Dans la serre

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Dans la serre
Artiste
Date
Type
Technique
Dimensions (H × L)
115 × 150 cmVoir et modifier les données sur Wikidata
Mouvement
No d’inventaire
A I 550Voir et modifier les données sur Wikidata
Localisation

Dans la serre est une huile sur toile peinte par Édouard Manet en , conservée à l'Alte Nationalgalerie à Berlin sous le titre Le Jardin d'hiver[1], représentant des amis de Manet, un couple, dans une serre. Il y a une certaine ambiguïté dans la peinture, ce qui conduit les critiques d'art à caractériser la relation du couple de manière divergente.

Description[modifier | modifier le code]

Le cadre est une véranda située au 70, rue d'Amsterdam à Paris, alors propriété du peintre Georg von Rosen et que Manet a utilisé comme atelier pendant neuf mois de à [2]. Une telle véranda peut avoir été plus qu'une serre ; Consolation du peintre française Alix-Louise Enault dépeint la serre parisienne comme « un lieu luxueusement décoré et intime - un espace intérieur isolé propice à des rendez-vous privés »[3]. À première vue, nous voyons un double portrait d'un couple d'un certain rang social, à la mode et séduisant. Ce sont les amis de Manet, les Guillemet, qui possédaient une boutique de vêtements. Leur statut de mariés est véhiculé par leurs bagues et la proximité de leurs mains est le signe d'intimité la plus proche. La femme devient le centre du portrait, elle est placée plus en évidence et est habillée de façon plus colorée. Leur séparation physique – avec le mari, Jules, affalé dans des vêtements sombres derrière le banc – leur manque d'engagement avec le spectateur, et leurs regards abstraits créent un sentiment de détachement, ce qui est le thème principal des critiques récentes de l'œuvre[4].

L'interaction des lignes définit formellement l'œuvre. La femme a une posture droite qui fait écho aux lattes verticales du banc, et l'homme, bien que penché en avant, ne rompt pas cette verticalité. Le banc continue du côté droit, renforçant la dimension horizontale et séparant l'avant et l'arrière-plan. Les plis en diagonale sur la robe de la femme apportent un certain relief à la linéarité de la composition.

Depuis l'exposition du tableau, les critiques ont interprété la relation du couple de diverses manières. Huysmans a qualifié les sujets de « merveilleusement détachés de l'enveloppe de vert qui les entourait »[5]. Comme le résume Collins :

« John Richardson, par exemple, a qualifié les personnages de « raides », tandis que le critique Castagnary, contemporain de Manet, a écrit que «rien [ne pouvait être] plus naturel que les attitudes». Pour le critique Banville, M. Guillemet fixe la riche soie moirée de la jupe de sa femme; Duret le fait discuter avec elle. Huysmans a décrit Mme Guillemet comme un «flirt animé», tandis qu'un autre critique l'a qualifiée de «boudeuse». George Heard Hamilton a évoqué une «tension étrange» qui rappelle Le Balcon. Enfin, dans Artforum, une critique d'art féministe a découvert dans l'indépendance « positivement récalcitrante » de Mme Guillemet vis-à-vis de son mari une « imagerie féminine radicalisée ». »[3]

La peinture a été exposée au Salon de Paris de et a été considérée comme étonnamment conservatrice pour Manet. Jules-Antoine Castagnary a écrit, de manière taquine : « Mais qu'est-ce que c'est ? Les visages et les mains sont plus soigneusement dessinés que d'habitude : Manet est-il en train de faire des concessions au public ? »[6] - et ajoute qu'il dépeint « l'élégance de la vie à la mode »[2].

Chez le Père Lathuille de Manet (voir dans la Galerie), ayant des sujets similaires et peint plus tard la même année, peut être considéré comme un compagnon de Dans la serre. Il n'était pas inclus dans le Salon de 1879[3].

Provenance[modifier | modifier le code]

Jean-Baptiste Faure a acheté Dans la serre de Manet, avec trois autres tableaux, pour la "somme dérisoire" de 11 000 francs[7]. En , l'Alte Nationalgalerie de Berlin l'achete, devenant ainsi le premier musée au monde à avoir acheté un Manet[8].

En , à la fin de la Seconde Guerre mondiale, Dans la Serre faisait partie des objets évacués de la Galerie nationale allemande et des musées d'État de Berlin et mis en lieu sûr dans une mine à Merkers. Après la guerre, la peinture a été découverte et sécurisée par les Monuments Men. Son sauvetage a été documenté avec plusieurs photographies montrant des soldats de l'armée américaine posant avec le tableau de Manet dans la mine de Merkers. Ces photographies ont acquis un statut iconographique au fil des ans et sont souvent utilisées à tort[9] comme illustration de l'art pillé par les nazis dans des publications prestigieuses comme la Deutsche Welle[10], The Washington Post[11], The New York Times[12] et même dans les articles universitaires[13].

Galerie[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. (de) « Le Jardin d'hiver », sur Alte Nationalgalerie (consulté le )
  2. a et b Herbert, Robert L., 1929-, Impressionism : art, leisure, and Parisian society, Yale University Press, (ISBN 0-300-04262-0, 978-0-300-04262-7 et 0-300-05083-6, OCLC 16925240, lire en ligne)
  3. a b c et d (en) Bradley Collins, « Manet's 'In the Conservatory' and 'Chez Le Père Lathuille », Art Journal, vol. 45, no 1,‎ , p. 59–66 (JSTOR 776876).
  4. Leah R. Lehmbeck, Édouard Manet's Portraits of Women, New York, New York University/ProQuest, , 107–109; at length in Crary (ISBN 0549099662).
  5. Leah R. Lehmbeck, Édouard Manet's Portraits of Women, New York, New York University/ProQuest, , 109, fn 85 (ISBN 0549099662).
  6. Jonathan Crary, Suspensions of Perception: Attention, Spectacle, and Modern Culture, Cambridge, MA, MIT Press, , 90 p. (ISBN 0262531992)
  7. Beth Archer Brombert, Edouard Manet: Rebel in a Frock Coat, Chicago, University of Chicago Press, , 450 p. (ISBN 0226075443)
  8. Philipp Demandt, Schule des Sehens. Die Nationalgalerie und die Moderne, Berlin, Hirmer, , 14 p. (ISBN 978-3-7774-2343-2) The previous decade the Metropolitan Museum of Art in New York had received two Manets as gifts.
  9. Dr. Bradsher, « Wintergarden by Manet was NOT Looted by the Nazis », (consulté le )
  10. Deutsche Welle, « Affäre-Gurlitt: Zentralrat der Juden klagt über Umgang mit NS-Raubkunst », Deutsche Welle, (consulté le )
  11. Fisher Sullam, « Monuments Men: A Baltimore writer learns her father helped in the search for Nazi plunder », The Washington Post, (consulté le )
  12. Mashberg, « Returning the Spoils of World War II, Taken by Americans », The New York Times, (consulté le )
  13. Meier, Oliver, Feller, Michael et Christ, Stefanie, Der Gurlitt-Komplex. Bern und die Raubkunst, Zurich, Chronos, , 76 p. (ISBN 978-3-0340-1357-4)

Annexes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Document utilisé pour la rédaction de l’article : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

  • Brombert, Beth Archer, Edouard Manet: Rebel in a Frock Coat, University of Chicago Press, (ISBN 0226075443)
  • Crary, Jonathan, Suspensions of Perception: Attention, Spectacle, and Modern Culture, MIT Press, (ISBN 0262531992)
  • Lehmbeck, Leah Rosenblatt, Edouard Manet's Portraits of Women, New York University/ProQuest, (ISBN 0549099662)

Liens externes[modifier | modifier le code]