Bataille de Kenge

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Bataille de Kenge

Informations générales
Date -
Lieu Kenge, République démocratique du Congo
Issue Victoire de l'Alliance
Belligérants
Drapeau du Zaïre Zaïre
UNITA
Drapeau de la république démocratique du Congo AFDL
Drapeau du Rwanda Rwanda
Drapeau de l'Angola Angola[1]
Commandants
Tendayo Kosso Remy
Lisika « Lammy »
James Kabarebe
Forces en présence
Drapeau du Zaïre 3 000 hommes
500-3 000 hommes
Drapeau de la république démocratique du Congo 3 000 hommes
Drapeau du Rwanda 600 hommes
Drapeau de l'Angola 2 000-3 000 hommes
Pertes

200 civils tués[2]

Coordonnées 4° 51′ sud, 16° 59′ est
Géolocalisation sur la carte : République démocratique du Congo
(Voir situation sur carte : République démocratique du Congo)
Bataille de Kenge

La bataille de Kenge a eu lieu en lors de la première guerre du Congo. Les rebelles de l'Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo (AFDL) soutenus par l'armée patriotique rwandaise (APR) attaquent les défenses des forces armées zaïroises (FAZ) fidèles au président Mobutu Sese Seko, soutenues par la guérilla angolaise UNITA. La bataille est marquée par une forte résistance des FAZ face aux troupes de Laurent-Désiré Kabila, nécessitant l'intervention de forces régulières angolaises pour que l'obstacle soit franchi.

Situation[modifier | modifier le code]

Carte de la République démocratique du Congo. L'AFDL contrôle Kisangani, Goma et Kindu à l'est et Lubumbashi, Tshikapa et Kikwit au sud. Les FAZ contrôlent Gbadolite et Mbandanka au nord et Kenge, Kinshasa et Matadi à l'ouest.
La situation au Zaïre fin avril 1997. L'AFDL est maître de l'est du pays, du Haut-Zaïre au Shaba. Un corps expéditionnaire angolais vient de prendre Tshikapa et Kikwit (). La dernière étape avant Kisangani est Kenge.

En avril 1997, la rébellion de Kabila, partie fin 1996 du Kivu, a pris le contrôle de la majeure partie du Zaïre. La seconde ville du pays, Lubumbashi a été prise au début du mois. Seule Kinshasa, la capitale zaïroise, ainsi que Gbadolite et Matadi, sont encore contrôlées par Mobutu.

Située à environ 230 km de Kinshasa, la ville de Kenge, dans la province du Bandundu, est un point stratégique sur la route vers Kinshasa. La région est vallonnée, la route étroite rend compliqué tout débordement de véhicules et Kenge est située entre les rivières Wamba et Bakali[3],[4].

À la fin du mois d', un corps expéditionnaire angolais franchit la frontière. Remontant vers le nord, il prend Tshikapa le et Kikwit[5] le ou le . Les troupes venues d'Angola et les Rwando-Congolais venus de l'est partent ensuite de cette dernière ville vers Kenge[6],[7], d'où s'enfuient les unités gouvernementales le [8]. Mais les forces loyales à Mobutu décident de regrouper de nombreuses unités pour défendre la ville[9].

Pour le chef de l'armée zaïroise, le général Mahele, tenir la route de Kinshasa permettrait de négocier une transition pacifique entre le régime de Mobutu et Kabila[4]. De son côté, l'UNITA, guérilla angolaise dirigée par Jonas Savimbi, possède de nombreuses installations au Zaïre et va s'impliquer fortement pour défendre ces bases arrières[10].

Forces zaïroises[modifier | modifier le code]

Photographie de groupes de soldats de la garde civile.
Les soldats de la garde civile zaïroise (ici en 1985) participeront à la bataille, nombre d'entre eux venant d'être recrutés à Kinshasa.

Les forces pro-Mobutu sont constituées d'environ 3 000 militaires de la Division spéciale présidentielle (DSP)[3], de soldats de la garde civile — dont des jeunes Kinois recrutés pour une centaine de dollars chacun[11] — encadrés par le service d'action et de renseignement militaire, de 500[12] à 3 000 combattants de l'UNITA[13] et d'anciens des forces armées rwandaises (FAR) hutues[14]. Les troupes de la DSP sont commandées par les colonels Tendayo et Lisika[15]. Le capitaine Ilunga Kampete commande un escadron de chars Type 59[16].

Rebelles[modifier | modifier le code]

Les troupes rebelles sont commandées par James Kabarebe, un officier de l'APR[17]. Les quelque 3 000 rebelles de l'AFDL auraient été soutenus par 600 militaires de l'APR[18]. De très nombreux enfants-soldats, les kadogos, ont été recrutés par l'Alliance[19]. Les troupes rebelles comptent également des militaires angolais d'origine katangaise, les Tigres, commandés par Vindicien Kinyata[12]. Pendant la bataille, l'armée angolaise, qui jusque-là apportait surtout un soutien logistique, déploiera pour la première fois 2 000 à 3 000 soldats non katangais[13],[5].

Premiers combats[modifier | modifier le code]

Carte montrant d'ouest en est les rivières Kwango et Wamba, Kenge et la rivière Bakali, traversées par la RN1.
Situation de Kenge entre les rivières Kwango, Wamba et Bakali. La route nationale 1 (trait épais rouge), allant de Kikwit à Kinshasa, passe par Kenge.

Le , les soldats de la DSP se font passer pour des rebelles à leur arrivée pour tester la fidélité des habitants. Des civils sont en conséquence exécutés pour traîtrise à l'ouest de Kenge et à Kenge même[14].

Après avoir atteint Kenge, les rebelles tentent le de franchir la rivière Kwango mais leurs avant-gardes sont repoussées par un bataillon zaïrois[7], renforcé par les blindés de la DSP[16] et une compagnie de l'UNITA. Les enfants soldats, envoyés en première ligne, subissent de lourdes pertes face aux orgues de Staline de la DSP[14], des témoignages faisant état de plusieurs douzaines de kadogos tués[20]. Une contre-attaque zaïroise vers Kenge est par la suite repoussée par l'Alliance[7]. Le au matin, les pro-Mobutu tentent de reprendre la ville. Après plusieurs heures de combats, les Zaïrois se replient hors de la ville, ayant infligé de lourdes pertes aux rebelles, tandis que de nombreux civils ont été tués[3].

Stabilisation du front puis contournements[modifier | modifier le code]

Le et le , le front se stabilise sur la Wamba, à l'ouest de la Kwango[21]. Les combats reprennent le [22] et les combats se poursuivent sur la route vers Kinshasa[23]. L'UNITA et les FAZ repoussés jusqu'au village de Bankana (à mi-chemin entre Kenge et Kinshasa) contre-attaquent et les troupes de Kabila reculent sur la rive est de la Kwango[24].

Le , bien que le pont sur la Bombo quelques dizaines de kilomètres plus loin ait été détruit, 500 rebelles traversent à gué en amont et prennent à revers les Zaïrois[25],[26]. Selon François Soudan, le général Mahele, sachant la défaite des mobutistes inéluctable, aurait donné aux rebelles le plan des positions de la DSP[27].

Les combattants de l'UNITA, qui auraient également été attaqués par des troupes mutinées des FAZ, se replient en Angola[28], après avoir rapatrié leur équipement civil et militaire présent au Zaïre[10].

« In Zaire, we had hospitals, equipment, and personnel. We had to get everything out. So we fought at Kenge, 70 km from Kinshasa. We stopped [Kabila's] progress for about one week, enough to remove everything. Then we left. There was nothing else to do anyway. Mobutu was sick and tired [...] His army had not will to fight. »

— Jonas Savimbi, chef de l'UNITA, interview, juillet 1999[10]

« Au Zaïre, nous avions des hôpitaux, de l'équipement et du personnel. Nous devions tout faire sortir. Donc nous avons combattu à Kenge, à 70 km [en fait 200 km] de Kinshasa. Nous avons stoppé la progression [de Kabila] pendant une semaine, assez pour tout retirer. Puis nous sommes partis. Il n'y avait plus rien à faire de toute façon. Mobutu était malade et fatigué. [...] Son armée n'avait aucune volonté de combattre. »

— interview, juillet 1999[10]

De nombreux civils sont tués et des femmes violées lors du repli des Zaïrois[14]. Les rebelles de l'AFDL sont également accusés d'exactions[3].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. (en) Thomas Turner, « Angola’s Role in the Congo War », dans John F. Clark, The African Stakes of the Congo War, Palgrave Macmillan, , 249 p. (ISBN 978-0-312-29550-9, DOI 10.1057/9781403982445), p. 82
  2. Projet Mapping (OHCHR), p. 153.
  3. a b c et d Jean Hatzfeld, « Rebelles et soldats zaïrois s'affrontent autour de Kenge. Au moins 250 tués, dont de nombreux civils », Libération,‎ (lire en ligne)
  4. a et b Jacques Isnard, « Aidés par des troupes angolaises, l'Alliance a fait sauter le « verrou » de Kenge », Le Monde, no 16268,‎ , p. 3 (lire en ligne)
  5. a et b Reyntjens 2009, p. 63.
  6. Reyntjens 2009, p. 64.
  7. a b et c Thom 1999.
  8. (en) Thomas Lippman (en), « Angolan armor joins drive Zaire, U.S. officials say », The New York Times,‎ (lire en ligne)
  9. Projet Mapping (OHCHR), p. 151.
  10. a b et c Prunier 2009, p. 136.
  11. Stearns 2012, p. 8. The dominoes fall.
  12. a et b Kennes 1998, p. 22.
  13. a et b (en) James C. McKinley Jr. (en), « Congo's Neighbors Played Crucial Role in Civil War », The New York Times,‎ , p. 1 (lire en ligne)
  14. a b c et d Projet Mapping (OHCHR), p. 152.
  15. « Congo-Kinshasa: Militaires ex-Faz exilés : l'odyssée, le mal du pays et la révolte », Le Potentiel,‎ (lire en ligne)
  16. a et b Jean-Jacques Wondo Omanyundu, « Portrait : Qui est Ilunga Kampete, le nouveau commandant de la Garde républicaine ? », sur desc-wondo.org,
  17. Human Rights Watch, « Qui est responsable : vers l’établissement des responsabilités », Rapport République Démocratique du Congo, vol. 9, no 2 (A) « Ce que Kabila dissimule : Massacres de civils et impunité au Congo »,‎ (lire en ligne)
  18. (en) John Pomfret , « Rwandans Led Revolt In Congo », The Washington Post,‎ , A1 (lire en ligne)
  19. Projet Mapping (OHCHR), p. 353.
  20. Stearns 2012, p. 10. This is how you fight.
  21. Frédéric Fritscher, « M. Kabila refuse de négocier la transition du pouvoir au Zaïre avec M Monsengwo », Le Monde, no 16264,‎ , p. 4 (lire en ligne)
  22. (en) Howard W. French, « Opposition Leaders Join Bandwagon as Zaire Rebels Tighten Noose on Capital », The New York Times,‎ (lire en ligne)
  23. Lynne Duke (en), « Kinshasa on Edge Between War and Peace », The Washington Post,‎ (lire en ligne)
  24. Frédéric Fritscher, « Kinshasa attend les redoutes et redoute les pillages de l'armée », Le Monde, no 16266,‎ , p. 2 (lire en ligne)
  25. Kennes 1998, p. 9.
  26. (en) John Pomfret , « In Congo, revange became rebellion », The Washington Post,‎ (lire en ligne)
  27. François Soudan, « RDC : l’histoire secrète de la chute de Mobutu », Jeune Afrique, nos 1910-1911,‎ , p. 20-27 (lire en ligne)
  28. Reyntjens 2009, p. 113.

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Erik Kennes, La guerre du Congo, , 28 p. (lire en ligne)
  • Rapport du Projet Mapping concernant les violations les plus graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire commises entre mars 1993 et juin 2003 sur le territoire de la République démocratique du Congo, (lire en ligne)
  • (en) Gérard Prunier, Africa’s world war. Congo, the Rwandan genocide, and the making of a continental catastrophe, Oxford/New York, Oxford University Press, , 529 p. (ISBN 978-0-19-537420-9)
  • (en) Filip Reyntjens, The Great African War Congo and Regional Geopolitics, 1996–2006, Cambridge, Cambridge University Press, , 327 p. (ISBN 978-0-521-11128-7, lire en ligne), « The fall of the Mobutist state »
  • (en) Jason Stearns, Dancing in the Glory of Monsters : The Collapse of the Congo and the Great War of Africa, PublicAffairs, , 416 p. (ISBN 978-1-61039-107-8, lire en ligne)
  • (en) William G. Thom, « Congo-Zaire's 1996-97 Civil War in the Context of Evolving Patterns of Military Conflict in Africa in the Era of Independence », Journal of Conflict Studies, vol. 19, no 2,‎ (ISSN 1715-5673, lire en ligne)