Informatique quantique

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L'informatique quantique est le sous-domaine de l'informatique qui traite des ordinateurs quantiques utilisant des phénomènes de la mécanique quantique, par opposition à ceux de l'électricité exclusivement, pour l'informatique dite « classique ». Les phénomènes quantiques utiles sont l'intrication quantique et la superposition. Les opérations ne sont plus basées sur la manipulation de bits, mais de qubits.

Histoire

Fondation

Selon la loi de Moore, la puissance des ordinateurs augmente exponentiellement. Voyant cette « loi » possiblement devenir fausse à court terme, une solution est de changer de paradigme pour se tourner vers l'informatique quantique.

Par contre, selon la thèse de Church, tout calcul devrait être faisable efficacement sur une machine de Turing, alors qu'il ne semble pas possible de simuler un calculateur quantique avec une machine de Turing. Dans un premier temps, un autre type d'ordinateur semblait avoir contredit cette thèse, le calculateur analogique. Cette contradiction apparente a néanmoins été rapidement réfutée parce que la question du bruit n'avait pas été abordée, et la surpuissance supposée du calculateur analogique est maintenant nullifiée.

La prise en compte du bruit est donc un des premiers défis du calculateur quantique. En particulier, la théorie de l'information quantique traite des codes correcteurs quantiques et du calcul quantique avec tolérance d'erreurs.

Résultats non négatifs

Deux résultats des années 1990 indiquent que les ordinateurs quantiques pourraient être plus puissants que les machines de Turing, et même des machines de Turing probabilistes. En 1994, Peter Shor découvre l'algorithme de Shor qui permet de calculer efficacement la décomposition en produit de facteurs premiers et le logarithme discret. En 1995, Lov Grover découvre l'algorithme de Grover qui permet de faire efficacement une recherche dans un espace non structuré.

Les problèmes résolus par l'algorithme de Shor n'ont pas de solution efficace connue sur un ordinateur classique, bref, sur une machine de Turing. L'amélioration en efficacité provenant de l'algorithme de Grover n'est pas aussi significative, mais la très grande applicabilité des algorithmes de recherche implique l'importance du résultat.

Les bases physiques

L'informatique quantique est basée sur la mécanique quantique. Les phénomènes utiles sont l'intrication quantique et la superposition. Il est cependant nécessaire de prévoir les effets contre-productifs de la décohérence.

Fonction d'onde

La fonction d'onde en mécanique quantique est la représentation de l'état quantique dans la base de dimension infinie des positions. La probabilité de présence des particules représentées par cet état quantique est alors directement le carré de la norme de cette fonction d'onde.

État quantique

En mécanique quantique, on représente l'état d'un système par un point dans un espace vectoriel hilbertien ; l'espace à considérer dépendant du système étudié. On utilise souvent la notation bra-ket pour représenter les états quantiques de manière simple. Par exemple, l'espace des états d'une particule sans spin est l'espace des fonctions de à carré sommable. Lorsque l'on associe deux systèmes pour en faire un plus gros, l'espace des états de ce gros système est le produit tensoriel des espaces des états associés aux deux sous-systèmes.

On retrouve également le déterminisme de la mécanique classique, c'est-à-dire que l'on peut calculer comment l'état d'un système va évoluer au cours du temps (grâce à l'équation de Schrödinger), sauf lorsqu'il y a une mesure de l'état de notre système, auquel cas l'évolution n'est plus déterministe, mais probabiliste.

Il s'agit là d'une différence majeure avec la mécanique classique, qui découle du postulat de réduction du paquet d'onde et qui permet de donner une interprétation probabiliste aux états quantiques.

Supposons qu'un système quantique se trouve dans un état et que l'on veuille mesurer une observable du système (énergie, position, spin, ...). Les vecteurs propres de sont notés et les valeurs propres correspondantes , que l'on supposera non dégénérées pour simplifier. Comme le postule le principe de réduction du paquet d'onde, la mesure de A ne peut donner comme résultat que l'un des , et la probabilité d'obtenir le résultat est . Supposons que la mesure donne pour résultat , le système est passé lors de la mesure et de façon instantanée de l'état à l'état .

On voit dès lors l'interprétation que l'on peut faire des produits scalaires , où est un état quelconque : en effet, en supposant l'existence d'une observable dont serait un des états propres, on peut dire que la probabilité de trouver le système dans l'état (sous-entendu : si on faisait la mesure) est . Pour cette raison, le produit scalaire est appelé amplitude de probabilité.

Il existe d'autres représentations mathématiques de l'état d'un système, la matrice densité étant une généralisation de la représentation exposée ici.

Intrication quantique

En mécanique quantique, on appelle intricat un état physique où sont intriqués un système S1 et un système S2 sans que l'espace de Hilbert soit la somme tensorielle de l'espace de S1 et de l'espace S2. Il y a même au contraire corrélation complète de S1 et de S2 de sorte que l'entropie de (S1 union S2) dans un intricat est simplement celle de S2 ou de S1. Il y a sous-additivité complète.

L'intrication quantique est la ressource naturelle principale, utilisée en informatique quantique : actuellement, on la compare même au fer, tel que considéré à l'âge du bronze. De fait, la théorie de l'informatique quantique a beaucoup progressé depuis que l'on sait réaliser des intricats de faible décohérence : alors il est devenu pensable de prévoir un futur ordinateur quantique. Les mathématiciens (Shor, Kitaev, ...) ont fondé le tout nouveau calcul quantique, qui est en train de révolutionner le calcul de la complexité algorithmique[réf. souhaitée].

Bits vs qubits

Les opérations ne sont plus appliquées à des bits, mais à des qubits. L'espace des états possibles n'est pas le même que dans le monde classique. Les deux qubits possibles sont et . Une différence majeure d'avec les bits, c'est qu'un qubit peut être dans les deux états en même temps : c'est le phénomène de superposition. En général, un qubit est

. Donc, à la mesure, on trouve avec probabilité de et , avec une probabilité de . Surviennent ainsi les questions de mesure quantique, de distinction des états quantiques et de mesure projective.

Il y a plusieurs façons physiques de représenter un qubit. Parmi celles-ci :

  • spin d'électron
  • niveaux d'énergie dans un atome
  • polarisation d'un photon

Les bases mathématiques

Algèbre linéaire

Selon le principe de physique quantique, on conçoit le système physique comme un espace de Hilbert à dimensions. Pour traiter ceci, les outils mathématiques principaux se trouvent en algèbre linéaire. La notation habituelle pour les vecteurs est remplacée par la notation bra-ket telle qu'expliquée ci-haut pour les états quantiques , puisque ce sont ces états qui sont représentés par des vecteurs.

Le vecteur aussi appelé ket :

Le vecteur dual (autrement dit, transposé et conjugué) du ket, aussi appelé bra :

Les matrices typiquement utilisées sont : matrice hermitienne, matrice normale, matrice unitaire, matrice positive, matrice de densité, matrices de Pauli, matrice de Hadamard.

Matrices de densité

Les matrices de densité sont des objets mathématiques qui peuvent traiter tous les types d'états quantiques utiles à l'informatique quantique : l'état pur tout comme l'état mélangé, qui est un mélange d'états purs.

Opérations ou théorèmes utiles

Les matrices ont généralement la fonction d'opérateurs linéaires. De plus, certaines opérations sur ces opérateurs sont également définies.

Algèbre abstraite

Du domaine de l'algèbre abstraite, les Groupes de Lie suivants sont utiles: SU(2) et SO(3).

, le groupe spécial unitaire de degré 2

Le groupe SU(2) est isomorphe au groupe des quaternions de valeur absolue 1 et est donc identique à la sphère de dimension 3 S3. Comme les quaternions représentent les rotations dans l’espace à 3 dimensions, il existe un homorphisme surjectif de groupes de Lie SU(2) → SO(3,R) de noyau {+I,–I}. Les matrices dites matrices de Pauli forment une base de su(2). Ces matrices sont souvent utilisées en mécanique quantique pour représenter le spin des particules.

, le groupe orthogonal de degré 3 du corps

Le groupe SO(3), compris comme l’ensemble des rotations dans l’espace tridimensionnel, est appelé groupe des rotations.

En termes de topologie algébrique, pour n > 2, le groupe fondamental de SO(n) est le groupe cyclique d’ordre 2 et le groupe Spin Spin(n) est son recouvrement universel. Pour n=2, le groupe fondamental est le groupe cyclique infini et son recouvrement universel correspond à la droite des réels.

Sous-domaines

Complexité algorithmique

Pour l'article détaillé, voir complexité algorithmique quantique.

Une sous-branche de la théorie de la complexité pour traiter de l'algorithmique de l'informatique quantique.

Ordinateurs quantiques

Pour l'article détaillé, voir calculateur quantique.

Un calculateur quantique opère ses calculs grâce, entre autres, à la superposition d'états quantiques. De petits calculateurs quantiques ont déjà été construits dans les années 1990 et des progrès sont en cours. C'est un domaine en plein essor soutenu financièrement par de nombreuses organisations, entreprises ou gouvernements, du fait de l'importance de l'enjeu : révolutionner l'informatique avec une puissance et des opérations inimaginables à l'aide d'un ordinateur classique.

La fabrication d'un "ordinateur quantique" nécessiterait l'utilisation de techniques que l'on commence à peine à maîtriser pour certaines. Les circuits de calcul quantique sont dans les modèles théoriques actuels utilisés par un programme d'ordinateur classique et font qu'on parle plutôt de circuit de calcul quantique, sorte de périphérique de calcul rapide. Il s'agit pour le reste d'algorithmes classiques utilisant des circuits de calcul quantique et non (en tout cas pour le moment, 2009) d'«algorithmes quantiques».

Théorie de l'information quantique

Pour l'article détaillé, voir théorie de l'information quantique.

Une sous-branche de la théorie de l'information pour traiter de l'information de l'informatique quantique. Les principaux sujets traités sont les codes correcteurs quantiques et le calcul quantique avec tolérance d'erreurs. La téléportation quantique joue aussi un rôle central.

Cryptographie quantique

Exemple de disposition d'un cryptosystème quantique
Pour l'article détaillé, voir Cryptographie quantique.

La cryptographie quantique, plus correctement nommée distribution quantique de clés, désigne un ensemble de protocoles permettant de distribuer une clé de cryptage secrète entre deux interlocuteurs distants, tout en assurant la sécurité de la transmission grâce aux lois de la physique quantique et de la théorie de l'information. Cette clé secrète peut ensuite être utilisée dans un algorithme de chiffrement symétrique, afin de chiffrer et déchiffrer des données confidentielles.

Voir aussi

Bibliographie

  • (en) M.A. Nielsen et Isaac Chuang, Quantum Computation and Quantum Information, Cambridge University Press, 2000.

Liens externes