Vocabulaire des croisades et de la reconquista
Le vocabulaire des croisades et de la reconquista comprend un certain nombre de termes spécifiques à cette époque de conflits de religion.

Sommaire
Proche-Orient[modifier | modifier le code]
Entre 1095 et 1291 le Proche-Orient vit s'opposer croisés catholiques, byzantins orthodoxes et arabes musulmans. Les croisés nommaient les autres respectivement « grecs » et « sarrasins » (mot issu de l’arabe شرقيين sharqiyyin : « bédouin »[1]). Les byzantins parlaient de « francs » : Φράγγοι (beaucoup de croisés étaient de langue française) et de « saracènes » (Σαρακηνοί[2]). Les musulmans nommaient les croisés « faranja » : adj. pl. فرنجة et les byzantins « rūm », « roum » ou « roumi » : روم, car jusqu'en 1557 l'adjectif « byzantin » n'existait pas, le nom officiel étant Empire romain d'Orient, dont les citoyens s'identifiaient comme Ῥωμαίοι - Romées pour « Romains »[3]. Convaincu d'être le seul à détenir la vraie foi, chaque groupe qualifiait en outre les deux autres d'« hérétiques », « mécréants » ou « infidèles ». Ces qualificatifs étaient également appliqués aux juifs locaux, romaniotes de langue yévanique ou mizrahites de langue mizrahique.
Ces dénominations et leur usages reflètent les revendications des chrétientés rivales d'Occident et d'Orient concernant la légitimité de l'héritage politique et religieux romain : l'Occident et l'Église de Rome se qualifient de « latins » et dénomment « grecs » les chrétiens orientaux (non sans mishellénisme) tandis que les chrétiens orientaux se qualifient de Romées et dénomment « Francs » les chrétiens catholiques, suivis en cela par les musulmans. Plus tard et par métonymie, le mot franc a fini, en Orient, par désigner tous les occidentaux, catholiques ou non (comme dans le cas du marchand Jacob Lejbowicz, surnommé Jacob Frank) tandis que le mot arabe roumi a fini par désigner tous les chrétiens indifféremment de leur obédience[4].
Terminologie pendant les croisades et dans les États latins d'Orient[modifier | modifier le code]
- Chrétien.
- Croisé.
- « Latin » : personne dont le christianisme est catholique de rite latin.
- États « latins » ou « francs » : États dont le christianisme est catholique de rite latin et dont les langues sont le latin, l'italien ou le français.
- « Grec » : personne dont le christianisme est orthodoxe ou catholique de rite grec.
- États « grecs » : états dont le christianisme est orthodoxe ou catholique de rite grec, et dont la langue est grecque, romane orientale ou slave.
- « Poulain » : « Franc » (occidental) hellénisé ou arabisé, né dans le pays et connaissant ou ayant adopté la langue et les mœurs des Orientaux tout en gardant sa foi catholique[5]; plus rarement, un « Levantin » latinisé, parfois devenu catholique et intégré dans la société des royaumes croisés mais gardant ses rites et coutumes orientales[6].
- « Romanie » : Empire romain d'Orient et ses territoires[7] (surnommé depuis 1557 « empire byzantin ») ; après 1080 « Romanie » peut aussi désigner les États installés sur d'anciens territoires byzantins comme l'Arménie cilicienne, le sultanat de Roum ou bien, de 1204 à 1261 l’Empire latin de Constantinople[8] et, de 1261 à 1394 les Balkans (remplacé après 1394 et au sud de l’Haemos par « Roumélie »[9]).
- « Sarrasins » : musulmans.
- « Alamut » ou « Alamoute » : surnom des « Assassins » syriens (arabe et persan : assāssi - اساسى, « fondamentalistes », également appelés Batiniyya) et de leur chef Hassan ibn al-Sabbah, surnommé le « Vieux de la Montagne »[10] dans la légende répandue par Marco Polo d'après des récits d'Henri Ier de Champagne, de Guillaume de Tyr et de Guillaume de Rubrouck, tandis que la vraie forteresse d'Alamut et la vallée homonyme se trouvent en fait en Iran.
Péninsule ibérique[modifier | modifier le code]
La Reconquista se déroule dans la Péninsule Ibérique entre 711 et 1492. Ici aussi trois religions monothéistes sont en présence (chrétiens, musulmans, juifs) mais seulement deux se disputent le pouvoir politique et s'affrontent militairement (chrétiens et musulmans) ; ici aussi chaque groupe est convaincu de détenir la seule vraie foi.
Terminologie pendant et à l'issue la Reconquête ibérique[modifier | modifier le code]
- Catholique : anachroniquement, chrétien nicéen dans les sources occidentales postérieures à la séparation des Églises d'Orient et d'Occident.
- Chrétien : dans ces mêmes sources, celui qui se réclame de l'Occident chrétien et de Santiago.
- Mozarabe : population autochtone d'Al-Andalus ayant été linguistiquement arabisée mais restée chrétienne.
- Maure : terme générique pour les musulmans, quelles que soient leurs origines et langues.
- Mahométan, synonyme de musulman.
- Muladí, de l’arabe مولّد (muwallad) : population chrétienne ou juive convertie à l'islam ;
- Exemple spécifique : le clan des Banu Qasi, issu d'une famille de nobles autochtones d'Hispanie (la famille Cassius), évoluant en zone frontière.
- Mudéjar, de l’arabe مدجّن (mudaʒʒan, « domestique », « domestiqué ») : musulmans devenus sujets des royaumes chrétiens après le XIe siècle.
- Convivencia : terme moderne pour définir les périodes où les pouvoirs musulmans ou chrétiens tolérèrent sous leur autorité des croyants d'autres confessions.
- Cristianos nuevos :
- Converso : juif converti au christianisme ;
- Morisque : musulman converti au christianisme ;
- Marrane : personne convertie au christianisme, mais pratiquant en secret (ou soupçonnée de le faire) sa religion antérieure (pour les juifs, voir crypto-judaïsme ; pour les musulmans, voir takiya).
- Séfarade : juif hispanique, de langue judéo-espagnole.
Usage des noms composés[modifier | modifier le code]
Les noms composés se référant aux personnes ou au pays, qui sont connotés par leur évocation du mélange, et reflètent mal en cela la diversité d'Al-Andalus, peuplé d'origines aussi diverses que d'Africains et de Syriens, compte tenu de la multitude des pays rencontrés lors de la conquête musulmane faisant suite à l'hégire.
- arabo-berbère, arabo-musulman, hispano-arabe, hispano-mauresque, arabo-andalou, arabo-espagnol (moins courant).
Outre ce nommage, il faut savoir que, dans l'aire géographique laissée par la coexistence d'États de confession musulmane et d'autres de confession chrétienne survivant de l'Espagne wisigothe, il était d'usage courant qu'un intervenant, qui passait la frontière pour offrir ses services à l'un ou l'autre des royaumes, soit connu sous un nom arabe et un nom chrétien, ou de consonance gothique.
Le plus célèbre d'entre eux est le cid Campeador ou sidi Roudrigh (سد ردرع).
Sources[modifier | modifier le code]
- Hervé Bleuchot, Droit musulman, tome I (Histoires), Presses universitaires d'Aix-Marseille, 2000, p. 39-49
- La forme grecque Σαρακηνός du mot arabe sharqiyyin, souvent rendue en français par sarrasin, peut être interprétée par les orthodoxes comme un jeu de mots désignant Agar renvoyée les mains vides par Sarah ou Ismaël non né de Sarah, par analogie avec les Saracènes bibliques
- Clifton R. Fox, (en) What, if anything, is a Byzantine ?, Lone Star College, Tomball 1996 : [1] vu le 21 oct. 2009
- Amin Maalouf, Les Croisades vues par les Arabes, éd. J.-C. Lattès, Paris 1992, (ISBN 2290119164)
- Xavier Hélary, « Les intégrismes », Historia [2]
- Amin Maalouf, Les Croisades vues par les Arabes, éd. J.-C. Lattès, Paris, 1992 (ISBN 2290119164) cité ici
- D’où le titre du Libro de le uxanze e statuti de lo Imperio de Romania, traité de droit féodal des États latins d'Orient établis sur les terres de Romanie, cité par Antoine Bon, La Morée franque : recherches historiques, topographiques et archéologiques sur la principauté d’Achaïe, De Boccard, Paris 1969.
- (en) Alexander Kazhdan (dir.), Oxford Dictionary of Byzantium, New York et Oxford, Oxford University Press, , 1re éd., 3 tom. (ISBN 978-0-19-504652-6 et 0-19-504652-8, LCCN 90023208) p.1805
- H. K., Description géographique et historique de la Turquie d'Europe, Paris, 1828
- Usâma ibn Munqidh (1095-1188), Les enseignements de la vie, souvenirs d'un gentilhomme syrien, traduction d'André Miquel, Éd Imprimerie nationale, (ISBN 2-11-080785-7), p. 277 note no 18
Voir aussi[modifier | modifier le code]
- Article générique : Terminologie
- Barbaresque, pirate opérant en Méditerranée occidentale.