Villa Mehmet-Kapandji

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Villa Mehmet-Kapandji
Présentation
Destination actuelle
Architecte
Construction
entre 1893 et 1895[1] ou en 1898[2]
Commanditaire
Mehmet Kapandji
Propriétaire
Fondation culturelle de la Banque nationale de Grèce (depuis 1997)
Patrimonialité
Bâtiment protégé en Grèce (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Site web
Localisation
Pays
Périphérie
District régional
Dème
Adresse
Coordonnées
Carte

La villa Mehmet-Kapandji (en grec moderne : Βίλα Μεχμέτ Καπαντζή) est une villa historique construite à la fin du XIXe siècle à Thessalonique, en Grèce. Elle est située au 108 avenue de la Reine Olga (el), dans l'ancien quartier des Campagnes. Elle abrite depuis 1989 différents organismes culturels de la Banque nationale de Grèce.

Histoire[modifier | modifier le code]

L'une des résidences familiales des Kapandji[modifier | modifier le code]

Mehmet Kapandji (1839–1924)[3], membre de la communauté Dönme, des Juifs convertis à l'Islam au XVIIe siècle, a fait fortune dans la banque[4],[5]. Président de la Chambre de commerce de Thessalonique (el)[6], il est l'une des personnalités les plus influentes[7] et le musulman le plus riche de la ville en 1906[8]. Aîné d'une fratrie de huit enfants, ses frères Ahmet et Yusuf participent eux-aussi à la richesse du clan Kapandji dans les secteurs bancaire et textile[9],[10].

Au cours des années 1890[note 1], Mehmet Kapandji commandite une villa de bord de mer dans le quartier prisé d'Hamidiye, alors en pleine expansion, situé hors les murs au sud-est du centre-ville[note 2]. L'imposante demeure est édifiée sur un terrain de 4 000 m2 au bord du golfe Thermaïque[12]. Elle est signée par l'architecte italien Pietro Arrigoni (en), qui réalise quelques années plus tard une autre villa 300 mètres plus au nord de l'avenue pour le compte d'Ahmet et de Yusuf[13]. Sa construction est estimée à 40 000 souverains or, une somme considérable pour l'époque[14].

Du rattachement à la Grèce au traité de Lausanne[modifier | modifier le code]

Le prince Nicolas de Grèce, gouverneur de Thessalonique après l'entrée des troupes grecques dans la cité au cours de la première guerre balkanique[15], séjourne dans la villa en compagnie de son épouse entre la fin de l'année 1912 et le début de l'année suivante[16],[17]. Le , un traité d'alliance entre le royaume de Grèce et le royaume de Serbie, qui prévoit un partage équitable de la Macédoine[18], est signé à la villa Mehmet-Kapandji[19],[20].

En et l'année suivante, le bâtiment sert de résidence à Elefthérios Venizélos, membre du « triumvirat national » aux côtés de Panagiótis Danglís et Pávlos Koundouriótis dans le cadre du Gouvernement provisoire de défense nationale[16],[17]. Essad Pacha, figure politique albanaise de l'époque, est reçu en 1917 et des familles de victimes du grand incendie de Thessalonique sont également hébergées en ces murs[20].

De 1918 à 1922, la famille d'Haimaki Cohen, député de Trikala, loge au deuxième étage de la bâtisse toujours en partie occupée par les Kapandji[19],[21].

Du rachat par la Banque nationale aux fonctions culturelles[modifier | modifier le code]

Les échanges de biens et de populations entre la Grèce et la Turquie, conséquences du traité de Lausanne en 1923, contraignent la plupart des membres de la famille Kapandji à l'émigration[22]. Mehmet meurt en 1924, à la veille de son départ forcé[23]. Après avoir accueilli pendant plusieurs années des réfugiés d'Anatolie, la villa est achetée en 1928 par la Banque nationale de Grèce pour un montant de 4 001 000 drachmes. L'institution la loue pendant dix ans à la Foundation Company, société américaine chargée de travaux de génie civil en Macédoine-Centrale[19].

À partir de 1938, l'édifice abrite un lycée pour garçons. Peu de temps après, le lieu est toutefois réquisitionné durant la guerre italo-grecque pour servir de boulangerie militaire puis saisi par l'armée allemande lors de l'occupation par le Troisième Reich, avant de fonctionner brièvement comme quartier général de l'armée britannique au cours de l'été 1945[21],[19]. La villa Mehmet-Kapandji est ensuite rendue aux fonctions éducatives jusqu'en 1972, date du début d'une décennie d'abandon[20].

De 1982 à 1988, d'importants travaux de restauration ont été conduits pour redonner à la bâtisse ses caractéristiques originelles. Le lieu ouvre en 1989 en tant que centre culturel pour la Grèce du Nord de la Banque nationale de Grèce. Concédé en 1997, il fonctionne depuis lors comme l'un des trois centres nationaux de la Fondation culturelle de l'institution bancaire[20],[14].

Architecture[modifier | modifier le code]

La villa Mehmet-Kapandji, parmi les premières grandes demeures construites dans le quartier des Campagnes, est un exemple de la tendance éclectique en vogue à Thessalonique à la fin du XIXe siècle[24], comme en témoignent d'autres réalisations environnantes de Pietro Arrigoni, parmi lesquelles la villa Bianca et la villa Modiano (en)[25]. Le monument combine des éléments de l'architecture ouest-européenne de l'époque, en particulier le style Art nouveau, avec des motifs caractéristiques d'Europe centrale[26]. Le traitement du bois dans les parties sommitales et la forte pente de toit[12] renvoient aussi à l'architecture des chalets[27].

L'édifice est composé d'un sous-sol, d'un rez-de-chaussée surélevé (aussi appelé premier étage[28]), d'un étage surmonté d'un grenier et d'une tour à quatre niveaux située au nord[26]. Cette dernière, ajourée à sa base, mesure 4,40 m de large et 6,60 m de long, tandis que le bâtiment principal fait 16,5 m de large, 19 m de long et 18 m de haut[12].

À chaque niveau, sept pièces rayonnent autour d'un espace central[29]. L'intérieur présente des volumes complexes, marqués par un riche décor en boiseries et un escalier à double volée. Le sol des entrées est couvert de marbre, tandis que les salles de réception sont dotées de parquet. Les fresques d'origine du plafond des premier et deuxième étages ont presque entièrement disparues et le décor peint a été partiellement recomposé à partir des quelques échantillons préservés[12].

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. La date de construction précise n'est pas connue. Il convient en toute logique de la situer après l'arrivée de Pietro Arrigoni en Grèce, en 1892[11], vraisemblablement entre 1893 et 1895[1], ou bien en 1898[2]. Ces divergences trouvent en partie leur explication dans la confusion fréquente entre les villas de Mehmet et d'Ahmet Kapandji.
  2. Le quartier prit le nom populaire de Campagnes (Εξοχές) (Vassilis Colonas 1994, p. 74). L'axe principal, anciennement boulevard Hamidiye, est l'actuelle avenue de la Reine Olga (el).

Références[modifier | modifier le code]

  1. a et b Giánnis Epaminóndas 2013, p. 19.
  2. a et b Marc Baer 2010, p. 35.
  3. Cengiz Sisman 2017, p. 195.
  4. Marc Baer 2010, p. 113.
  5. Costas Lapavitsas et Pinar Cakiroglu 2019, p. 123.
  6. Chrístos Zafíris 2016, p. 165–169.
  7. Marc Baer 2010, p. 35–36.
  8. Costas Lapavitsas et Pinar Cakiroglu 2019, p. 134–135.
  9. (el) Giánnis Mégas, Vassílis Vassilikós et Dínos Christianopoúlos, Ενθύμιο: από τη ζωή της Εβραϊκής Κοινότητας [« Souvenir : de la vie de la communauté juive »], Athènes, Éditions Kapon,‎ , 192 p. (ISBN 978-960-7254-02-3), p. 79.
  10. Costas Lapavitsas et Pinar Cakiroglu 2019, p. 120.
  11. Vassilis Colonas 2019, p. 153–154.
  12. a b c et d (en) « Architecture of the building », sur www.miet.gr (consulté le ).
  13. Vassilis Colonas 2019, p. 154.
  14. a et b (en) « Thessaloniki center », sur www.miet.gr (consulté le ).
  15. (en) Hugo Vickers, Alice : Princess Andrew of Greece, Londres, Hamish Hamilton, , 477 p. (ISBN 9780241136867), p. 101.
  16. a et b Cengiz Sisman 2017, p. 257.
  17. a et b (el) Société historique et ethnologique de Grèce, Θεσσαλονίκη. Στιγμές Ιστορίας [« Thessalonique. Moments d'histoire »], Athènes,‎ , 445 p. (ISBN 978-960-6812-57-6), p. 224.
  18. Ministère des Affaires étrangères, Documents diplomatiques 1913–1917 : Traité d'alliance gréco-serbe. Invasion germano-bulgare en Macédoine, Athènes, , 115 p. (lire en ligne [PDF]), p. 8–11.
  19. a b c et d Giánnis Epaminóndas 2013, p. 21.
  20. a b c et d (en) « The tenants. From the Kapandji Villa to the MIET Thessaloniki Center », sur www.miet.gr (consulté le ).
  21. a et b (en) « History of the building », sur www.miet.gr (consulté le ).
  22. Marc Baer 2010, p. 112–113.
  23. Marc Baer 2010, p. 113 et 152.
  24. Vassilis Colonas 1994, p. 79.
  25. (en) Vasiliki Pachta et Ioanna Papayianni, « The Study of the Historic Buildings of Eclecticism in Thessaloniki Under the Prism of Sustainability », Procedia Environmental Sciences, vol. 38,‎ , p. 283–289 (ISSN 1878-0296, lire en ligne, consulté le ).
  26. a et b Méropi Anastassiadou, Salonique, 1830-1912 : une ville ottomane à l'âge des Réformes, Brill, , 465 p. (ISBN 978-90-04-10798-4, lire en ligne), p. 131.
  27. Vassilis Colonas 1994, p. 82.
  28. Vassilis Colonas 1994, p. 76.
  29. Vassilis Colonas 1994, p. 81.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Document utilisé pour la rédaction de l’article : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

  • (en) Marc Baer, The Dönme: Jewish converts, Muslim revolutionaries, and secular Turks, Palo Alto, Stanford University Press, , 332 p. (ISBN 978-0-8047-6867-2, lire en ligne). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • (en) Ersí Brouskarí, Ottoman architecture in Greece, Athènes, Hellenic Ministry of Culture, Directorate of Byzantine and Post-Byzantine Antiquities, , 494 p. (ISBN 978-960-214-793-1), p. 259.
  • (en) Vassilis Colonas, « Italian architects in Thessaloniki: new elements about the work of Vitaliano Poselli and Pietro Arrigoni », dans Paolo Girardelli et Ezio Godoli, Italian architects and builders in the Ottoman empire and modern Turkey: Design across borders, Newcastle upon Tyne, Cambridge Scholars Publishing, , 284 p. (ISBN 978-1-5275-2723-2, lire en ligne), p. 149–160. Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • Vassilis Colonas, « L'architecture résidentielle de Thessalonique (1885-1912) », Environmental Design: Journal of the Islamic Environmental Design Research Centre, Rome, Dell’oca, nos 1-2,‎ , p. 74–83 (ISSN 0393-5183, lire en ligne). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • (el) Giánnis Epaminóndas, « Βίλα Καπαντζή – ΜΙΕΤ: 120 χρόνια ζωής » [« Villa Kapantzi - MIET : 120 ans d'existence »], Le magazine de la ville de Thessalonique, vol. 23, no 46,‎ , p. 18–25 (ISSN 1108-5452).
  • (en) Costas Lapavitsas et Pinar Cakiroglu, Capitalism in the Ottoman Balkans: Industrialisation and modernity in Macedonia, Londres, Bloomsbury Publishing, , 312 p. (ISBN 978-1-78831-659-0, lire en ligne). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • (el) Ioánna-Kleanthoúla Michailídou, Δημιουργία δικτυακού τόπου για τα ιστορικά κτήρια της Θεσσαλονίκης [« Création d'un site internet pour les bâtiments historiques de Thessalonique »] (mémoire de licence de l'université Aristote),‎ , 113 p. (lire en ligne [PDF]), p. 65. Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • (en) Cengiz Sisman, The Burden of silence: Sabbatai Sevi and the evolution of the Ottoman-Turkish Dönmes, Oxford University Press, , 430 p. (ISBN 978-0-19-069856-0, lire en ligne). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • (el) Chrístos Zafíris, Η Θεσσαλονίκη των Εβραίων. Ιστορία, κοινωνία, μνημεία [« La Thessalonique des Juifs. Histoire, société, monuments »], Musée juif de Thessalonique, Épicentre,‎ , 212 p. (ISBN 978-960-458-670-7), p. 165–169.

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