Exposition coloniale
Une exposition coloniale est une variété d'exposition internationale organisée dans la deuxième moitié du XIXe siècle et dans la première moitié du XXe siècle dans les empires coloniaux européens.
Destinées à soutenir le commerce, les expositions coloniales ont également pour but de renforcer le soutien populaire des habitants de la métropole au processus de colonisation pendant la période du nouvel impérialisme : plusieurs expositions coloniales se caractérisent par des reconstitutions spectaculaires des environnements naturels et des monuments d'Afrique, d'Asie ou d'Océanie, permettant aux visiteurs de découvrir différentes facettes des colonies, soigneusement mises en scène. Certaines font usage de zoos humains.
Développées à partir des années 1860-1870, les expositions coloniales sont organisées par la plupart des empires coloniaux : principalement Royaume-Uni et France, mais également Allemagne, Belgique, Pays-Bas, Portugal et même États-Unis et Japon. Après un apogée au début des années 1930, l'exposition coloniale internationale de Paris en 1931 attirant près d'une dizaine de millions de visiteurs pendant six mois, les expositions coloniales s'éteignent avec la Seconde Guerre mondiale et le mouvement de décolonisation.
Historique
[modifier | modifier le code]Les expositions internationales sont créées au XIXe siècle pour présenter les réalisations industrielles des nations qui les organisent. Elles en représentent la vitrine technologique et industrielle, témoignant du progrès lié à la révolution industrielle. La première exposition universelle se tient à Londres en 1851. Vers la même époque, les pays nouvellement industrialisés, en Europe de l'Ouest mais également aux États-Unis, en Russie et, un peu plus tard, au Japon, se lancent dans une période d'expansion coloniale sans précédent, en Afrique, Asie et Océanie.
Les prototypes des expositions coloniales remontent à plusieurs expositions organisées en Australasie à partir de 1854. En 1866, l'exposition intercoloniale d'Australasie, à Melbourne, rassemble plusieurs colonies britanniques du continent australien (qui ne sont pas encore fédérées à cette époque). Plusieurs autres expositions intercoloniales ont lieu, jusqu'à l'exposition internationale de Sydney en 1879, qui rassemble des exposants de 23 nations et colonies. Le principe est ensuite repris dans les grandes villes des empires coloniaux européens : Amsterdam (exposition universelle coloniale et d'exportation générale (nl), 1883), Londres (exposition coloniale et indienne, 1886), Madrid (exposition générale des îles Philippines (es), 1887), Paris (exposition universelle, 1889), Porto (exposition insulaire et coloniale portugaise, 1894), Berlin (grande exposition industrielle, 1896), Bruxelles (exposition internationale, 1897), Omaha (grande exposition américaine (en), 1899).
En France, la mise en scène des colonies se tient tout d'abord lors des expositions universelles de Paris puis progressivement dans des manifestations spécifiques : expositions internationales et coloniales de Rouen (1896) et Rochefort (1898), et surtout exposition coloniale de Marseille en 1906, au cours de laquelle est créé un comité national des expositions coloniales en France, aux colonies et à l'étranger, chargé d'organiser régulièrement ce genre d'expositions. En 1931, la France possède le deuxième empire colonial de la planète après le Royaume-Uni, qui compte près de 42 millions d'habitants sur plus de 12 millions de km² : cette année là, l'exposition coloniale internationale se tient à Paris pendant 6 mois et vend 33 millions de tickets pour 8 millions de visiteurs. Elle inclut des dizaines de musées temporaires, des reproductions architecturales s'inspirant des territoires colonisés, un parc zoologique et plusieurs édifices permanents. Elle compte également des villages indigènes reconstitués, où des habitants sont contraints d'être leurs propres acteurs pour l'édification des visiteurs.
L'empire du Japon organise plusieurs expositions coloniales dans l'archipel métropolitain, mais également dans ses colonies de Corée et Taïwan. Leurs objectifs sont néanmoins comparables à leurs équivalents européens : mettre en avant les réalisations économiques et le progrès social censément apportés par la domination japonaise.
La Seconde Guerre mondiale met un terme aux expositions coloniales : les années qui suivent lancent le processus de décolonisation et de démantèlement des empires coloniaux européens. La dernière exposition coloniale, la foire coloniale, se tient à Bruxelles en 1948.
Le Bureau international des expositions, créé en 1928 pour superviser les expositions internationales, ne reconnaît aucune exposition coloniale (exceptées les expositions universelles, comme celle de Paris en 1889), même de façon rétroactive ou comme exposition spécialisée.
Chronologie
[modifier | modifier le code]Références
[modifier | modifier le code]- Odon Abbal, L'Exposition coloniale de 1889 : La Guyane présentée aux Français, Matoury, Ibis Rouge, , 110 p. (ISBN 978-2-84450-382-4)
- Bertrand Lemoine, Cinquantenaire de l'Exposition internationale des arts et des techniques dans la vie moderne, Paris, Institut français d'architecture, (ISBN 285346041X)
Voir aussi
[modifier | modifier le code]Bibliographie
[modifier | modifier le code]- Nicolas Bancel, Pascal Blanchard et Sandrine Lemaire, « Ces zoos humains de la République coloniale », Le Monde diplomatique, (ISSN 0026-9395, lire en ligne, consulté le )
- Nicolas Bancel, Pascal Blanchard, Gilles Boëtsch et Éric Deroo, Les Zoos humains : Au temps des exhibitions humaines, Paris, La Découverte, coll. « Poche », (ISBN 978-2707144010)
- Didier Daeninckx, Cannibale (fiction), Verdier,
- Catherine Hodeir, Catalogue de l'exposition internationale des arts et des techniques dans la vie moderne, Paris 1937, cinquantenaire, Paris, Institut français d'architecture, , « La France d'Outre-Mer »
- (en) Catherine Hodeir, Images and Empires: Visuality in Colonial and Postcolonial Africa, Berkeley, University of California Press, (ISBN 0-520-22949-5, DOI 10.1525/california/9780520229488.003.0010), « Decentering the Gaze at French Colonial Exhibitions », p. 233-252
- Catherine Hodeir et Michel Pierre, L'Exposition coloniale, Paris/Bruxelles, Archipoche, , 3e éd. (1re éd. 1991)
- (en) Catherine Hodeir, The Invention of Race. Scientific and Popular Representations, New York / Londres, Routledge, (ISBN 9780367208646), « Human Exhibitions at World's Fairs: Between Scientific Categorization and Exoticism? The French Presence at Midway Plaisance, World's Columbian Exposition, Chicago 1893 »
- Christelle Lozère, Les Salons coloniaux en province (1850-1896), Paris, Mare & Martin,
- Olivier Razac, L'Écran et le Zoo : Spectacle et domestication, des expositions coloniales à Loft Story, Paris, Denoël, , 211 p. (ISBN 2-207-25170-5)
Articles connexes
[modifier | modifier le code]- Zoo humain
- Jardin d'agronomie tropicale de Paris
- Bureau international des expositions
- Palais de la Porte-Dorée
Liens externes
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- Notice dans un dictionnaire ou une encyclopédie généraliste :
- Christelle Lozère, « La place de l'objet exotique dans les "expositions coloniales" françaises (1850-1900) : impact sur les regards », Manioc - Bibliothèque numérique Caraïbe Amazonie Plateau des Guyanes,