Mosquée Hamza-Bey

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Mosquée Hamza-Bey
Image illustrative de l’article Mosquée Hamza-Bey
La mosquée en restauration en 2019.
Présentation
Nom local Χαμζά Μπέη Τζαμί
Culte Musulman
Type Mosquée
Rattachement Ministère de la Culture (depuis 2006)
Fin des travaux 1467-1468
Autres campagnes de travaux Extension : avant 1592-1593
Reconstruction : 1618-1619
Restauration : 2006–
Style dominant ottoman
Date de désacralisation 1923
Protection Site archéologique de Grèce
Géographie
Pays Drapeau de la Grèce Grèce
Périphérie Macédoine-Occidentale
Ville Thessalonique
Coordonnées 40° 38′ 15″ nord, 22° 56′ 30″ est

Carte

La mosquée Hamza-Bey (en turc : Hamza Bey Camii, en grec moderne : Χαμζά Μπέη Τζαμί / Chamzá Béi Tzamí), connue localement sous le nom d' « Alkazár » (Αλκαζάρ), est un édifice ottoman situé à Thessalonique, dans la région de Macédoine-Occidentale, en Grèce. Initialement érigée en 1467-1468 par une femme du nom d'Hasfa, il s'agit de la plus ancienne mosquée de la ville. Elle fut nommée en l'honneur d'Hamza Bey, identifié par certains auteurs comme l'illustre capitan pacha de la flotte ottomane, beylerbey d'Anatolie et artisan de la prise de Thessalonique en 1430.

Histoire[modifier | modifier le code]

Débat sur l'histoire du commanditaire[modifier | modifier le code]

Une inscription dédicatoire conservée sur la façade du monument indique que celui-ci a été érigé par Hasfa, fille d'Hamza Bey. Toutefois, il n'existe pas de consensus scientifique sur l'histoire de ces deux personnages[1]. L'identification du dédicataire ou du commanditaire au célèbre Hamza Bey, exécuté en 1461 par le voïvode valaque Vlad III l'Empaleur, reste soumise à débat[2]. Machiel Kiel (en) suppose que le dédicataire est Şarabdar Hamza Bey, commandant militaire devenu beylerbey d'Anatolie en 1460[3]. Heath W. Lowry (en) affirme lui que le monument fut commandité par un descendant de Gazi Evrenos (en), Evrenosoğlu Hamza Bey, en l'honneur de sa fille Hafsa décédée quelques années plus tôt[4]. En tout état de cause, un defter de 1478 fait référence à la propriété sous le nom d'Hamza Bey et non celui d'Hasfa[5]. Essayant d'expliquer ce changement de nom, le géographe du XVIe siècle Asik Mehmed prétend que le nom d'Hafsa n'a pas été établi à cause de difficultés de prononciation[6].

Construction et autres travaux à l'ère ottomane[modifier | modifier le code]

L'édifice fut construit en 1467-1468[7] en tant que masjid, une petite mosquée sans minaret servant au culte quotidien. Il fut agrandi avant 1592-1593[8], probablement durant la seconde moitié du XVIe siècle[9], de deux espaces latéraux rectangulaires voûtés (à l'est et à l'ouest), d'un porche reconstruit au nord[10] et d'un minaret à l'angle sud-ouest[11] pour devenir une camii[12], c'est-à-dire une mosquée accueillant la prière du vendredi. Au cours d'une phase vraisemblablement ultérieure, le porche fut intégré dans un péristyle, déplaçant de fait l'entrée principale du complexe plus au nord[13]. Sur la base d'une seconde inscription, Machiel Kiel affirme que l'édifice fut reconstruit en 1618-1619, potentiellement à la suite d'un incendie ou d'un tremblement de terre, par Kapuci Mehmed Bey[14]. Cette rénovation concerna principalement les parties supérieures du monument, notamment les fenêtres du tambour[15], tandis que les parties inférieures furent globalement préservées[16],[17].

Des usages successifs à l'utilisation future comme musée[modifier | modifier le code]

La mosquée resta ouverte au culte jusqu'en 1923[18]. Après l'échange de populations consécutif au traité de Lausanne, le bâtiment échut à la Banque nationale de Grèce au titre des biens échangeables du mufti de Thessalonique[19]. Il servit à l'époque de bureau télégraphique et de bâtiment militaire[20]. Estimé à 261 000 drachmes en 1927, il fut vendu l'année suivante, et ce malgré son classement au titre des bâtiments protégés de Grèce par décret présidentiel le . Devenu propriété d'un commerçant grec de Hambourg, puis légué à la Croix-Rouge en 1977 par la veuve et le fils du propriétaire[19], le monument servit pendant 78 ans comme centre commercial et cinéma[21].

Rentrée dans le giron du ministère de la Culture en 2006[22], la mosquée fait depuis lors l'objet d'importants travaux de restauration. Ceux-ci sont conduits par le 9e Éphorat des antiquités byzantines et en partie financés par des fonds européens, en lien avec la construction du métro de Thessalonique. Le creusement de la station Venizélou (en), à proximité immédiate de la mosquée, nécessite des mesures de consolidation afin de pallier les nombreux déséquilibres structurels constatés. Autour du dôme, quatre cerclages d'acier inoxydable permettent notamment de renforcer le bâtiment contre les vibrations, qu'elles soient d'origine sismique ou causées par le fonctionnement du métro. En outre, la restauration s'attache à redonner au péristyle son esthétique originelle, lourdement entachée par la longue utilisation du lieu comme cinéma[11],[23]. À la mise en service du métro à l'horizon 2023, l'édifice devrait accueillir une partie des vestiges des fouilles archéologiques conduites alentour[24],[15].

Architecture[modifier | modifier le code]

Avec ses 40 m de long et ses 30 m de large, la mosquée Hamza-Bey est la plus grande de Grèce[17]. La salle de prière carrée de 14,1 m de côté est surmontée d'une grande coupole qui repose sur un tambour octogonal[9] sur pendentifs percé de huit fenêtres[20]. Deux petits dômes surmontent également le porche et l'entrée principale au nord[25]. Les parties inférieures, datant de l'édifice originel, sont bâties en appareil cloisonné tandis que les modifications ultérieures présentent une maçonnerie plus légère[26],[27].

Le péristyle, étonnement désaxé[16], est composé de 23 colonnes, principalement en marbre blanc mais également en marbre vert de Thessalie, en granit rouge et gris[28], avec plusieurs remplois de chapiteaux byzantins[9],[29]. Ces derniers, datés entre le Ve et le VIe siècle, pourraient provenir d'une basilique proto-byzantine dont des traces ont été retrouvées dans le sous-sol de l'édifice[30],[31]. Les arches sont composés de briques recouvertes de plâtre coloré imitant l'apparence de pierre de taille de couleur blanche et rouge[29]. Ce vaste atrium à colonnade est le seul dans l'histoire architecturale ottomane des mosquées à ne pas avoir été construit par un sultan, et le seul en dehors des capitales que furent Constantinople et Adrianople[32],[33],[17]. Une partie du dallage en marbre blanc de la cour est également conservé[28].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Heath W. Lowry 2010, p. 15.
  2. Líla Sabanopoúlou 2008, p. 222.
  3. Machiel Kiel 1990, p. 131 et 132.
  4. Heath W. Lowry 2010, p. 20 et 21.
  5. Heath W. Lowry 2010, p. 19.
  6. Heath W. Lowry 2010, p. 6 et 7.
  7. Ahmed Ameen 2017, p. 22.
  8. Heath W. Lowry 2010, p. 5.
  9. a b et c Machiel Kiel 1990, p. 132.
  10. Konstantínos Raptís, Theofánis Omírou et Vassílios Xanthós 2008, p. 322.
  11. a et b Konstantínos Raptís, Theofánis Omírou et Vassílios Xanthós 2008, p. 315.
  12. Heath W. Lowry 2010, p. 10.
  13. Ahmed Ameen Fatouh 2010, p. 55.
  14. Machiel Kiel 1990, p. 132 et 133.
  15. a et b Líla Sabanopoúlou 2008, p. 223.
  16. a et b Machiel Kiel 1990, p. 133.
  17. a b et c Ahmed Ameen Fatouh 2010, p. 56.
  18. María Loúkma 2019, p. 43-44.
  19. a et b (el) Líla Sabanopoúlou, Theofánis Omírou et Vassílios Xanthós, « 9η Εφορεία Βυζαντινών Αρχαιοτήτων » [« 9e Éphorat des antiquités byzantines »], Bulletin archéologique, vol. 61, no Β2,‎ , p. 830 (ISSN 0570-622X, lire en ligne).
  20. a et b Ahmed Ameen Fatouh 2010, p. 50.
  21. (grk) Mánthos Velogiánnis, Η διαχείριση των μουσουλμανικών και εβραϊκών ιερών μνημείων στη Θεσσαλονίκη [« La gestion des lieux de culte musulmans et juifs à Thessalonique »] (travail de recherche du département de génie architectural de l'université de Patras), Patras,‎ , 214 p. (lire en ligne), p. 95.
  22. Mánthos Velogiánnis 2018, p. 95–97.
  23. (en) Iota Myrtsioti, « Hamza Bey Mosque revealed », sur www.ekathimerini.com, (consulté le ).
  24. Mánthos Velogiánnis 2018, p. 95-97.
  25. Ahmed Ameen Fatouh 2010, p. 49.
  26. (en) María Loúkma et María Stefanídou, « The morphology and typology of the Ottoman mosques of Northern Greece », International Journal of Heritage Architecture, Southampton, vol. 1, no 1,‎ , p. 78-88 (ISSN 1558-3058, lire en ligne), p. 83.
  27. Ahmed Ameen Fatouh 2010, p. 44 et 45.
  28. a et b Konstantínos Raptís, Theofánis Omírou et Vassílios Xanthós 2008, p. 320.
  29. a et b Ahmed Ameen Fatouh 2010, p. 51.
  30. Catherine Bouras, « Thessalonique (Métro). - Alcazar - 2007 » (Notice de fouilles de l'École française d’Athènes et de la British School at Athens), sur www.chronique.efa.gr, (consulté le ).
  31. (en) Catherine Morgan, « Thessanoliki Metro - 2008 » (Notice de fouilles de l'École française d’Athènes et de la British School at Athens), sur www.chronique.efa.gr, (consulté le ).
  32. Machiel Kiel 1990, p. 134.
  33. María Loúkma 2019, p. 43 et 44.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Document utilisé pour la rédaction de l’article : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

  • (en) Ahmed Ameen, Islamic architecture in Greece: Mosques, Alexandrie, Center for Islamic Civilization studies, Bibliotheca Alexandrina, , 271 p. (lire en ligne), p. 53–70. Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • (en) Ahmed Ameen Fatouh, Byzantine influences on Early Ottoman Architecture of Greece (thèse de doctorat en archéologie byzantine de l'université nationale et capodistrienne d'Athènes), Athènes, , 270 p. (lire en ligne), p. 44–56. Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • (el) Líla Sabanopoúlou, « Τζαμί Χαμζά μπέη (ή Αλκαζάρ) [ « Mosquée Hamza Bey (ou « Alkazár ») »] », dans Érsi Broúskari (dir.) et al., Η οθωμανική αρχιτεκτονική στην Ελλάδα [« L'architecture ottomane en Grèce »], Athènes, Ministère de la Culture et des Sports,‎ , 494 p. (ISBN 960-214-792-X, lire en ligne), p. 222–223. Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • Machiel Kiel, « Un héritage non désiré : le patrimoine architectural islamique ottoman dans l’Europe du Sud-Est, 1370–1912 », Études balkaniques, vol. 12,‎ , p. 15–82 (ISSN 2102-5525, lire en ligne). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • (el) María Loúkma, Τεχνολογια, υλικα δομησησ και παθολογια σε θρησκευτικα κτηρια τησ οθωμανικησ περιοδου [« Technologie, matériaux de construction et pathologie des bâtiments religieux de la période ottomane »] (thèse de doctorat de génie civil de l'université Aristote de Thessalonique), Thessalonique,‎ , 362 p. (lire en ligne), p. 43–45. Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • (el) Ioánnis Stavridópoulos, Μνημεία του άλλου: η διαχείριση της οθωμανικής πολιτιστική κληρονομιάς της Μακεδονίας από το 1912 έως σήμερα [« Monuments de l'autre : la gestion du patrimoine culturel ottoman de Macédoine de 1912 à nos jours »] (thèse de doctorat de l'université d'Ioannina), Ioannina,‎ , 441 p. (lire en ligne), p. 147–148.
  • (en) Machiel Kiel (en), « Notes on the History of Some Turkish Monuments in Thessaloniki and their Founders », dans Studies on the Ottoman architecture of the Balkans, t. 1, Aldershot, Varorium, , 368 p. (ISBN 978-0860782766, lire en ligne), p. 123–148. Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • (el) Konstantínos Raptís, Theofánis Omírou et Vassílios Xanthós, « Hamza Bey Τζαμί (Αλκαζάρ) Θεσσαλονίκης: προστασία και ανάδειξη του πρώιμου οθωμανικού μνημείου (2008) » [« Mosquée Hamza Bey (Alkazár), Thessalonique : protection du premier monument ottoman (2008) »], Travaux archéologiques en Macédoine et en Thrace, Thessalonique, vol. 22,‎ , p. 315–322 (ISSN 1106-5311, lire en ligne [PDF]). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • (en) Seda Kaplan Çinçin, Nevnihal Erdoğan et Meltem Ezel Çırpı, « Ottoman monumental buildings in Thessaloniki architectural heritage », Journal Of Emerging Economies And Policy, vol. 1,‎ , p. 73–84 (ISSN 2651-5318, lire en ligne), p. 74 et 75.
  • (en) Heath W. Lowry (en), The Evrenos family and the city of Selanik (Thessaloniki): Who built the Hamza Beğ Cami’i and why?, Istanbul, Université Bahçeşehir, , 103 p. (ISBN 978-975-6437-98-8, lire en ligne). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]

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