Fassi Fihri

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Fassi Fihri (en arabe فاسي فهري) est un patronyme marocain, signifiant "Fihri de Fès". Ce patronyme se retrouve également sous la variante El Fassi (en arabe الفاسي) signifiant plus simplement "celui qui habite Fès".

Ces variantes s'appliquent à une même famille arabo-andalouse, dont les origines remontent au clan Qurayshite des Banu Fihr[1] dans l’Arabie antéislamique.

Histoire[modifier | modifier le code]

Au cours de l'histoire, cette famille fut principalement identifiée sous le nom de Fihrides (ou encore Fihrites) mais aussi "Banu Fihr", "Oqbids" ou encore "Banu al-jad" (dans ce dernier cas, en référence à l'aïeul commun avec le prophète Mahomet, Kaâb Ibn Manaf)[1]

Origine : Arabie antéislamique[modifier | modifier le code]

Les Fihri sont les membres et descendants du clan Quraychite des Banu Fihr.[2]. Le nom de ce clan provient du nom de l'aïeul fondateur de la tribu : Fihr surnommé Quraysh (en arabe : qurayš : قريش : « petit requin »).

Le clan des Banu Fihr serait issu d'une alliance ("Hilf") entre plusieurs clans quraychites : les Banu 'Amir ibn Fihr, les Banu Ma'is, les Banu Taim et les Banu Muharib. Cette alliance aurait ainsi permis à ces trois derniers clans d'avoir le privilège de rejoindre les Banu 'Amir ibn Fihr à l'intérieur de La Mecque et de s'installer aux abords mêmes de la Kaaba (acquérant ainsi le statut de Quraych al-Bataʿih")[3]

Arrivée au Maghreb au VIIe siècle[modifier | modifier le code]

Un ancêtre[1] a marqué l'histoire de cette famille : En 670 ap. J.C., le général arabe Oqba ibn Nafii al Fihri, membre du clan Qurayshite des Banu Fihr[4], est envoyé par le premier calife omeyyade, Muawiya Ier, conquérir l'Afrique du Nord[5].

C'est à la suite d'Oqba Ibn Nafi que son clan s'installe à Kairouan, avant, pour certains, de participer à l'invasion de l'Andalousie (comme c'est le cas pour Abu Obeida ibn Oqba al-Fihri, fils de Oqba) et de jouer un rôle capital dans l'organisation de la migration arabe en direction de l'Espagne[6].

Les Fihrides bénéficiaient alors d'un double prestige lié à la fois à leur lignée quraychite et à l’héroïsme de leurs ancêtres, ce qui leur permit d'occuper une place de premier plan en Ifriqiya et à Al-Andalus jusqu'à la fin du 8e siècle[7]. Ils incarnaient notamment l'esprit du corps des Jund, cette classe de militaires arabes partisans de l'expansion militaire continue[8]. Ils participèrent ainsi à la Bataille des Nobles en 740, au cours de laquelle le fleuron de l'aristocratie arabe de Kairouan est massacré (dont leur général Khalid ibn Abi Habib al-Fihri)[6].

Ifriqiya et Al-Andalus du VIIIe siècle[modifier | modifier le code]

Après la Grande révolte berbère de 740-743, l'ouest de l'empire arabe tombe dans l'anarchie. Le califat omeyyade de Damas, faisant face à des révoltes en Perse, n'avait pas les ressources suffisantes pour rétablir son autorité dans les provinces d'Ifriqiya et d'Al-Andalus. Profitant de ce vide de pouvoir, les Fihrides prirent le pouvoir : Abd al-Rahman ibn Habib al-Fihri en Ifriqyia (745-755) puis, aidé par ce dernier, Yusuf ibn 'Abd al-Rahman al-Fihri à Al-Andalus (747-755). Ils gouvernèrent ces régions comme des royaumes familiaux, dans une indépendance de fait par rapport au califat omeyyade.

Accueillant avec satisfaction la chute du califat omeyyade en 749-750, les Fihrides tentèrent de trouver un accord avec le nouveau califat abbasside afin de conserver leur autonomie en Ifriqyia et à al-Andalus. Face à l’intransigeance du califat Abbaside qui exigeait une complète soumission de ces régions à leur pouvoir direct, les Fihrides rompirent tout lien avec le califat. Par une décision qui s'avérera fatale, Abd al-Rahman ibn Habib al-Fihri, maître de fait de l'Ifriqyia, offrit l'asile aux princes omeyyade alors traqués par le nouveau califat abbasside. Ces réfugiés ne tardèrent pas à s'impliquer dans les diverses conspirations de l’aristocratie Kairouanaise, jalouse du pouvoir autocratique d'Abd al-Rahman ibn Habib. Parmi ces réfugiés se trouvait notamment le jeune Abd ar-Rahman ibn Mu`āwîya ibn Hichām ibn `Abd al-Malik, qui déposera plus tard Yusuf ibn 'Abd al-Rahman al-Fihri à Al-Andalus et érigera l'Émirat omeyyade de Cordoue en 756. Alors que la branche andalouse est ainsi évincée, la branche africaine des Fihrides entra en 755 dans une guerre fratricide sanglante, et fut évincée à son tour en 757-758 à la suite de la révolte berbère h karijite.

Cependant le nom al-Fihri continua d'exercer une grande influence en Andalousie, et des prétendants au pouvoir issus de cette famille continuèrent à défier l'autorité des Omeyyades jusqu'à la fin du VIIIe siècle. Il en est ainsi d'Abd al-Rahman ibn Habib al-Fihri, dit 'al-Saqaliba' (fils de Habib ibn Abd al-Rahman), allié au rebelle berbère Abu Ha'tem, qui mène la révolte ibère de 778-779. De même Muhammad ibn Yusuf al-Fihri (fils de Yusuf ibn 'Abd al-Rahman), mène la révolte ibère de 785. De plus, les Fihrides restèrent réputés pendant près de quatre siècles pour leur haut rang, leur savoir et leur fortune dans des villes comme Niebla, Séville, Grenade et Malaga, comme le rapportent de nombreux historiens andalous dont Ibn Khaldoun ou Ibn el Abbar.

IXe siècle : mosquée el-Qaraouiyyîn et mosquée des Andalous à Fès[modifier | modifier le code]

C'est de cette même famille que seront plus tard issues Fatima el Fihria et sa sœur Meryem al-Fihriya, filles d'un riche marchand, Mohamed al-Fihri, qui leur laissa à sa mort un héritage colossale.

En 859, Fatima el Fihria, passée à la postérité sous le nom d'Oum al Banine (La mère des deux fils), finance et lance la construction de la l'université el-Qaraouiyyîn de Fès, reconnue comme étant la plus ancienne université encore en activité[9].

Sa soeur, Meryem al-Fihriya, est quant à elle à l'origine de la construction à Fès de la Mosquée des Andalous.

XVe siècle : Reconquista et installation au Maroc[modifier | modifier le code]

Vers 1476, et à la suite de la conquête progressive de l'Andalousie par les armées espagnoles, deux frères issus de cette famille, Abd-er-Rahmane et Ahmed ben Abd-el-Malek, quittèrent Malaga pour s'installer à Fès[1]. Surnommés "Chemaa" à Fès en raison de leur implication dans le commerce de cire, les deux frères auraient succombé en 1474 des suites d'une peste qui ravageait la ville de Fès, laissant un descendant, fils de Abd-er-Rahmane, appelé Abou-l-Hajjaj Youssef[1]. Pour des raisons commerciales, ce dernier effectuait des allers retours incessants entre Fès et Ksar el Kebir (qui était alors la capitale florissante du Habt) où il trouva la mort en 1515, ce qui valu à lui et ses descendants le nom de Fassi-Fihri ou dEl Fassi, tandis que les branches résidant à Fès furent corrélativement connues sous le nom dEl Qasri[1]

C'est à Ksar el Kebir que naquit en 1530 son petit-fils, Abou-l-Mahassin Youssef, grand savant et mystique, relégué au rang de Qotb par ses contemporains[1]. Disciple de Sidi Abd-er-Rahmane Medjoub à Ksar Kebir, il s'établit à Fès où il enseigna le soufisme à la Qaraouiyin et fonda la Zaouïa des Fassiyin d'obédience Chadiliya[1].

Mort en 1604, Abou-l-Mahassin laissa derrière lui trois fils : Ahmed, Larbi (auteur de plusieurs ouvrages dont le célèbre Mir'at al-Mahassin) et Ali el-Fassi lesquels laissèrent à leur tour une importante lignée.

Abd-el-Qadir ben Ali el-Fassi, né en 1599, est un grand traditionniste, enseignant à la Qaraouiyine et chef de la zaouïa des Fassiyin.

Abd-er-Rahman el Fassi, fils de Abd-el-Qadir ben Ali el Fassi, est un intellectuel et écrivain, surnommé "le Soyouti de son siècle" pour l'importance de ses œuvres qui embrassent des domaines aussi variés que la théologie, la jurisprudence, la médecine, l'astronomie, les belles lettres et dont la plus connue est "Ibtihaj al-Qoloub".

Enfin Mhammed el Fassi, autre fils de Abd-el-Qadir ben Ali el Fassi, est un érudit versé, entre autres disciplines, en jurisprudence, en musique et en littérature. Il est considéré comme l'aïeul direct de la famille marocaine des Fassi Fihri[1].

Au Maroc, les membres de cette famille sont proches de l’État depuis le XVIIIe siècle et le règne de Moulay Ismaïl (qui nomme deux frères et un cousin à des postes clé de la hiérarchie administrative) et le restent pendant les siècles qui suivent, plusieurs personnalités issues de cette famille ayant exercé de hautes responsabilités dans l'histoire du pays (grands vizirs, nationalistes, ministres, patrons d'entreprises publiques, oulémas...). La famille Fassi-Fihri reste considérée, aujourd’hui encore, comme une des familles les plus influentes du Royaume[10].

Liste des personnalités issues de cette famille[modifier | modifier le code]

Personnages historiques[modifier | modifier le code]

La liste suivante est partielle[1],[11],[12].

Ministres et nationalistes[modifier | modifier le code]

Hauts fonctionnaires[modifier | modifier le code]

Diplomates[modifier | modifier le code]

Magistrats[modifier | modifier le code]

Chefs d'entreprise[modifier | modifier le code]

Théologiens, hommes de sciences, de lettres et universitaires[modifier | modifier le code]

  • Abou-l-Mahassin Youssef, né en 1530, grand savant et mystique, il enseigna le soufisme à la Qaraouiyin et fonda la Zaouïa des Fassiyin d'obédience Chadiliya.
  • Larbi el-Fassi, fils du Cheikh Abou-l-Mahassin, auteur de plusieurs ouvrages dont le célèbre Mir'at al-Mahassin.
  • Abd-el-Qadir ben Ali el-Fassi, né en 1599 et petit-fils du Cheikh Abou-l-Mahassin, grand traditionniste, enseignant à la Qaraouiyine, chef de la zaouïa des Fassiyin.
  • Abd-er-Rahman el Fassi, fils de Abd-el-Qadir ben Ali el Fassi, intellectuel et écrivain dans le domaine de la théologie, de la jurisprudence, de la médecine, de l'astronomie, et des belles lettres et dont la plus connue est "Ibtihaj al-Qoloub".
  • Mhammed el Fassi, fils de Abd-el-Qadir ben Ali el Fassi, érudit versé entre autres disciplines en jurisprudence, en musique ou en littérature. Il est considéré comme l'aïeul direct de la famille marocaine des Fassi Fihri.
  • Abdelouahed El Fassi était un ouléma du XXe siècle.
  • Abdeslam El Fassi était un universitaire et alem du Maroc, Ministre de l’Éducation.
  • Mohamed Fassi Fihri, médecin spécialisé en médecine anti-âge et ancien professeur de medecine integrative en Australie. Fondateur du Centre Medical Australien et président du College national de medecine regenerative et anti-age.
  • Abdelkader Fassi Fehri, linguiste et expert international, enseignant-chercheur en linguistique est président de l'Association Linguistique au Maroc.

Sportifs[modifier | modifier le code]

Autres[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a b c d e f g h i et j Mouna Hachim, Dictionnaire des noms de famille marocains, Casablanca, Le Fennec, , 584 p.
  2. (en) Hugh Kennedy, The Great Arab Conquests : How the Spread of Islam Changed the World We Live In, Orion, , 448 p. (ISBN 978-0-297-86559-9, lire en ligne)
  3. (en) Mahmood Ibrahim, Merchant Capital and Islam, University of Texas Press, , 256 p. (ISBN 978-0-292-76772-0, lire en ligne)
  4. (en) Hugh Kennedy, The Great Arab Conquests : How the Spread of Islam Changed the World We Live In, Orion, , 448 p. (ISBN 978-0-297-86559-9, lire en ligne)
  5. (en) Barnaby Rogerson, North Africa, Gerald Duckworth & Co, (ISBN 978-0-7156-4415-7, lire en ligne), p. 115
  6. a et b Rogerson, Barnaby., North Africa., Gerald Duckworth & Co, (ISBN 978-0-7156-4415-7, OCLC 910968594, lire en ligne)
  7. Mouna Hachim, Dictionnaire des noms de famille marocains, Casablanca, Le Fennec, , 584 p.
  8. Rogerson, Barnaby., North Africa., Gerald Duckworth & Co, (ISBN 978-0-7156-4415-7 et 0-7156-4415-7, OCLC 910968594, lire en ligne)
  9. The Guinness Book Of Records, Published 1998, (ISBN 0-553-57895-2), p. 242
  10. « Le clan El-Fassi », sur lexpress.fr
  11. Nagendra Kr. Singh, International encyclopaedia of islamic dynasties, éd. Anmol Publications, New Delhi, 2000, p. 1006
  12. Ibn Khaldoun, Histoire des Berbères, traduction de William Mac Guckin de Slane, éd. Berti, Alger, 2003

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Article connexe[modifier | modifier le code]