Affaire Buttet

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Yannick Buttet (2012).

L'affaire Buttet est le nom donné aux accusations de harcèlement moral et sexuel faites à l'encontre du politicien suisse Yannick Buttet du parti démocrate-chrétien. Après dépôt d'une plainte, Buttet est condamné par la justice pénale.

Historique[modifier | modifier le code]

Origine de l'affaire[modifier | modifier le code]

Dans la nuit du 18 au , Yannick Buttet est interpellé par la police municipale de la ville de Sierre[1],[2]. Il se cachait dans le jardin de son ancienne maîtresse, également membre du Parti démocrate-chrétien Suisse, après avoir sonné avec insistance à sa porte. Elle indique alors que Yannick Buttet l'a « sollicitée, par sms, e-mail ou téléphone, parfois jusqu’à 50 fois dans la même journée »[3],[4] et dépose une plainte pénale contre lui pour « infraction contre l'honneur et la liberté »[5],[6],[7] qui se révélera plus tard être pour « utilisation abusive d’une installation de télécommunication, menaces et injure » ainsi que stalking par message[2]. Auparavant, Yannick Buttet avait entretenu avec elle une relation adultérine de près de 18 mois[3],[8], qu'il avouera par la suite avoir débuté en [2].

À la suite de cette révélation, plusieurs politiciennes et journalistes actives au parlement déclarent sous le couvert de l'anonymat avoir subi des actes inappropriés de la part de Yannick Buttet[3] et disent avoir été victimes de pulsions incontrôlées[1]. Ces témoignages indiquent que ces actes sont la conséquence directe d'une surconsommation d'alcool[3].

La conseillère nationale UDC Céline Amaudruz prend la parole le pour signaler que le harcèlement sexuel existe aussi au parlement et qu'elle en a été victime, tout en refusant de nommer l'auteur[1]. Le journal dominical Le Matin Dimanche confirme que Yannick Buttet est bien la personne à qui Céline Amaudruz faisait référence les faits se sont déroulés le soir de l'élection du conseiller fédéral Ignazio Cassis. Il s'agirait de gestes déplacés, à connotation sexuelle[9]. À cette occasion, Yannick Buttet dut être raccompagné à la sortie du palais fédéral par la police[1],[10],[11].

Sous le couvert de l'anonymat, quatre conseillères nationales témoignent dans le journal Le Temps du des nombreux dérapages à connotation sexuelle de Yannick Buttet[12],[13]. Le Nouvelliste du rapporte également, sous le couvert de l'anonymat, les témoignages de six victimes relatifs à des faits commis par Yannick Buttet entre 2013 et 2017 : tentatives d’attouchement sur les parties génitales, placages avec érection, tentatives d’embrassade, mains aux fesses ou encore propositions insistantes par SMS[14],[13].

Conséquences[modifier | modifier le code]

Au lendemain des révélations, le président du PDC suisse, Gerhard Pfister, se distancie de Yannick Buttet[1]. Ce dernier demande à être suspendu de sa fonction de vice-président du parti PDC[15],[16], poste dont il démissionne le [17],[1]. Le PDC a indiqué dans son communiqué : « toute atteinte à l’intégrité d’autres personnes est inacceptable »[15].

Le , il démissionne de sa fonction de vice-président de la Société suisse des officiers[18]. Le même jour, il se met en congé médical du Conseil national et de la présidence de la commune de Collombey-Muraz afin de « soigner ses graves problèmes d'alcool »[1],[19], mais ne démissionne pas[20]. Il indique par ailleurs qu'il démissionnera seulement en cas de condamnation judiciaire[1]. Ces décisions ne convainquent pas les commentateurs, qui lui reprochent de masquer ses problèmes de harcèlement sous celui de l’alcoolisme[21],[22],[23].

Dans le même temps, l’armée suisse, dans laquelle il a le grade de lieutenant-colonel, lui retire son arme de service et suspend ses convocations en application de la procédure normale pour ce genre de cas[24],[25]. L’État-major de conduite de l’armée ne statuera qu’à la fin de la procédure judiciaire[26].

Le , la presse annonce qu'une procédure pénale pour contrainte — infraction passible d'une amende ou d'une peine d'emprisonnement de 3 ans au maximum, article 181 CP — est ouverte en Valais, à la suite des événements de la nuit du 18 au [27]. Le même jour, Yannick Buttet annonce sa démission du Conseil national[4] (mais pas de son poste de président de la commune de Collombey-Muraz)[28]. Il est remplacé par Benjamin Roduit dès la session de printemps 2018[29],[30].

Radio Chablais annonce son retour à la présidence de la commune de Collombey-Muraz pour le en parallèle de sa thérapie[31],[32].

Dans un long entretien accordé au Matin, Laeticia Buttet, la femme de Yannick Buttet, explique lui avoir pardonné malgré la souffrance occasionnée[2]. Le couple indique être plus fort après cette épreuve[2]. La plaignante critique cette interview dont la diffusion intervient un mois après son écriture, en simultané avec la révélation de sa peine[33].

En , il est condamné par ordonnance pénale à 30 jours-amende à 220 francs suisses avec sursis durant deux ans ainsi qu'à une amende de 1 320 francs suisses pour faits de contrainte [2],[34] et d'appropriation illégitime, en lien notamment avec la rédaction de multiples SMS quotidiens durant plusieurs mois et la détention de la clef de l'appartement de la plaignante[35],[36] que celui-ci prétend être accidentel[2]. Le procureur n'a pas retenu les autres infractions alléguées par la maîtresse[37].

Réactions de personnalités[modifier | modifier le code]

La présidente de la confédération, Doris Leuthard, s'est exprimée à la Radio télévision suisse pour dire que si de tels reproches venaient à être fondés, cela serait inacceptable politiquement[1].

Des personnalités des partis valaisans s’expriment à l’antenne de la RTS le  : la présidente du parti socialiste du Valais romand, Barbara Lanthemann, voit chez Yannick Buttet « un déni total », le co-président de l'UDC du Valais romand, Cyril Fauchère, affirme qu’un tel comportement « manque de dignité, la présomption d'innocence n'a plus lieu d'être, Yannick Buttet doit démissionner », le président du PLR valaisan, René Constantin, réagit en indiquant qu'il accorde le bénéfice du doute[38].

L'ancien conseiller national UDC, Christoph Mörgeli, a publié une vidéo de lui déguisé en Père Noël où il se moque sous forme de comptine en suisse-allemand de trois politiciens PDC, dont Yannick Buttet[39],[40].

Violation du secret de fonction[modifier | modifier le code]

En parallèle, le Ministère public valaisan commence une enquête pour violation du secret de fonction, des informations ayant trait à l’affaire s’étant retrouvées dans les médias[7],[8],[41]. L'enquête vise des personnes initiées, au sein de la police[7] ou du Ministère public[41].

Conséquences[modifier | modifier le code]

Suite de sa carrière politique[modifier | modifier le code]

Yannick Buttet étant pressenti comme candidat naturel pour succéder à Jean-René Fournier au Conseil des États lors de l'élection de 2019[42], son parti est contraint de trouver un autre candidat. C'est finalement Marianne Maret, originaire de la même région, qui sera candidate et élue à sa place à ce poste.

Buttet ne démissionne de la présidence de sa commune et continue de l'exercer au moins jusqu'au terme de son mandat en 2020.

Représentation du Valais au Conseil national[modifier | modifier le code]

Yannick Buttet s'étant mis en congé médical du Conseil national afin de « soigner ses graves problèmes d'alcool », il ne peut être remplacé et donc le Valais perd une voix dans sa représentation au parlement[1],[19],[43],[44].

Mesures à l'Assemblée fédérale[modifier | modifier le code]

À la suite de l'affaire et d'une demande de Lisa Mazzone et Kathrin Bertschy, la délégation administrative (DA) de l'assemblée fédérale a décidé de mettre en place, dès le , l'accès à la structure spécialisée contre le mobbing et le harcèlement ((de) Fachtselle für Mobbing und Belästigung) pour un coût annuel de 3 600 francs suisses[45].

Les politiciens du parlement ont reçu un document expliquant la différence entre flirt et harcèlement sexuel à titre de sensibilisation[45].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a b c d e f g h i et j « Retour sur cinq jours de crise qui ont conduit Yannick Buttet à suspendre son activité politique » [vidéo], sur Canal 9, .
  2. a b c d e f et g Evelyne Emeri, « Y. Buttet: "Ma femme dépérissait et je buvais de plus en plus" », lematin.ch,‎ (ISSN 1018-3736, lire en ligne, consulté le ).
  3. a b c et d Xavier Lambiel, « Harcèlement: plusieurs femmes dénoncent le PDC Yannick Buttet », Le Temps,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  4. a et b AFP, « Accusé de harcèlement sexuel, le député suisse Yannick Buttet démissionne », Le Monde.fr,‎ (ISSN 1950-6244, lire en ligne, consulté le ).
  5. Jean-Yves Gabbud, « Le Ministère public valaisan présente les détails de l'affaire Buttet », sur lenouvelliste.ch (consulté le ).
  6. (en) « Stalking allegations topple Swiss politician », SWI swissinfo.ch,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  7. a b et c Ministère public du Canton du Valais, « Instruction pénale - Yannick Buttet : Communiqué de presse », sur vs.ch, Sion, (consulté le ).
  8. a et b Jean-Yves Gabbud, « Yannick Buttet impliqué dans une affaire de harcèlement », Le Nouvelliste,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  9. Raphaël Leroy et Marie Parvex, « De nouveaux témoignages accablent Yannick Buttet », Le Matin Dimanche,‎ (ISSN 1018-3736, lire en ligne, consulté le ).
  10. « Le dossier toujours plus lourd de Yannick Buttet », Le Temps,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  11. Raphaël Leroy et Marie Parvex, « De nouveaux témoignages accablent Yannick Buttet », Le Matin Dimanche,‎ (ISSN 1018-3736, lire en ligne, consulté le ).
  12. Xavier Lambiel et Stéphane Benoit-Godet, « De nouveaux témoignages détaillent les dérapages à répétition de Yannick Buttet », Le Temps,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  13. a et b « Six femmes accusent Yannick Buttet de harcèlement sexuel », rts.ch,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  14. Sandra Jean, « Yannick Buttet face à ses démons », sur Le Nouvelliste, (consulté le ).
  15. a et b Michel Guillaume, « Yannick Buttet suspendu de la vice-présidence du PDC suisse », Le Temps,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  16. Stéphanie Germanier, « A la suite de plaintes pour harcèlement, Yannick Buttet vient d'être suspendu de la vice-présidence du PDC suisse », Le Nouvelliste,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  17. « Yannick Buttet annonce qu'il se retire "temporairement" de la vie politique », RTS,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  18. (de) « Buttet ist nicht mehr Vize der Offiziersgesellschaft », sur tagesanzeiger.ch, .
  19. a et b Arthur Grosjean, « Yannick Buttet actionne le parachute médical », 24Heures,‎ (ISSN 1424-4039, lire en ligne, consulté le ).
  20. Le Temps avec l'ATS, « Yannick Buttet promet de se soigner et quitte «temporairement» la politique », Le Temps,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  21. Lise Bailat, « Yannick Buttet, en victime de l’alcoolisme, ne convainc pas », Le Temps,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  22. Michel Guillaume, « Yannick Buttet, la chute de l’enfant prodige du PDC », Le Temps,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  23. Lise Bailat, « L'alibi alambiqué de Yannick Buttet », Le Temps,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  24. ATS, « L’armée retire son arme de service à Yannick Buttet », Le Temps,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  25. « L'armée retire à Buttet son arme de service », Le Matin,‎ (ISSN 1018-3736, lire en ligne, consulté le ).
  26. « L'armée retire son arme de service à Yannick Buttet », Le Nouvelliste,‎ (lire en ligne).
  27. ATS, « En Valais, une procédure pénale est ouverte contre Yannick Buttet », Le Temps,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  28. Nicolas Dufour, « Avant même de discuter avec son parti, Yannick Buttet démissionne du National », Le Temps,‎ (ISSN 1423-3967, lire en ligne, consulté le ).
  29. Stéphanie Germanier, « C'est Benjamin Roduit qui succédera à Yannick Buttet au Conseil national », Le Nouvelliste,‎ (lire en ligne).
  30. « Yannick Buttet démissionne du Conseil national », 24 heures,‎ (lire en ligne).
  31. « Yannick Buttet retrouve ses fonctions communales le 1er février », rts.ch,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  32. (en) « Former MP accused of sexual harassment returns to mayoral role », The Local,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  33. Jean-Yves Gabbud, « Affaire Yannick Buttet: la plaignante réagit », Le Nouvelliste,‎ (lire en ligne).
  34. Flore Dussey, « Le Valaisan Yannick Buttet condamné à 30 jours-amende avec sursis », rts.ch,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  35. ATS, « Condamnation avec sursis pour Yannick Buttet », tdg.ch,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  36. Xavier Lambiel et Gilles Berreau, « Le Ministère public condamne Yannick Buttet », sur www.lenouvelliste.ch, (consulté le ).
  37. Kathrine Briguet, « Yannick Buttet condamné par la justice valaisanne », sur www.rhonefm.ch, (consulté le ).
  38. « Les appels à la démission de Yannick Buttet se multiplient en Valais » [audio], sur Play RTS, (consulté le ).
  39. (de) « Christoph Mörgeli schiesst mit Reim gegen Yannick Buttet », Blick,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  40. « Mörgeli déguisé en père Noël se moque de Buttet », 20 Minutes,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  41. a et b ATS, « Affaire Buttet: une instruction pour violation du secret de fonction ouverte en Valais », Le Temps,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  42. Grégoire Baur, « Marianne Maret, une Valaisanne pour l’histoire au Conseil des Etats », Le Temps,‎ (ISSN 1423-3967, lire en ligne, consulté le ).
  43. Xavier Lambiel, « Avec Yannick Buttet, le Valais perd une voix à Berne », Le Temps,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  44. « "La décision de Yannick Buttet a pour conséquence qu’il manquera une voix pour le Valais ici à Berne", dit Jean-Luc Addor », Canal9,‎ (lire en ligne [vidéo], consulté le ).
  45. a et b ATS, « Un mode d'emploi anti-dérapages pour les élus », 20 Minutes,‎ (lire en ligne, consulté le ).

Sources à lier[modifier | modifier le code]

[1],[2],[3],[4],[5],[6],[7],[8]

  1. Yelmarc Roulet, « Tartufferie et demi-mesure », Le Temps,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  2. Marc Münster, « L’affaire Buttet – chance inattendue pour la cause des femmes. », Les chroniques du #FerARepasser,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  3. Boris Busslinger, « Le «stalk-show» suisse », Le Temps,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  4. Michel Guillaume, « Claudine Esseiva: «Il faut que les femmes parlent» », Le Temps,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  5. « L’affaire Buttet enclenche la grande lessive à Berne », Le Temps,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  6. « «Au parlement, il y a des prédateurs sexuels qui voient les femmes comme des proies» », Le Temps,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  7. Bernard Wuthrich, « Un coup dur pour le PDC », Le Temps,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  8. « L’infidélité de Christophe Darbellay empoisonne la campagne valaisanne », Le Temps,‎ (lire en ligne, consulté le ).

Annexes[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]