Petit réacteur modulaire
Un petit réacteur modulaire (PRM) (en anglais : small modular reactor, abrégé en SMR) est un réacteur nucléaire à fission, de taille et puissance plus faibles que celles des réacteurs conventionnels, fabriqué en usine et transporté sur le site d'implantation pour y être installé. Les réacteurs modulaires permettent de réduire les travaux sur site, d'accroître l'efficacité du confinement et la sûreté des matériaux nucléaires. Les PRM (d'une puissance de 10 à 300 MW) sont proposés comme une alternative à moindre coût, ou comme complément, aux réacteurs nucléaires conventionnels. Ils sont destinés surtout à l'alimentation électrique de sites isolés ou de navires. Ils peuvent être adaptés à la cogénération ou trigénération (production combinée de chaleur et l'électricité et mouvement) et utilisés pour des réseaux de chauffage urbain, le dessalement de l'eau de mer, la production d'hydrogène, la fourniture de chaleur pour des procédés industriels, le raffinage d'hydrocarbures ou la propulsion navale, civile ou militaire.
Fin 2018, ils sont déjà utilisés par les militaires (sous-marins, porte-avions) ou en Russie pour quelques brise-glaces. Une cinquantaine de projets ou concepts de PRM étaient à l'étude ou en cours de développement (environ 100 MWe par projet en moyenne)[1], allant de versions réduites de modèles existants de réacteurs nucléaires, jusqu'à des concepts innovants relevant entièrement de la génération IV, aussi bien de type réacteur à neutrons thermiques que de type réacteur à neutrons rapides. Les pays les plus actifs dans ce domaine sont la Russie et les États-Unis.
Avantages et utilisations potentielles
Les spécificités des cahiers de charges des projets SMR ont été dictées par l'observation des problèmes rencontrés par les projets de réacteurs en cours ; ce sont[2] :
- une taille/puissance plus modeste que celle des réacteurs existants : 10 à 100 MW dans la plupart des cas, et au maximum 300 MW, contre 900 à 1 700 MW, pour réduire les coûts (principal obstacle rencontré par les projets nucléaires de nombreux pays) ; et pour adapter la solution nucléaire à des sites isolés, souffrant habituellement d'un manque de main-d’œuvre qualifiée et de coûts élevés de livraison ;
- un caractère modulaire standardisé, diminuant les coûts et les délais de livraison, par l'industrialisation des composants et du montage ; une adaptation progressive de la puissance de la centrale à l'évolution des besoins est alors possible par ajout de modules supplémentaires ;
- un confinement plus aisé, grâce à l'intégration des composants dans un volume réduit et hermétiquement clos, pour réduire les risques de prolifération et permettre une gestion réduite au strict minimum ; certains PRM sont conçus pour être immergés dans une piscine et/ou construits en souterrain pour accroître leur sécurité ;
- une fabrication et un assemblage possible dans une usine dédiée, avant envoi sur le site où ils peuvent être installés plus facilement qu'un réacteur classique ;
- une forme de souplesse, dans la mesure où il n'est pas nécessairement connecté à un vaste réseau électrique, et peut être combinés avec d'autres modules s'il faut produire plus d'électricité.
Selon les points de vue et ce qu'on en fera, ces PRM augmenteront ou réduiront le risque de prolifération nucléaire (ils pourraient les exacerber s'ils sont diffusés en grand nombre et dans des sites isolés[réf. nécessaire]).
Certains PRM peuvent utiliser des combustibles innovants permettant des taux plus élevés de burnup et des cycles de vie plus long (appréciables dans les lieux isolés, souvent peu accessibles). En allongeant les intervalles de rechargement, on réduit les risques de prolifération et la probabilité que des radiations échappent au confinement.
Des PRM alimentent déjà des navires et sous-marins et selon leurs promoteurs pourraient un jour alimenter des installations de production : par exemple, épuration des eaux ou mines.
Les PRM peuvent fournir des solutions pour des sites isolés présentant des difficultés à trouver des sources d'énergie bas carbone fiables et économiquement performantes[3],[4].
Les centrales nucléaires électrogènes de plus grande puissance sont en général prévues pour un fonctionnement en base et peu souples en termes de variation de puissance. Les PRM étant prévus pour des sites isolés connectés à des réseaux électriques peu développés, ils devront être mieux adaptés au suivi de charge[5].
Une solution pour faciliter cette adaptation entre consommation et production est la cogénération, ainsi lors des creux de consommation d’électricité, les surplus d'énergie peuvent être utilisés pour la production de chaleur pour l'industrie, le chauffage urbain, le dessalement d'eau de mer ou la production d'hydrogène, afin de faciliter le suivi de charge[6].
Du fait du possible manque de personnel qualifié disponible dans les zones isolées, les SMR doivent être intrinsèquement sûrs. Les PRM sont conçus pour utiliser des dispositifs de sûreté « passive » ; le fonctionnement de tels systèmes ne dépend que de phénomènes physiques tels que la convection, la gravité ou la résistance aux températures élevées (par exemple une soupape de sécurité qui s’ouvre en cas de pression élevée, un système fusible qui fond sous l’effet de la chaleur ou une réserve d’eau de refroidissement placée en hauteur pour bénéficier de l’effet de la gravité), ils sont agencés de façon à fonctionner sans aucune intervention extérieure. Ces dispositifs de sûreté passive ne requièrent donc aucune intervention humaine, ni pièce mobile motorisée (pompe ou vanne) pour fonctionner de manière prolongée (fonction du temps nécessaire pour une intervention humaine extérieure)[7],[8].
Fonctionnement
Les concepts de PRM sont très variés ; certains sont des versions simplifiées des réacteurs existants, d'autres mettent en œuvre des technologies entièrement nouvelles[9]. Tous utilisent la fission nucléaire. Lorsqu'un noyau atomique instable tel que 235U absorbe un neutron supplémentaire, l'atome se divise (fissionne), libérant une grande quantité d'énergie sous forme de chaleur et de radiations. L'atome fissionné libère également des neutrons, qui peuvent ensuite être absorbés par d'autres noyaux instables, produisant une réaction en chaîne. Une chaîne de fissions entretenue est nécessaire pour produire de l'énergie nucléaire. Les concepts de PRM comprennent des réacteurs à neutrons thermiques et réacteurs à neutrons rapides.
Un réacteur à neutrons thermiques nécessite un modérateur pour ralentir les neutrons et utilise en général l'235U comme matériau fissile. La plupart des réacteurs nucléaires en fonctionnement sont de ce type. Les réacteurs à neutrons rapides n'utilisent pas de modérateur pour ralentir les neutrons, par conséquent ils nécessitent un combustible nucléaire capable d'absorber les neutrons se déplaçant à grande vitesse. Ceci implique habituellement de changer la disposition du combustible à l'intérieur du cœur, ou d'utiliser des types différents de combustible : 239Pu est plus apte à absorber un neutron rapide que 235U.
L'avantage majeur des réacteurs à neutrons rapides est qu'ils peuvent être conçus de façon à être surgénérateurs. Lorsque ces réacteurs produisent de l'électricité, ils émettent suffisamment de neutrons pour transmuter des éléments non fissiles en éléments fissiles. L'usage le plus commun pour un surgénérateur est d'entourer le cœur d'une « couverture » de 238U, qui est l'isotope le plus courant de l'uranium. Lorsque l'238U subit une capture de neutron, il se transforme en 239Pu, qui peut être retiré du réacteur lors des arrêts pour rechargement, et utilisé à nouveau comme combustible après nettoyage[10].
Fluide caloporteur
Au début du XXIe siècle, la plupart des réacteurs utilisent l'eau comme fluide caloporteur. De nouveaux concepts de réacteurs sont en expérimentation avec différents types de caloporteurs :
- des réacteurs refroidis par du métal liquide, tels que le réacteur rapide refroidi au sodium, ont été expérimentés aux États-Unis, en France (Phénix et Superphénix), en Russie et en Chine ;
- le réacteur refroidi au gaz et le réacteur à sels fondus sont envisagés comme options pour un fonctionnement à très haute température[11],[12].
Production thermique/électrique
Traditionnellement, les réacteurs nucléaires utilisent une boucle à fluide caloporteur pour produire de la vapeur à partir d'eau, et cette vapeur actionne des turbines pour produire l'électricité. Certains nouveaux concepts de réacteurs refroidis au gaz sont conçus pour actionner une turbine à gaz, plutôt que d'utiliser un circuit secondaire d'eau.
L'énergie thermique produite par les réacteurs nucléaires peut aussi être utilisée directement, sans conversion en électricité, pour la production d'hydrogène, le dessalement d'eau de mer, ou la production de produits pétroliers (extraction de pétrole du sable bitumineux, fabrication de pétrole synthétique à partir de charbon, etc.)[13].
Recrutement
Les développeurs de PRM affirment souvent que leurs projets vont nécessiter moins de personnel pour le fonctionnement des réacteurs à cause de l'utilisation accrue de systèmes à sûreté inhérente et passive. Certains de ces réacteurs, tels que le Toshiba 4S, sont conçus pour fonctionner avec peu de supervision[14].
Suivi de charge
Les centrales nucléaires ont été généralement mises en œuvre pour couvrir la base de la demande d'électricité[15].
Certaines centrales nucléaires (en particulier en France) ont la possibilité de faire varier leur puissance (suivi de charge) entre 20 % et 100 % de leur puissance nominale. Par rapport à l'insertion de barres de commande ou à des mesures comparables pour réduire la production, une alternative plus efficace pourrait être le « suivi de charge par cogénération », c'est-à-dire le détournement de l'excédent de puissance par rapport à la demande d'électricité vers un système auxiliaire. Un système approprié de cogénération nécessite :
- une demande d'électricité et/ou de chaleur dans la plage de 500 à 1 500 MWth ;
- l'accès à des ressources adéquates pour fonctionner ;
- une flexibilité suffisante : la cogénération peut fonctionner à pleine charge pendant la nuit quand la demande d'électricité est basse, et être arrêtée pendant la journée.
Du point de vue économique, il est essentiel que l'investissement dans le système auxiliaire soit profitable. Le chauffage urbain, le dessalement et la production d'hydrogène ont été proposés comme des options techniquement et économiquement réalisables[15]. Les PRM peuvent fournir une solution idéale de suivi de charge utilisé pour le dessalement pendant la nuit[16].
Réduction des déchets
De nombreux PRM sont des réacteurs à neutrons rapides qui sont conçus de façon à atteindre des taux élevés d'utilisation du combustible, réduisant la quantité de déchets produite. Avec une énergie des neutrons plus élevée, plus de produits de fission peuvent habituellement être tolérés.
Certains PRM sont aussi des réacteurs surgénérateurs, qui non seulement « brûlent » des combustibles tels que 235U, mais aussi convertissent en combustible fissile[10] des matériaux fertiles comme 238U, qui est présent dans la nature à une concentration beaucoup plus élevée que celle de 235U.
Certains réacteurs sont conçus pour fonctionner en utilisant la solution alternative du cycle du thorium, qui offre une radiotoxicité à long terme des déchets significativement réduite en comparaison du cycle de l'uranium[17].
Le concept de réacteur à onde progressive a suscité un certain intérêt ; ce nouveau type de surgénérateur utilise le combustible fissile qu'il a créé par transmutation d'isotopes fertiles. Cette idée éliminerait le besoin de décharger le combustible usé et de le retraiter avant de le réutiliser comme combustible[18].
Dispositifs de sécurité
Dès lors qu'il existe plusieurs concepts différents de PRM, il existe également plusieurs dispositifs de sécurité différents qui peuvent être mis en œuvre.
Les systèmes de refroidissement peuvent utiliser la circulation naturelle (convection), ce qui permet de se passer de pompes, de pièces mobiles qui pourraient tomber en panne, et ils continuent à évacuer la chaleur de désintégration après l'arrêt du réacteur, si bien que le cœur ne risque pas de se surchauffer et de fondre.
Un coefficient de vide négatif dans les modérateurs et les combustibles conserve sous contrôle les réactions de fission en les ralentissant lorsque la température augmente[19].
Certains concepts de PRM utilisent, pour accroître la sécurité, un placement souterrain des réacteurs et des piscines de stockage des combustibles usés.
Des réacteurs plus petits seraient plus faciles à moderniser rapidement, requièrent moins de main-d’œuvre permanente et ont de meilleurs contrôle de qualité[20].
Aspects économiques
Un facteur clé des PRM est l'économie d'échelle, en comparaison avec les réacteurs de grande taille, qui découle de la possibilité de les préfabriquer dans une usine de fabrication. Cependant, le cout d'une telle usine est important et son amortissement nécessiterait, selon certains experts, une commande significative estimée à 40-70 unités [21].
Un autre avantage économique des PRM est que le coût initial de construction d'une centrale composée de PRM est très inférieur à celui de la construction d'une centrale de grande taille, beaucoup plus complexe et non-modulaire. Ceci fait des PRM, pour les producteurs d'électricité, un investissement à plus faible risque que les autres centrales nucléaires[22].
Marché
A la fin de 2020, au moins 72 concepts de PRM sont en développement, soit 40 % de plus qu'en 2018. Environ la moitié sont basés sur des technologies de réacteur à eau légère et l'autre moitié sur des concepts de réacteur de 4e génération. L'Agence pour l'énergie nucléaire de l'OCDE estimait en 2016 que la puissance des PRM construits jusqu'en 2035 pourrait totaliser jusqu'à 21 GW, soit environ 9 % du marché des centrales nucléaires sur la période 2020-2035 et 3 % de la puissance installée nucléaire en 2035. Le National Nuclear Laboratory britannique prévoyait en 2014 jusqu'à 65 GW en 2035[23].
Processus d'autorisation
Une barrière majeure est le processus d'autorisation, historiquement développé pour les réacteurs de grande taille, qui entrave le simple déploiement de plusieurs unités identiques dans différents pays[24]. En particulier le processus américain de la Nuclear Regulatory Commission (NRC) pour l'octroi de licences s'est concentré principalement sur les grands réacteurs commerciaux. Les spécifications de design et de sûreté, les besoins en personnel et les redevances de licence ont tous été dimensionnés pour les réacteurs à eau légère de puissance supérieure à 700 MWe ; des études sont en cours pour définir un cadre réglementaire adapté aux projets de petite taille, à leur production en série et à la diversité des concepts[25].
Quatre projets de loi étaient en discussion en 2017 au Congrès américain pour soutenir le développement de nouveaux designs de réacteurs nucléaires et pour charger la NRC d'établir un cadre de procédures d'autorisation pour les réacteurs nucléaires[26].
La NRC a reçu plusieurs dossiers de « pré-application » pour des PRM et un dossier de demande de certification du design (pour le projet NuScale)[27].
Le projet de Nuscale est le premier à avoir obtenu, fin , une autorisation de la NRC validant le design de sa technologie ; la procédure administrative a duré 4 ans et coûté 500 millions de dollars (environ 421 millions d’euros)[28].
En mars 2022, l'Agence internationale de l'énergie atomique lance l'« Initiative pour l'harmonisation et la standardisation nucléaire » (Nuclear Harmonization and Standardization Initiative - NHSI) mobilisant responsables politiques, régulateurs, concepteurs, vendeurs et exploitants pour développer des approches communes en matière réglementaire et industrielle afin d'accélérer le déploiement des SMR[29].
Non-prolifération
La prolifération nucléaire, ou d'une façon générale le risque d'utilisation de matériaux nucléaires à des fins militaires, est un sujet majeur pour les concepteurs de petits réacteurs modulaires. Comme les PRM ont une puissance réduite et sont physiquement petits, ils ont vocation à être déployés dans des lieux bien plus divers que les centrales nucléaires existantes : plus de sites dans les pays disposant déjà de centrales nucléaires, et dans des pays qui n'en avaient pas encore. Il est aussi prévu que les sites PRM auront des effectifs de personnel beaucoup moins élevés que les centrales nucléaires existantes. La protection physique et la sûreté deviennent donc un défi accru qui pourrait augmenter les risques de prolifération[30],[31].
Nombre de PRM sont conçus pour amoindrir le danger de vol ou de perte de matériaux. Le combustible nucléaire peut être de l'uranium faiblement enrichi, avec une concentration de moins de 20 % d'isotope fissile 235U. Cette faible quantité d'uranium non-militaire rend le combustible moins désirable pour la production d'armes. Après que le combustible a été irradié, les produits de fission mêlés avec les matériaux fissiles sont hautement radioactifs et nécessitent un traitement spécial pour les extraire de façon sûre, autre caractéristique non-proliférante.
Certains concepts de PRM sont conçus pour avoir un cœur de durée de vie égale à celle du réacteur, si bien que ces SMR n'ont pas besoin de rechargement. Ceci améliore la résistance à la prolifération car aucune manipulation de combustible nucléaire sur site n'est requise. Mais cela signifie aussi que le réacteur contiendra de grandes quantités de matériau fissile pour maintenir une longue durée de vie, ce qui pourrait en faire une cible attractive pour la prolifération. Un PRM à eau légère de 200 MWe avec un cœur de 30 ans de durée de vie pourrait contenir environ 2,5 tonnes de plutonium vers la fin de sa durée de fonctionnement[31].
Des réacteurs à eau légère conçus pour fonctionner avec le cycle du combustible nucléaire au thorium offrent une résistance à la prolifération accrue en comparaison du cycle conventionnel à l'uranium, bien que les réacteurs à sels fondus aient un risque substantiel[32],[33].
La construction modulaire des PRM est une autre caractéristique intéressante : comme le cœur du réacteur est souvent complètement construit dans une usine de fabrication globale, peu de personnes ont accès au combustible avant et après irradiation.
Concepts de réacteurs
De nombreux nouveaux concepts de réacteurs sont en gestation dans le monde entier. Une sélection de concepts actuels de petits réacteurs nucléaires est listée ci-dessous ; certains ne sont pas à proprement parler des PRM, leur conception n'intégrant pas l'objectif de modularité, mais la plupart sont des concepts innovants.
Nom | Puissance brute (MWe) | Type | Producteur | Pays | Statut |
---|---|---|---|---|---|
ABV-6 | 6–9 | REP | OKBM Afrikantov | Russie | Conception détaillée |
ACP-100[35] | 100 | REP | CNNC | Chine | voir infra : Linglong-1 |
ANGSTREM[36] | 6 | LFR | OKB Gidropress | Russie | Design conceptuel |
ARC-100[37] | 100 | RNR-Na | Advanced Reactor Concepts | États-Unis | Design conceptuel |
Aurora | 1,5 | RNR | Oklo Inc. | États-Unis | demande de licence de construction et d'exploitation[38] |
mPower | 195 | REP | Babcock & Wilcox | États-Unis | (Abandonné en ) |
Brest-300[réf. souhaitée] | 300 | LFR | Atomenergoprom | Russie | Conception détaillée |
BWXT[39],[40] | microréacteur HTGR transportable à combustible TRISO | BWXT Advanced Technologies | États-Unis | projet Pele de réacteur pour bases militaires | |
CAREM | 27–30 | REP | CNEA & INVAP | Argentine | En construction |
EGP-6 | 11 | RBMK | IPPE & Teploelektroproekt Design | Russie | 4 réacteurs en fonctionnement à la centrale de Bilibino (seront remplacées en 2019 par la centrale Akademik Lomonosov) |
ELENA[rln 1] | 0.068 | REP | Institut Kourtchatov | Russie | Design conceptuel |
eVinci[39] | 1 à 5 | microréacteur | Westinghouse Electric Company | États-Unis | test de caloducs et de méthode de rechargement |
Flexblue | 160 | REP | Naval Group/TechnicAtome/CEA | France | Abandonné |
FMR[37] | 50 | Réacteur à neutrons rapides refroidi au gaz | General Atomics | États-Unis | Design conceptuel |
Fuji MSR | 200 | RSF | International Thorium Molten Salt Forum (ITMSF) | Japon | Design conceptuel (?) |
GT-MHR (Gas turbine modular helium reactor) | 285 | HTGR | OKBM Afrikantov + partenaires américains, Framatome, Fuji | international | Design conceptuel achevé |
G4M | 25 | LFR | Gen4 Energy (ex-Hyperion) | États-Unis | Design conceptuel |
IMSR400 | 2 x 195 | RSF | Terrestrial Energy, Inc.[42] | Canada | Conception détaillée |
IRIS (International Reactor Innovative and Secure) | 335 | REP | Westinghouse+partenaires | international | Conception de base |
KP-HFR[39] | 140 | réacteur à haute température à sels fondus et combustible à particules (TRISO) | Kairos Power | États-Unis | construction d'un démonstrateur |
KLT-40S / KLT-40C | 35 | REP | OKBM Afrikantov | Russie | Centrale nucléaire flottante Akademik Lomonosov mise en service en |
Linglong-1 (ex-ACP-100) | 125 | REP | CNNC | Chine | réacteur en construction depuis juillet 2021[43] |
MCRE/MCFR[39] | réacteur à sels fondus à spectre rapide[44] | TerraPower/Southern Cy | États-Unis | ||
MHR-100 | 25–87 | HTGR | OKBM Afrikantov | Russie | Design conceptuel |
MHR-T[rln 2] | 205.5x4 | HTGR | OKBM Afrikantov | Russie | Design conceptuel |
MIGHTR[37] | ? | réacteur intégré à haute température refroidi au gaz et à géométrie horizontale | MIT | États-Unis | Design conceptuel |
MRX | 30–100 | REP | JAERI | Japon | Design conceptuel |
Natrium[45] | 345 | FBR | TerraPower/GE Hitachi Nuclear Energy | États-Unis | Design conceptuel |
NuScale[46] | 45–50 | LWR | NuScale Power[47] | États-Unis | Homologué en 2018[réf. souhaitée] |
Nuward[48] (nuclear forward) | 2x170 ou 4x170 |
REP | Naval Group/TechnicAtome/CEA/EDF | France | Design conceptuel |
PBMR-400 (Pebble bed modular reactor) | 165 | PBMR | Eskom | Afrique du Sud | Conception détaillée |
RDE (Reaktor Daya Eksperimental)[49] | 10 MWth | PBMR HTGR | Batan | Indonésie | conception détaillée[50] |
RITM-200 | 50 | REP | OKBM Afrikantov | Russie | En construction pour brise-glaces |
Rolls-Royce SMR[51] | 470 | REP | Rolls-Royce | Royaume-Uni | demande d'approbation du concept |
Shidao Bay[52] | 200 | Réacteur nucléaire à très haute température refroidi au gaz | Chine | mise en service en décembre 2021 ; un des premiers réacteurs nucléaires de quatrième génération | |
SLIMM[53] | 10 à 100 | FBR | ISNPS[54] | États-Unis | Design conceptuel |
SMART (System-integrated Modular Advanced ReacTor) | 100 | REP | KAERI | Corée du sud | A obtenu sa licence |
SMR-160[39] | 160 | REP | Holtec International | États-Unis | Design conceptuel |
SVBR-100[55],[56] | 100 | LFR | OKB Gidropress | Russie | Conception détaillée, pour cogénération/dessalement |
RSS | 37,5x8 | RSF | Moltex Energy LLP[57] | Royaume-Uni | Design conceptuel |
PRISM (Power Reactor Innovative Small Module) | 311 | FBR, surgénérateur | GE Hitachi Nuclear Energy | États-Unis | Conception détaillée |
StarCore HTGR | 20 à 100 | HTGR | StarCore | Canada | Pre-licensing vendor review process (2016)[58] |
TerraPower TWR[59] | 10 | TWR | TerraPower - Bellevue, WA | États-Unis/Chine | Design conceptuel |
TerraPower MCFR[60],[61] | ? | RSF | TerraPower - Bellevue, WA | États-Unis | Design conceptuel |
ThorCon (en) | 500 | RSF | Thorcon (Thorium Molten Salt reactor) | Indonésie et Etats Unis | Exploitation en 2028[62],[63] . |
Toshiba 4S (Ultra super safe, Small and Simple) | 10–50 | RNR | Toshiba | Japon | Conception détaillée |
U-Battery | 4 | PBR | U-Battery consortium | Royaume-Uni | Design conceptuel[64] |
UK SMR[65] | 440 | REP | UK SMR Consortium (Rolls-Royce) | Royaume-Uni | Design conceptuel[66] |
VBER-300 | 325 | REP | OKBM Afrikantov | Russie | Au stade de la demande de licence |
VK-300 | 250 | BWR | Atomstroyexport | Russie | Conception détaillée |
VVER-300 | 300 | BWR | OKB Gidropress | Russie | Design conceptuel |
Westinghouse SMR | 225 | REP | Westinghouse Electric Company | États-Unis | Conception préliminaire terminée |
Xe-100 | 35 | HTGR | X-energy[67] | États-Unis | Design conceptuel en développement |
XSMR | 1 à 40 | RSF | Naaera/Assystem[68] | France | Design conceptuel |
Quelques réacteurs ne sont pas inclus dans le rapport de l'AIEA, et ceux du même rapport ne sont pas tous dans la liste ci-dessus. |
La start-up Kairos Power a été créée en 2016 par des chercheurs de l’université de Berkeley en Californie pour développer un projet de réacteur à haute température refroidi par des sels fondus (Fluoride salt cooled High temperature Reactor - FHR) de 100 à 400 MW thermiques[69]. En décembre 2020, le projet reçoit du programme ARDP (Advanced Reactot Demonstration Program) du Département de l'Énergie des États-Unis un budget de 303 millions $ sur sept ans pour construire à proximité du Laboratoire national d'Oak Ridge un réacteur expérimental, Hermes Reduced-Scale Test Reactor, afin de préparer le développement de son KP-FHR, réacteur à haute température de 140 MW à sels fondus (fluorures) comme caloporteur et à combustible solide à boulets (TRISO - TRi-structural ISOtropic particle)[39].
GE Hitachi Nuclear Energy (GEH) et la startup TerraPower de Bill Gates annoncent en septembre 2020 le projet « Natrium » qui intègrera un réacteur rapide refroidi au sodium de 345 MW avec un système de stockage d'énergie à sels fondus. Il combine les innovations du réacteur à onde progressive TWR de TerraPower et de la technologie PRISM de GEH. L'usine de démonstration est conçue pour une livraison d'ici sept ans. Le stockage thermique, inspiré de celui des centrales solaires thermodynamiques, permettra de porter la puissance du système à 500 MW pendant plus de cinq heures si nécessaire. Plusieurs fournisseurs d'électricité ont exprimé leur soutien : PacifiCorp, Energy Northwest et Duke Energy[45].
Le 13 octobre 2020, le Département de l'Énergie des États-Unis annonce la sélection de deux équipes américaines qui recevront chacune 80 millions $ dans le cadre du programme ARDP : TerraPower pour son projet Natrium et X-Energy pour son projet Xe-100 de réacteur à haute température refroidi au gaz destiné à la production de chaleur pour des applications industrielles telles que le dessalement et la production d'hydrogène ; ce projet inclut la construction d'une usine de fabrication de combustible TRISO (TRi-structural ISOtropic particle)[70].
La start-up Newcleo, lancée en 2021 par le physicien italien Stefano Buono, a bouclé en deux mois un tour de table de 118 millions d'euros afin de mettre au point un prototype d'un réacteur à plomb liquide avec l'ENEA, le CEA italien. Elle cherche un site en France, au Royaume-Uni ou au Canada[71]. En juin 2022, Newcleo, soutenu par la famille Agnelli au travers de sa société d'investissement Exor et par plusieurs investisseurs italiens, annonce sa deuxième levée de fonds, à 300 millions d'euros. Son projet de réacteur de quatrième génération vise à fermer le cycle du combustible, c'est à dire à utiliser du combustible déjà irradié dans des réacteurs en activité. Il s'agit d'un réacteur à neutrons rapides refroidi au plomb, d'une taille cible de 200 MW[72].
La start-up française Naaera, soutenue financièrement par l’entrepreneur Pâris Mouratoglou (fondateur d’EDF Energies nouvelles et Eren Groupe) et épaulée par l’ingénieriste Assystem, développe un concept de réacteur à sels fondus qui utiliseront les combustibles nucléaires usés des centrales nucléaires du parc EDF. Elle vise le marché des groupes électrogènes, avec une gamme de micro-réacteurs, rebaptisés XSMR, d’une puissance de 1 à 40 MW, seront installés au plus près des besoins des industriels ou des collectivités locales. Leur autonomie pourrait atteindre dix ans. Une fois le combustible épuisé, Naaera remplacera le réacteur par un autre, comme une pile. Les sels fondus seront eux aussi recyclés ; les réacteurs de Naarea seront aussi chargés de thorium, un sous-produit de l’exploitation des terres rares déjà disponible massivement[68].
- S'il est construit, le réacteur ELENA sera le plus petit réacteur nucléaire commercial jamais construit[41].
- Complexe à plusieurs unités basé sur le concept de réacteur GT-MHR, conçu principalement pour la production d'hydrogène.
Sites proposés
Canada
Le 2 décembre 2021, Ontario Power Generation annonce son intention de construire sur le site de la centrale nucléaire de Darlington un petit réacteur modulaire BWRX-300 de GE Hitachi Nuclear Canada ; ce réacteur de 300 MW serait le premier nouveau réacteur du pays depuis près de trente ans[73]. La mise en service est prévue en 2028 ; GE Hitachi, basée en Caroline du Nord, a été préférée au canadien Terrestrial Energy et à X-energy[74].
En mars 2022, le gouvernement canadien apporte une aide de 27,2 millions de dollars canadiens à Westinghouse Electric Canada Inc pour soutenir son microréacteur eVinci. C'est son troisième investissement dans la technologie des petits réacteurs modulaires, réalisé par l’intermédiaire du Fonds stratégique Innovation, Sciences et Développement économique Canada (ISDE), après le réacteur à sels fondus intégral de Terrestrial Energy et le réacteur SSR-W (Stable Salt Reactor-Wasteburner) de Moltex Energy[75]. Le microréacteur eVinci est un réacteur caloduc capable de fournir de la chaleur et de l’électricité combinées (5 MWe et jusqu’à 13 MWth), entièrement construit, alimenté et assemblé en usine et destiné aux sites hors réseau[76].
Chine
CNNC annonce le 14 juillet 2021 le démarrage du chantier de son premier PRM sur le site de la centrale nucléaire de Changjiang, sur l'île tropicale de Hainan. Ce réacteur utilise la technologie « Linglong One » développée deuis plus de dix ans par CNNC, également appelée « ACP100 », concept de réacteur à eau pressurisée à buts multiples, qui est devenue en 2016 le premier concept de PRM à passer une revue de sûreté de l'AIEA. Le Linglong-1 a une puissance de 125 MW et produira près de 1 TWh par an. C'est le premier SMR terrestre mis en construction au monde[77],[43].
La première connexion du petit réacteur modulaire de Shidao Bay a été réalisée en décembre 2021, dans le Shandong. C'est l'un des premiers réacteurs nucléaires de quatrième génération à très haute température refroidi au gaz au monde[52].
Estonie
L’entreprise estonienne Fermi Energia étudie la construction d’un SMR en Estonie ; pour cela, elle a signé en des déclarations d'intention avec le Finlandais Fortum et le Belge Tractebel, puis mi-mars, avec le Suédois Vattenfall. Ce projet permettrait de mettre fin aux importations d’électricité depuis la Russie et de réduire les émissions de CO2 dues à la centrale de Narva (2 380 MWe), qui fonctionne au schiste bitumeux[78],[79].
États-Unis
La Tennessee Valley Authority a annoncé qu'elle va soumettre une demande préliminaire d'autorisation de site (Early Site Permit Application (ESPA) à la Nuclear Regulatory Commission en pour l'éventuelle installation d'un PRM sur son site de Clinch River au Tennessee. Cette demande s'appliquerait sur 20 ans, et concerne la sécurité du site, la protection de l'environnement et la préparation aux urgences associée. La TVA n'a pas mentionné de choix de technologie si bien que l'ESPA serait applicable pour n'importe quel concept de PRM en développement aux États-Unis[80].
NuScale Power, basé à Portland (Oregon), a déposé en son dossier auprès de la Nuclear Regulatory Commission pour faire approuver le design de son projet de PRM de 50 MW ; NuScale a conclu un partenariat avec un consortium de fournisseurs d'électricité de l'Utah pour construire une centrale de 12 modules sur un terrain situé dans l'Idaho appartenant au Department of Energy (DoE), qui est aussi partenaire du projet NuScale[81]. Nuscale a obtenu le l'approbation finale de son design par la NRC. NuScale vise le démarrage d’un premier module de 60 MW en 2029. Une première centrale, composée de 12 modules (720 MW), pourrait ainsi devenir fonctionnelle en 2030, sur le de l’Idaho National Laboratory. Son coût de construction est évalué à 3 milliards $ (2,5 milliards €)[28]. Le , le DoE approuve une subvention pluriannuelle qui pourrait apporter jusqu'à 1,4 milliard $ à l'entité qui va construire cette centrale, un regroupement de régies municipales de l'Utah, pour aider au développement de ce projet et réduire son risque de prototype ; la construction débutera en [82].
La jeune pousse canadienne Terrestrial Energy a signé en un mémorandum d’entente avec l’opérateur Energy Northwest pour la construction et l'exploitation de son prototype sur le site de l’Idaho National Laboratory, déjà retenu pour abriter le prototype de réacteur modulaire (PRM) de NuScale. Le projet de réacteur a sels fondus (IMSR) de Terrestrial Energy, d’une puissance de 190 MWe, est conçu en tant que PRM et sera construit en usine[83].
Un rapport du DOE, publié en , montre comment l’ensemble des mesures de soutien fédérales ont permis aux énergies renouvelables (hors hydraulique) de passer entre 2010 et 2016 de 4 à 10 % de la production électrique et suggère qu'il serait certainement utile que le déploiement des PRM puisse bénéficier du même accompagnement, via des incitations financières et des politiques fédérales favorables : un investissement public de 10 Mds$ pourrait avoir un impact significatif pour soutenir la construction de six PRM d’ici 2035 et réduire de 22 % le coût de leur électricité produite ; en comparaison, 51,2 Mds$ ont été dépensés par le gouvernement dans l’éolien et le solaire entre 2005 et 2015, dont 90 % via des crédits d’impôts[84],[85].
L’entreprise californienne Oklo Inc. est entrée en juin 2020 dans le processus d’obtention d’une « licence combinée » (COL) autorisant à la fois la construction et l’exploitation d’un réacteur sur un site donné, en l’occurrence l’Idaho National Laboratory. Ce réacteur, baptisé Aurora, est un réacteur à neutrons rapides compact, d’une puissance de 1,5 MWe pour 4 MWth. Il ne nécessite ni pompes, ni de vannes, ne contient pas d’eau, le sodium étant utilisé comme « liant thermique », avec des caloducs contenant du potassium. Le combustible sera fourni par l’Idaho National Lab : un combustible métallique (90 % uranium, 10 % zirconium) utilisant de l’uranium enrichi entre 5 et 20 % (High Assay Low Enriched Uranium - HALEU), fabriqué à l'origine pour le réacteur expérimental EBR-II. Le combustible métallique UZr baigne dans du sodium ; des caloducs remplis de potassium traversant le cœur font office d’échangeurs de chaleur. Spécialement conçu pour les applications hors-réseau, le déploiement de chaque module d'Aurora pourrait éviter l’émission d'1 million de tonnes de CO2 en remplaçant les générateurs diesels[38].
L'envoyé spécial pour le climat John Kerry confirme le soutien de l'administration Biden aux PRM : « nous devons garder ouverte une position de repli au cas où l'on ne réussirait pas une percée dans le stockage des batteries, si on ne réussit pas à créer une économie de l'hydrogène ». Le Département de l'Énergie a attribué 160 millions de dollars en 2020 à X-Energy et à TerraPower[86].
Le 2 juin 2021, TerraPower, PacifiCorp (filiale de Berkshire Hathaway Energy) et le gouverneur du Wyoming annoncent la construction d’un démonstrateur du projet Natrium dans l’État du Wyoming où plusieurs sites sont à l’étude ; l’installation se fera sur le site de l’une des centrales à charbon mise à l’arrêt dans le cadre de la transition énergétique. PacifiCorp a annoncé en 2019 fermer les deux tiers de ses installations au charbon d’ici à 2030. L’installation comprend un petit réacteur rapide refroidi au sodium de 345 MWe et un système de stockage à sels fondus qui permettra d'atteindre une puissance de 500 MWe pendant 5 h 30 afin de compenser les fluctuations des énergies renouvelables. Le DOE finance le projet à hauteur de 2 milliards de dollars afin de soutenir l'ingénierie, la demande de licence, la construction et la démonstration de ce projet précurseur qui sera mis en service à la fin de la décennie[87],[88].
En avril 2022, le Département de la Défense des États-Unis annonce sa décision de réaliser le projet « Pele » de microréacteur transportable à combustible TRISO sur le site du Laboratoire national de l'Idaho (INL). Le prototype sera construit par BWXT Technologies (en) à Lynchburg (Virginie) et Euclid (Ohio) et sera livré en 2024 à l'INL. Ce réacteur à haute température refroidi au gaz (HTGR) fonctionnera à une puissance de 1 à 5 MWe et sera transportable dans des conteneurs standards. Il sera alimenté en combustible TRISO (TRIstructural-ISOtropic) à uranium faiblement enrichi (HALEU) capable de résister à des chaleurs extrêmes et présente de très faibles risques pour l'environnement[40].
Finlande
Les villes d’Helsinki, d’Espoo et de Kirkkonummi ont lancé des études pour déterminer la possibilité de remplacer le chauffage urbain assuré aujourd’hui par du gaz et du charbon par des petits réacteurs modulaires (PRM) ; plus de la moitié des émissions de gaz à effet de serre d’Helsinki provient du chauffage urbain[89]. Plus de 100 candidats aux élections municipales ont signé une déclaration appelant les villes finlandaises à explorer l’utilisation des petits réacteurs nucléaires (SMR) pour le chauffage urbain, dont de nombreux candidats Verts[90].
France
A partir de 1973, de petits réacteurs nucléaires modulaires, dont la conception est basée sur les modèles de réacteurs de sous-marins tel que le K48, sont conçus pour l’exportation avec l’espoir d’un marché fleurissant en raison du premier choc pétrolier. Un projet français de petits modèles de réacteurs à eau pressurisée va prendre le nom de chaufferie avancée de série (CAS) :
- Le CAS 2G est un réacteur à eau pressurisée (REP) de 250 MWth pour les applications navales. Proposé à plusieurs reprises (brise-glace pour garde-côtes canadiens, porte-hélicoptères, corvette nucléaire…), il n'aura finalement pas de débouchés[91].
- Le CAS 3G est un REP de 420 MWth terrestre adapté à la production d'électricité et/ou de chaleur fabriqué par la société Alsthom-Atlantique sous licence CEA[91]. Il n'aura pas d'application concrête.
- le réacteur Thermos de 100 MWth qui alimenterait un réseau de chaleur en eau à 120°C. Envisager pour chauffer le centre du CEA Saclay, l’École polytechnique et les communes environnantes, le projet est abandonné en 1977 puis renait à Grenoble avant d'être abandonné par la ville en 1981 pour des raisons techniques et financières[92].
En , un plan de relance présenté par le Gouvernement Jean Castex prévoit un budget de 170 millions d'euros pour accélérer la recherche sur les petits réacteurs modulaires[93].
Le président Emmanuel Macron annonce le 12 octobre 2021 le plan d'investissements « France 2030 », doté de 30 milliards d'euros, dont un milliard d'euros pour la filière nucléaire, en particulier pour le développement des petits réacteurs modulaires : « L'objectif numéro un, c'est de faire émerger en France, d'ici 2030, des réacteurs nucléaires de petite taille innovants, avec une meilleure gestion des déchets », « améliorer la sûreté en baissant les coûts »[94]. Selon Valérie Faudon, déléguée générale de la Société française d'énergie nucléaire (SFEN), le premier béton du démonstrateur est visé à l'horizon 2030. La France a entre 5 et 10 ans de retard sur les compétiteurs les plus avancés : les États-Unis, où le projet NuScale a obtenu la certification de son design en septembre 2020 ; la Chine, où le SMR chinois ACP100 est en construction depuis juillet 2021, et la Russie, où Rosatom a mis en service une centrale SMR flottante en 2019[95].
Concept « Flexblue »
En 2011, l'entreprise de construction navale DCNS avait annoncé travailler depuis 2008 sur un projet d'industrialisation d'un petit réacteur nucléaire sous-marin (50 et 250 MW, pouvant alimenter de 100 000 à 1 million d'habitants) dit « Flexblue », avec Areva, EDF et le CEA, pour un nucléaire de « proximité » sous-marin, opérationnel dès 2017. Il s'agirait d'un équivalent réacteur de sous-marin nucléaire (cylindre d’une centaine de mètres de long et de 15 mètres de diamètre, pesant environ 12 000 tonnes qui pourraient être immergé entre 60 et 100 m, directement refroidis par l'eau. L'entreprise avait annoncé une mise en service pour 2017. Des questions de sûreté, de sécurité et d'acceptabilité (concernant notamment les effets de la chaleur dégagée sur les écosystèmes, les risques de fuite, d'attaque, de tsunami, etc.) pour des réacteurs présentés comme conçus « sur les mêmes bases qu’un réacteur de troisième génération (type EPR) (...) protégé par une triple barrière (gaine du combustible, circuit primaire, coque). » DCNS proposait une filet de maille contre les attaques de torpilles. DCNS estimait qu'un marché de 200 unités en 20 ans était possible[96]. Finalement le projet a été abandonné[97].
Projet « NUWARD »
Sur la base de concepts en réflexion préliminaire et étude depuis les années 2005/2010 chez TechnicAtome, les études d'ingénierie préliminaires ont été lancées en 2018 d'un projet de 150 à 170 mégawatts électriques, développé par EDF, TechnicAtome, Naval Group et le CEA[97]. Ce petit réacteur modulaire dénommé « NUWARD », projet porté par un consortium réunissant EDF, le CEA, TechnicAtome et Naval Group, a été présenté le à la conférence générale annuelle de l’AIEA. La technologie/filière de base est celle (classique et éprouvée) des réacteurs REP, très compacts et modulaires[48]. Cependant le concept comporte des innovations importantes en termes de sûreté passive (sans sources électriques) et de simplifications d'exploitation.
Le produit proposé à l'exportation est une petite centrale de 340 MWe composée de 2 réacteurs identiques de 170 MW. EDF et ses partenaires comptent soumettre en 2022 un premier dossier d'option de sûreté à l'Autorité de sûreté nucléaire et finaliser en 2026 l'ensemble du design et les spécificités techniques de cette nouvelle centrale, en vue d'une entrée sur le marché entre 2035 et 2040. Le projet vise avant tout le marché à l'export, mais EDF discute avec les pouvoirs publics pour installer au préalable un démonstrateur en France[98].
Projet « Naarea »
La start-up française Naarea dévoile fin 2021 un projet de microréacteur de quatrième génération à sels fondus de 1 à 40 MWe pour alimenter en électricité décarbonée l’industrie et les villes, au plus près des besoins. Ces réacteurs pourront valoriser les combustibles usés qui s’accumulent dans les piscines d’Orano, évitant qu’ils ne deviennent des déchets ; ils pourront aussi exploiter un sous-produit de l’extraction de terres rares, le thorium[99]. En décembre 2021, Naarea signe un accord de coopération avec Assystem, groupe international indépendant d’ingénierie, pour la construction d’un micro-générateur nucléaire ultra-compact, le XSMR. Assystem assurera les prestations de gestion de projet et d’accompagnement à l’obtention des permis, d’intégration et d’ingénierie[100].
Projet « Jimmy Energy »
En février 2022, la startup Jimmy Energy effectue une levée de fonds de 2,2 millions € pour développer un microréacteur nucléaire thermique de technologie HTR destiné aux entreprises des secteurs de la chimie, de l'agroalimentaire ou de la papeterie[101].
Roumanie
En novembre 2021, Nuscale et l'opérateur des centrales nucléaires roumaines Nuclearelectrica annoncent leur projet de construire une centrale de six réacteurs SMR Nuscale[102]. Le 24 mai 2022 est signé le mémorandum d'entente entre Nuscale, Nuclearelectrica et E-INFRA, le propriétaire du site choisi : Doicești, où la centrale à charbon sera remplacée par les SMR. L'accord couvre les études d’ingénierie, les analyses techniques et les formalités administratives[103].
Royaume-Uni
En 2016 selon le Sunday Telegraph des sites sont en cours d'examen pour le déploiement de PRM dans le Pays de Galles, dont celui de l'ancienne centrale nucléaire de Trawsfynydd et sur les sites d'anciennes centrales nucléaires ou à charbon dans le Nord de l'Angleterre. Les sites nucléaires existants sont considérés comme des possibilités, dont Bradwell, Hartlepool, Heysham, Oldbury, Sizewell, Sellafield et Wylfa[104].
En , une commission d'experts missionnée par le gouvernement a préconisé dans son rapport un soutien massif aux PRM ; elle recommande un effort semblable à celui consenti pour l'éolien offshore dans les années 2010[105].
En avril 2022, Rolls-Royce SMR annonce le lancement de la procédure réglementaire d'approbation du concept de son SMR de 470 MWe, qui devrait s'achever en 2024. L'entreprise prévoit de mettre en service son premier réacteur en 2029 et se fixe l'objectif de construire 10 réacteurs d'ici 2035[106].
Russie
La Centrale nucléaire de Bilibino, centrale nucléaire la plus septentrionale du monde, au nord du cercle polaire arctique, compte 4 petits réacteurs mixtes qui produisent à la fois de l'énergie thermique et électrique. Cette centrale a été remplacée par la centrale nucléaire flottante Akademik Lomonosov (deux réacteurs PWR de 35 MW chacun). En , Rosatom annonce la mise en service complète de la centrale, qui a déjà produit plus de 47 GWh depuis sa mise en service partielle en [107].
Turquie
En , l’énergéticien public turc EUAS a signé avec Rolls-Royce Holdings plc une déclaration d’intention portant sur la réalisation d'une étude relative à l’utilisation de petits réacteurs modulaires (SMR) en Turquie. Rolls-Royce dirige un consortium d’entreprises britanniques consacré à la construction au Royaume-Uni du UK SMR, réacteur d'une puissance comprise entre 220 et 440 MW dont le coût de production de l’électricité est annoncé à 60 livres sterling/MWh (environ 8 c€/kWh)[108].
Ukraine
Mi 2019, un consortium a été annoncé, qui regroupe Energoatom (Ukraine), le centre national de la science et de la technologie (SSTC) de l'Ukraine, et Holtec international (société enregistrée dans le paradis fiscal du Delaware aux Etats-Unis) pour développer le SMR-160 en Ukraine[109].
Références
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- Enerpress, rubrique actualité "Création d'un consortium pour déployer des SMR" ; no 12344.
Voir aussi
Articles connexes
- Énergie nucléaire
- Réacteur nucléaire
- Filière nucléaire
- Réacteur nucléaire à sels fondus
- Réacteur à neutrons rapides
- Surgénération
- Débat sur l'énergie nucléaire
Liens externes
- Projet de PRM français NUWARD (TechnicAtome)
- « Mini-réacteurs : le nucléaire change d’échelle », La Méthode scientifique, France Culture, 24 novembre 2021.
- Jacques Chénais, Les réacteurs électrogènes modulaires de faible puissance ou Small Modular Reactors (SMR), Encyclopédie de l'Énergie, .
- (en) Small Nuclear Power Reactors, World Nuclear Association, .
- (en) Charles Merlin, Les petits réacteurs modulaires dans le monde: perspectives géopolitiques,technologiques, industrielles et énergétiques, Études de l’Ifri, Institut français des relations internationales, .