu que la République et la démocratie sont les meilleurs garants des libertés publiques. Et il sait, pour la bien connaître, qu'il peut compter sur une presse contre-pouvoir, le jour où il décidera de s'engager pour une cause[1].

L'affaire Dreyfus jusqu'en janvier 1898

Le capitaine Dreyfus

L'affaire Dreyfus commence à l'automne 1894 sur la base d'une lettre appelée Bordereau. Cette lettre prouve que des fuites sont organisées vers l'ambassade d'Allemagne à Paris. Un capitaine d'état-major juif, Alfred Dreyfus, est ainsi accusé d'espionnage et condamné au bagne à perpétuité car son écriture ressemble à celle du Bordereau. Malgré les dénégations de l'accusé, un dossier vide de preuves, l'absence de mobile, le Conseil de guerre a condamné à l'unanimité. C'est cette unanimité qui emporte l'adhésion quasi-totale de l'opinion publique française : Dreyfus a trahi et a été justement condamné, pense-t-on. Le capitaine est dégradé dans la cour d'honneur de l'École militaire à Paris, puis expédié à l'Ile du Diable, en Guyane française. Deux longues années passent.

La famille du capitaine n'a jamais accepté les circonstances de cette condamnation. Mathieu Dreyfus, le frère du condamné, et Lucie Dreyfus, son épouse, ne peuvent s'y résoudre et engagent tout leur temps et leurs moyens. Petit à petit, des informations filtrent, des détails s'amoncèlent encourageant la famille dans la voie de la révision. Parallèlement, Georges Picquart, nouveau chef des services secrets français, s'aperçoit à l'été 1896, que le véritable auteur du Bordereau n'est pas Alfred Dreyfus, mais Ferdinand Walsin Esterházy, commandant d'infanterie, criblé de dettes. Fort de ces constatations, le colonel Picquart prévient ses chefs. Mais ces derniers refusent de rendre l'erreur publique et insistent afin que les deux affaires restent séparées. Devant l'insistance du colonel Picquart, celui-ci est limogé et transféré en Afrique du Nord. Alors qu'il est l'objet de diverses machinations de son ancien subordonné, le commandant Henry, Picquart confie ses secrets à son ami, l'avocat Louis Leblois. Celui-ci, révolté par l'iniquité faite au capitaine Dreyfus, se confie à son tour au vice-président du Sénat, Auguste Scheurer-Kestner. Mais tous deux décident de garder le secret.

Le tournant, c'est la publication du fac-similé du Bordereau par le journal le Matin en novembre 1896. L'écriture du coupable est placardée dans tout Paris, et inévitablement elle est reconnue : c'est celle d'Esterházy. Mathieu Dreyfus en est informé et Lucie Dreyfus porte plainte contre le véritable traître. L'un des vice-présidents du Sénat, Scheurer Kestner, intervient officiellement, et devient la cible des nationalistes et des antisémites. Le Haut-commandement vole au secours d'Esterházy, mais n'a d'autre choix que de le faire comparaître en Conseil de guerre. Adroitement manipulés, l'enquêteur, de Pellieux et les militaires magistrats acquittent le véritable traître au terme d'une comédie de deux journées, à l'issue d'un délibéré de deux minutes. La coupe est pleine. Zola, qui avait déjà écrit trois articles assez modérés dans le Figaro, décide de frapper un grand coup au travers d'une lettre ouverte au Président de République[2].

Zola devient acteur de l'Affaire

Première des 32 pages autographes du manuscrit de J'Accuse…!, janvier 1898

La source du combat d'Émile Zola est à rechercher dans la tradition d'engagement politique de l'intellectuel illustrée notamment par Voltaire et l'affaire Calas au XVIIIe siècle ou encore plus récemment, par Victor Hugo, dont l'affrontement avec Louis Napoléon Bonaparte reste vivant dans tous les esprits. Ces écrivains ont su à l'occasion consacrer leur savoir-faire, leur habileté rhétorique, à combattre l'intolérance, l'injustice. Ils ont mis leur célébrité au service de la cause défendue, sans soucis des conséquences. Le camp dreyfusard cherchait à générer un engagement de ce type, souhaitait l'emblème littéraire pour la cause. La presse de l'automne-hiver 1897-1898 fait de nombreuses fois référence à l'affaire Calas ou au Masque de fer, en réclamant un nouveau Voltaire pour défendre Alfred Dreyfus[N 1]. Mais les grandes plumes avaient disparu, Honoré de Balzac, Guy de Maupassant, Gustave Flaubert, Alphonse Daudet, qui meurt à ce moment-là, en décembre 1897. Des grands hommes de lettre célébrés, ne restait qu'Émile Zola. Il décide ainsi d'intervenir directement dans le débat au cours de l'automne 1897, après une longue réflexion. C'est que jusqu'à cette date, le romancier a ignoré pratiquement l'affaire Dreyfus. Elle ne l'intéressait pas, à l'exception de la montée des périls antisémites qui le navraient[N 2].

Approché par le vice-président du Sénat, Auguste Scheurer-Kestner, Zola est convaincu de l'iniquité, car il détient des informations indirectes mais sûres de l'avocat Louis Leblois. Ce dernier est en effet le confident et le conseil du colonel Picquart, ex-chef des Renseignements militaires ; ce cercle restreint connaît depuis la fin de l'été le nom du véritable coupable, le commandant Esterházy. Zola, révolté par l'injustice et les réactions insultantes de la presse nationaliste, décide d'écrire plusieurs articles en faveur du mouvement dreyfusard naissant dans le Figaro en cette fin d'année 1897. Le premier, intitulé M. Scheurer-Kestner, paraît le 25 novembre et se veut un plaidoyer en faveur de l'homme politique courageux qui se dresse contre l'injustice de la condamnation du capitaine Dreyfus. C'est cet article qui expose le leitmotiv des Dreyfusards pour les années à venir : « La vérité est en marche et rien ne l'arrêtera », en démontrant une fois de plus le sens de la formule de l'auteur des Rougon-Macquart. Mais cet article, et les deux suivants, titrés Le Syndicat le 1er décembre et Procès-verbal le 5 décembre, restent sans effet notoire[N 3]. Les militaires, pas plus que les politiques ne sont impressionnés par cet engagement certes résolu, mais encore modéré[3]. Cela dit, l'engagement relatif d'Émile Zola a quand même révulsé une partie du lectorat de ce journal sérieux qu'est le Figaro. Des pressions nombreuses incitent sa direction à informer le romancier que ses colonnes lui seront désormais fermées. Fernand de Rodays, l'un de ses directeurs, le plus favorable à la cause dreyfusarde,décide alors de passer la main à son associé et se retire de la direction du Figaro.

La légende[N 4] veut qu'Émile Zola ait écrit « J'Accuse…! » en deux jours, entre le 11 et le 13 janvier, sous le coup de l'émotion issue du verdict d'acquittement rendu au profit du commandant Esterházy. Mais les spécialistes ne sont plus de cet avis[4]. La densité d'informations de l'article et divers indices montrant l'intention de Zola[N 5] font pencher plutôt pour une préméditation qui remonte bien avant le procès Esterházy, fin décembre 1897. Du reste, il semble que Zola ne croyait pas à la condamnation d'Esterházy, d'après son meilleur ami, Paul Alexis, à qui Zola révèle une semaine avant la fin du procès sa certitude de l'acquittement du véritable traître. Mais les deux options sont envisagées : ou Esterházy est reconnu coupable et l'article appuiera sur les zones d'ombre de l'Affaire en exigeant la révision ; ou c'est l'acquittement et le pamphlet n'en sera que plus redoutable. Dans les deux cas, l'objectif est de répondre violemment à l'iniquité : on décide de lancer une bombe !

Après le retrait du Figaro, Émile Zola songe à publier son texte en plaquette, n'ayant plus de support journalistique. Mais Louis Leblois, ami du colonel Picquart, suggère à Zola de se rapprocher du journal l'Aurore et de Clemenceau[5].

Un cri : « J'Accuse…! »

« J'Accuse…! » paraît deux jours après l'acquittement d'Esterhazy par le conseil de guerre (11 janvier), qui semble ruiner tous les espoirs nourris par les partisans d'une révision du procès condamnant Dreyfus. L'article, distribué dès huit heures du matin, fait toute la une et une partie de la seconde page du quotidien, dont 200 000 à 300 000 exemplaires s'arrachent en quelques heures. C'est le texte d'un écrivain, une vision de romancier qui transforme presque les acteurs du drame en personnages de roman[6]. Charles Péguy, est témoin de l'évènement :

« Toute la journée, dans Paris, les camelots à la voix éraillée crièrent L'Aurore, coururent avec L'Aurore, en gros paquets sous les bras, distribuèrent L'Aurore aux acheteurs empressés. Le choc fut si extraordinaire que Paris faillit se retourner[7]. »

Et par un pur hasard, au moment même où les premiers exemplaires de J'Accuse…! sont vendus dans les rues parisiennes, Picquart est arrêté à son domicile et incarcéré au Mont-Valérien. Le même jour, les élections du président du Sénat et de ses vice-présidents voient la défaite d'Auguste Scheurer-Kestner, premier politique dreyfusard, désavoué par ses pairs au surlendemain du verdict d'acquittement du procès Esterházy. C'est dans ce contexte dramatique pour les défenseurs d'Alfred Dreyfus que paraît J'Accuse…!

Le journal L'Aurore

Raymond Tournon, affiche créée pour la parution de Fécondité en feuilleton dans L'Aurore, en 1899

Le support inattendu[N 6] du texte d'Émile Zola est un jeune quotidien militant, le journal l'Aurore. C'est une feuille du matin très récemment créée, fin octobre 1897. Le quotidien n'a donc que trois mois d'existence au moment de la parution de l'article de Zola. Le jeudi 13 janvier 1898, le titre affiche ainsi le n°87. Son fondateur et directeur, Ernest Vaughan, politiquement très marqué par Proudhon, avait adhéré à l'Internationale dès 1867. Collaborateur à plusieurs journaux, il était devenu le gérant de l'Intransigeant en 1881, qu'il dut quitter à cause d'un différent avec son beau-frère, Henri Rochefort en 1888. Après avoir créé l'Aurore en 1897, il quitte la presse en 1903. Lors de ce lancement, Vaughan tient absolument à s'attacher les services de Georges Clemenceau, qui vient de faire cesser la parution de la Justice quelques mois plus tôt, après seize ans de parution et 688 articles[8]. Une autre personnalité du journal est Alexandre Perrenx, quarante-quatre ans en janvier 1898. C'est le gérant du journal, dont le nom sera connu essentiellement au moment du procès d'Émile Zola, comme son co-accusé, défendu par Albert Clemenceau, le frère de l'éditorialiste. Il semble toutefois n'avoir joué aucun rôle dans la publication du texte de Zola.

L'Aurore est donc un petit quotidien avant tout orienté vers la vie artistique et littéraire. Il offre aussi une tribune politique à un centre gauche républicain progressiste, principalement incarné par Georges Clemenceau, son éditorialiste. Logé rue Montmartre au troisième étage d'un immeuble en arrière-cour, les locaux sont modestes, l'équipe de rédaction réduite à une demi-douzaine de collaborateurs, provenant principalement des quotidiens la Justice comme Gustave Geffroy ou l'Intransigeant. Le journal dispose de sa propre composition, mais pas de son imprimerie. L'impression du journal est confiée à l'imprimerie Paul Dupont, qui traite aussi la production du Radical, du Jour et de la Patrie[9]. C'est aussi la raison pour laquelle ces quatre journaux portent la même adresse, celle de leur imprimeur. Le principal collaborateur de Vaughan, Urbain Gohier dont les outrances anti-militaristes feront fuir de nombreux lecteurs dreyfusards, provoque le départ de Clemenceau lui-même en 1899. L'équipe rédactionnelle comprend aussi un collaborateur de poids en la personne de Bernard Lazare, auteur des premières brochures éditées pour défendre Alfred Dreyfus. C'est lui qui, en quelques semaines, convainc l'équipe rédactionnelle de l'iniquité. L'Aurore restera le chef de file des journaux dreyfusards parisiens en offrant une tribune à toutes les principales figures du mouvement. Émile Zola y reste fidèle jusqu'à sa mort, offrant même au quotidien la publication en feuilleton de son roman Fécondité, à son retour d'exil en 1899.

La publication du pamphlet de Zola constitue l'heure de gloire du journal, par ailleurs d'une audience fort modeste. Alors que les tirages moyens sont très généralement inférieurs à 30 000 exemplaires[10], ils culminent certainement au-delà de 200 000 exemplaires à cette mi janvier 1898, mais on ne connaît pas exactement la diffusion de l'édition du 13 janvier 1898, qui est située entre 200 000 et 300 000 copies. La parution du titre cesse le 2 août 1914, au moment de l'ouverture des hostilités avec l'Allemagne, par défaut d'employés, tous mobilisés[11].

Un titre percutant, un cri pour la rue

Un titre conçu pour frapper au premier coup d'œil.

Émile Zola avait rencontré Ernest Vaughan, patron de l'Aurore le matin du 12 janvier, pour parler de son article titré : « Lettre à M. Félix Faure Président de la République ». Les deux hommes étaient convenus de ce rendez-vous afin de préciser les derniers détails de la parution du lendemain. En fin d'après-midi, Zola se présente au journal et donne lecture de son article à l'ensemble de la rédaction. Clemenceau tique. Il n'a pas le même point de vue que Zola, car l'Aurore défend une vision formellement légaliste de l'affaire Dreyfus. L'innocence de Dreyfus doit être prouvée dans un nouveau procès, pas dans un journal. Mais il s'incline devant les qualités du texte en s'exclamant : « C'est immense cette chose là ! »[7]

L'équipe rédactionnelle bute sur le titre de l'article : « Lettre au Président de la République ». Ce titre avait été choisi par Zola dans la même veine que ses publications récentes comme « Lettre à la jeunesse ». Mais la décision de publier dans un journal du matin change la donne. Georges Clemenceau et Ernest Vaughan s'emparent du sujet, puisque le titre choisi par le romancier ne convient plus à un organe de presse. Vaughan raconte : « Je voulais faire un grand affichage et attirer l'attention du public[12]. » Le titrage de l'article de « Une » doit en effet pouvoir se lire facilement d'assez loin sur des affiches, et surtout pouvoir se crier dans la rue. L'objet est aussi de répondre à la presse du soir, bon marché, orientée sur le fait divers, « la presse immonde[13] », majoritairement anti-dreyfusarde, dont l'usage est de titrer en très grosse force de caractère. C'est une forme de marque de fabrique, par opposition à la grande presse d'opinion qui titre à la colonne. C'est cette presse contre laquelle Zola s'insurge, et en utilisant l'un de leurs artifices, il s'adresse aussi à son lectorat. On comprend dès lors que le titre initialement choisi par Zola soit inadéquat du fait de sa longueur. Car en cette fin de siècle, sans media audio-visuel, l'information est dans la rue, et c'est dehors, sur le pavé, que l'on vient la chercher, tout au moins dans les grandes villes[14]. Vaughan cherchant donc un titre qu'on puisse crier, c'est Clemenceau qui met le groupe sur la voie en faisant remarquer : « Mais Zola vous l'indique le titre dans son article : c'est « J'Accuse…! » [15]. C'est donc en regard de la péroraison finale que la rédaction de l'Aurore choisit le titre qui va barrer la « Une » du quotidien le lendemain matin.

Un article cinglant et délibérément diffamatoire

« J'Accuse…! » à la Une de L'Aurore

Si J'Accuse…! a tant marqué les esprits, c'est qu'il apporte un certain nombres de nouveautés, jamais vues dans la presse avant lui. Ce véritable coup, voulu comme tel par le romancier, innove à la fois sur le fond et sur la forme.

Un plan simple

Pour son article, Zola adopte un plan simple. L'objectif de l'écrivain est de faire comprendre l'écheveau de l'affaire Dreyfus de la manière la plus lumineuse possible. Il fait bien acte d'écrivain, en ordonnant clairement son récit. Zola explique d'abord, dans son introduction, les ressorts initiaux de l'erreur judiciaire, qu'il qualifie d'implacable, d'inhumaine. Il justifie aussi la forme de son message, en une lettre ouverte au Président de la République. Puis dans sa première partie, il use du procédé du flashback et transporte le lecteur trois ans auparavant, à l'automne 1894. On assiste aux différentes procédures judiciaires à l'encontre d'Alfred Dreyfus, de son arrestation à sa condamnation. Puis, dans la seconde partie, le romancier explique les conditions de la découverte du véritable coupable, Ferdinand Esterházy. La troisième partie est consacrée à la collusion des pouvoirs publics afin de protéger le véritable traître en l'acquittant lors du Conseil de guerre du 11 janvier. Le double crime est consommé : « Condamnation d'un innocent, acquittement d'un coupable » Il reste à Zola, en conclusion, à asséner ses accusions nominatives contre les hommes qu'il considère comme responsables du crime, par une litanie faite de la répétition du mot « j'accuse ».

Une forme efficace

La fin de « J'Accuse…! » à la page 2 de L'Aurore

La forme employée par Zola est révolutionnaire en regard du support utilisé pour exprimer sa révolte. L'article est énorme, avec environ 4 570 mots. Il court sur pas moins de huit colonnes, dont l'intégralité de la première page de l'Aurore. C'est une première dans cette presse d'opinion d'habitude très modérée dans la forme, dont les grands éditoriaux dépassent rarement deux colonnes en première page. En outre, la plupart de ces journaux ne publient que sur quatre pages, un espace fort limité. J'Accuse…! occupe ainsi près d'un tiers de la surface utile de l'édition du 13 janvier 1898.

En réaction à « J'Accuse…! », « psst…! » caricature le fameux titre de l'Aurore.

Le titre est formé d'un seul mot, deux syllabes. L'aspect typographique en a été particulièrement soigné. En effet, les deux majuscules initiales et les trois points de suspension suivis d'un point d'exclamation renforcent l'aspect dramatique de la proclamation. Ce dispositif typographique, un peu oublié aujourd'hui, a marqué les contemporains de l'Affaire. Comme un peu un logo de nos marques modernes. Au point que lorsque les anti-dreyfusards publient en réaction un périodique antisémite, le titre choisi est « pssst…! », reprenant les artifices typographiques de « J'Accuse…! », mais sans les majuscules afin d'accentuer le mépris dans la réplique. Ce titre barre ainsi tout le haut de la première page en manchette, composé de grandes lettres de bois. Le gros titre est suivi du titre initialement choisi par Zola en forme de sous-titre, dans une force de caractère plus petite. Puis enfin, le nom de l'auteur du texte, fait rarissime, mais nécessaire car le titre étant à la première personne, il était indispensable d'identifier immédiatement l'auteur de l'accusation. Il n'est pas, en effet, dans les usages de donner le nom de l'auteur d'un article en titre. Souvent les articles ne sont pas signés ; et lorsqu'ils le sont, c'est au bas de la colonne. Cette titraille massive paraît comprimer le texte, austèrement aligné sur les six colonnes de la première page. Rien n'est là pour détourner l'attention du lecteur, aucune illustration. Le texte dans toute sa rigueur comme il sied dans les journaux d'opinion. Seule concession typographique, les parties sont séparées par des astérisques, afin de donner une petite respiration au lecteur.

La forme, c'est aussi le style, un style flamboyant. Et ici, plus que jamais, Zola donne la pleine puissance de sa rhétorique et de son savoir faire d'écrivain. Henri Mitterand est allé jusqu'à employer l'expression de « blitzkrieg du verbe[3] » Usant en effet de tous les artifices littéraires, l'écrivain montre comment le bon mot est l'outil politique par excellence. Son éloquence agite son texte par l'usage de la grande rhétorique oratoire, pour un résultat jubilatoire[3]. Tous ces effets de style apportent un effet dramaturgique, dans le but de retenir l'attention du lecteur, devant la téméraire longueur du texte. Mais c'est aussi, surtout par l'emploi des répétitions, des parallélismes et des symétries, des clausules, des moyens de renforcer l'attaque et d'arriver à la conclusion, en forme anaphorique, de « coups de bélier » de la litanie finale, véritable apothéose pamphlétaire[7] [N 7].

Le fond : entre défense et réquisitoire

Carte postale caricaturant Zola après la publication de son article.

L'historiographie[16] a souligné la rupture incarnée par J'Accuse…!, contrastant fortement avec toute l'œuvre journalistique passée de l'écrivain. Certes acerbes, pertinents, piquants, ses articles déjà publiés n'allaient jamais au-delà d'une certaine mesure, dont la transgression n'aurait sans doute pas été permise par les supports de presse ayant accueilli le romancier. Aussi Émile Zola passe-t-il pour un redoutable escrimeur du verbe, mais sans doute pas au point d'ébranler l'échiquier politique, comme le revendiquent un Drumont ou un un Rochefort. J'Accuse…! est donc une énorme surprise pour les contemporains, surprise de lire une telle violence, un engagement aussi clair, sans aucune équivoque, mais aussi une pareille exposition au danger, sous la plume d'un écrivain jusqu'ici rangé, estimé et tranquille. Zola proclame dès le début l'innocence de Dreyfus :

« Mon devoir est de parler, je ne veux pas être complice. Mes nuits seraient hantées par le spectre de l'innocent qui expie là-bas, dans la plus affreuse des tortures, un crime qu'il n'a pas commis. »

Mais ce faisant, il inverse les rôles, et de celui d'avocat, il endosse l'habit du procureur, d'accusateur public. Le texte est donc très agressif et se veut une attaque des acteurs militaires de l'affaire. Zola y désigne nommément les généraux, les officiers responsables de l'erreur judiciaire ayant entraîné le procès et la condamnation, les experts en écritures, les seuls civils, coupables de « rapports mensongers et frauduleux. »

Il met aussi en cause les bureaux de l'armée coupables d'une campagne de presse mensongère, ainsi que les deux conseils de guerre « dont l'un a condamné Dreyfus sur la foi d'une pièce restée secrète, tandis que le second acquittait sciemment un coupable ». L'article s'achève sur la célèbre litanie accusatrice, qui livre au public les noms des coupables à sa vindicte :

Sur les autres projets Wikimedia :


« J'accuse le lieutenant-colonel du Paty de Clam d'avoir été l'ouvrier diabolique de l'erreur judiciaire, en inconscient, je veux le croire, et d'avoir ensuite défendu son œuvre néfaste, depuis trois ans, par les machinations les plus saugrenues et les plus coupables.
J'accuse le général Mercier de s'être rendu complice, tout au moins par faiblesse d'esprit, d'une des plus grandes iniquités du siècle.
J'accuse le général Billot d'avoir eu entre les mains les preuves certaines de l'innocence de Dreyfus et de les avoir étouffées, de s'être rendu coupable de ce crime de lèse-humanité et de lèse-justice, dans un but politique et pour sauver l'état-major compromis.
J'accuse le général de Boisdeffre et le général Gonse de s'être rendus complices du même crime, l'un sans doute par passion cléricale, l'autre peut-être par cet esprit de corps qui fait des bureaux de la guerre l'arche sainte, inattaquable.
J'accuse le général de Pellieux et le commandant Ravary d'avoir fait une enquête scélérate, j'entends par là une enquête de la plus monstrueuse partialité, dont nous avons, dans le rapport du second, un impérissable monument de naïve audace.
J'accuse les trois experts en écritures, les sieurs Belhomme, Varinard et Couard, d'avoir fait des rapports mensongers et frauduleux, à moins qu'un examen médical ne les déclare atteints d'une maladie de la vue et du jugement.
J'accuse les bureaux de la guerre d'avoir mené dans la presse, particulièrement dans L'Éclair et dans L'Écho de Paris, une campagne abominable, pour égarer l'opinion et couvrir leur faute.
J'accuse enfin le premier conseil de guerre d'avoir violé le droit, en condamnant un accusé sur une pièce restée secrète, et j'accuse le second conseil de guerre d'avoir couvert cette illégalité, par ordre, en commettant à son tour le crime juridique d'acquitter sciemment un coupable. »

Pour les contemporains, le grand intérêt de l'article de Zola réside dans ce résumé consolidé des différents événements constituant les quatre premières années de l'affaire Dreyfus, auquel le lecteur accède pour la première fois. Il faut, en effet, se mettre à la place du lecteur de l'affaire Dreyfus, qui lit, çà et là, le déroulement de ce feuilleton à ressorts compliqués, par petits bouts. La presse cherche le scoop et les rebondissements nombreux, dont les détails sans importances sont discutés par le menu. Mais ceci au détriment de la vision globale du récit de l'Affaire. L'écrivain remet donc les « pendules à l'heure » en livrant un récit entier, bâti sur la documentation dont il dispose à ce moment-là. Zola n'y fait pas œuvre d'historien ou de juriste. Lui même, et ceux qui l'ont alimenté en informations, ont commis d'importantes erreurs dans la relation des faits. Par exemple, en limitant la responsabilité du ministre de la Guerre de l'époque, le général Auguste Mercier, en exagérant le rôle de Du Paty de Clam, en ignorant totalement le commandant Henry. J'Accuse…! n'est donc pas un texte historique dans ses détails, mais il est du propre aveu de son auteur un moyen, un tournant décisif de l'affaire Dreyfus. C'est un texte politique.

Zola sait tout à fait à quoi il s'expose et prévient le lecteur à l'avance. Il contrevient en effet aux articles 30 et 31 de la loi sur la presse du 29 juillet 1881, ce qui va l'amener à être inculpé de diffamation publique. Aux termes de la loi, ce délit est passible des Assises, ce qui occasionne une délibération par un jury populaire. Tout est dans cet espoir pour Zola, que des esprits indépendants puissent rendre une décision de justice indépendante des militaires[17].

Conséquences de la publication de « J'Accuse…! »

Le lion, le corbeau et le pou, caricature anti-dreyfusarde de Caran d'Ache.

Contrairement à une idée reçue, l'hostilité est générale devant l'article d'Émile Zola dès le premier jour de sa publication[18]. Que ce soit dans les mondes politique, artistique et littéraire, universitaire, journalistique et évidemment militaire, les attaques directes de Zola contre les pouvoirs publics et l'Armée ont éminemment choqué ses contemporains. Seule une minorité, une fraction d'esprits libres, salue l'action de l'écrivain. La seconde affaire Dreyfus, celle qui va passionner les foules pendant plusieurs années, vient de commencer. L'affaire Dreyfus devient l'Affaire. C'est-à-dire non plus une simple problématique autour de la question judiciaire, mais un véritable affrontement politique et social[19].

Relance de l'affaire Dreyfus

La première conséquence de J'Accuse…!, c'est l'affaire Dreyfus relancée. Dreyfus avait été jugé deux fois, en 1894 et indirectement lors du procès Esterházy qui venait de se dérouler. Si bien que Jules Méline, le Président du conseil, affirma qu'il n'y avait plus d'affaire Dreyfus. Qu'à cela ne tienne. L'écrivain invente donc une affaire Zola, qui se substitue aux deux autres, en s'exposant aux poursuites judiciaires civiles afin d'extraire l'affaire Dreyfus des mains militaires. À partir de ce moment, l'enchaînement des faits, implacable, provoquera l'écroulement du laborieux édifice créé par les militaires, aboutissant à la révision du procès de 1894, moins d'un an après l'article écrit par le romancier.

Surprise et rassemblement du camp Dreyfusard

L'émotion et la surprise autour des accusations proférées par Zola sont si fortes, qu'elles entraînent à moyen terme un sursaut de l'opinion. Très petit était le cercle des initiés sur les véritables intentions d'Émile Zola. Mathieu Dreyfus, frère du condamné, découvre le pamphlet au matin du 13 janvier. Il savait une intervention de Zola imminente mais admiratif, « ne l'attendait pas aussi énergique, aussi forte ». Scheurer-Kestner et Clemenceau sont moins emballés, voire hostile pour ce qui concerne le vice-président du Sénat, et estiment qu'il est hasardeux de se livrer au jury des Assises[20]. Mais d'une manière générale, le camp dreyfusard, très atteint par l'acquittement du commandant Esterházy, et passé le moment de surprise, sort regonflé par l'intervention puissante de l'écrivain. Car tactiquement, Zola, aidé de Leblois, Clemenceau et de l'état-major de l'Aurore, joue un coup magistral. Seulement une journée après le verdict, les anti-dreyfusards n'ont pas le temps de fêter leur victoire, que déjà les voilà à nouveau sur la défensive, Zola leur ayant repris l'initiative. Pour les Dreyfusards, la nouvelle de l'engagement résolu d'Émile Zola est inespérée, et la violence conjuguée à la justesse du propos force chacun à prendre position, pour ou contre. Le débat est donc bien relancé, prolongé par une nouvelle étape judiciaire, dans un tribunal civil cette fois, imposée par un écrivain-journaliste aux pouvoirs publics.

Stupeur et fureur anti-dreyfusarde

Zola aux outrages, huile sur toile de Henry de Groux, montrant l'écrivain à la sortie du Tribunal, 1898

Dans le camp anti-dreyfusard, c'est la stupeur, mêlée de furie vindicative. Ces réactions violentes cachent mal le malaise que le coup porté par Zola ne manque pas d'y installer. Les éditorialistes nationalistes et antisémites tels Judet, Rochefort ou Drumont, comprennent immédiatement l'importance de l'engagement de l'écrivain, dans sa puissance et sa détermination. Chez Drumont, dans sa Libre Parole, on note même un soupçon d'admiration pour le courage de Zola[21]. Sentiment vite effacé par le torrent de boue déversé par la presse dans son immense majorité.
Du côté politique, l'hostilité est unanime, la forme de J'Accuse…! jugée injurieuse, l'emportant sur le fond. Le jour de la parution, la décision est prise par le gouvernement, de ne pas réagir aux attaques. Le but est de refuser un nouveau combat juridique, d'autant plus dangereux qu'il se déroulerait aux Assises, devant un jury populaire. Mais le député catholique Albert de Mun, en interpellant le gouvernement, tout au long de la journée du 13 janvier, force le ministre de la Guerre, le général Billot, puis le Président du Conseil, Jules Méline, à se positionner en faveur de poursuites contre Zola. Le fait en est acquis dès la fin de la journée.
Du côté militaire, les accusés désignés du pamphlet d'Émile Zola, la réaction est encore plus dramatique. La panique est totale, notamment chez plusieurs acteurs de l'Affaire comme Esterházy. Cette terreur est vite calmée par les cerveaux militaires de l'Affaire, qui commencent à préparer immédiatement la riposte judiciaire s'imposant à eux.

Conséquences politiques et sociales

L'âge du papier par Félix Vallotton. Eau forte publiée le 23 janvier 1898 dans le Cri de Paris.

Radicalisation politique

De l'unanimité politique dans la condamnation du «traître Dreyfus» en 1894, le monde politique se divise peu à peu à l'image de la population elle-même, à mesure des révélations. Cette scission en deux camps radicalement opposés est bien provoquée par le brûlot de Zola, et par le procès qui le suit un mois plus tard. C'est la gauche dans son ensemble qui change d'avis, éclairée par les preuves de manipulations politiques et militaires. À l'image de Clemenceau ou Jaurès, très hostiles à Dreyfus en 1894, ils finissent par être convaincus par les plus chauds partisans du capitaine martyr en comprenant les réalités du dossier. Ils s'engagent dès lors totalement pour la réhabilitation du capitaine Dreyfus[N 8]. Mais du fait de cette scission, la France politique restera durablement coupée en deux camps irréductibles, René Rémond voyant même dans cet évènement l'une des origines de l'affrontement droite-gauche, encore en vigueur de nos jours[22].

L'engagement des « intellectuels »

Un homme de lettres s'engage résolument dans un combat pour la justice, politique et social. Le réquisitoire journalistique de Zola convainc. De nombreux intellectuels signent alors, à sa suite, une « protestation » en faveur de la révision du procès, publiée elle aussi par L'Aurore dès le lendemain de J'Accuse…!. C'est la première des nombreuses pétitions qui vont rassembler de plus en plus d'intellectuels. Parmi eux, Anatole France, Georges Courteline, Octave Mirbeau ou Claude Monet, mais aussi Charles Péguy, Aurélien Lugné-Poë, Victor Bérard, Lucien Herr, ou Alfred Jarry. Les signatures ont été recueillies par des étudiants ou de jeunes écrivains comme Marcel Proust. Ces pétitions rassemblent aussi d'éminents scientifiques tel Émile Duclaux, directeur de l'Institut Pasteur. Les pétitions des quarante écrivains, des artistes, de l'Université, des scientifiques totalisent 1 482 signatures[23]. Mais l'engagement de l'élite ne dépassera pas les 2 000 intellectuels[N 9], du fait des pressions et des risques importants sur les carrières[N 10]. Ils formeront quand même l'ossature dreyfusarde, ceux qui par leur esprit et leur engagement vont parvenir à convaincre une partie des pouvoirs publics de la nécessité de réviser le procès d'Alfred Dreyfus.

Le quatrième pouvoir

En famille de Félix Vallotton dans Le Cri de Paris. La presse touche quasiment tous les Français, seul moyen d'information disponible.

Gagnant en puissance depuis une vingtaine d'années, la presse populaire et d'opinion franchit un nouveau cap avec J'Accuse…!, s'imposant désormais comme un contre-pouvoir à part entière. Zola, longtemps journaliste lui-même, a su employer admirablement cet outil qu'il maîtrise. Il est secondé de professionnels de la presse, comme Vaughan, qui réalisent immédiatement la forte teneur du coup « médiatique » imaginé par Zola, et lui apportent les moyens d'une diffusion massive par un fort tirage, une distribution à forte densité, un affichage publicitaire énorme. Devant les défaillances successives des pouvoirs judiciaires, exécutifs et législatifs, incapables de la moindre remise en cause, c'est donc un article violent, imprimé sur un petit journal d'opinion qui relance définitivement l'affaire Dreyfus et fait aboutir à la révision du procès de 1894. Dans ces proportions c'est une première, parfaitement consciente et voulue par Émile Zola, qui parle d'un « moyen révolutionnaire pour hâter l’explosion de la vérité et de la justice ». Bien que la presse soit encore à plus de 90% anti-dreyfusarde en 1899, J'Accuse…! est entré au Panthéon journalistique comme l'exemple de sa puissance sur les foules et contre l'abus de pouvoir. Mais l'adhésion au geste de Zola par la population dans son ensemble est tardif, la reconnaissance de son acte n'intervenant vraiment que dans la seconde moitié du XXe siècle[24].

Création de la Ligue des droits de l'Homme

Ludovic Trarieux, député puis sénateur de la Gironde, est nommé Garde des sceaux peu après la dégradation du capitaine Dreyfus, le 26 janvier 1895. Rapidement, il acquiert la conviction que les formes légales n'ont pas été respectées lors des différentes étapes judiciaires qui ont mené à la condamnation de Dreyfus au bagne. Et notamment, Gabriel Hanotaux, ministre des Affaires étrangères, le met au courant de l'existence d'une pièce secrètes (Ce canaille de D…) transmise aux juges en dehors de l'accusé et de ses défenseurs. Mais il ne bouge pas, absorbé par les obligations de son ministère. Libéré de ces obligations ministérielles à la fin du mois d'octobre 1895, il est le seul sénateur de l'hémicycle à soutenir Auguste Scheurer-Kestner lors de son interpellation du cabinet Méline à propos de Dreyfus, à l'automne 1897. Témoin crucial du procès Zola, il comprend à cette occasion, qu'une organisation visant à la défense des libertés individuelles doit être mise en place en France. En cela, il s'inspire des ligues humanistes créées notamment en Grande-Bretagne dans la seconde moitié du XIXe siècle. C'est donc à l'issue du procès d'Émile Zola, qu'a lieu la première réunion jetant les bases de la future Ligue des droits de l'homme le 25 février 1898. Cette organisation voit officiellement le jour le 4 juin 1898 et réunit les principaux intellectuels dreyfusards autour de son président, Ludovic Trarieux. Trarieux restera président de la ligue jusqu'à sa mort, survenue le 13 mars 1904, soit deux années avant la réhabilitation d'Alfred Dreyfus.

Conséquences pour Émile Zola

Le roi des porcs, caricature dans le Musée des horreurs. Émile Zola devient la cible privilégiée du courant anti-dreyfusard.

Les conséquences de l'engagement de Zola ont été majoritairement difficiles pour l'écrivain. Il apparaît bien que J'Accuse…! a totalement relancé l'Affaire, et lui a donné une dimension sociale et politique qu'elle n'avait pas jusqu'alors. L'homme de lettres apparaît bien celui qui en est à l'origine pour la postérité. Zola sort donc de ses démêlés judiciaires avec une stature du justicier pour toute une frange de la population, défenseur de valeurs de tolérance, de justice et de vérité. En témoignent les innombrables hommages qui lui sont rendus dès février 1898. On notera le Livre d'Hommage des Lettres françaises à Émile Zola, gros ouvrage de 500 pages réalisé à l'initiative d'Octave Mirbeau. Une centaine de contributions individuelles le composent, écrites par pratiquement tout ce qui compte en littérature française et belge[25]. Zola reçoit de nombreux messages de soutien, mais aussi des lettres d'injures et de menaces à coloration antisémite ou xénophobe (le père de Zola était un grand ingénieur de travaux publics italien). Par ailleurs, cet engagement coûte très cher au romancier. Sur le plan financier, tout d'abord, puisqu'en fuite, donc dans l'impossibilité de payer ses condamnations, la justice fait saisir ses biens et les revend aux enchères.

L'injure

Avec J'Accuse…! Zola devient la « tête de turc » anti-dreyfusarde. La montée en puissance du mouvement dreyfusard, à partir de 1896, n'avait pas permis à ses adversaires d'identifier un leader sur qui déverser une vindicte. La famille avait été exclue, les premiers dreyfusards (Forzinetti, Lazare) simplement méprisés. L'engagement d'Auguste Scheurer-Kestner avait concentré un feu nourri de la presse nationaliste. Mais celle-ci tendait à se retenir devant le prestige de l'homme politique, vice-Président du Sénat et Alsacien ultra-patriote.

Coucou, le voilà, caricature de Caran d'Ache dans psst…!, 1898

Ces assauts décidèrent tout de même Zola à intervenir dans le Figaro. Mais l'engagement de l'écrivain avec J'Accuse…! change la donne. Les anti-dreyfusards trouvent immédiatement leur bête noire, car selon eux, il incarne l'image rêvée du dreyfusard dans toute sa splendeur. Écrivain célébré, mais sulfureux, taxé de « pronographie », stigmatisé et mis à l'index, notamment pour Lourdes qui vient de paraître, haï par une gente militaire qui ne lui a pas pardonné son roman La Débâcle, Zola est bien l'apatride, le mécréant et l'antimilitariste qu'abhorre cette population choquée par J'Accuse…!. C'est donc cet Intellectuel, cet être objet de mépris qui devient du jour au lendemain, la cible privilégiée des anti-dreyfusards. Traîné dans la boue, insulté, traité d'« Italianasse », caricaturé à outrance (des centaines d'articles et de caricatures paraissent, parfois même par journaux entiers), objet de menaces écrites et verbales, Zola subit ces foudres nationalistes et racistes, sans jamais renoncer. Le point culminant de cette véritable persécution est atteint en 1899, au moment où la révision du procès Dreyfus étant entamé, les nationalistes se déchaînent. Elle ne cessera véritablement jamais jusqu'à la mort de l'écrivain en 1902.

La calomnie

La calomnie frappe Zola par surprise au matin du premier jour de son second procès en mai 1898. Visant François Zola, père de l'écrivain, cette attaque cruelle est lancée par Ernest Judet, rédacteur en chef du Petit Journal. Elle se traduit par une campagne de presse, qui remet en cause l'honnêteté de François Zola, au moment où celui-ci s'était engagé dans la Légion étrangère vers 1830. Le père de Zola y est ouvertement accusé de détournement de fonds et d'avoir été chassé de l'armée pour ces faits. L'idée est d'atteindre Zola au travers d'une attaque ad hominem, qui prendrait l'auteur des Rougon-Macquart au piège de ses principes d'hérédité, insinuant un « Tel père, tel fils » de principe pour expliquer sa supposée aversion de l'armée.
Zola se lance alors dans une enquête fouillée sur son père, dont il ne connaissait pas toute la vie[N 11], et il démonte point à point les arguments du journaliste nationaliste de manière factuelle. Il prouve en outre que les documents, sur lesquels Judet s'appuie, sont des faux grossiers[26]. Il s'en suit un procès, duquel Zola est acquitté, ayant réussi à établir les mensonges du journaliste, et dans lequel il apparaît que le l'état-major de l'armée est à l'origine de cette campagne contre Zola. Toutefois, jamais Zola n'a regretté son engagement, quel en ait été le prix. Il a écrit dans ses notes[27] : « Ma lettre ouverte [J'Accuse…!] est sortie comme un cri. Tout a été calculé par moi je m'étais fait donner le texte de la loi, je savais ce que je risquais. »

La condamnation

Le 9 février 1898, lors de la deuxième audience du procès, le général Mercier dépose devant Zola, attentif.

En conclusion de son article, Zola appelle de ses vœux un procès devant les Assises afin de faire éclater la vérité. Il espère se substituer en une affaire Zola aux affaires Dreyfus et Esterházy, sur lesquelles il est interdit de revenir, puisqu'elles ont été jugées. L'hésitation est grande dans les pouvoirs publics, qui hésitent à traduire l'écrivain devant les tribunaux. La première décision, à la fois politique et militaire, est de laisser dire. Le risque est en effet trop important de voir étalées au grand jour les irrégularités inadmissibles du procès de 1894. Mais toute la journée du 13 janvier, Albert de Mun, député conservateur, pousse le gouvernement à prendre une position claire. Successivement dans, l'après-midi, Jules Méline, Président du Conseil et le général Billot, ministre de la Guerre se succèdent dans l'hémicycle pour annoncer les poursuites. Le 18 janvier, la plainte contre Émile Zola est déposée, dans laquelle seuls trois passages courts de J'Accuse…! sont retenus contre l'écrivain :

« Première colonne, première page : « Un Conseil de guerre vient, par ordre, d'oser acquitter un Esterhazy, soufflet suprême à toute vérité, à toute justice. Et c'est fini, la France a sur sa joue cette souillure. L'histoire écrira que c'est sous votre présidence qu'un tel crime social a pu être commis ».
Sixième colonne, première page : « Ils ont rendu cette sentence inique qui à jamais pèsera sur nos Conseils de guerre, qui entachera désormais de suspicion tous leurs arrêts. Le premier Conseil de guerre a pu être inintelligent, le second est forcément criminel ».
Deuxième colonne, deuxième page : « …J'accuse le second Conseil de guerre d'avoir couvert cette illégalité par ordre, en commettant à son tour le crime juridique d'acquitter sciemment un coupable ».  »

Ainsi, seules dix-huit lignes du journal sur plusieurs centaines sont retenues contre Émile Zola et Alexandre Perrenx, gérant du quotidien[28]. Il est en effet jugé à plusieurs reprises, car d'une part, le procès d'Assises est cassé et rejugé, et d'autre part, plusieurs procès connexes sont intentés contre l'écrivain. Au final, les jugements successifs aboutissent d'une part une condamnation à un an de prison et 3 000 francs d'amende pour ses attaques contre l'état-major (soit, avec les frais, 7 555 francs[N 12]), de l'autre une condamnation à un mois de prison et 1 000 francs d'amende pour sa dénonciation des trois pseudo-experts, dont chacun doit recevoir 10 000 francs de dommages et intérêts[N 13]. Pour échapper à la prison, Zola s'exile en Angleterre, où il passe onze mois dans l'attente d'une révision du procès Dreyfus. L'arrêt de révision renvoyant Dreyfus devant le conseil de guerre de Rennes est rendu le . Zola peut alors rentrer en France, où il publie dans L'Aurore l'article Justice dans lequel il se félicite de cette décision. Mais le procès de Rennes est éprouvant pour les dreyfusards, proches du désespoir, et Zola continue à lutter jusqu'à sa mort pour demander la réhabilitation d'Alfred Dreyfus.

Postérité de J'accuse…!

Zola et la postérité, caricature de Caran d'Ache, 1899.

Probablement l'un des articles parus dans la presse le plus connu au monde, J'accuse…! incarne encore aujourd'hui une œuvre à la fois artistique et littéraire. Plus encore, l'article de Zola est l'exemple de l'engagement intellectuel pour une cause juste. Il est enfin, l'exemple de la bombe médiatique qui bouleverse l'ordre établi et permet une action politique, une forme de lutte gagnée par le pot de terre contre le pot de fer.
Innombrables ont été ceux, qui devant une erreur, une injustice, un cause injuste à dénoncer, ont écrit après Zola, leur J'accuse…!. L'instrumentalisation du titre et de son effet produit fut du même ordre que l'usage à toutes les sauces de l'affaire Dreyfus, souvent mal comprise par les récupérateurs. Toute dénonciation d'un fait social par l'usage d'un média écrit est un J'accuse…!, et ceci dès la fin du XIXe siècle.

Quelques exemples connus :

  • En 1915, le pacifiste allemand Richard Grelling écrit un livre intitulé : J'accuse! dans lequel il condamne les actes de l'Empire allemand.
  • En 1919 (muet) et 1938 (sonorisé), Abel Gance réalise le film antimilitariste J'accuse !.
  • En 1951, Claude Bourdet dénonce la torture en Algérie par les forces françaises dans un article titré J'accuse !, paru dans France-Observateur du 6 décembre.
  • En 1963, Jacques Hébert publie son livre J’accuse les assassins de Coffin pour dénoncer l'acharnement judiciaire dans l'Affaire Coffin.
  • En 1976, pour dénoncer la bêtise humaine, Michel Sardou écrit une chanson titrée J'accuse avec Pierre Delanoë et Jacques Revaux.
  • En 1982, Graham Greene declare dans son pamphlet J'accuse — Les côtés sombres de Nice, que le crime organisé s'épanouit à Nice.
  • En 2000, Albert Jacquard publie un pamphlet contre l'économie mercantile titré J'accuse.
  • En 2010, Damien Saez sortira un album intitulé J'accuse[29].

Bibliographie

Document utilisé pour la rédaction de l’article : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

Bibliographie de référence

Affaire Dreyfus

  • Patrice Boussel, L'affaire Dreyfus et la presse, Armand Colin, coll. « Kiosque » Le modèle {{Guillemets}} ne doit pas être utilisé dans l'espace encyclopédique, 1960, 272 p. Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • Éric Cahm, L’Affaire Dreyfus, Le Livre de Poche/Références, (ISBN 978-2213629520) Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • Cour de Cassation, collectif, De la justice dans l’affaire Dreyfus, Fayard, (ISBN 978-2213629520) Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • Vincent Duclert, Biographie d'Alfred Dreyfus, l'honneur d'un patriote, Fayard, Paris, (ISBN 2213627959) Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • Vincent Duclert, L'Affaire Dreyfus, La Découverte, 2006 (1re éd. 1994) (ISBN 2707147931) Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • Pierre Miquel, L’affaire Dreyfus, Presses Universitaires de France - PUF - Coll. Que sais-je ?, 1961, réédité 2003 (ISBN 2130532268)
  • Alain Pagès, 13 janvier 1898 - J'Accuse…!, Perrin - Coll. Une journée dans l'histoire, (ISBN 2262012873)
  • Michel Winock, Le Siècle des intellectuels, Le Seuil, coll. « Points » Le modèle {{Guillemets}} ne doit pas être utilisé dans l'espace encyclopédique,

Autres ouvrages

  • Grégoire Kauffmann, Édouard Drumont, Perrin, (ISBN 2-262-02399-9) Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • Gérard Minart, Clemenceau journaliste, L'Harmattan, (ISBN 2-7475-8475-5) Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • Henri Mitterand, Zola - La vérité en marche, Découvertes Gallimard, (ISBN 2-253-90512-7) Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • Alain Pagès et Owen Morgan, Guide Émile Zola, Paris, Ellipses, 2002
  • Michèle Sacquin et al, Zola, Bibliothèque nationale de France - Fayard, (ISBN 2-213-61354-0) Document utilisé pour la rédaction de l’article

Notes et références

Notes
  1. Début janvier 1898, le journal Le Siècle entreprend le récit de l'affaire Calas en feuilleton. En titrant Une erreur judiciaire, l'affaire Calas, le quotidien fait directement référence à la brochure de Bernard Lazare : Une erreur judiciaire, l'affaire Dreyfus.
  2. Dans Pour les Juifs, un article révolté contre l'antisémitisme dans le Figaro du 16 mai 1896, il ne fait encore aucune allusion à l'affaire du capitaine Dreyfus
  3. Ils paraissent tous deux à la une du Figaro, comme le premier d'entre eux
  4. Légende entretenue par Zola lui-même.
  5. Dès le 7 janvier, Zola expose le canevas de « J'Accuse…! » à Eugène Fasquelle, son éditeur
  6. Voir suppra
  7. Notons que cette manière de répétition obtuse est déjà présente sous une forme embryonnaire chez B. Lazare, dans la brochure qu'a utilisée Zola pour se documenter. Par ailleurs, Clemenceau emploie le même procédé dans son article de l'Aurore du 7 janvier 1898, une semaine avant J'Accuse…! :C'est dommage
  8. Lire à cet égard la plaidoirie de G. Clemenceau à l'occasion du Procès Zola, vol 2, dans laquelle il décrit en détail le changement qui s'est fait en lui à ce propos. Voir aussi le volume publié par Jean Jaurès, Les preuves, réunion de l'ensemble des articles de l'homme politique publiés à partir de 1898 dans La Petite République.
  9. Clemenceau lui-même serait l'auteur du néologisme, créé au lendemain de J'Accuse…! Mais le mot existait déjà, employé une quinzaine d'années auparavant.
  10. Exemples de carrières brisées par l'engagement dans l'affaire Dreyfus
  11. Ces événements remontent à une période antérieure à la rencontre du père et de la mère d'Émile Zola.
  12. Le 8 août, Mirbeau écrit à Ernest Vaughan : « Spontanément, de mes deniers personnels, sans mandat d'aucune sorte, et simplement parce que Zola est mon ami, et que j'ai voulu lui éviter tous les dommages et tracas qui peuvent résulter d'actes d'exécution, j'ai acquitté, entre les mains du percepteur de Versailles, les frais et amendes du procès du 18 juillet, et ce, sous la réserve au contraire de tous les droits de Zola et de Perrenx. Frais et amendes se montent à la somme de 7 555 F, 25. ».
  13. C'est encore Octave Mirbeau qui obtiendra de Joseph Reinach les 40 000 francs permettant d'éviter la saisie des meubles de Zola
Références
  1. Sur Zola jusqu'en 1898, on se reportera à H. Mitterand, Biographie d'Émile Zola plus particulièrement le vol II et C. Becker et al, Dictionnaire Émile Zola, éléments biographiques et Affaire Dreyfus.
  2. Sur Zola et l'affaire Dreyfus jusqu'en 1898, on se reportera à H. Mitterand, Biographie d'Émile Zola vol. III L'honneur, Troisième partie, pp. 309 - 372 et V. Duclert, Biographie d'Alfred Dreyfus.
  3. a b et c H. Mitterand, Biographie d'Émile Zola Vol 3, L'honneur, p. 375 et s.
  4. Voir pour exemple H. Mitterand, Biographie d'Émile Zola Vol 3, L'honneur, pp. 373 et s. et A. Pagès, Zola, de J'accuse au Panthéon pp. 94 et s.
  5. Sur le cheminement de Zola vers l'engagement dreyfusard, lire particulièrement H. Mitterand, Biographie d'Émile Zola Vol III, L'honneur, pp. 339 et s., A. Pagès, 13 janvier 1898 - J'Accuse…!, p. 66 et s., Colette Becker et al, Dictionnaire d'Émile Zola Article J'Accuse, pp. 195 et s. et A. Pagès, Zola - de J'accuse au Panthéon pp. 85 et s.
  6. Eric Cahm, L'Affaire Dreyfus, p. 91
  7. a b et c A. Pagès, Zola - De J'accuse au Panthéon, pp. 81 et s.
  8. G. Minart, Clemenceau journaliste p. 118
  9. A. Pagès, J'Accuse…! p. 30
  10. V. Duclert, L'affaire Dreyfus, p. 43
  11. Sur l'histoire du journal l'Aurore, lire E. Vaughan, Souvenirs sans regrets, Juven, 1902 ainsi que G. Minart, Clemenceau Journaliste, L'Harmattan, 2005.
  12. Ernest Vaughan, Souvenirs sans regrets, Juven, 1902, p. 71-72
  13. La formule est d'Émile Zola lui même dans J'Accuse…!
  14. M. Sacquin et al, Zola, BNF, A. Pagès, J'accuse, p. 185
  15. Ernest Vaughan, Ibid et A. Pagès, Zola - de J'accuse au Panthéon pp. 98 et s.
  16. Par exemple A. Pagès, Zola - De J'accuse au Panthéon, pp. 99 et s. et H. Mitterand, Biographie d'Émile Zola Vol 3, L'honneur, p. 360 et s.
  17. Sur l'argumentation d'Émile Zola dans J'Accuse…!, lire A; Pagès, Le Discours argumentatif de J’accuse sur item
  18. A. Pagès, J'Accuse…! p. 191 et s.
  19. Eric Cahm, L'Affaire Dreyfus, p. 98
  20. Eric Cahm, L'Affaire Dreyfus, p. 97
  21. G. Kauffmann, Biographie d'Édouard Drumont p. 227
  22. v. R. Rémond, La Droite en France de 1815 à nos jours. Continuité et diversité d'une tradition politique, Les Aubiers, 1954, 1963, 1968, 1982
  23. v. Christian Charles, Naissance des « Intellectuels » 1880-1900, Editions de Minuit, 1990, p. 142
  24. Sur les répercussions de J'Accuse…! dans la presse, lire Patrice Boussel, L'affaire Dreyfus et la presse, Armand Colin, 1960 p. 110 et s.
  25. Alain Pagès, Émile Zola - De J'accuse au Panthéon, Editions Alain Souny, p. 216
  26. Articles dans L'Aurore des 23 janvier, 24 janvier et 31 janvier 1900. Les faux sont réalisés en partie par le lieutenant-colonel Henry, quelques mois avant son suicide.
  27. M. Sacquin et al, Zola, BNF, p. 187
  28. Alain Pagès, Émile Zola - De J'accuse au Panthéon, Editions Alain Souny, p. 114
  29. Site Web de l'album.

Liens externes