Ousseltia

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Ousseltia

Populations importantes par région
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Régions d’origine Tunisie
Langues Arabe
Religions Islam
Ethnies liées Arabes et Berbères

Les Ousseltia (arabe : الوسالتية), Oueslat ou Oueslatia, sont une tribu tunisienne originellement établie dans le djebel Ousselat.

Ils sont connus pour avoir fait à maintes reprises la guerre au bey de Tunis.

Histoire[modifier | modifier le code]

Origines[modifier | modifier le code]

Les habitants du djebel Ousselat sont originellement issus de la tribu berbère des Mazata[1]. Cependant, par la suite, ils se mêlent aux Kaoub sulaymites[2]. Le nom de la confédération des Ousseltia apparaît alors lors du mélange des berbères du djebel aux Kaoub envahisseurs[2]. Le nom Ousseltia viendrait du mot arabe oussel/ouassla qui signifierait « réunion, union », pour parler de l'union entre les Berbères du djebel et les Arabes Kaoub[2]. De plus, de nombreuses familles issues des Kaoub revendiquent une ascendance Ousseltia, tout en assumant la lignée Kaoub, c'est le cas des Ousseâia[3].

Une autre hypothèse de l'historien Arthur Pellegrin indique que le nom proviendrait du mot ayzlay qui signifierait en berbère « le fer, la dureté », métaphore utilisée pour qualifier la population de courageuse[1]. Sédentaires, ils peuplent le djebel en dechera, qui sont des villages[4].

Moyen Âge et époque moderne[modifier | modifier le code]

Sous les Aghlabides, les Ousseltia résistent et, malgré la supériorité numérique et militaire des premiers, ils ne réussissent pas à les soumettre[1]. En effet, la tribu participe à la résistance de la reine Kahina, avant d'embrasser l'islam après la prise de la capitale, Aïn Djeloula[5], en adoptant l'ibadisme[6].

Au XIe siècle, alors que les Hudhayl (en) s'installent dans la région kairouanaise durant l'invasion hilalienne, ils se font déposséder du territoire par les Ousseltia, poussant les Hudhayl à migrer vers le Nord[7].

En 1677, ils accueillent au sein de leur djebel le bey Ali, et en 1699 le bey Mourad III, qui tous deux arrivent à s'emparer du pouvoir[8].

En 1728, lors du conflit qui oppose Ali Pacha à son oncle Hussein, ils prennent partie pour le clan d'Ali Pacha, et l'accueillent lui et son fils Younès au sein de leur djebel[1]. Par ailleurs, ils arrivent à réunir près de 15 000 combattants Ousseltia, tous aguerris et familiarisés avec l'usage du fusil, du poignard, et de la lance[9]. Cependant, avec la défaite d'Ali Pacha et sa migration vers la régence d'Alger, le bey ordonne la dispersion des Ousseltia de leur djebel[1]. Ils sont contraints de quitter leur djebel, sauf les Ouled Manès qui restent dans le djebel et sont exempts du paiement au bey, et sont victimes d'une grande pauvreté, non seulement à cause de la première révolte, mais aussi à cause des sommes qu'ils doivent payer au bey[10]. Cet exode dure sept ans, entre 1728 et 1735, et lorsqu'Ali Pacha devient le bey de Tunis, il ordonne leur retour dans le djebel, ce qui met fin à leur pauvreté[1].

Cependant, après la mort d'Ali Pacha, c'est le fils de Hussein qui devient bey et en 1759, après le conflit qui oppose celui-ci au petit-fils d'Ali Pacha qui est Ismaïl Ben Younès[8], ils prennent partie pour Ismaïl et l'accueillent au sein de leur djebel, comme ils l'avaient fait avec son grand-père[11]. Une guerre éclate entre le bey et les Ousseltia, et le bey n'arrive pas à les soumettre[12], ceux-ci poussant leur razzias jusqu'à la ville de Tunis et commettant des pillages avec cruauté[8]. De nombreuses tribus vont alors prendre partie pour le bey, telles que les Kessera[13], Jlass, les Ouled Aoun, les Drid, et surtout les Riyah[8], les Kaoub et Gouazine, ennemis des Ousseltia, qui entrent en guerre contre eux[1]. C'est le début de l'insurrection des Ousseltia, que de nombreuses tribus soutiennent, telles que les Ouled Ayar[14], les Braga[13] et les Ouled Yahia[14]. Cette insurrection dure trois ans, jusqu'en 1762[11]. Les Kaoub en sortent vainqueurs et dépossèdent les Ousseltia de leur territoire[12].

Vue du djebel Ousselat, montagne sur laquelle vivaient les Ousseltia.

Les Ousseltia sont alors chassés de leur djebel, et doivent migrer dans différentes régions de Tunisie, à savoir Kairouan[12], Tunis, Testour, Bizerte, Le Kef et Béja[1]. Cependant, les principaux foyers d'accueil des Ousseltia sont les régions de Gaâfour[11], de Téboursouk, des Béjaoua (notamment le village de Tehent) où les Ousseltia restent à l'écart des autres populations[15], de Zaghouan (dans laquelle est établie la tribu arabe hilalienne des Riyah dont les Ousseltia s'écartent à cause de leur « sauvagerie », les Ousseltia étant eux-mêmes qualifiés de « sauvages » par les colons[14]), le Sahel (dans la ville de M'saken[16]), le territoire des Ouled Ayar[17], ainsi que le cap Bon[18]. Aux Ousseltia, il faut rattacher la tribu des Mouencia, qui ont partagés le même sort[14].

Malgré leurs relations conflictuelles avec le bey, ceux-ci contribuent à son armée aux côtés des Zouaouas à hauteur de 10 000 hommes Zouaouas et Ousseltia confondus[19], et sont constitués en tribu makhzen, enrôlée par le bey[20]. Historiquement, ils sont considérés comme d'excellents agriculteurs[12], ce qui leur permet de s'intégrer plus facilement dans les endroits où ils migrent[1]. Cependant, ils continuent à être marginalisés par les populations et l'État lors des moments de crises[1].

En 1864, ils prennent part à la révolte d'Ali Ben Ghedhahem aux côtés d'autres tribus[21].

Une source évoque même qu'ils étaient la tribu la plus puissante et la plus nombreuse du pays, au côté des Drid et des Riah[22].

Démographie[modifier | modifier le code]

L'historienne Lucette Valensi estime au XIXe siècle les Ousseltia à environ 12 500 personnes[1], un chiffre qui a largement diminué puisque, un siècle plus tôt, on dénombrait 15 000 combattants[9], pour 40 000 à 45 000 personnes au total[23].

La confédération serait composée de différentes tribus[1], à savoir :

  • Ouled Ismail (arabe : اولاد إسماعيل) entre Siliana et Béja, la plus peuplée, constituée de plusieurs fractions : El Armaoui, El Kasbaoui, Achour, Jbali, Daalouche, El Henchiri, Boudbouss, Sliti[1] ;
  • Ouled Jbil (arabe : اولاد جبيل) entre Jendouba, Le Kef, et Bizerte, la deuxième plus peuplée, constituée de plusieurs fractions : El Khenissi, Zitoun, El Dhib, El Hichri[1] ;
  • Tifaf (arabe : تيفاف) dans le cap Bon et le Sahel, la troisième plus peuplée, constituée de plusieurs fractions : El Nahali, El Salaani, Ben Tamsak, Ben Sliman[1] ;
  • Bourahal (arabe : بورحال) entre Siliana et Béja, la quatrième plus peuplée, constituée de plusieurs fractions : El Khamsi, El Eichi, Rahali, Ben Rahal[1] ;
  • Ouled Manas (arabe : اولاد مانس) à Kairouan, la moins peuplée[1].

Culture[modifier | modifier le code]

Mode de vie[modifier | modifier le code]

De nos jours, les vestiges des Ousseltia sont présents dans le djebel, et on retrouve des tombes de saints telles que Mzara, la tombe de Sidi Salem, et Haouita, celle d'un saint inconnu, des anciennes habitations et villages abandonnés, des citernes, des terrasses de culture ainsi que des pressoirs antiques. Des peintures rupestres, sûrement pratiquées par la tribu, sont aussi présentes[24].

Arboriculteurs, les Ousseltia possédaient des hectares d'oliveraies au pied de leur montagne, qui constituaient une ressource de grande importance, mais qui étaient coupés à chaque fois qu'ils étaient assiégés, comme fut le cas en 1675[25] ou encore en 1728, où 8 000 pieds d'oliviers furent coupés[24].

Ils possédaient également des terrasses, bâties en culture sèche durant des siècles, servant principalement à une culture céréalière, notamment pour cultiver l'orge et le blé[24]. Ils avaient également des réservoirs creusés sous la roche ainsi que des bassins d'eau, qui remontent à l'ère hafside, et qui leur servait non seulement d'autosuffisance en eau potable, mais aussi pour leur bétail et leurs oliviers[26].

La tribu cultivait également les orangers[12], les cannes à sucre ainsi que les fleurs, telles que la rose, le jasmin ou la violette[5], et était notamment réputée pour la parfumerie[27]. Elle pratiquait également un artisanat de faïences réputé dans le monde arabe[5]. Durant l'Antiquité, elle cultivait du miel en broyant des caroubes dans l'eau[28].

L'historien Abu El-Abbas Al-Dardini évoque qu'ils étaient très riches, de par leur grand nombre de chevaux, et très guerriers[6].

Par ailleurs, celle-ci serait restée berbérophone jusqu'au XVIIIe siècle, date de leur dispersion[29].

Culture populaire[modifier | modifier le code]

La chanteuse tunisienne Saliha a composé Màa el àazzaba (مع العزّابة) racontant l'histoire de cette révolte[Laquelle ?], et énonçant des paroles prononcées par une femme ayant perdue sa fille lors de cette guerre[Laquelle ?][11].

Par ailleurs, le célèbre cadi malikite tunisien Abou Abdallah Mohamed El Bahri Ben Abdessatar, ou plus simplement cheikh El Bahri El Mansi, fait partie des Ousseltia, de par son appartenance aux Ouled Manès[30]. Deux cheikhs ibadites sont également issus de cette tribu : Abd al-Ghani al-Wasslati al-Mazati et Fatuh ben Abi Hadji al-Wasslati al-Mazati[6].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a b c d e f g h i j k l m n o p et q (ar) « الوسلاتية وعلاقتها بجبل وسلات », sur wessletia10.blogspot.com,‎ (consulté le ).
  2. a b et c Comptes rendus des séances de la Société de géographie et de la Commission centrale, Paris, Société de géographie, , 586 p. (lire en ligne), p. 441.
  3. Jeanne Riaux, « Petites paysanneries hydrauliques en Tunisie centrale : héritages et perspectives autour des eaux du Merguellil », sur shs.hal.science (consulté le ), p. 13.
  4. Lucette Valensi, Fellahs tunisiens : l'économie rurale et la vie des campagnes aux 18e et 19e siècles, Paris, Mouton, , 46 p. (ISBN 2-7193-0939-7, lire en ligne), p. 23.
  5. a b et c Ernest Fallot, Une excursion à travers la Tunisie centrale, Marseille, Barlatier et Barthelet, , 20 p. (lire en ligne), p. 17.
  6. a b et c Encyclopédie de l'Islam : nouvelle édition, Leyde, Brill, (ISBN 978-9004092990, lire en ligne), p. 939.
  7. (ar) Les Cahiers de Tunisie, vol. 1, 1953, p. 24 (ISSN 0008-0012).
  8. a b c et d Fallot 1890, p. 18.
  9. a et b « Soixante ans d'histoire de la Tunisie (1705-1765) », Revue tunisienne, no 5,‎ , p. 533 (lire en ligne, consulté le ).
  10. « Soixante ans d'histoire de la Tunisie (1705-1765) », Revue tunisienne, no 9,‎ , p. 200 (lire en ligne, consulté le ).
  11. a b c et d Néji Khammari, « Djebel Oueslate : la montagne qui n'a pas encore divulgué tous ses secrets », Le Temps,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  12. a b c d et e Riaux, p. 12-13.
  13. a et b La Tunisie : histoire et description, t. I, Paris, Berger-Levrault, , 495 p. (lire en ligne), p. 442.
  14. a b c et d « Notes succinctes sur les tribus de la régence », Revue tunisienne, no 33,‎ , p. 13 (lire en ligne, consulté le ).
  15. « Renseignements sur le territoire entre Mateur et Béja », Bulletin archéologique du Comité des travaux historiques et scientifiques,‎ , p. 494 (lire en ligne, consulté le ).
  16. Valensi 1977, p. 27.
  17. Prosper-Fernand Zaccone, Notes sur la régence de Tunis, Paris, Tannera, , 265 p. (lire en ligne), p. 72.
  18. (ar) Les Cahiers de Tunisie, vol. 7, 1959, p. 423 (ISSN 0008-0012).
  19. Eugène Pellissier, Exploration scientifique de l'Algérie pendant les années 1840, 1841, 1842, Lyon, Imprimerie royale, , 455 p. (lire en ligne), p. 376.
  20. Mongi Smida, Khereddine : ministre réformateur, 1873-1877, Maison tunisienne de l'édition, , 423 p. (lire en ligne), p. 19.
  21. Habib Missaoui, « Sur les traces de Ben Oun Khannag Larouâh (preneur des âmes) : le petit-fils de Ali Ben Ghedhahem El Mejri », Le Quotidien,‎ inconnu (lire en ligne, consulté le ).
  22. Jean Cuisenier, Économie et parenté, Berlin, Walter de Gruyter, , 569 p. (ISBN 978-3111584720, lire en ligne), p. 320.
  23. (ar) كراسات التونسية, Tunis, Faculté des lettres et sciences humaines de Tunis,‎ (lire en ligne), p. 421.
  24. a b et c Jaâfar Ben Nasr, « Les peintures rupestres de l'abri de Zamla (Jebel Ousselat – Tunisie centrale) : la représentation d'une planimétrie agraire ? », Antiquités africaines, no 57,‎ , p. 19-32 (ISSN 0066-4871, lire en ligne, consulté le ).
  25. Revue d'histoire maghrébine, no 5-9, 1976, p. 310.
  26. Neji Khammai, « Le rif de Kairouan subit les affres de la soif », Le Temps,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  27. Ernest Fallot, Notice géographique, administrative et économique sur la Tunisie, Tunis, Imprimerie franco-tunisienne, , 139 p. (lire en ligne), p. 33.
  28. Libyca : archéologie, épigraphie, vol. 8, Alger, Service des antiquités, , 320 p. (ISSN 0459-3049, lire en ligne), p. 106.
  29. Jean Despois, La Tunisie orientale, Paris, Presses universitaires de France, , 554 p. (lire en ligne), p. 169.
  30. Jacques Revault, Palais et résidences d'été de la région de Tunis (XVIe – XIXe siècles), Paris, Éditions du Centre national de la recherche scientifique, coll. « Études d'antiquités africaines », , 628 p. (ISBN 2-222-01622-3, lire en ligne), p. 100.