Mahmoud Dicko

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Mamoudou
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Fadhilat al-Cheikh (d)

Mahmoud Dicko, né vers 1954[1], est un imam malien originaire de la région de Tombouctou qui a présidé le Haut Conseil islamique malien (HCIM) de à [2].

Leader politico-religieux, considéré en 2020 comme l'une des personnalités les plus influentes du pays, il a servi de médiateur entre le gouvernement malien et des groupes djihadistes dans le nord du pays. Après avoir soutenu le président Ibrahim Boubacar Keïta lors des élections de 2013, il est passé dans l'opposition en 2017.

Le 7 septembre 2019, un mouvement politique a été lancé en son nom, la Coordination des Mouvements, Associations et sympathisants de Mahmoud Dicko (CMAS), où il n'a aucune fonction de direction. Il parraine, en 2019 et 2020, plusieurs manifestations importantes contre le président Keïta.

Biographie[modifier | modifier le code]

Imam quiétiste conservateur[modifier | modifier le code]

Issu d’une famille de lettrés musulmans, il a poursuivi ses études dans deux madrasas (écoles religieuses) mauritaniennes réputées[3],[4], avant de suivre ses études à l’université islamique de Médine, en Arabie saoudite pendant deux ans[5],[4], connues pour diffuser la doctrine wahhabite chez les étudiants musulmans venus du monde entier[4].

Ancien professeur d'arabe, il devient au début des années 1980 l'imam de la mosquée de Badalabougou à Bamako. Il a été secrétaire général de l’Association malienne pour l’unité et le progrès de l’islam (AMUPI), courroie de transmission du parti unique de l’ancien dictateur Moussa Traoré[6], et Premier secrétaire sortant aux Affaires religieuses

Sunnite d'obédience salafiste quiétiste, il récuse l'étiquette de wahhabite[7]. Par le passé, il avait toutefois déclaré « je suis wahhabite », tout en le nuançant en précisant qu'il n'était pas « pétri wahhabite 100 % » car il vient du Mali et que « tous les grands cheikhs du Mali, toutes les tariqa, toutes les confréries » constituent son « milieu naturel »[5].

Selon l'ethnologue Jean-Loup Amselle, « Mahmoud Dicko est un quiétiste qui refuse le djihad et l'application des règles les plus violentes de la charia, comme le fait de couper les mains des voleurs. Alors que les fondamentalistes wahhabites refusent tout ce qui s'est passé avant l'islam, lui affirme que ce qui fait tenir ensemble la société malienne, ce sont l'islam et les traditions pré-islamiques, d'où l'importance de s'appuyer sur ces traditions, garantes de l'ordre »[8]. La dénonciation de la corruption, de l’absence de justice sociale et la défense des droits des arabisants sont les trois principaux points exprimés dans ses discours, sans pour autant développer un argumentaire axé explicitement sur le Coran ou la charia[5].

De 2008 à 2019, Mahmoud Dicko préside le Haut Conseil islamique du Mali, une structure influente qui représente l'islam malien auprès des autorités du pays. Il défend des positions conservatrices[9]. En 2009, il s'oppose au projet de code des personnes et de la famille au Mali présenté par le gouvernement[2] et obtient grâce à une mobilisation importante sa révision, vidant de sa substance un texte qui était davantage favorable aux droits des femmes[10],[9]. En 2017, il condamne les projets d'interdiction de l'excision prêtés au gouvernement par des rumeurs. Il s'élève également contre l'homosexualité[9].

Acteur politique[modifier | modifier le code]

En 2012, lors de la guerre du Mali, il prend position en faveur d'un dialogue avec les islamistes et rencontre Iyad Ag Ghali, le leader d'Ansar Dine[2],[9]. En 2013, il affirme que l'intervention de l'armée française au Mali, en appui à l'armée malienne contre des groupes jihadistes armés, n'est pas une agression contre l'islam, mais que la France a volé au secours d'un peuple en détresse, qui a été abandonné par tous ces pays musulmans à son propre sort[11]. Lors de l'élection présidentielle malienne de 2013, il soutient la candidature d'Ibrahim Boubacar Keïta[12].

Le , après l'attentat du Radisson Blu de Bamako, il déclare sur VOA : « Les terroristes nous ont été envoyés par Dieu pour nous punir de la promotion de l’homosexualité, importée d’Occident et qui prospère dans notre société »[13]. Le , à la grande Mosquée de Bamako, Mahmoud Dicko déclare que le djihadisme est une « création des Occidentaux » et de la France afin de « recoloniser le Mali »[14],[13].

Le , l'imam Mahmoud Dicko déclare avoir reçu, après huit mois de discussions, une lettre d'Iyad Ag Ghali dans laquelle ce dernier annonce « l'arrêt des attaques sur toute l’étendue du territoire »[15],[16]. Mais Ansar Dine dément ces déclarations le [17],[18].

Après avoir soutenu Ibrahim Boubacar Keïta, Mahmoud Dicko passe dans l'opposition vers fin 2017[12]. À son appel, 30 000 à 50 000 personnes manifestent contre le gouvernement à Bamako le [12]. Le , alors que des ambitions présidentielles lui sont prêtées, il lance la Coordination des mouvements, associations et sympathisants (CMAS), un mouvement politique qui suit sa ligne islamiste[1].

En juin 2020, la CMAS s'unit à une large plateforme d'opposition, le Mouvement du 5 Juin - Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP). Selon l'analyse de Aly Tounkara, « Beaucoup d’opposants qui n’auraient eu aucune chance d’accéder au pouvoir ont décidé de s’appuyer sur l’imam et ses milliers de fidèles, lui conférant un grand pouvoir politique ». Le vendredi 19 juin 2020, il réussit à organiser une manifestation de plusieurs dizaines de milliers de fidèles et supporters pour demander au président Ibrahim Boubacar Keïta de démissionner[19]. Le 10 juillet, lors de la troisième journée de mobilisation, des heurts se produisent, provoquant plusieurs morts ; des dirigeants de la coalition de l'opposition sont arrêtés puis relâchés[20].

Dans un entretien à RFI, publié le 18 août 2020, il déclare vouloir le départ du Premier ministre Boubou Cissé, mais ne se prononce pas sur celui du président Keïta, et déclare qu'il ne sera pas candidat à l'élection présidentielle prévue en 2023[21]. Le même jour, a lieu un coup d'État, qui conduit au renversement de l'ensemble des institutions civiles et à l'arrestation d'Ibrahim Boubacar Keïta, qui est saluée par le porte-parole du M5-RFP[22].

Favorable à la négociation avec Amadou Koufa et Iyad Ag Ghali, il rejette les accusations de l'ancien président Keïta qui le soupçonne de vouloir installer une république islamique au Mali, tout en regrettant que le coup d'état n'ait pas « amené la nécessaire réconciliation entre l’armée et le peuple »[23].

Le 17 février 2024, les partisans de Mahmoud Dicko créent Synergie d’action pour le Mali, une coalition de partis et d’associations d’opposition à la junte malienne[24]. Le 6 mars 2024, Le gouvernement malien dissout l’Association dénommée « Coordination des Mouvements, Associations et Sympathisants de l’Imam Mahmoud Dicko » (CMAS)[25].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a et b « Mali : l'influent et virulent imam Mahmoud Dicko, lance son mouvement politique », France Info,‎ (lire en ligne)
  2. a b et c Rémi Carayol, « Mali : à l’école du wahhabisme », Jeune Afrique,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  3. « Mali : comment l’imam Mahmoud Dicko est devenu la figure de proue de l’opposition », sur Le Monde.fr, Le Monde, (ISSN 1950-6244, consulté le ).
  4. a b et c Célian Macé, « Mali : Mahmoud Dicko, l'imam qui défie le président IBK », Libération,‎ (lire en ligne)
  5. a b et c Pierre Prud’homme, « L’imam, l’expert et le diplomate », Civilisations, no 64,‎ , p. 129-140 (lire en ligne)
  6. Boubou Cissé, Joseph Brunet Jailly et Gilles Holder, « Le Haut Conseil Islamique du Mali : un organe partisan au service de l’islam wahhabite ? », journaldumali.com,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  7. Célian Macé, « Mali : Mahmoud Dicko, l'imam qui défie le président IBK », Libération,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  8. Catherine Golliau, Ces islams d'Afrique que l'Occident ne veut pas voir, Le Point, 11 mai 2017.
  9. a b c et d Rémi Carayol, Le mirage sahélien : La France en guerre en Afrique. Serval, Barkhane et après ?, Paris, La Découverte, , 326 p. (ISBN 9782348075469, présentation en ligne), p. 78-82.
  10. Jean-Marc Gonin, « Mali, le pouvoir assiégé par la rue », Le Figaro Magazine,‎ , p. 26 (lire en ligne).
  11. Mali: l'intervention française "n'est pas une agression contre l'islam"
  12. a b et c Cyril Bensimon, Au Mali, la contestation a pris le visage de l’islam politique, Le Monde, 9 avril 2019.
  13. a et b David Dembélé, Au Mali, l’imam Dicko part en campagne contre les homosexuels, Le Monde, 16 décembre 2015.
  14. Pour le chef religieux du Mali; le djihadisme est « une création française », Mondafrique, 16 décembre 2015.
  15. Célian Macé, Mali: le chef du groupe jihadiste Ansar ed-Dine annonce «l'arrêt des attaques», Libération, 30 octobre 2016.
  16. Cessez-le-feu au nord du Mali: la lettre très commentée d'Iyad Ag Ghaly, RFI, 1er novembre 2016.
  17. Célian Macé, Sahel : les sables très mouvants du jihadisme, Libération, 2 novembre 2016.
  18. Au Mali, Ansar Dine dément avoir prononcé un cessez-le-feu, Reuters, 2 novembre 2016.
  19. Matteo Maillard, "Mali : une coalition d’opposants réclame la démission du président IBK sur fond de crise sociale", Le Monde, 20 juin 2020.
  20. « Les leaders de la contestation malienne relâchés, selon leurs avocats », sur Libération.fr, Libération (consulté le ).
  21. « Imam Mahmoud Dicko: «En 2023, je ne serai candidat de rien ! » », sur rfi.fr, (consulté le ).
  22. « Au Mali, le président Keïta et le Premier ministre arrêtés par des mutins », sur france24.com, (consulté le ).
  23. « Mali : "On ne peut pas installer le pays dans une guerre infinie", selon l'imam Mahmoud Dicko », sur france24.com, (consulté le ).
  24. Radio France International, « Afrique Mali: une coalition d’opposition à la junte voit le jour avec des partisans de l’imam Dicko », sur rfi.fr, (consulté le ).
  25. Marturin Atcha, « Mali : le gouvernement dissout l’association de l’Imam Mahmoud Dicko », sur afrique-sur7.ci, (consulté le ).