Alexandre Gabychev

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Alexandre Gabychev
Photographie d'un homme aux cheveux longs portant des tatouages bleus sur le visage et un T-shirt blanc avec son propre portrait.
Alexandre Gabychev en 2021.
Biographie
Naissance
Nationalité
Formation
Université fédérale du Nord-Est (en)Voir et modifier les données sur Wikidata
Activité
Chaman, militant politique

Alexandre Prokopievitch Gabychev (en russe : Александр Прокопьевич Габышев ; en iakoute : Ойуун Һааска), né le en RSSA iakoute, est un chamane iakoute et opposant politique à Vladimir Poutine[1]. Après avoir été arrêté et condamné à l'internement forcé dans un hôpital psychiatrique, son cas illustre les abus politiques des condamnations psychiatriques en Russie[2],[3]. Il est qualifié de prisonnier politique par plusieurs organisations de défense des droits humains.

Biographie[modifier | modifier le code]

Jeunesse et études[modifier | modifier le code]

Alexandre Gabychev naît le en RSSA iakoute. Il dit être diplômé de l'université d'État de Iakoutsk avec une spécialisation en histoire. Après une série d'emplois précaires de courte durée et à la suite du décès de sa mère, il souffre de problèmes de santé mentale. C'est à cette époque que Gabychev décide de déménager et de vivre dans la forêt, pour devenir plus tard chaman[4].

Premiers projets de traversée de la Russie à pied[modifier | modifier le code]

C’est en 2018 qu’il pense à faire le voyage depuis la république de Sakha, dans l’extrême-est de la Russie, jusqu’à Moscou. Sakha se situe à environ 8 000 km de Moscou. Cependant, il est forcé d'écourter sa marche car son chien est heurté par une voiture alors qu'ils se trouvent sur une route[4]. Bien que les habitants locaux ne mettent en alors en avant aucun objectif politique, Gabychev déclare ensuite que son objectif est de protester contre le président russe Vladimir Poutine

En mars 2019, il entame une deuxième marche de Sakha à Moscou, où il prévoit d'accomplir un rituel pour faire démissionner Poutine. Il souhaite « exorciser » Vladimir Poutine, qu'il qualifie de « représentant du démon », « chasser le mauvais esprit de Poutine du Kremlin »[5]. celle-ci doit durer deux ans[6]. En cours de route, il publie plusieurs courtes vidéos de blog sur sa marche et ses conversations avec les automobilistes de passage et les habitants[7].

En juillet 2019, il organise un rassemblement appelant Poutine à « rendre la ville et la campagne au peuple » à Tchita, dans le kraï de Transbaïkalie. L'événement attire entre 700 et 1 000 manifestants et est coorganisé avec la branche locale du Parti communiste[8].

Arrestation et inculpation[modifier | modifier le code]

En septembre 2019, après avoir réuni autour de lui un petit groupe de partisans lors de la marche, un groupe de chamanes pro-Poutine originaire de la ville d'Oulan-Oudé en Bouriatie lui fait face, arguant que les chamanes « ne se soucient pas de la politique. Nous avons besoin d'harmonie. nous n'avons pas besoin d'une guerre sanglante »[9]. En septembre, dans la même ville, plusieurs de ses partisans sont arrêtés et deux voitures utilisées par le groupe sont confisquées par la police. Une manifestation de protestation contre ces arrestations est violemment dispersée par la police le 9 septembre. Le 19 septembre, des policiers masqués encerclent le camp de Gabychev et l'arrêtent, avant de le conduire vers un lieu inconnu. Les médias russes affirment qu'il serait en cours d'expulsion vers Iakoutsk et qu'il pourrait être accusé de la formation d'une organisation extrémiste. Amnesty International condamne cette arrestation, déclarant que « sa détention est arbitraire et peut s'apparenter à une disparition forcée »[10]. Le 20 septembre, Gabychev est envoyé dans un hôpital psychiatrique par le ministère de la Santé de la région[4].

En décembre 2019, il est à nouveau été arrêté après avoir tenté de reprendre sa marche[5].

En février 2020, il annonce vouloir déposer une plainte auprès de la Cour européenne des droits de l'homme concernant sa détention[11]. En juillet 2020, il publie une déclaration sur les réseaux sociaux dans laquelle il affiche son intention de cesser de protester contre Poutine, souhaitant plutôt se concentrer sur l’amélioration de son état de santé[12].

Le , il publie un clip sur YouTube dans lequel il déclare qu'il prévoit de retenter sa quête vers Moscou en mars, cette fois à cheval. Plus tard dans le mois, 50 policiers s'introduisent chez lui en enfonçant sa porte d'entrée et l'arrêtent une nouvelle fois, le plaçant immédiatement en internement dans un hôpital psychiatrique[13] sous prétexte d'avoir manqué une réunion de contrôle mensuelle[14]. Après son arrestation, la police annonce qu'elle va l'inculper pour violences contre des policiers, affirmant qu'il a déchiré l'uniforme d'un agent antiémeute et l'avait blessé avec un batas, une longue épée traditionnelle iakoute[15].

Condamnation psychiatrique et controverse[modifier | modifier le code]

En juillet 2021, le tribunal municipal de Iakoutsk rend sa décision est condamne Gabychev à l'internement à perpétuité dans un hôpital psychiatrique pour y recevoir un traitement intensif[16]. Le 23 septembre, après avoir perdu en appel, le jugement entre en vigueur. Amnesty International condamne cette décision, déclarant qu'il a été « condamné à un traitement psychiatrique obligatoire pour une durée indéterminée uniquement pour avoir exercé pacifiquement son droit à la liberté d'expression ». L'organisation appelle en outre à « la psychiatrie punitive comme méthode pour faire taire la dissidence »[17].

En juillet 2021, le média russe indépendant Meduza s'inquiète de la potentielle utilisation de l'internement psychiatrique à l'encontre d'autres opposants à Vladimir Poutine. L'article rappelle l'utilisation de la psychiatrie punitive en URSS sous le régime stalinien[18]. L'organisation de défense des droits humains Memorial le qualifie de « prisonnier politique »[13].

Les recours effectués par son avocat pour mettre fin à sa détention sont rejetés et la durée de son traitement est allongé jusqu'en octobre 2022. Sa demande d'être formellement examiné par un psychiatre de Moscou est également rejetée. En février 2023, son avocat annonce que son traitement est à nouveau prolongé jusqu'en juin 2023[13].

Références[modifier | modifier le code]

  1. (en-GB) « One man's 3,000km march across Russia to oust Putin », BBC News,‎ (lire en ligne, consulté le )
  2. (en-US) Vitali Shkliarov, « The Anti-Putin Shaman’s Magical Mystery Tour », sur Foreign Policy, (consulté le )
  3. « Russia uses punitive psychiatry to imprison shaman publicly seeking to exorcise Putin », sur Human Rights in Ukraine (consulté le )
  4. a b et c (en) « Here’s what we know about the Siberian shaman who set out to battle Putin’s evil spirit, and how police finally got to him », sur Meduza, (consulté le )
  5. a et b (en-GB) Andrew Roth, « Siberian shaman arrested on trek to exorcise Vladimir Putin », The Guardian,‎ (ISSN 0261-3077, lire en ligne, consulté le )
  6. Benoît Vitkine, « Le chamane qui voulait exorciser Poutine arrêté en Sibérie », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  7. (en) Maxim Edwards, « Videoblogging shaman walks to Moscow to ‘exorcise’ Putin », sur The World from PRX (consulté le )
  8. (en) Berkley Center for Religion, Peace and World Affairs, « Siberia, Protest and Politics: Shaman Alexander in Danger », sur berkleycenter.georgetown.edu (consulté le )
  9. (en) « The anti-Putin ‘shaman warrior’ who spooked the Kremlin », sur Politico, (consulté le )
  10. (en) « Russia: detained Siberian shaman with 'magic powers' must be released », sur Amnesty International, (consulté le )
  11. (en) « Siberian Shaman Files Complaint With European Rights Court », sur The Moscow Times, (consulté le )
  12. (en) « Siberian Shaman Gives Up Anti-Putin Crusade », sur The Moscow Times, (consulté le )
  13. a b et c (en) « Russian Court Again Extends Forced Psychiatric Care For Anti-Putin Shaman », Radio Free Europe/Radio Liberty,‎ (lire en ligne, consulté le )
  14. (en) « Anti-Putin Shaman Re-Committed to Mental Hospital », sur The Moscow Times, (consulté le )
  15. (en) « Anti-Putin Shaman Charged With Sword Attack on Police », sur The Moscow Times, (consulté le )
  16. « Russian court sentences shaman critical of Putin to psychiatric treatment says lawyer », The Times of India,‎ (ISSN 0971-8257, lire en ligne, consulté le )
  17. (en) « Russia: Siberian shaman who marched against Putin is indefinitely confined to a psychiatric hospital », sur Amnesty International, (consulté le )
  18. (en) « Siberian shaman Alexander Gabyshev was sent for compulsory medical treatment. Could this happen to other opposition figures in Russia? », sur Meduza, (consulté le )

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]

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  • « Siberian shaman Alexander Gabyshev was sent for compulsory medical treatment. Could this happen to other opposition figures in Russia? », Meduza,‎

Articles connexes[modifier | modifier le code]