Ouzbékisation

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

L'ouzbékisation ou plus rarement uzbékisation[1] (en ouzbek : uzbekchilik) est un terme donné à la politique d'assimilation culturelle et linguistique, depuis les dernières années de l'URSS (1985-1991) et la disparition de la République socialiste soviétique d'Ouzbékistan (1990), des minorités non-ouzbèkes de la nouvelle République d'Ouzbékistan.

Lors de la dislocation de l'URSS, la population de l'Ouzbékistan est composée principalement de turcophones (Ouzbeks, Kazakhs, Tatars…), de Slaves (Russes) et d'iranophones (Tadjiks). Des tensions interethniques entre Ouzbeks et non-Ouzbeks avaient déjà éclatées en mai- et la petite minorité meskhète fut notamment victime de pogroms.

Cette assimilation forcée touchera notamment les Tadjiks —considérés par les Ouzbeks comme des Turcs iranisés[2]— qui feront l'objet d'une virulente campagne d'ouzbékisation (avec changement d'identité, voire de nom sur les passeports) très mal ressentie au Tadjikistan, où la minorité ouzbèke est beaucoup plus libre[3]. En 1989-1990, des associations socioculturelles tadjikes protestant contre « l'ouzbékisation forcée » à Samarcande, à Boukhara, dans la vallée de Ferghana, exigeront l'octroi du statut de Tadjiks pour ceux qui en avaient été privés, ainsi que la création d'écoles et de journaux en langue tadjike[4]. Déjà sous la présidence de Charaf Rachidov, premier secrétaire du parti communiste de la RSS d'Ouzbékistan de 1959 à 1983, la quasi-totalité des écoles en langue tadjike situées sur le territoire de l'Ouzbékistan, en particulier à Samarcande et Boukhara, avaient été supprimées, ainsi que l'École Normale tadjike de Samarcande[5].

La politique d'ouzbékisation menée par le président Islom Karimov provoquera également une diminution du nombre des cadres russes et la « dérussification » des toponymes[6]. Elle se traduira aussi par les départs en masse des scientifiques d'origine non ouzbèke (notamment Russes, Arméniens, Allemands et Coréens) condamnés à des rôles subalternes, voire serviles[7].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Le terme est notamment attesté en 1932 dans un ouvrage d'André Pierre intitulé U.R.S.S., la fédération soviétique et ses républiques: description géographique, politique et économique… (Éditions Delagrave, Paris, 1932) :

    « L' « uzbékisation » des cadres de l'administration se poursuit, mais là encore on manque de personnel. Pour faciliter la tâche on a latinisé la langue uzbèke, comme les langues turco-tatares. »

  2. Olivier Roy, « Ethnies et politique en Asie centrale » (article), Revue du monde musulman et de la Méditerranée, Vol. 59, N° 1, 1991, p. 29.
  3. Les Cahiers de l'Orient, numéros 21 à 22, Societé française d'édition et d'impression et de réalisation, 1991, p. 288.
  4. Patrick Karam, Le retour de l'Islam dans l'ex-Empire russe: Allah après Lénine, Harmattan, 1996, p. 92. (ISBN 2738448895)
  5. Olivier Roy, « Des ethnies aux nations en Asie centrale », numéros 59 à 60 de la Revue du monde musulman et de la Méditerranée, Édisud, 1992, p. 160. (ISBN 2857445520)
  6. Les pays de la CEI (notes et études documentaires), ouvrage coordonné par Roberte Berton-Hogge et Marie-Agnès Crosnier, Documentation franćaise, 1997, p. 18.
  7. Sophie Wahnich, L'Homme et la société, numéros 159 à 162, Éditions Anthropos, 2006, p. 225.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]