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Moukhtar Abliazov

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Moukhtar Abliazov
Image illustrative de l’article Moukhtar Abliazov
Moukhtar Abliazov en 2019.
Information
Nom de naissance Moukhtar Kaboulovitch Abliazov
Naissance (61 ans)
Patrie Kazakhstan
Condamnation
Sentence Extradition (annulée le )
Pays France
Régions Provence-Alpes-Côte d'Azur
Ville Aix-en-Provence
Arrestation

Moukhtar Kaboulovitch Abliazov (en russe : Мухтар Кабулович Аблязов), né en 1963 à Galkin (district de Leninski, Kazakhstan-Méridional), est un homme d'affaires et homme politique kazakh condamné pour détournement de fonds, dissimulation de revenus, association de malfaiteurs et meurtre.

Biographie

Vie personnelle

Moukhtar Kaboulovitch Abliazov est né le dans le Sud du Kazakhstan. Il est diplômé en ingénierie nucléaire et en physique théorique de l'Institut d'ingénierie physique de Moscou. Il est marié à Alma Shalabayeva et père de trois enfants[2],[3],[4].

Dans sa jeunesse, il dirige un mouvement contre le travail obligatoire des étudiants[5].

Carrière professionnelle

Moukhtar Kaboulovitch Abliazov se lance dans les affaires au cours des années 1990 et construit une holding appelée Astana qu'il dirige de 1993 à 1997. Il diversifie ses activités jusqu'à posséder une dizaine de chaînes de télévisions, une compagnie aérienne, des usines chimiques ou encore 70 % de la production de sel du pays[2],[4]. En 1997, Abliazov devient le premier président de Kegoc, une compagnie d'exploitation du réseau électrique[6]. À partir de , il est le président du groupe industriel Eurasia LLC[7].

Il est généralement qualifié d'oligarque[5].

Abliazov retourne au Kazakhstan en 2005 et préside le conseil d’administration de la banque BTA, dont il est l'actionnaire majoritaire[3],[8]. Après être devenue le premier établissement du pays grâce à de nombreux prêts[5], la banque rencontre des difficultés financières à la suite de la crise bancaire et financière de l'automne 2008[8]. En 2009, BTA est nationalisée par l'État kazakh et mise en faillite. Accusé de détournement de fonds, Moukhtar Abliazov fuit le pays. Lui considère qu'il s'agit de manœuvres de l'administration kazakhe[5]. Il se rend à Londres, où il obtient l'asile politique en 2011[3],[9] avant de quitter clandestinement le pays en 2012 la veille d’une condamnation[10].

À Londres, il travaille chez East Bridge Capital Management, un fonds d'investissement luxembourgeois et loue une luxueuse demeure, Carlton House, vivant également dans une résidence secondaire des environs de la capitale, Oaklands Parks. En parallèle, il est l'objet de surveillance de la part d'une société privée, chargée de trouver des documents démontrant qu'il s'est enrichi indûment et de le retrouver, ayant finalement disparu de la circulation[5]. L'année d'après, en 2012, il est condamné à 22 mois de prison pour outrage à la cour, en raison de déclarations contradictoires, décision confirmée en 2013 par la Cour suprême de Grande-Bretagne. La même année, les magistrats de la Haute Cour de Londres estiment qu'« il est difficile d'imaginer qu'une partie à un contentieux commercial puisse agir avec plus de cynisme, d'opportunisme et de fourberie à l'égard des décisions de justice que M. Abliazov ». Sa famille s'installe ensuite en Lettonie, en Lituanie puis à Rome (Italie)[5]. Il fuit le Royaume-Uni. En , sa femme et sa fille sont arrêtées par la police italienne et extradées, ce qui provoque une crise politique en Italie[11]. Les autorités romaines annulent finalement leur expulsion et autorisent leur retour, ce qui sera fait en décembre, soit après l'arrestation de Moukhtar Abliazov en France[5].

Parcours politique

En 1998, Moukhtar Abliazov est nommé ministre de l'Énergie, du Commerce et de l'Industrie dans le gouvernement de Noursoultan Nazarbaïev, le président de la République du Kazakhstan. Il démissionne du gouvernement, selon lui en raison « [du] népotisme croissant et [de] la corruption » du régime[12],[3]. Avec Galymjan Jakiyanov, il cofonde en 2001 un parti politique d'opposition, le Choix démocratique du Kazakhstan. Le DVK appelle à des réformes politiques[13]. En juillet 2002, il est condamné pour “ abus de pouvoirs “ à 6 ans de prison[14]. Ses entreprises sont saisies (dont des chaînes de télévision, un terminal pétrolier ainsi qu'une usine chimique) ; il parvient toutefois à garder le contrôle de sa banque, dirigée par un associé[5]. L'ambassade des États-Unis, le Parlement Européen et Amnesty International demandent sa libération. Selon le rapport d'Amnesty International, son procès est politiquement motivé et ne répond pas aux exigences internationales de procès équitable[15]. En 2003, l'homme d'affaires est gracié par le président kazakh à la condition qu’il renonce à la politique. Il s'établit en Russie[3],[16]. Il continue toutefois de soutenir l'opposition. Un de ses proches, le député Altynbek Sarsenbaïev, est retrouvé mort[5].

Condamnations et accusations

Au Kazakhstan

En 1999, une procédure pénale est ouverte pour abus de pouvoir, détournement de fonds, évasion fiscale et « fraude à une échelle épique » pour des faits présumés lorsqu’il était ministre de l'Énergie[17],[18].

Le , Abliazov est arrêté par la police financière pour abus de pouvoir pendant son mandat en tant que Président du conseil de surveillance de l'entreprise publique KEGOC[17].

Entre 2005 et 2009, Abliazov est le président du conseil d'administration et l'actionnaire majoritaire de la banque BTA. Au moment de sa nationalisation, la banque est mise en faillite et Abliazov est recherché pour détournement de fonds d'un montant de 6 milliards de dollars[19]. La banque BTA fait tout son possible pour récupérer les fonds détournés, une page spéciale lui est même dédiée sur le site officiel de cette dernière[20].

En , absent de son procès, il est condamné à 20 ans de prison au Kazakhstan pour avoir accordé « frauduleusement des prêts sans garantie à des sociétés-écrans dont il était le réel bénéficiaire économique ».

En novembre 2018, il est condamné à la prison à vie pour avoir commandité le meurtre de son associé Yerzhan Tatishev en 2004[21].

Au Royaume-Uni

La banque BTA le poursuit en justice devant la Haute Cour de justice (High Court) et fait geler ses actifs[22]. En 2012, il est condamné à 22 mois de prison par la justice britannique pour outrage à magistrat après avoir dissimulé une partie de ses biens. L'homme d'affaires fuit le Royaume-Uni[3],[23].

Le , la banque BTA a intenté une action en justice contre Abliazov devant la Haute Cour du Royaume-Uni peu après son arrivée à Londres[24].

Abliazov a fait l'objet de sept actions en justice devant la Haute Cour anglaise, pour un total de 3,7 milliards de dollars (2,26 milliards de livres sterling)[25].

En , Abliazov a perdu une bataille juridique pour empêcher que ses biens soient soumis à une ordonnance de mise sous séquestre. La décision est intervenue après que le juge Teare a déclaré “que l’on ne pouvait pas faire confiance à Abliazov pour ne pas dissimuler ses biens avant le procès”[26].

En , la Haute Cour de Justice a rendu un jugement qui règle onze procédures. Elle a ordonné à Mukhtar Abliazov de payer 4,6 milliards de dollars de dommages et intérêts au préjudice de la banque BTA. Le tribunal a également ordonné "de nouvelles ordonnances de gel des avoirs post-jugement contre M. Abliazov dans une somme illimitée et de nouvelles ordonnances de gel des avoirs concernant certains autres défendeurs"[27].

Il est condamné à 22 mois de prison pour outrage à la cour (“contempt of Court”), en raison de déclarations contradictoires, décision confirmée en 2013 par la Cour suprême de Grande-Bretagne. La même année, les magistrats de la Haute Cour de Londres estiment qu'« il est difficile d'imaginer qu'une partie à un contentieux commercial puisse agir avec plus de cynisme, d'opportunisme et de fourberie à l'égard des décisions de justice que M. Abliazov ». La cour estime à un millier le nombre de sociétés créées par Abliazov, dont il est le bénéficiaire réel, en dépit du gel de ses avoirs[28].

En Russie

La Russie a lancé un mandat d'arrêt relayé par Interpol.

Abliazov est accusé de fraude à grande échelle, atteinte à la propriété par tromperie ou abus de confiance, blanchiment d'argent[29].

Il est accusé d'avoir commis quelque cinq milliards de malversations financières sur le sol russe grâce à des montages financiers[30].

Il apparaît dans la liste des noms donnés par les révélations des Paradise Papers[31].

En Ukraine

Moukhtar Abliazov est accusé d'avoir commis des malversations financières pour une valeur de 400 millions à la fin des années 2000.

Les chefs d'accusation sont prêts fictifs, détournement de fonds, absence de nantissement, cascade de société off-shore[30],[32].

En France

Onze chefs d'inculpation pèsent sur Abliazov qui est recherché par les autorités russes, ukrainiennes et kazakhes pour plusieurs crimes[33].

À la suite d'une notice rouge d'Interpol, la police a arrêté Abliazov à Mouans-Sartoux, près de Grasse - France le [34], après 18 mois de cavale. Lors de son arrestation, Moukhtar Abliazov était en possession d'un passeport diplomatique centrafricain qui pourrait lui avoir été délivré par le gouvernement centrafricain pour l’aider à échapper à la justice. Son épouse, arrêtée en Italie, possédait le même sésame, avec pour fonction : « conseillère diplomatique à la présidence centrafricaine. »[35] Le , la chambre d'instruction d'Aix-en-Provence a donné un avis favorable à la double demande formée par l'Ukraine et la Russie concernant l'extradition de Moukhtar Abliazov en formulant une « préférence » pour Moscou. Durant l'audience, Abliazov est qualifié de « délinquant de grande envergure » par l'avocate générale Solange Legras qui rejette l'hypothèse du statut de victime de l'opposition politique[36].

Le , la cour d’appel d'Aix-en-Provence autorise l'extradition de Moukhtar Abliazov vers la Russie, estimant qu'« aucun élément sérieux ne permet de considérer que l'État russe présente sa demande d'extradition […] aux seules fins de complaire au Kazakhstan ». Lors de la révolution ukrainienne de 2014, des copies de SMS entre Solange Legras et un avocat de la société BTS ont été retrouvés et publiés. Celle-ci a depuis porté plainte[5].

Le , la Cour de cassation, en rejetant l’ultime pourvoi formé par Abliazov, confirme l’avis d’extradition pris en octobre par la cour d’appel de Lyon – et avant elle par celle d’Aix-en-Provence –, autorisant une extradition vers la Russie ou l’Ukraine[37].

Le , le Conseil d'État annule ce décret d'extradition et estime dans sa décision que « l'extradition vers la Russie de M. Abliazov a été demandée dans un but politique » et qu'elle ne pouvait donc pas légalement être accordée[38]. Abliazov sort alors de prison.

Le , le Kazakhstan a porté plainte à Paris contre Abliazov, considérant que la France est compétente pour le juger. Les autorités kazakhes relèvent que le code pénal français prévoit d’un tribunal français est habilité à juger un étranger, dont l’extradition a été refusée pour des motifs politiques, pour un crime ou un délit commis hors de France[39].

Le 29 septembre 2020 la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) a accepté la requête de Abliazov, " malgré les pressions politiques du régime autoritaire du Kazakhstan " (selon Le Monde) et lui a accordé l'asile politique[40].

Début octobre 2020, il est arrêté par la police française et mis en examen[41].

Interpol

Une « notice rouge » est émise par Interpol à la demande du Kazakhstan, de l'Ukraine et de la Russie [4],[42],[43]. Il faut noter qu'un risque d'instrumentalisation politique de ces avis de recherche internationaux[44] a été dénoncée en 2008 par l'Agence des Nations Unis pour les réfugiés[45]. Une ONG anglaise Fair Trials International va plus loin en dénonçant l'utilisation abusive des notice rouges à des fins politiques dans son rapport en [46]. Open Dialogue Foundation, une autre ONG basée à Varsovie, dresse un constat similaire dans son rapport sorti en . Les régimes autoritaires sont soupçonnés par ces ONG de recourir aux avis de recherches internationaux beaucoup plus souvent que les démocraties (à l'exception des EU): 160 notices pour la Russie, l’Azerbaïdjan et le Vietnam, 148 pour le Tadjikistan contre 11 pour la France et 5 pour l'Allemagne[47]. Le financement de ces ONG est toutefois sujet à caution ainsi que les intérêts cachés pour lesquelles elles interviennent. L'Open Dialog Foundation, dont la militante Lyudmyla Kozlovska s'est vue expulser de Pologne et interdire l'accès à l'espace Schengen[48] du fait de ses activités, est notamment dans le viseur des autorités pour blanchiment de fonds. Ces faits ont été révélés par le Sunday Times en [49]. L'ONG est par ailleurs soupçonnée de coopération avec les services secrets russes[50] et d'avoir enfreint le réglement du Conseil de l'Europe en influençant la rédaction d’amendements[51].

Expulsion de son épouse et de sa fille

Le , la police Italienne avec une quarantaine d'agents et des forces anti-terroristes[52], a arrêté la femme de M. Abliazov, Mme Alma Shalabayeva et leur fille de 6 ans. 72 heures après elles sont transférées au Kazakhstan au bord d'un jet privé accompagné des diplomates kazakhes, en dépit des règles européennes qui prévoient la possibilité de déposer un recours contre le rapatriement forcé et/ou de demander l'asile politique[53]. Cette affaire d'expulsion illégale a été à l'origine d'un scandale politique et d'une démission du chef de cabinet du ministre de l'Intérieur[54]. L'affaire a été condamnée par les ONG de défense des droits de l'homme et notamment par Amnesty International[55].

Références

  1. Moukhtar Abliazov Faits sur....
  2. a et b Hans-Ulrich Helfer, « Mukhtar Ablyazov: Dissident ou malfaiteur? », European Security,‎ (lire en ligne, consulté le )
  3. a b c d e et f Piotr Smolar, « Le Kazakh aux deux visages », Le Monde,
  4. a b et c Christophe Cornevin, « La France garde l'oligarque Abliazov sous écrou », Le Figaro,
  5. a b c d e f g h i et j Philippe Vasset, « Moukhtar Abliazov : trouvez cet oligarque ! », Vanity Fair no 13, juillet 2014, pages 78-85 et 154-156.
  6. Moukhtar Ablyazov, les juges et la politique.
  7. Company Overview of Eurasia Logistics LLC.
  8. a et b (en) Nariman Gizitdinov, Jason Corcoran, « Chairman Vanishes From Double-Defaulting Kazakh Bank », Bloomberg,
  9. (en) Richard Orange, « Kazakh billionaire granted UK asylum », The Daily Telegraph,
  10. « Entre escroquerie et dissidence, la justice autorise l'extradition d'Abliazov », sur Europe 1 (consulté le )
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  12. (en) Hélène Despic-Popovic, « Exilé politique arrêté : la France tourne kazakhe », Libération,
  13. (en) « Political Freedoms in Kazakhstan », Human Rights Watch,
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  15. (en) « UNHCR Amnesty International 2003 Report » (consulté le )
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  17. a et b « Moukhtar Abliazov, un bankster en liberté: Abliazov », Bankster Leaks,‎ (lire en ligne, consulté le )
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  19. « Pourquoi extrader cet escroc », P-S,‎ (lire en ligne, consulté le )
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  34. La justice examine la demande d'extradition de l'oligarque arrêté à Mouans-Sartoux
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  40. « La France accorde l’asile politique au principal opposant kazakh », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  41. « L’opposant kazakh Moukhtar Abliazov arrêté et mis en examen en France », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  42. Moukhtar Ablyazov, les juges et la politique
  43. La France va extrader l'opposant Abliazov vers la Russie ou l'Ukraine.
  44. « Les «notices rouges» d'Interpol dans le viseur d'ONG », sur le Figaro (consulté le )
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  49. (en) Carlos Alba and Jordan Ryan, « Scots firms ‘in £26m laundering link to Putin’ », The Sunday Times,‎ (ISSN 0956-1382, lire en ligne, consulté le )
  50. (en-US) Redefyne, « Human Rights NGO Open Dialogue Foundation "suspected of cooperating with Russian intelligence" - EU Today », sur eutoday.net (consulté le )
  51. « Europe : pendant la crise, le lobbying continue », sur Citizenpost, (consulté le )
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  53. « RFI - Italie: une affaire d'expulsion forcée embarrasse de hauts responsables politiques »
  54. « Le Monde: La rocambolesque arrestation de l'opposant kazakh Abliazov »
  55. « Amnesty International: EXPULSION ILLÉGALE VERS LE KAZAKHSTAN : LE GOUVERNEMENT ITALIEN DOIT RENDRE DES COMPTES »

Liens externes