Adolphe Gautier de Rasse

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Georges Antoine Adolphe dit Adolphe Gautier de Rasse (par adjonction du nom de son épouse), né le à Arlon et mort le à Ellezelles, est un magistrat et administrateur belge de la Sûreté publique.

Son mandat à la tête de la Sûreté est marqué par un mouvement de grèves ouvrières ainsi que par le procès du grand complot de 1889, appelé aussi affaire Pourbaix. À l'issue de l'action en justice, il est révoqué de ses fonctions par Auguste Beernaert.

Biographie[modifier | modifier le code]

Enfance et jeunesse[modifier | modifier le code]

Adolphe Gautier naît le à Arlon[1]. Il est issu de l'union entre Adolphe Ferdinand Gautier, ingénieur des mines à la province de Namur, et Marie Catherine Printz[1]. Son grand-père est Georges Gautier-Puissant[2], militaire français, industriel et maire de Charleroi sous le Premier Empire. Il fréquente de 1852 à 1857 la faculté de droit de l'Université libre de Bruxelles. Il y est diplômé docteur en droit en 1857 avec la plus grande distinction[3].

Carrière dans la magistrature[modifier | modifier le code]

Il entre tout d'abord en tant qu'avocat au barreau d'Arlon puis devient juge suppléant au tribunal de première instance d'Arlon le [4]. Il est nommé substitut du procureur du roi le au tribunal de première instance de Tournai où il succède à Louis-Frédéric Babut de Marès[4]. Il occupe ce poste jusqu'au , date où il est désigné procureur du roi à Tournai[4].

Carrière en tant qu'administrateur de la Sûreté publique[modifier | modifier le code]

Il est intronisé en tant qu'administrateur de la Sûreté publique le par arrêté royal. Il succède à Victor Berden qui devient bras-droit de Jules Bara[5]. C'est sous son mandat que des troubles quasi-insurrectionnels débutent dans le Hainaut, en particulier dans la région du Borinage et de Charleroi[6]. Afin de lutter contre cette agitation sociale menée par la figure d'Alfred Defuisseaux, l'administration de la Sûreté publique a recours à des indicateurs infiltrés dans les milieux socialistes comme Léonard Pourbaix ou Jean-Baptiste Edouard Laloi qui préside le congrès de Châtelet en 1888[7].

À la suite de nouvelles actions quasi insurrectionnelles en 1888 où les manifestants utilisent de la dynamite, une série de leaders du Parti socialiste républicain d'Alfred Defuisseaux sont arrêtés[7]. Or, l'affaire prend une autre tournure lorsque Paul Notelteirs, directeur de la Sûreté publique, révèle le lors de sa déposition que Laloi, dirigeant du PSR, proche d'Alfred Defuisseaux et leader du congrès de Châtelet est en réalité un agent infiltré de la Sûreté publique[8]. Progressivement, il apparaît que la Sûreté publique s'est introduite dans les milieux du PSR et que les indicateurs sont en réalité des agents provocateurs chargés de discréditer les grèves[8]. Ceci implique qu'il n'y a pas eu de complot contre l'État car Auguste Beernaert, figure à la tête du gouvernement belge, est au courant de ces agissements[7]. Le plaidoyer du procureur général devient alors obsolète.

Adolphe Gautier de Rasse témoigne le dans le cadre de l'affaire[8]. Le , les leaders du PSR défendus notamment par Paul Janson, Edmond Picard, Eugène Robert et Jules Destrée sont acquittés[8]. À la suite du scandale de cette affaire Pourbaix, il est renvoyé de la Sûreté en 1889 par Auguste Beernaert[9]. On lui reproche de ne pas avoir signalé immédiatement lors de leur arrestation que certains leaders du PSR sont en réalité des agents infiltrés, d'avoir sciemment laissé ces indicateurs commettre des actes de provocation[7] et d'avoir révélé des informations sensibles à l'ancien ministre Jules Bara siégeant dans l'opposition libérale[10].

À la suite de cette affaire, la Sûreté publique est sanctionnée avec le remplacement de la figure de l'administrateur par un directeur sous tutelle du ministre de la justice Jules Le Jeune et la réduction de son budget[11]. La figure de l'administrateur de la Sûreté publique est cependant assez vite réintroduite avec la nomination de François Delatour en 1890[12]. L'administrateur retrouve ses pouvoirs et sa dotation face aux attentats anarchistes de 1890[11].

Position criminologique[modifier | modifier le code]

Adolphe Gautier de Rasse montre un vif intérêt envers la criminologie. Il fait partie de la délégation belge au congrès pénitentiaire de Rome en 1885 avec Adolphe Prins, inspecteur général des prisons[13]. En 1887, face aux manifestations insurrectionnelles qui émaillent la Belgique, il soutient dans un rapport adressé au roi Léopold II la proposition de supprimer les libertés individuelles afin de maintenir l'ordre[14]. Pour lui, la société doit penser à sa défense[14]. De par ses déclarations, il s'inscrit dans le mouvement de défense sociale d'Adolphe Prins qui rencontre un franc succès à l'époque. À la suite de sa destitution, il écrit encore un article sur les aliénés criminels dans la revue La Belgique judiciaire[15].

Vie privée[modifier | modifier le code]

Il se marie le avec Léopoldine de Rasse, fille d'Alphonse de Rasse, à Tournai, avec laquelle il reste jusqu'à sa mort[1]. À la suite d'un arrêté royal du , il obtient l'autorisation d'apposer le nom de famille de sa belle-famille au sien et de le transmettre à leurs enfants[1].

Publications[modifier | modifier le code]

  • Étude économique sur les coalitions d'ouvriers et sur les grèves, Paris, 1886.
  • Aliénés Criminels. Projet de loi sur les prisons asiles dans La Belgique judiciaire. Gazette des tribunaux belges et étrangers, no 24, 1891, p. 370-387.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a b c et d « Georges Antoine Adolphe Gautier de Rasse »
  2. H. Vandenbroeck, Notices historiques et généalogiques sur quelques familles du Tournaisis, Bruxelles, , p. 58
  3. Rôles des inscriptions de l'université libre de Bruxelles pendant la première période trentenaire (1834-1835 - 1863-1864)
  4. a b et c « Georges Antoine Adolphe Gautier de Rasse », sur digithemis.be (consulté le )
  5. L'écho du Parlement, 19 octobre 1879
  6. Jean Puissant, L'Évolution du mouvement ouvrier socialiste dans le Borinage, Bruxelles, , 712 p. (ISBN 9782803101122), p. 219
  7. a b c et d « Pourbaix Léonard (583434) et le Grand Complot », sur goens-pourbaix.be (consulté le )
  8. a b c et d « Alfred Defuisseaux et le Grand Complot, une page de l'histoire du socialisme borain (1889) », sur calameo.com (consulté le )
  9. Luc Keunings, Des polices si tranquilles. Une histoire de l'appareil policier belge au XIXe siècle, Louvain-la-Neuve, , 299 p. (ISBN 9782874631702), p. 263
  10. Jean Bartelous, Nos premiers ministres de Léopold Ier à Albert Ier, 1831 à 1934, Bruxelles, , 415 p.
  11. a et b Marc Cools, Koenraad Dassen, Robin Libert et Paul Ponsaers, La Sûreté : Essais sur les 175 ans de la Sûreté de l'Etat, Bruxelles, , 383 p., Xavier Rousseaux et David Sommer, Pour une histoire de la Sûreté de l'Etat en Belgique. Essai autour de 175 années de pénombre, p. 54
  12. Luc Keunings, op. cit., Louvain-la-Neuve, , 299 p. (ISBN 9782874631702), p. 257
  13. Le Bien Public, 19 décembre 1885
  14. a et b Marc Reynebeau, Histoire belge : 1830-2005, Bruxelles, , 338 p. (ISBN 9782873864071), p. 91
  15. « La Belgique judiciaire. Gazette des tribunaux belges et étrangers (1891) », sur just-his.be (consulté le )